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Étiquette : Souvenir

ÉCOUCHÉ (Orne) 13 août 1944 – 13 août 2017

Nous étions une délégation de onze personnes, à Écouché ce dimanche 13 août 2017. Onze avec Mar y Luz Cariño-Lopez, Marie-José Cortés et leur sympathique amie, notre fidèle couple d’amis de Picardie : Emmanuelle et Didier.

Avant la cérémonie. Nous avons pris le temps d’une petite balade dans le beau village d’Écouché. Il se rattache au style normand, bien campé sur ses pierres solides, et ses maisons à colombages lesquelles, si elles sont peu nombreuses, sont admirables. Nous avons découvert l’église, ou plutôt les églises, car à la même place, il y en eu successivement trois de bâties, à travers les siècles.

Nous avons été chaleureusement accueillis, par les services de la mairie d’Écouché, notamment par Monsieur Laurent secrétaire de mairie et le président des anciens combattants, monsieur Busquet.

11H00 le monde se presse au cimetière. C’est à première vue une commémoration exceptionnelle qui sort des célébrations annuelles habituelles. Il y a foule, une forêt de drapeaux de régiments différents et notamment tous ceux qui ont composé, en leur temps, la si célèbre 2e Division Blindée du général Leclerc. Après l’intervention générale de Monsieur Bayard, président de l’association de l’Orne: «  Vive la résistance « , maitre de cérémonie de ce dimanche et venu d’Alençon pour l’occasion, il y eut le dépôt des gerbes, dont la nôtre. Puis la parole est à notre association. C’est Serge qui s’y colle. Avec comme discours, le témoignage délivré par Miguel Solé Pladellorens à son fils sur la bataille d’Écouché. Un moment plein d’émotion surtout, lorsque la voix s’étrangle à l’évocation de la mort de Constantino Pujol, qui s’éteint dans les bras de son ami Pedro Solé, le frère de Miguel. Serge souligne également la présence parmi nous de Mary y Luz Cariño-Lopez et de Marie-José Cortés, toutes deux filles de combattants de la Nueve. Cette lecture se termine sous les applaudissements, et beaucoup de personnes dans l’assistance viendront nous voir pour nous remercier de ce témoignage. Beaucoup ont appris ce que fut réellement le rôle des Espagnols antifascistes lors de notre intervention. Après diverses prises de paroles, dont l’évocation de la présence du 501e régiment de chars de combat (RCC) et le son des marches militaires, qui accompagnent généralement ces commémorations, nous sommes tous invités à nous rendre près du char Sherman Massaoua qui veille à l’entrée du village, au coin de l’avenue du Général Leclerc. il est surprenant de voir combien les heures de la Libération ont marqué cette cité, car beaucoup de noms de rue, de place portent des noms d’officiers de la 2e DB, en hommage à leur courage et à leur sacrifice. Avant de quitter le cimetière nous faisons une escapade, en petit comité, jusqu’à la chapelle Saint Michel, qui se trouve dans le cimetière. Elle contient à l’intérieur, une statue du Sacré-Cœur, payée par les Espagnols de la Nueve au curé Verger qui célébra la messe de la libération. Messe à laquelle assistèrent même nos anticléricaux espagnols (voir le récit qu’en a fait le capitaine Dronne et qui est reproduit au milieu des ruines de l’église au cœur de la ville). Enfin, nous nous dirigeons vers le Massaoua. Ce char appartenait à la 2e DB, il se plaça à l’entrée de la petite ville, et de cette position tira tout ce qu’il put. Tombé en panne, il resta sur place. Le maire de l’époque et le conseil municipal demandèrent alors aux armées la permission de le garder là. Il devint symbole de la Libération d’Écouché. Sur sa gauche, a été posée une plaque en l’honneur des Espagnols antifascistes de la Nueve qui ont tenu le siège du 13 au 18 août 1944, attendant des renforts. C’est dans la salle du vin d’honneur offert par la mairie, que toutes et tous ont pu se promener parmi les portraits des hommes de la Nueve, peints par Juan Chica-Ventura. Ils trônaient au mitan de la salle des fêtes ; face aux tables dressées et aux convives curieuses de graver ces visages et leur épopée dans leur mémoire. Notre association a pris encore une fois la parole, pour expliquer d’où venaient ces hommes, ce qu’ils avaient vécu avant d’arriver à Écouché, après : la libération de Paris, la campagne d’Alsace, l’arrivée au nid d’Aigle de Hitler et surtout leur déception de ne pas continuer pour déloger le dictateur qui sévissait sur leur terre natale, l’Espagne. Puis ce fut l’heure des échanges à propos des événements, des échanges de contact, avant d’aller nous restaurer tous ensemble. L’association a offert au président des anciens combattants et à Monsieur Bayard, un lot des cartes postales représentant les portraits peints par Juan, et nous nous sommes promis de garder contact pour d’autres évocations de ces réfugiés particuliers !

Le monument aux étrangers morts à Écouché pour la libération
Le monument aux étrangers morts à Écouché pour la libération
Moment solennel
Moment solennel
Un beau tee-shirt pour une poitrine Picarde
Un beau tee-shirt pour une poitrine Picarde
Notre groupe du 13 août 2017
Notre groupe du 13 août 2017
le groupe + un jeune normand espagnol
le groupe + un jeune normand espagnol
Installation de l'expo portraits
Installation de l’expo portraits
Le Sacré-choeur Libertaire
Le Sacré-choeur Libertaire
Plaque explicative Église
Plaque explicative Église
Plaque explicative Église 2
Plaque explicative Église 2

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jeudi 24 août 2017: Hommage à la Nueve et aux Étrangers antinazis

Jeudi 24 août 2017

Hommage aux Espagnols antifascistes de la Nueve et à tous les Étrangers engagés dans la lutte pour la liberté contre le nazisme

Un petit cadeau: Nous allons vivant, gémissant, oubliant, Oubliés, changeant de chemin, Il n’y a pas de coin sur terre, Sans qu’on entende nos soupirs, Réfugié, toi, l’étranger, Celui qui gêne le monde entier. (…) Juan Sanchez (directeur de la revue Recordatoria 36-39) exilé en France puis en Suède 17h15 devant le jardin des combattants de la Nueve, rue Lobau, métro Hôtel de ville :

  • Un hommage aux Espagnols antifascistes de la Nueve et leur rôle dans la libération de Paris, e paroles évoqueront leurs idéaux et la grande richesse humaine qu’ils apportent à notre société.
  • Diverses prises de paroles évoqueront le combat des Étrangers engagés dans la lutte pour la liberté contre le nazisme.

Venez participer à cette évocation particulière au cours de laquelle nous rendrons hommage à ces défenseurs de Paris, et partisans de la liberté, en présence des élus de Paris. Auparavant, à 15h15, l’association se joindra à la cérémonie organisée par la mairie de Paris et l’AAGEF-FFI, pour le dévoilement de la plaque en hommage à José Baron Carreño. Angle du boulevard Saint-Germain et de la rue Villersexel (Paris 7e).

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Dimanche 13 août à Écouché (Orne)

13 août 2017 À 10 heures 45 au cimetière. Nous serons cette année présents à cet hommage, avec:

  • une exposition de portraits des hommes de la Nueve (réalisés par Juan Chica-Ventura),
  • Un dépôt de gerbe en l’honneur de ces antifascistes espagnols dont 7 périrent dans cette bataille et de leurs compagnons de combat,
  • Quelques mots en leur mémoire.

Venez nous rejoindre !

Plan d'Écouché 1
Plan d’Écouché 1
Plan d'Écouché 2
Plan d’Écouché 2
Fermin Pujol devant la tombe de son frère Constantino
Fermin Pujol devant la tombe de son frère Constantino

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le 16 juin 2017 transfert des cendres de Francisco Boix au cimetière du Père Lachaise

Nous y étions ! Il y a désormais une tombe Francisco Boix (en catalan Francesc) au Père Lachaise.

Le livre qui paraît en français aux éditions de Territoires de mémoire (Liège, Belgique), « Le photographe de l’horreur, l’histoire de Francesc Boix et les photos volées aux SS à Mauthausen » est écrit par Benito Bermejo, historien que 24 août 1944 a déjà invité plusieurs fois à participer à des colloques ou hommages. Livre  dans l’enfer concentrationnaire, oeuvre de résistance, pour nous, pour vous, pour que nous sachions et n’oublions pas ce qui s’y passait.

 

Arrivée du cercueil recouvert du drapeau républicain espagnol
Arrivée du cercueil recouvert du drapeau républicain espagnol
Dans la tombe aux pétales de roses rouge
Dans la tombe aux pétales de roses rouge
Plaque commémorative triangulo azul
Plaque commémorative triangulo azul
Portrait de Francisco Boix
Portrait de Francisco Boix
Ramiro Santistaban ex déporté de Mauthausen( kommando Poschacher) et ex présient de la FEDIP, avec son épouse Nini et Anna Maria, nièce de Francisco Boix
Ramiro Santistaban ex déporté de Mauthausen( kommando Poschacher) et ex présient de la FEDIP, avec son épouse Nini et Anna Maria, nièce de Francisco Boix

INAUGURATION DEL JARDíN DE LA NUEVE

L’association 24 août est cordialement invitée à cet événement. Nous participerons dès le 19 avril à un débat sur les traces de l’exil sur les jeunes générations, puis nous prendrons la parole lors de l’inauguration du jardin. Nous avons également faciliter les contacts notamment avec le réalisateur Alberto Marquardt qui présentera son film La Nueve ou les oubliés de la victoire, en compagnie de Raül Monteagudo, auteur d’un roman : Cuando los republicanos liberaron Paris. le 21 avril.

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Armand GATTI vient de saluer une dernière fois

Nous avons l’immense tristesse d’apprendre le décès de notre compagnon Armand Gatti.

Sa voix sonne comme un écho de tant de rébellions.

Tant de souvenirs reviennent en mémoire. Sur ces photos, la première réunion, le 28 juin 2014, dans son bureau, lorsqu’il a accepté de nous accompagner dans l’aventure de la Nueve… Sur la deuxième photo, il est sur scène, chez lui, à la Parole errante, avec nous, saluant les personnes qui sont venues découvrir le montage théâtral des paroles des combattants de la Nueve… C’était le 24 août 2014.

Depuis, l’idée, l’envie ne le quittaient pas de remonter quelque chose sur sa «passion Durruti »*, comme il l’avait fait dans les années 70 sur l’exil, auquel Franco condamna la meilleure partie de son peuple**…

Fils d’Augusto Reiner Gatti, balayeur, et de Laetitia Luzano, femme de ménage, poète, auteur, dramaturge, metteur en scène, scénariste, réalisateur, résistant, évadé, journaliste, voyageur, infatigable humain « engagé à vie »… Gatti nous a quittés.
Il nous laisse un immense héritage, une vie de combats pour exemple.

L’association 24 août 1944 s’associe au deuil de ses proches et lui rend hommage en gravant son nom dans la mémoire de l’exil espagnol dont il fut le compagnon infatigable jusqu’à son dernier souffle.

* La colonne Durruti (1972)

** La Passion du Général Franco par les émigrés eux-mêmes (1976)

Moment de réflexion sur la mise en scène
Moment de réflexion sur la mise en scène
Le salut au monde 23 août 2014
Le salut au monde 23 août 2014
L'affiche du spectacle La Nueve
L’affiche du spectacle La Nueve
Armand Gatti et la mémoire historique
Armand Gatti et la mémoire historique
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une histoire de fraternité
une histoire de fraternité

Wilebaldo Solano ou la quête de vérité

Wilebaldo Solano, [[Wilebaldo Solano Alonso (1916-2010) Né à Burgos. Etudiant en médecine à Barcelone, il milite dès 1932 au Bloc ouvrier et paysan (BOC) de Joaquín Maurín, organisation qui s’alliera en 1935 avec la Gauche communiste d’Andreu Nin. Le processus aboutira à la création du POUM. Les affrontements en mai 1937 entre milices anarchistes et « poumistes » face aux communistes et aux socialistes vont être le point de départ d’une chasse aux militants du POUM. Emprisonné à Barcelone en 1938, Wilebaldo Solano, qui dirige l’organisation de jeunesse du parti (Jeunesse communiste ibérique), va être transféré, ainsi que plusieurs dirigeants du POUM, dans une prison de Cadaquès, près de la frontière française, au début 1939. Craignant d’être livrés aux franquistes au milieu de la retraite de l’armée républicaine, les poumistes décident de fausser compagnie à leurs gardiens. Par chance le commando de secours envoyé par leurs amis français du PSOP (Parti socialiste ouvrier et paysan) mené par Daniel Guérin (1904-1988) les retrouve dans les Pyrénées. Wilebaldo Solano et ses amis se retrouvent, après ces aventures périlleuses, à Paris où ils sont accueillis par l’oppositionnel communiste, Victor Serge (1890-1947), et le militant d’extrême gauche, Marceau Pivert (1895-1958). Après la répression stalinienne, les militants du POUM vont subir celle des autorités de Vichy. Avec, entre autres, Juan Andrade et Ignacio Iglesias, Wilebaldo Solano est arrêté à Montauban en février 1941. Considéré comme le principal responsable de l’organisation, il est condamné à vingt ans de travaux forcés pour « propagande politique d’inspiration étrangère » par un tribunal militaire. Emprisonné, il est libéré en 1944 de la centrale d’Eysses par les résistants des Forces françaises de l’intérieur. Il refuse de se joindre aux guérilleros espagnols communistes, dont il se méfie, et il s’engage dans le bataillon Libertad formé de résistants anarchistes. (http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2010/09/11/wilebaldo-solano-militant-revolutionnaire-espagnol) Élu secrétaire général du POUM en 1947, il gagne sa vie en travaillant à l’agence France Presse de 1953 à 1981. Il fonde Tribuna socialista en 1960. Il est un des fondateurs de la Fondation Andreu Nin.

https://bataillesocialiste.wordpress.com/solano-1916

J’ai raconté dans Autocritique comment j’avais occulté (apparemment effacée) ma culture politique d’adolescence, formée entre 1936 et 1939, en me convertissant au communisme en 1942, quand la guerre devint mondiale. Conversion qui me fit faire appel à la Ruse de la raison de Hegel, à la croyance que les vices de l’URSS stalinienne, que je connaissais tellement bien, du fait justement de ma culture adolescente, étaient les produits de l’arriération tsariste et de l’encerclement capitaliste, mais que la victoire du socialisme à l’échelle mondiale ferait épanouir un socialisme de liberté et de fraternité.

Le désenchantement qui suivit la victoire, la crétinisation culturelle imposée par le jdanovisme [[Jdanovisme : Doctrine de l’homme politique soviétique Jdanov. Andreï Aleksandrovitch Jdanov, 1896 – 1948, homme politique soviétique, proche collaborateur de Joseph Staline. Il a joué un grand rôle dans la politique culturelle de l’URSS. Responsable de l’idéologie du Parti communiste d’Union soviétique à la veille et au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En 1946-1947, se déclenche sous sa direction la persécution des écrivains, des compositeurs, des critiques de théâtre. Après-guerre, il impulse la création du Kominform, bureau d’information chargé secrètement d’affirmer la tutelle du « grand frère » soviétique sur les Partis communistes nationaux. (universalis.fr/encyclopedie.)]] le retour aux immondes procès de sorcières, effectués dans les démocraties populaires, tout cela provoqua en moi un écœurement tel que je ne repris pas ma carte du parti en 1948 ou 49, mais n’osai le dire, et il fallut attendre mon exclusion en 1951 pour que le divorce s’opère ouvertement. C’est alors que me revinrent les idées de mon adolescence, muries et complexifiées, et en même temps le remords de m’être tu alors que le parti calomniait les trotskystes, les libertaires, Camus [[Albert Camus (1913-1960) Écrivain, philosophe, romancier, dramaturge, essayiste et nouvelliste français. En marge des courants philosophiques, Camus s’oppose à l’existentialisme et au marxisme. En ce sens, il incarne une des plus hautes consciences morales du XXe siècle. Sa critique du totalitarisme soviétique lui vaut les anathèmes des communistes et de Jean-Paul Sartre. Albert Camus entretient des liens étroits avec les libertaires espagnols exilés en France et organise des meetings pour soutenir leur cause. .babelio.com/auteur/Albert-Camus/2615.)]], les surréalistes [[Artistes adeptes du surréalisme. Mouvement intellectuel, littéraire et artistique, ébauché vers 1919 à la suite du romantisme et du dadaïsme, défini par André Breton en 1924, et principalement caractérisé par le refus de toute considération logique, esthétique ou morale. Prépondérance du hasard, de l’inconscient en recourant à des moyens nouveaux : sommeil hypnotique, exploration du rêve, écriture automatique, associations de mots spontanées, rapprochements inattendus d’images, etc. Les surréalistes étaient d’obédience révolutionnaire, peu enclins au centralisme ni à la dictature même celle du prolétariat. (cnrtl.fr/definition/surrealisme)]]. Même au Parti, je n’avais pas cessé de rencontrer amicalement Jean René Chauvin [[Jean-René Chauvin (1918-2011). Militant du Parti ouvrier internationaliste (trotskiste), arrêté, le 15 février 1943, aux abords de la Gare du Nord à Paris par la police française. De la rue des Saussaies, il est transféré à Fresnes puis à Compiègne. Il est déporté à Mauthausen puis dans le kommando du Ljubelj-pass et enfin à Auschwitz et au kommando de la mine de Jawischowitz, première marche de la mort vers Buchenwald. La seconde le mène vers Leitmeritz où il est libéré par les Soviétiques le 8 mai 1945. À son retour des camps, il sera journaliste, spécialisé dans le domaine des affaires sociales, et toujours militant révolutionnaire. Il portait tatoué sur son avant-bras droit le matricule 201627. (éditions Syllepse, Patrick Le Tréhondat et Patrick Silberstein.)]] admirable militant trotskiste dont je parlerai, May Piqueray, [[Marie-Jeanne (dite May) Picqueray, (1898-1983) Militante anarchiste, anarcho-syndicaliste et antimilitariste, elle rencontre Rocker, Souchy, Berkman et Emma Goldman. À Paris durant la guerre d’Espagne, elle travaille avec une association de Quakers en aide aux réfugiés et aux enfants espagnols. En 1940, à Toulouse, elle vient en aide aux réfugiés internés dans les camps du sud de la France et en particulier celui du Vernet d’Ariège où elle parvient à faire évader plusieurs personnes. De retour à Paris, elle fabrique des faux-papiers pour les réseaux de résistants. À la Libération, elle reprend son métier et milite dans le Syndicat des correcteurs. Elle soutient l’action de Louis Lecoin en faveur des objecteurs et insoumis au service militaire. En 1974, elle crée le journal Le Réfractaire qu’elle publiera jusqu’à sa mort.]] la sublime libertaire, Pierre Naville [[Pierre Naville (1904-1993) Écrivain, homme politique et sociologue français. Surréaliste de 1924 à 1926, membre du Parti communiste français jusqu’en 1928, puis trotskiste avant de rejoindre le PSU, il a mené en parallèle de son engagement politique une carrière de sociologue du travail. (babelio.com/auteur/Pierre-Naville/189123)]], méta-trotskiste. Mais désormais j’allais avec bonheur à la rencontre des maudits du stalinisme, les continuateurs de la gauche prolétarienne (d’avant la revue maoïste du même nom), les anciens communistes devenus anticommunistes, Manès Sperber [[Sperber Manès (1905-1984), Écrivain de nationalité française d’origine autrichienne. Manès Sperber fut tout au long de son existence un intellectuel engagé. Exilé à Vienne durant la Première Guerre mondiale, Juif non pratiquant, il fut militant communiste avant de prendre dès 1937 ses distances avec cette idéologie. Psychologue, romancier, essayiste, il enseigna la psychologie individuelle et sociale à Berlin puis s’installa à Paris où il intègre les éditions Calmann-Lévy. Grande voix de la démocratie contre le totalitarisme et témoin de son temps. (iesr.ephe.sorbonne.fr/index3169.html)]], Jean-Daniel Martinet [[Jean-Daniel Martinet (1913-1976) était le fils de l’écrivain et poète Marcel Martinet, l’auteur des Temps maudits et de Culture prolétarienne qui fut toute sa vie fidèle à une certaine idée du syndicalisme révolutionnaire. Après un accident de tramway, à l’origine de l’amputation d’un pied, Jean-Daniel se tourna vers la médecine et la chirurgie. Médecin de profession, il collabora, comme son père l’avait fait dans l’entre-deux guerres, à la revue syndicaliste de Pierre Monatte, La Révolution prolétarienne. En compagnie de Camus, il participa aux Groupes de liaison internationale (GLI) en 1949-1950. Il fut aussi l’animateur du Cercle Zimmerwald (décembre 1951-février 1961), en référence à la Conférence socialiste internationale tenue dans cette petite ville suisse en septembre 1915. Comme son nom l’indiquait, ce Cercle voulait revenir à l’esprit internationaliste du mouvement ouvrier qui avait refusé l’Union sacrée durant la Première Guerre mondiale dans le contexte de la « guerre froide » et de l’opposition entre les blocs. Martinet sera également l’un des signataires du fameux « manifeste des 121 » pour le droit à l’insoumission durant la guerre d’Algérie (septembre 1960). (acontretemps.org)]], Pierre Lochak [[Pierre Lochak, (1906-1998) Né en Bessarabie alors russe puis à partir du désengagement du gouvernement soviétique en 1917 dans la 1ère Guerre mondiale, il devient roumain. « Fuyant la dictature anticommuniste et antisémite du régime roumain », Pierre Lochak arrive en France, où résident déjà deux de ses frères aînés, en 1925. Boris, l’aîné, est arrivé en France en 1919, il a fait venir successivement Zima, en 1920, puis Pierre et un autre frère, Niama (qui se suicidera en 1933) en 1925. Il s’inscrit à la Faculté de droit de Toulouse où il obtiendra trois ans plus tard sa licence. A la fin de ses études il est embauché à la Société Générale et s’installe à Paris en juillet 1928. Plus tard, vers 1935, il s’installera comme conseil juridique. Pendant la guerre il gagne sa vie en exerçant cette profession (ceci transparaît dans ses courriers à François Bondy). Parallèlement, il milite au parti communiste au sein duquel il s’oppose à la tendance stalinienne des dirigeants. Il fait partie de la mouvance dissidente de la revue « Que faire ? » (voir doc) (dont le membre le plus connu est André Ferrat, ancien membre du Bureau Politique. voir Doc.). C’est là aussi qu’il fait la connaissance de François Bondy. Il quitte définitivement le parti en 1936 tout en continuant à militer pendant un temps dans des groupes d’extrême-gauche (à vérifier) avant d’adhérer à la SFIO. Sous la IVe République il s’opposera à Guy Mollet dans sa politique algérienne puis son ralliement à De Gaulle en 1958. Il quitte alors la SFIO et après un bref passage par le PSA ne sera plus membre d’aucun parti. Danièle Locha, le 05/09/2016).]], François Bondy (voir article joint) [[François Bondy, (1915 – 2003) Journaliste et auteur suisse. Intellectuel européen, il écrivait en allemand, français et italien. Il est devenu, à dix-neuf ans, rédacteur dans un journal financier à Paris. Après un séjour de quelques mois dans un camp de concentration français dans les Pyrénées, Bondy est retourné en Suisse en 1940 où il est devenu rédacteur littéraire et politique dans l’hebdomadaire de langue allemande Die Weltwoche. En 1949, il collabore à la revue Der Monat de Berlin. En 1950 il s’associa au Congrès pour la liberté de la culture. En mars, il fonde à Paris, la revue Preuves dont il resta le directeur jusqu’en 1969. Depuis 1970, Bondy a habité Zurich où il fut codirecteur de la revue mensuelle Schweizer Monatshefte. François Bondy est l’auteur et le coauteur de plusieurs ouvrages littéraires.]], les toujours libertaires comme Luis Mercier Vega [[Luis ou Louis Mercier Vega, de son vrai nom Charles Cortvrint (1914-1977) Anarchiste belge. Dès son adolescence, il écrit dans Le Libertaire sous le nom de Charles Ridel. Il appartient à L’Union Anarchiste (UA) dans la tendance communisme libertaire. Pour lui, « l’anarchisme n’est pas un système philosophique mais se situe dans l’espace et dans le temps. Il est un socialisme, un secteur du mouvement ouvrier» (le Libertaire, 4 novembre 1937). En juillet 1936, à l’annonce de la révolution espagnole, il part en Espagne. En août 1936 à Pina del Ebro, Mercier fut parmi les fondateurs du Groupe international de la colonne Durutti, « légion internationale des sans-patrie qui sont venus se battre dans la péninsule pour l’ordre ouvrier et révolutionnaire » (cf. le Libertaire, 21 août 1936) que Simone Weil vint rejoindre comme milicienne. Il reste en Espagne jusqu’à la militarisation des milices. Il quitte l’UA sur des divergences d’appréciation des événements espagnols, après le congrès de Paris (30-31 octobre-1er novembre 1937). Il stigmatise à la tribune le divorce entre la base et la direction de la CNT-FAI en mai 1937 et l’intervention des ministres anarchistes empêchant les milices de descendre sur Barcelone pendant les combats entre libertaires et staliniens. Sous différents pseudonymes, il écrit dans plusieurs revues révolutionnaires, contre les « anarchistes de gouvernement », leur compromission avec la « démocratie bourgeoise », et leurs reniements. Juin 1940, il est en Suisse, puis Marseille, Buenos-Aires, Le Chili, le Congo où il s’engage dans les Forces Françaises Libres. À Beyrouth, Il est affecté à Radio Levant (de la France libre) jusqu’à la fin de la guerre. Octobre 1945, il devient rédacteur au Dauphiné libéré (Grenoble). Il collabore sous divers pseudonymes (L’itinérant, Damashki) à la Révolution prolétarienne à partir de 1949 et milite à l’Union des syndicalistes, au bulletin Le trait d’union syndicaliste (1952-1953) puis Le trait d’union des syndicalistes (Paris, 1954) et en 1953-55 à L’Alliance ouvrière (Grenoble), de 1966 à 1972 il est directeur de Aportes. Il donne des conférences dans les cercles ouvriers sur la condition et les revendications ouvrières. Il crée avec notamment Helmut Rüdiger et Albert De Jong, en 1958 la Commission internationale de liaison ouvrière (CILO). En 1970, il publie L’increvable anarchisme dans lequel il s’interroge sur l’actualité de l’anarchisme et les formes de résurgence de l’utopie libertaire dans les sociétés contemporaines de l’insurrection hongroise de 1956 au mouvement de mai 1968. Il crée Interrogations, revue internationale de recherches anarchistes, dont le premier numéro parut en décembre 1974 avec cette déclaration préliminaire : « L’anarchisme ne peut plus se contenter de répéter ce qui fut vrai hier. Il doit inventer ce qui correspond à sa mission d’aujourd’hui. » Il met fin à ses jours le 20 novembre 1977 à Collioure (Pyrénées-Orientales). (militants-anarchistes.info)]], les grands :André Breton [[André Breton,(1886-1966). La vie de Breton se confond pratiquement avec celle du mouvement littéraire: le surréalisme. Breton rencontre successivement Jacques Vaché (1916) puis Apollinaire. Il fonde avec Louis Aragon et Philippe Soupault la revue Littérature, et y publie (en collaboration avec Soupault) le premier texte surréaliste, Les Champs magnétiques. De 1919 à 1921, il participe au mouvement Dada, et étudie l’«automatisme psychique». En 1924 paraît le premier Manifeste du surréalisme. Breton et ses amis fondent en même temps un « Bureau de recherches surréalistes » et une revue appelée La Révolution surréaliste. En 1930 paraît le Second Manifeste. Breton définit ainsi le terme « surréalisme » : «Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer soit verbalement, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée… ». Breton est la figure de proue du mouvement. Jusqu’à sa mort, Breton incarne l’« orthodoxie » surréaliste avec une fougue et une passion qui lui sont propres. Entre-temps il a su donner à son mouvement une ampleur quasi mondiale, tout en le dégageant des équivoques de l’engagement politique (le poète, en 1935, met fin à son « idylle » avec le parti communiste français et s’oriente vers une pensée libertaire). (Extrait du Nouveau dictionnaire des auteurs, Laffont, 1994.) Après-guerre il est dans les intellectuels qui soutiennent les libertaires espagnols contre Franco et participe à plusieurs meeting en ce sens à Paris, notamment salle Wagram.]], Benjamin Peret [[Benjamin Péret (1899-1959). Contraint de s’engager en 1917 dans les cuirassiers, il part dans les Balkans et est rapatrié en 1919 en Lorraine. En 1920, à Paris il rencontre Breton, Aragon, Éluard. Lors du « procès Barrès » organisé par le groupe de Littérature, Péret incarne le soldat inconnu qui vient témoigner — en allemand — contre Barrès ; il exprime alors son hostilité à l’armée et à l’Église et affirme son engagement révolutionnaire : il restera jusqu’à la fin fidèle à ces positions. Il adhère au Parti communiste français, mais il en sort plus vite que d’autres. Il part au Brésil avec la cantatrice Elsie Houston, son épouse, et il y est incarcéré, avant d’être expulsé en 1931 à cause de ses activités politiques. Il organise en 1935 une exposition surréaliste aux Canaries avec Breton. Il part en Espagne au moment du putsch militaire de Franco, délégué en Catalogne du Parti ouvrier internationaliste. Il combat dans la division Durruti sur le front d’Aragon. Il revient à Paris et est mobilisé en 1939 à Nantes et incarcéré pour activité subversives. Libéré sous caution, il ne tarde pas à franchir la ligne de démarcation pour rejoindre André Breton, à Marseille, et nombre d’artiste étrangers en attente de visa pour les Etats-Unis. À cause de son passé politique il n’obtient pas son visa et part pour le Mexique où il séjournera six ans avec sa compagne le peintre Remedios Varo. Son intérêt croissant pour la culture indienne le conduit à traduire Le Livre de Chilam Balam de Chumayel (1955) et à établir une Anthologie des mythes, légendes et contes populaires d’Amérique. Son pamphlet, Le Déshonneur des poètes (1945), dirigé contre toute forme de poésie militante, lui retire beaucoup de sympathies. En 1948 en France, il tente de réactiver avec Breton le groupe surréaliste. Co-auteur, avec Grandizo Munis de Les syndicats contre la révolution. Il meurt le 28 septembre 1959. Sur sa tombe, au cimetière des Batignolles, figure cette épitaphe: « Je ne mange pas de ce pain-là. » (marxists.org/francais/4int/bios/peret.htm.)]], les nouveaux amis de Socialisme ou Barbarie en premier lieu Claude Lefort [[Claude Lefort (1924-2010). Disciple de Maurice Merleau-Ponty, il adhère très jeune aux idées marxistes, tout en restant critique à l’égard de l’Union soviétique. En 1947, il fonde avec Cornélius Castoriadis la revue Socialisme et Barbarie, qui combat le stalinisme et développe un marxisme anti-dogmatique. L’ouvrage L’Archipel du goulag d’Alexandre Soljenitsyne le conduit à rompre définitivement avec le trotskisme. Philosophe français connu pour sa réflexion sur la notion de totalitarisme, il construit, entre 1960 et 1970, une philosophie de la démocratie comme le régime politique où le pouvoir est un « lieu vide », c’est-à-dire inachevé, sans cesse à construire, et où alternent des opinions et des intérêts divergents. (scienceshumaines.com/claude-lefort-un-penseur-du-politique_fr_2613)]], puis en 1956 Cornelius Castoriadis [[Cornelius Castoriadis (1922-1997). Jeune résistant grec révolutionnaire menacé de mort par les staliniens, il arrive en France à l’âge de vingt-trois ans, alors que l’engouement pour l’URSS est à son zénith. Il contribue alors à créer, avec Claude Lefort et Jean-François Lyotard, l’une des branches les plus vivaces de la gauche radicale, « Socialisme ou Barbarie », qui deviendra ensuite une revue mythique et l’une des grandes influences de Mai 68, notamment par sa critique de gauche des régimes dits « communistes ». Économiste, philosophe, psychanalyste, militant politique, Castoriadis est l’auteur d’une œuvre essentielle pour quiconque s’intéresse à la question de l’institution hors du cadre de l’État, dont il traite dans L’Institution imaginaire de la société (1975). Fruit d’une enquête menée auprès d’une centaine de témoins, cet ouvrage permet enfin de lever le voile sur cette figure hors norme et trop méconnue, qui est restée marginale jusqu’au bout. Pierre Vidal-Naquet voyait en lui un « génie », et Edgar Morin un « Titan de l’esprit », il est très certainement appelé à devenir l’un des penseurs-clés du XXIe siècle. (Éditions de la Découverte.)]]. Ainsi je me reconstruisais ma famille spirituelle brisée par la guerre, tout en y incluant fraternellement les ex communistes détrompés depuis ceux des années 30, jusqu’aux plus récents des années 40. À quoi se joignirent à partir de 1956 mes nouveaux amis de l’Octobre polonais [[Octobre polonais : L’année 1956 vit un soulèvement ouvrier en Pologne, d’abord à Poznan en juin où il y eut violentes émeutes réprimées dans le sang par les forces de sécurité communistes, puis à Varsovie en octobre. Début de l’octobre polonais les 19 et 20. Alors que des conseils ouvriers se constituaient un peu partout, les Soviétiques firent le choix de composer avec les dirigeants locaux en appelant au pouvoir un ancien secrétaire général du parti, Gomulka, populaire car proscrit pendant quelques années. Il réussit à désamorcer le mouvement de contestation. Le 24 octobres, la situation s’apaise. Premier discours public de W. Gomułka à Varsovie devant 350.000 personnes. Manifestations et meetings continuent. Epuration des responsables du parti en province. Des élections sont décidées pour le 30 janv. 1957. Mais la Hongrie se soulève à son tour.……(Science po, NPA 2009)]], Leschek Kolakovski [[Leschek Kolakovski Ou Leszek Kołakowski, (1927-2009). Philosophe, historien des idées et essayiste polonais. Né en Pologne, il grandit sous l’occupation nazie. En 1945, il rejoint l’université de Lodz. Il se rapproche à cette époque du communisme pour lequel il milite publiquement. De 1947 à 1966, il est membre du Parti ouvrier unifié polonais. En 1949, sa visite à Moscou que le parti lui offre, lui fait voir le vrai visage de l’URSS et du communisme appliqué; il entre en dissidence intellectuelle et devient un critique de plus en plus ferme du régime et de son idéologie. Sa position évolue graduellement vers une critique plus poussée du communisme, condamné à être totalitaire. En 1966, il est exclu du parti. C’est à la suite des manifestations antisémites orchestrées par le pouvoir communiste qu’il quitte son pays, comme de nombreux intellectuels en dehors de la ligne du parti, chassés de Pologne. De 1968 à 1970, il enseigne à McGill au Canada puis à Berkeley en Californie, avant de revenir en Europe : en 1970, il s’installe à Oxford et enseigne au All Souls College. Il souligne méthodiquement les erreurs sur lesquelles est fondée la théorie de Marx : la valeur-travail, la lutte des classes, le matérialisme historique, etc. Il y souligne en outre que le stalinisme est la conséquence inéluctable d’un système communiste, la recherche de l’utopie communiste ne pouvant aller que vers le totalitarisme. En particulier, il montra à de nombreuses reprises que le stalinisme était dans la continuité la plus pure du léninisme. Le stalinisme, caractérisé par « l’abolition du droit, l’autocratie du Chef, la délation généralisée comme principe de gouvernement et la toute-puissance apparente de l’Idéologie », est la conséquence logique et inévitable de la théorie marxiste ; le stalinisme est un « marxisme-léninisme en action ».(wikiberal.org/wiki/Leszek_Kolakowski.)]], Janek Strelecki, Roman Zimand [[N d A : Janek Strelecki était un intellectuel polonais qui était parmi les animateurs de l’Octobre polonais de 1956 un type très humain, très bon. Roman Zimand aussi, et il a traduit en polonais l’ouvrage d’Edgar Morin « le paradigme perdu la nature humaine ». Tous sont aujourd’hui décédés.]], ceux émigrés de la révolution hongroise [[Après la Pologne avec les événements de Poznan, la Hongrie le 23 octobre 1956, les habitants de Budapest manifestent contre le gouvernement communiste de Hongrie. La manifestation tourne rapidement à l’émeute. Cette effervescence puise son origine dans les espoirs soulevés par la mort de Staline. Les dirigeants hongrois appellent Nagy à la tête du gouvernement mais décrètent par ailleurs la loi martiale et font appel aux troupes soviétiques. Mais celles-ci se retirent le 27 octobre. Les Hongrois pensent avoir gagné leur liberté. le 30 octobre, à Budapest, Ils occupent le siège du parti communiste et tuent tout ses occupants. Imre Nagy, le président s’engage dans la voie de la démocratie et du multipartisme. Le 1er novembre, il forme un gouvernement de coalition. Il annonce aussi le retrait de la Hongrie du pacte de Varsovie… C’est plus que les Soviétiques n’en peuvent supporter. Dès le dimanche 4 novembre, l’Armée Rouge investit Budapest. Au total pas moins de 8 divisions et plusieurs centaines de chars du dernier modèle (T54). Les insurgés, étudiants aussi bien que salariés, résistent avec héroïsme mais n’en sont pas moins écrasés. La répression fait environ 200.000 morts tandis que 160.000 personnes se réfugient en Europe de l’Ouest. Imre Nagy sera pendu quelques mois plus tard. (herodote.net)]] en premier lieu Andras Biro [[András Bíró (1925), écrivain, poète et journaliste hongrois. En tant qu’activiste humaniste et militant des Droits de l’homme, il crée des organisations de soutien aux Roms. En décembre 1944, il est contraint au travail forcé en Allemagne. À son retour en 1945, il vit à Budapest jusqu’à l’insurrection de 1956, date à laquelle il fuit en France. Pendant son long séjour à l’étranger, il est rédacteur en chef fondateur du Ceres (Centre d’études et de recherches économiques et sociales), consultant de la FAO (organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture); il est aussi chargé de l’examen de l’aménagement du PNUE (Programme des Nations unies pour l’environnement), ainsi que rédacteur en chef fondateur de Mazingira. En 1986, il retourne en Hongrie. En 1990, il fonde Autonómia Alapítvány, une organisation non gouvernementale s’impliquant dans le développement chez les Roms. András Bíró crée la première radio faite pour et par des tsiganes, média le moins cher et idéal pour les exclus que sont les Roms et dont la culture est fondée sur la tradition orale. Désormais, ce ne sont pas que les musiciens qui incarnent la réussite chez les tsiganes, il y a aussi quelques journalistes, mais aussi quelques hommes politique.]], et bien sur le grand méconnu espagnol Wilebaldo Solano.

J’ai connu Wilebaldo je crois en 1956, dans les années fiévreuses du rapport K, de l’Octobre polonais, de la révolution hongroise.

Il avait alors rédigé un appel (que j’avais cosigné) à Nikita Khrouchtchev [[Nikita Sergeïevitch Khrouchtchev, (1894-1971) Homme d’État soviétique d’origine ukrainienne, qui s’affirma progressivement comme le principal dirigeant de l’URSS entre la mort de Staline (5 mars 1953) et son éviction du pouvoir le 14 octobre 1964.]] pour qu’il réhabilite Trotski, les condamnés des procès de Moscou qui, dans les années 30, avaient été exécutés comme traitres et hitlero-trotzkystes, dont les dirigeants bolchéviks, compagnons de Lénine [[Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine, homme politique et d’État (1870-1924). Issu d’une famille de la bourgeoisie, sa collaboration à un attentat contre le Tsar le contraint à l’exil. Il se familiarise avec les thèses de Marx et Engels. Il obtient le droit de revenir en Russie et devient avocat. Inquiété pour ses idées politiques, il est une nouvelle fois arrêté, emprisonné en Sibérie puis exilé. En octobre 1917, s’appuyant sur les soviets infiltrés par les bolcheviks (communistes), Lénine s’empare du pouvoir. Il muselle l’opposition et se sert de l’Armée rouge comme instrument de terreur auprès des populations. Il met en place le communisme de guerre pour « sauver la Révolution ». La guerre civile s’achève en 1921 avec un pays au bord du chaos. Pour relancer l’économie, il lance la NEP ( New Economic Policy  ou NEP )]] durant la révolution d’Octobre 1917. Mais il était surtout obsédé par la nécessité de réhabiliter Andreu Nin [[Andreu Nin (1892-1937). Un temps secrétaire de Trotski en URSS, où il s’était fait envoyé comme délégué de la CNT en 1922 (tout en n’étant plus anarchosyndicaliste), il revint en Espagne en 1930. Il fit de nombreuses traductions de textes politiques du russe en castillan et il a laissé une traduction appréciée de « Crime et châtiment » de Dostoyevvsky. Secrétaire du POUM Parti Ouvrier d’Unification Marxiste en 1935. À la suite des évènements de mai 1937 à Barcelone, au cours desquels la CNT et le POUM se sont affrontés aux staliniens, Nin, dénoncé par André Marty (secrétaire de l’internationale communiste, dirigeant des Brigades internationales en Espagne, sa conduite, envers ses hommes, lui vaut le surnom de Boucher d’Albacete) , est arrêté par la police politique. Transféré à Valence, puis à Madrid, il est torturé et finalement assassiné le 20 juin 1937 à Alcalá de Henares, sous les ordres du général Orlov (chef de la police politique soviétique en Espagne, il annonce à Antonio Ortega l’arrestation de tous les leaders du POUM pour le 16 juin. Il ne faut pas prévenir le gouvernement précise-t-il.) La vérité sur cet épisode n’a été découverte qu’au début des années 1990, avec l’ouverture des archives du KGB. Des militants du POUM, à la suite de la censure de leur presse avaient posé sur les murs de Barcelone la question « Où est Nin ? », à laquelle les staliniens répondaient à l’époque que Nin avait été libéré par ses « amis » de la Gestapo et se trouvait « soit à Salamanque, soit à Berlin ». Une plaque commémorative sur les Ramblas de Barcelone, près de la place de Catalogne, rappelle le lieu où Andreu Nin fut vu par ses camarades pour la dernière fois. https://fr.wikipedia.org/wiki/Andreu_Nin]], dirigeant du POUM (Parti ouvrier d’unification marxiste Partido Obrero de Unificacion Marxista), assassiné par les agents de Staline [[Staline, Joseph Vissarionovich Djougachvili, (1878-1953) Le nom Staline a été le sien durant les années de clandestinité, il provient du mot russe stal qui signifie acier. Staline, d’origine géorgienne, est nommé Commissaire aux Nationalités dans la nouvelle administration. Il en gravit les échelons et devient Secrétaire général du parti le 3 avril 1922, poste qu’il transforma rapidement en poste le plus important du pays. Il s’empare progressivement du pouvoir en excluant du Parti ceux qui s’opposent à lui et en éliminant – politiquement, puis physiquement – ses éventuels rivaux. En 1926, il est à la tête de l’URSS et du Komintern (IIIe Internationale rassemblant l’ensemble des partis léninistes). En URSS, il fait déporter des millions de personnes, en élimine des millions d’autres, provoque des famines………]] durant la guerre d’Espagne et dont la mémoire demeurait souillée par d’abjectes calomnies.

Wilebaldo était né en 1916. Il avait commencé des études de médecine qu’il interrompit pour se vouer à sa passion révolutionnaire.

La guerre d’Espagne commence le 17 juillet 1936 par un putsch militaire contre la République Espagnole. Wilebaldo a 20 ans et milite à la Jeunesse communiste ibérique (la Juventud iberica communista) [[Organisation de la jeunesse du POUM.]], affiliée au POUM : le parti avait été créé en 1935 à Barcelone de la fusion entre Izquierda communista dirigé par Andreu Nin et du Bloque Obrero y Campesino dirigé par Joaquín Maurín [[Joaquín Maurín (1897-1973). Instituteur espagnol, d’abord syndicaliste révolutionnaire et secrétaire régional de la C.N.T. en Aragon. Il adhère au P.C.E. en 1924 et en devient très vite secrétaire général avant d’être arrêté en janvier 1925. Ses partisans accusent le Secours rouge et la nouvelle direction de ne rien faire pour aider Maurin et les autres prisonniers communistes. Libéré fin 1927 la direction du P.C.E demande son exclusion. Exclu finalement en 1930, Maurin fonde au début des années 30 en 1931 le Bloc Ouvrier et Paysan qui sera le noyau du POUM. Seul député du parti en 1936, il est capturé par les franquistes au début de la guerre civile et ne sera libéré qu’en 1946. Il part alors en exil et se retire de la politique active. (marxists.org)]], issus l’un et l’autre d’une rupture avec le parti communiste stalinien. Toutefois le POUM resta indépendant de la 4ème internationale trotskyste bien qu’il partageait les critiques de Trotski [[ Lev Bronstein dit Léon Trotski ou Trotsky, (1879-1940), doit fuir la Russie sous le tsarisme à cause de ses activités révolutionnaires, en utilisant un faux passeport au nom de Léon Trotski. Il rencontre Lénine à Londres. Rallié aux bolcheviks, il rentre en Russie et participe activement à la révolution d’Octobre. Chef de l’Armée Rouge, Trotski est également commissaire du peuple aux affaires étrangères En 1921, il donne l’ordre de massacrer des milliers de civils et marins de Kronstadt (mouvement anarchiste), qui réclamaient un assouplissement du régime de travail forcé appliqué à cette époque par le régime bolchevik. Des milliers d’autres sont déportés dans des camps de travail, souvent considérés comme les premiers camps de concentration, à l’origine de ce que sera plus tard le Goulag. Après la mort de Lénine, il s’oppose à Staline qui le fait exclure du Parti en 1927. Banni de l’URSS, il se réfugie au Mexique, où il est assassiné par un agent stalinien en 1940. Brillant intellectuel, il a publié de nombreux ouvrages pendant son exil. ]] contre le stalinisme et dénonçait les procès de Moscou. Mais il refusait de suivre l’ordre de Trotski de déserter les syndicats pour créer des soviets. Après la mort de Germinal Vidal [[Germinal Vidal, (1915-1936) Ouvrier du port de Barcelone et dirigeant syndical. Germinal Vidal adhère au B.O.C. en 1931, et dès 1933 dirige la J.I.C. (Juventud Comunista Ibérica, les Jeunesses du BOC puis du POUM). Membre du Comité central du POUM en 1935. Il tombe dans les combats de rue face aux troupes franquistes, sur les barricades de la place de l’Université, à Barcelone, le 19 juillet 1936, au tout début du soulèvement populaire contre l’insurrection fasciste. (bataille socialiste)]] au début de la guerre civile, le 19 juillet 1936, Wilebaldo devint secrétaire général de la Jeunesse communiste Poumiste et directeur de l’hebdomadaire Jeunesse communiste (1936-1937). Andreu Nin, secrétaire général du POUM est ministre de la Justice dans le premier gouvernement de la Généralité de Catalogne, mais perd ce poste en décembre 1936. Dès le début de la guerre civile, il y a conflit entre anarchistes et Poumistes d’une part, et d’autre part le gouvernement « bourgeois » et les staliniens. Les anarchistes catalans et aragonais, dans les campagnes, pensent que l’ère libertaire est advenue. (Ici je dois faire une parenthèse ; j’en ai eu le témoignage au Chili en 1961 par ….. je ne me souviens plus de son nom : c’était un anarchiste français, qui insoumis en 1914 s’était évadé en tuant son gardien. Il ne fut donc pas amnistié après-guerre, mais revint en France dans les années 30. Quand advint la déclaration de guerre à l’Allemagne en septembre 1939, son ami – et plus tard mon ami- Luis Mercier Vega lui donna le moyen de partir au Chili. Il fut d’abord gardien en Patagonie, où les chasseurs d’oreille [[Chasseurs d’oreille. La chasse aux indiens autochtones de Patagonie suite à l’arrivée des « Blancs » fut à l’origine d’un véritable génocide. Les éleveurs payaient les chasseurs une livre sterling par paire d’oreille d’indiens ramenée.]] avaient exterminé les indigènes pour les grandes compagnies anglaises qui y élevaient les moutons en masse. Par une terrible nuit venteuse d’hiver, on frappa à la porte de sa cabane. À sa grande surprise, car il avait appris qu’il n’y avait plus d’indigènes en Patagonie, il vit une femme, portant un enfant, qu’il fit entrer : il la nourrit, lui donna un lit et s’apprêtait à la revoir à son lever quand il découvrit que la femme avait disparu. Puis il fut au service d’une entreprise routière dans les Andes, au sud Chili ; comme la route devait passer par un territoire indigène, il fut chargé d’acheter le droit de passage au peuple de ce territoire. Les anciens de ce peuple refusèrent les sommes, de plus en plus élevées que leur offrait mon ami. Ils ne demandèrent que quelques sacs de blé. Puis cet ami s’était installé à Santiago où Luis Mercier m’avait donné son adresse. C’est au cours d’un de nos repas, arrosés alors de vins vieux de très haute qualité qu’il évoqua à Lucien B et à moi, ses souvenirs de la guerre d’Espagne et pleura au souvenir du bonheur des paysans anarchistes d’en finir avec la monnaie et l’État en brulant les billets de banque dans les églises profanisées. Plus tard j’ai été bouleversé par le film de Ken Loach [[Kenneth « Ken » Loach, (1936)/ Réalisateur britannique de cinéma et de télévision. Témoin des conflits et douleurs sociales de son temps. Land and Freedom sur la guerre d’Espagne et le conflit entre Miliciens du POUM et le pouvoir républicain tenu en sous-main par les communistes (soutenus par l’URSS de Staline).]] (Land and Freedom). Nin fut écarté du gouvernement de Catalogne sur pression communiste. Le POUM avait accru ses effectifs depuis le début de la guerre civile, passant de 6.000 à 30.000 principalement en Catalogne et dans le pays valencien, mais il restait minoritaire par rapport aux communistes, dont les effectifs s’accrurent de plus en plus, et aux anarchistes. Alors que le parti communiste abandonnait toute perspective révolutionnaire immédiate mais noyautait les organismes de l’Espagne républicaine, le POUM, comme les anarchistes, soutenait le mouvement collectiviste spontané et promouvait l’idée de transformer la république bourgeoise en république révolutionnaire. Le Poum fut bientôt dénoncé par le parti communiste comme collaborateur des franquistes En février 1937, Wilebaldo participe directement à la création du Front de la jeunesse révolutionnaire, formé à la base par les Jeunesses libertaires et celles du POUM. Le 3 mai 1937, à Barcelone, le chef de la police barcelonaise, le communiste Eusebio Rodríguez Salas [[Eusebio Rodríguez Salas, (1885-1952). Communiste, connu pour avoir été le commissaire général des forces de police catalane et ministre de l’ordre public du gouvernement catalan  (generalitat de catalunya), lors des journées de Mai 1937.]], accompagné de deux cents hommes, tente de prendre de force le central téléphonique, qui était depuis le début de la guerre sous le contrôle de la CNT. La CNT résiste et, craignant des attaques contre d’autres bâtiments, distribue des armes pour les défendre. Des barricades sont rapidement élevées dans toute la ville, opposant la CNT et le POUM d’un côté, la police et les staliniens de l’autre. Les dirigeants de la CNT, en particulier les ministres au gouvernement central appellent leurs militants à déposer les armes, bientôt suivis par les dirigeants du POUM. Alors qu’ils étaient militairement maîtres de la ville, les ouvriers quittent les barricades. Le 6 mai, les hostilités ont cessé et les barricades ont été démontées, mais le PCE, et à sa suite le gouvernement de Juan Negrín [[Juan Negrín (1892-1956). Physiologue et homme politique espagnol. De 1937 à 1945, favorable à la politique imposée par Staline et les communistes, il fut chef du gouvernement de la Seconde République espagnole, puis du gouvernement en exil.]] (crypto communiste qui a remplacé Francisco Largo Caballero) [[Francisco Largo Caballero (1869-1946). Homme politique et syndicaliste espagnol, membre du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et de l’Union générale des travailleurs (UGT) dont il fut l’un des dirigeants historiques. Chef du gouvernement de la Seconde République espagnole du 5 septembre 1936 au 17 mai 1937, il refusait d’effectuer la besogne dont va s’acquitter Juan Negrín.]], va réprimer les anarchistes et le POUM, qui est déclaré illégal. Les staliniens, à la suite d’une grande opération de propagande menée par Otto Katz [[Otto Katz, aussi connu sous le nom de André Simone, (1895-1952). L’un des plus importants agents d’influence de l’URSS stalinienne dans les milieux intellectuels et artistiques des démocraties occidentales pendant les années 1930 et 1940. l devient un espion international inconditionnellement fidèle à Staline. Diverses liquidations voulues par Staline lors de la guerre d’Espagne lui sont imputées mais également celle de Trotski, et de Willi Münzenberg. Mais inculpé, sous le nom d’André Simone, lors des procès de Prague, dits procès Slansky, et finit pendu dans les locaux de la prison de Ruzine à trois heures du matin le 3 décembre 1952 : son corps est brûlé et les cendres dispersées sur le bas-côté d’une petite route à proximité de Prague.]] et Willi Münzenberg [[Willi Münzenberg (1889-1940), militant communiste allemand, membre de l’internationale communiste, propagandiste très influent. Münzenberg est un fidèle à Staline et à sa politique à l’étranger. Il est tout à fait au courant des énormes crimes staliniens. Il joue un rôle dans le recrutement des brigades internationales qui vont combattre en Espagne dans le camp des républicains. Cependant, en 1937, la situation se complique pour Münzenberg : il est officiellement exclu du parti communiste allemand et fait l’objet de nombreuses accusations. Il s’oppose alors pour la première fois à Staline de manière ouverte. Il devient un véritable leader d’opposition au fascisme, au stalinisme et fonde un nouveau journal d’opposition Die Zukunft (« Le Futur »). Le 17 octobre 1940 dans un bois du village de Montagne, près de Saint-Marcellin, des chasseurs découvrent son corps partiellement décomposé au pied d’un chêne, une corde autour du cou. Le dossier est « classé suicide » par le Parquet. D’après les témoignages de ses amis du camp, Münzenberg ne semblait pas déprimé, ce qui laisse à penser qu’il a été assassiné par le NKVD sur ordre de Staline. Aujourd’hui la thèse de l’assassinat politique semble largement partagée.) (wikiberal.org)]] (qui seront plus tard assassinés par Staline) selon laquelle le POUM serait « hitléro-trotskiste » et complice des franquistes pour qui il aurait déclenché les émeutes de mai à Barcelone, exigent et obtiennent son interdiction. (J’avais 16 ans en 1937, et je m’étais éveillé à la conscience politique après la victoire du front Populaire en France. Je lisais Essais et Combats des étudiants socialistes « gauchistes » Solidarité Internationale Antifasciste, de tendance anarchiste, La Flèche « frontiste » qui prônait la lutte sur deux fronts contre le fascisme et contre le stalinisme, Le Canard Enchainé, et toutes mes lectures réprouvaient le communisme stalinien, dénonçaient l’imposture des procès de Moscou, révélaient la répression que subissaient dans le camp républicain anarchistes et Poumistes, et faisaient état de la disparition de Nin. Aussi comme si un fil invisible me liait à cette minorité réprimée et opprimée, je fis mon premier acte politique en allant au siège de la SIA [[Solidaridad Internacional Antifascista, organisation anarchiste de secours aux combattants et civils espagnols.]] qui demandait des bénévoles pour faire des colis aux combattants anarchistes et poumistes. Il a fallu 4 ou 5 ans plus tard la résistance soviétique devant Moscou et l’espérance que la victoire ferait dépasser l’âge de fer du communisme pour que s’estompe dans mon esprit ce qui était si vif à ma conscience durant mon adolescence. Nin disparaît peu après en sortant du siège du POUM. Les staliniens déclarent que Nin a fui chez Franco [[Francisco Franco Bahamonde (1892-1975) Pendant plus de 35 ans, Franco dirigea l’Espagne d’une main de fer. Bien qu’ayant renversé un régime légitime par la force et avec l’aide de l’Allemagne nazie, il parvint à rester au pouvoir après la victoire des Alliés. L’Espagne fut ainsi, jusqu’en 1975, l’un des derniers pays totalitaires en Europe de l’Ouest. Sous le régime franquiste, non seulement la vie démocratique en Espagne fut particulièrement réduite, mais le développement économique du pays fut également retardé. Des centaines des milliers d’opposants ou considérés comme tels disparurent sous son règne, assassinés]])et dénoncent le POUM comme hitlero-trotzkyste. Ils publient une fausse lettre de Nin à Franco lui indiquant les fortifications de Madrid, encore tenue par les républicains. La police républicaine, sur la base des faux documents démontrant la collusion du POUM avec l’ennemi franquiste, investit le 16 juin 1937 le siège du POUM et y arrête ses dirigeants. Des militants du POUM, dont la presse était interdite, avaient posé sur les murs de Barcelone la question « Où est Nin ? ». La presse stalinienne répondit que Nin avait été libéré par ses « amis » de la Gestapo et se trouvait « soit à Salamanque, soit à Berlin ». Le POUM est interdit, ses unités combattantes dissoutes. Wilebaldo avait continué son activité en publiant clandestinement La Batalla, et était devenu membre du Comité exécutif clandestin du POUM à partir de juillet 1937. Il est arrêté en avril 1938, emprisonné à la prison « Model » de Barcelone ; alors que Barcelone va tomber entre les mains franquistes (fin janvier 1939) Wilebaldo et les autres détenus du POUM (Julian Gorkin [[Julián Gómez Garcia, dit Gorkin (1901-1987). En 1936, il représente le POUM (dont il devient secrétaire international) au Comité central des milices antifascistes de Barcelone, et dirige La Batalla. Il est arrêté après les journées de mai 37 et détenu jusqu’à la chute de la Catalogne en 39. Secrétaire du POUM en exil et du Centre marxiste international qui a succédé au Bureau de Londres (1939)…( Bataille socialiste)]], Juan Andrade [[Juan Andrade (1898-1981). Participe à la fondation du PCE, membre de Comité exécutif et directeur de son hebdomadaire, La Antorcha. Exclu du P.C.E en 1927. En 1935, il participe à la fondation et à la direction du Parti Ouvrier d’Unification Marxiste. Aux avant-postes durant la révolution et la guerre civile, il est arrêté par la police russo-stalinienne le 16 juin 1937 avec d’autres responsables du POUM et demeure en prison jusque fin 1938. Après la guerre, il est un des animateurs de la direction du POUM en exil. (marxists.org)]], Pere Bonet [[Pere Bonet, Responsable militant du POUM participe activement aux journées de mai 37, contre les milices manœuvrés par le PCE et le Komintern qui cherchent à les anéantir. Il est un des accusés du procès contre le POUM orchestré par les mêmes ; en octobre 1937 pour déclarer le POUM hors la loi comme complice des fascistes de Franco. Il est condamné, comme ses coaccusés, à 15 ans de réclusion. (Article de la SIA paru dans Solidaridad Obrera du 29 octobre 1937)]] sont transférés à la prison de Cadaquès, dont ils réussissent à s’évader. Militants et dirigeants se réfugient en France, comme des centaines de milliers d’autres républicains, où ils subissent le régime des camps d’internement. La guerre d’Espagne se termine le 1er avril 1939. Wilebaldo est libéré, Il s’établit à Paris, où il essaie de réorganiser le POUM et publie de nouveau La Batalla.

L’Allemagne attaque la Pologne le 1er septembre, la France et l’Angleterre lui déclarent la guerre le 3 septembre. Le POUM adopte une position de « défaitisme révolutionnaire », adhérant au Front ouvrier international contre la guerre (créé en septembre 1938).

Alors que les troupes allemandes envahissent la France, Wilebaldo se réfugie à Montauban, qui fait partie de la zone sud vichyssoise non occupée. L’État de Vichy réprime les organisations espagnoles en exil. Wilebaldo est arrêté en 1941 avec d’autres dirigeants du POUM et condamné par le tribunal militaire de Montauban à 20 ans de travaux forcés. Il est détenu à la centrale d’Eysses [[La centrale d’Eysses, d’abord abbaye elle devint prison sous la révolution. Ce fut l’une des prisons d’État où les autorités de Vichy, collaboratrices enfermèrent des résistants. Fin 1943 elle comptait environ 12OO résistants de toute obédience politique et religieuse qui furent ensuite livrés à Hitler. Parmi un grand nombre d’antifascistes espagnols. Le 3 janvier 1944 5’ prisonniers s’évadèrent. À la suite de cette évasion, Schivo le nouveau directeur installe des méthodes de terreur. (Eysse contre Vichy, amicale des anciens d’Eysse, éditions Tirésias)]] à Villeneuve sur Lot.

Voici ce que Wilebaldo m’a raconté :

À la prison, il y avait des communistes détenus par le gouvernement Daladier après l’approbation du pacte germano-soviétique par leur parti, des anarchistes, un trotskyste, le mathématicien Gérard Bloch pour avoir promu le défaitisme révolutionnaire, un catholique, sans doute qui avait manifesté son opposition à Vichy. Gérard Bloch ne tarissait pas de sarcasmes contre Staline auprès des détenus communistes. Ceux-ci, organisés en cellule, décidèrent de le liquider physiquement. Le catholique avait eu vent de cette décision et, indigné, il s’en été ouvert à Wilebaldo. Celui-ci se trouva dans un dilemme cornélien : avertir la direction de la prison et ainsi collaborer avec l’ennemi de classe, ou se taire et laisser exécuter Gérard Bloch. Il se résolut à avertir la direction, qui mit Gérard Bloch en isoloir. Gérard Bloch, peu affecté par la solitude, faisait des équations sur les murs de sa prison et gardait ses espérances révolutionnaires (il survécu à la déportation et après la libération se présenta aux élections législatives dans le 9ème arrondissement. Le parti communiste apposa une affiche sur les panneaux et les murs « à bas Bloch l’hitlérien ») Du coup Wilebaldo fut mis en quarantaine par ses codétenus communistes d’autant plus qu’il dénonçait les mensonges des communistes espagnols à l’égard du POUM. Il arriva que le responsable de la cellule communiste tomba malade et que ses camarades demandèrent à la direction de le transférer à un hôpital, et cela d’autant plus que l’infirmerie de la prison était assuré par Wilebaldo, qui comme je l’ai indiqué avait commencé des études de médecine. La direction refusa l’hôpital et après débat lui-même cornélien, la cellule décida de confier le malade à l’hitlero trotskyste. Par chance Wilebaldo guérit le malade, le parti communiste cessa sa quarantaine, et la guerre devenue mondiale, tous furent d’accord pour souhaiter la défaite du nazisme. La zone Sud fut occupée par l’Allemagne en novembre 1942 et au cours de l’année 43 un officier SS vint visiter la prison pour choisir les détenus à transférer dans les camps nazis d’Allemagne ou de Pologne. Communistes, trotskystes, Poumistes furent parmi les déportables. Or l’officier SS qui fut dans sa jeunesse un militant trotskyste reconnut Wilebaldo qu’il avait fréquenté lors d’une rencontre de jeunes révolutionnaires européens. Aussi il n’inscrivit pas Wilebaldo dans sa liste. Après le débarquement des alliés, la libération approche et des FFI libèrent les prisonniers de la centrale d’Eysses le 17 juillet 1944. Les communistes proposent à Wilebaldo de les suivre chez les FTP, mais il refuse et avec des codétenus anarchistes, il organise le bataillon Libertad [[Composé en grande partie d’anarchistes espagnols.]], indépendant des maquis sous contrôle communiste. Il va délivrer son camarade Juan Andrade de la prison de Bergerac, dans laquelle il avait été maintenu après la libération de la ville.

La France une fois libérée, La Batalla reparaît officiellement à partir de juillet 1945. L’objectif du POUM est de renverser le franquisme en Espagne, mais Solano et Andrade n’ont guère d’espoir, étant certains que les États-Unis et le Royaume-Uni ont intérêt au maintien de Franco au pouvoir.

En 1948, Wilebaldo Solano est secrétaire général du POUM en exil. Les militants en France sont évalués à 300 personnes par les services de renseignement français. Puis le POUM dépérit. Wilebaldo travaille pour l’AFP de 1953 à 1981. Mais il n’a cessé d’être obsédé par la nécessité de réhabiliter Andreu Nin à qui il consacre une biographie. L’occasion quasi miraculeuse se présente après l’effondrement de l’Union soviétique. Wilebaldo apprend que les archives du KGB [[Le KGB (КГБ), sigle du russe Komitet gossoudarstvennoï bezopasnosti soit le Comité pour la Sécurité de l’État, est le principal service de renseignement de l’URSS post-stalinienne. À l’intérieur de cet État, il avait également fonction de police politique. Du 13 mars 1954 au 6 novembre 1991, le KGB, dont le quartier-général est domicilié au 2, place Félix Dzerjinski à Moscou fut l’organisation chargée de la sécurité de l’URSS, de la police secrète, et des services de renseignements.]] (successeur du NKVD) [[NKVD : abréviation de Komissariat Vnoutrennikh Diel ou Commissariat du peuple aux Affaires intérieures, était la police politique de l’URSS — équivalente à un ministère — et « chargée de combattre le crime et de maintenir l’ordre public »]] peuvent être consultées. Il organise au début 1990 une expédition à Moscou de journalistes et d’opérateurs de la télévision catalane pour découvrir la vérité sur la mort de Nin. Effectivement, des officiers du KGB acceptent de « vendre » les documents concernant Nin. Il s’agit de deux lettres à Staline du général Orlov,[[Lev (Leïba) Lazarevitch Feldbine dit Alexandre Mikhaïlovitch Orlov (1895-1973) Agent résidant du NKVD Il est conseiller en chef de la sécurité intérieure et du contre-renseignement du gouvernement républicain de Madrid. Il surveille en même temps la conformité idéologique des officiers républicains au sein du Servicio de Información Militar, SIM. Il fonde une école de formation de groupes de diversions chargés de monter des opérations de diversion à l’arrière de l’ennemi. Il fut le principal acteur de la destruction du POUM en Catalogne, et de l’exécution de ses dirigeants. .(wikipedia.org)]] chef des services secrets soviétiques en Espagne durant la guerre civile. (Ces archives, ont été utilisées par José María Zavala dans son livre En busca de Andreu Nin À la recherche d’Andreu Nin et filmées dans un documentaire de la télévision catalane consacré à Nin), Dans la première lettre, Orlov propose un plan à l’approbation de Staline : il fera enlever Nin par des policiers espagnols de confiance, le fera transférer dans le sous-sol d’une villa qui appartient au commandant des forces aériennes républicaines, et lui fera avouer sa complicité avec Franco. Il pourra même organiser un procès public à l’image des procès de Moscou, où sera présentée une fausse lettre de Nin à Franco lui livrant les plans des fortifications de Madrid. Nin fut enlevé, enfermé, torturé, n’avoua rien et mourut assassiné le 20 juin 1937. Son cadavre fut enterré dans un champ et il fut annoncé que Nin avait fui en territoire franquiste. La seconde lettre du général Orlov relate ces événements et elle est contresignée par cinq responsables du Kominterm, dont les Soviétiques ont effacé les noms des deux Espagnols [[N d A : Quand les catalans ont acheté (payé) au KGB les 2 documents, ils ont trouvé rayés et illisibles les noms des deux témoins espagnols; est ce qu’ils ont fait ça pour vendre leur silence aux communistes espagnols.]]

Qui était et que devint le général Orlov ?

Après une carrière d’agent secret en diverses capitales, il fut assigné à Madrid durant la guerre d’Espagne. Il a commis l’exploit en Octobre 1936 d’organiser le transport de tout l’or de la République espagnole de Madrid à Moscou. Le gouvernement républicain avait secrètement accepté ce transfert en avances pour le paiement de fournitures d’armes à venir. Durant 4 nuits, des convois de camion, conduits par des Soviétiques, transportèrent 510 tonnes d’or de leur cache dans les montagnes jusqu’au port de Carthagène. Là, sous la menace des bombardements de la Luftwaffe La Luftwffe est la composante aérienne de la Wehrmacht pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle a également participé à la guerrea d’Espagne., l’or a été réparti entre 4 steamers soviétiques qui partirent pour Odessa. De là, l’argent fut convoyé jusqu’à Moscou dans un train spécial blindé. Une fois l’or en sureté, Staline fit bombance en assurant que jamais les Espagnols ne reverraient leur or. Orlov fut décoré de l’ordre de Lénine. Toutefois la principale activité d’Orlov en Espagne fut d’arrêter et exécuter trotskistes, anarchistes, catholiques pro franquistes ou supposés tels. Durant les procès de Moscou, où même les compagnons de Lénine étaient exécutés, Staline se méfia de tous ceux qu’il avait envoyés en Espagne, pensant qu’ils subiraient des influences délétères, notamment trotskystes. Aussi emprisonna-t-il voire exécuta-t-il, ceux qu’ils rapatriaient [[En fait, il y avait un traitement différent entre la liquidation de cadres âgés et expérimentés et la conservation de personnes « utiles » : le cinéaste Karmen ; et surtout de jeunes spécialistes : aviateurs, tankistes, marins, etc., comme Khadli Mamsourov, devenu général pendant la seconde guerre mondiale, puis chef du renseignement militaire (GROU).]] Orlov apprit que les Soviétiques qui rentraient d’Espagne à Moscou étaient arrêtés. Aussi quand il fut rappelé en 1938 avec l’ordre de prendre un navire soviétique à Anvers, il s’enfuit avec sa femme et sa fille au Canada puis aux USA. Mais il envoya, par le truchement de l’ambassadeur d’Union soviétique à Paris deux lettres, l’une à Staline, l’autre à Yeyov [[Nikolaï Ivanovitch Iejov(1895-1940), surnommé « le nain sanguinaire » est un policier et homme politique soviétique. Le chef d’orchestre des grandes purges staliniennes de 1936 à 1938. Il est mort fusillé sur ordre de Staline et de Lavrenti Beria le 4 février 1940 à Moscou et effacé des photos officielles.]] alors chef du NKVD, annonçant qu’il révélerait tous les secrets des opérations du NKVD s’il arrivait malheur à lui et aux siens. Orlov a aussi envoyé une lettre à Trotski le prévenant de la présence de l’agent du NKVD Zborowski auprès de son fils Lev Sedov (qui fut assassiné) mais Trotski considéra cette lettre comme une provocation et il fut aussi aveugle sur son informateur que Staline le fut quand son agent à Tokyo, Sorge, le prévint en juin 41de l’imminence d’une attaque allemande contre l’URSS. Orlov n’a jamais révélé les noms des agents du NKVD opérant à l’Ouest, y compris quand il fut interrogé par le FBI et une commission sénatoriale américaine. Mais trois ans après la mort de Staline, en 1956 il écrivit un article pour Life Magazine , The Sensational Secret Behind the Damnation of Stalin. Il y disait que des agents du NKVD avaient trouvé, dans les archives tsaristes, des documents prouvant que Staline avait été un agent de la police secrète tsariste, l’Okhrana L[[’Okhrana, officiellement « Otdeleniye po okhraneniou obchtchestvennoï bezopasnosti i poryadka » « Section de préservation de la sécurité et de l’ordre publics » généralement abrégé en Okhrannoye otdeleniye, était la police politique secrète dunTsar à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Le nom russe commun pour cet organisme est Okhranka.]]. Ces agents auraient alors préparé un coup d’Etat avec le chef de l’Armée Rouge, le maréchal Toukhatchevski, [[Le maréchal Toukhatchevski, (1893-1937). Officier du Tsar, il rallie la révolution et adhère au parti bolchévique en 1918. En 1921, sur ordre du parti communiste, il écrase la révolte des marins de Kronstadt, qui fait plusieurs milliers de morts. En été de 1921, Toukhatchevski n’hésite pas à bombarder les populations aux gaz toxiques pour mater la grande révolte des campagnes de Tambov sans l’accord de ses supérieurs. Nommé Commandant en chef de l’armée rouge en août 1921. Staline fait éliminer les chefs militaires de la révolution russe : Les 11 et 12 juin 1937, le maréchal Toukhatchevski, les généraux Iakir, Ouborevitch, Kork, Eideman, Feldman, Primakov, et Poutna sont fusillés (Gamarnik s’est déjà suicidé le 31 mai). Dans les dix jours suivants, plus de 1000 officiers supérieurs sont arrêtés dont 21 généraux de corps d’armée et 37 généraux de division. Beaucoup seront également passés par les armes.]] mais Staline avait découvert le complot, d’où l’exécution de Toukhatchevski et la sanglante purge dans l’Armée Rouge. Orlov demeura dissimulé aux Etats Unis sans que Staline chercha à le découvrir. Il publia ses mémoires après la mort de Staline en 1953; l’histoire secrète des crimes de Staline (Random house). Orlov est mort dans son lit en 1973. Wilebaldo est mort en 2010. Nous nous sommes revus à diverses reprises à Paris et à Barcelone. Mais nous nous sommes perdus de vue au début de ce siècle ; c’est tardivement que j’ai appris sa mort à 94 ans. Edgar Morin

Andreu Nin et Wilebaldo Solano 1936
Andreu Nin et Wilebaldo Solano 1936
Interview de Wilebaldo Solano journal ABC
Interview de Wilebaldo Solano journal ABC
Wilebaldo Solano, toujours debout
Wilebaldo Solano, toujours debout

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19 Juillet 1936—24 août 1944—24 août 2016.

La chaleur accable Paris, d’un 37° bien prononcé. Malgré le soleil, la place de la république bruisse des allers et venues des passants, touristes curieux ou parisiens allant à leurs affaires. Mais tient ! Qui sont ces gens qui s’arrêtent, s’attroupent au pied d’un camion chamarré aux couleurs vives de couvertures de livres peintes sur une grande toile de chaque côté du véhicule

Les minutes s’écoulent et l’attroupement est de plus en plus important à l’angle de la rue Béranger et de rue du Temple.

Nous descendons nos panneaux chamarrés et tout à coup apparaît, sous le regard médusé des piétons, une belle barricade de livres peints sur des palettes de bois. Notre slogan éclate comme une évidence: « La barricade des livres et du savoir » La culture et la mémoire, meilleurs remparts contre les dictatures… Nous sommes environ une centaine pour ce nouvel hommage aux Espagnols de la Nueve, entrés le 24 août 1944 dans Paris en avant-garde de la division Leclerc. En 1944, leur arrivée dans Paris insurgé est un souffle d’espoir et une aide précieuse pour la Résistance. Cela fait maintenant trois années de suite que nous rappelons aux parisiens cet événement du 24 août. Nous avons choisi cette année de démarrer place de la République car à cet angle des rues Béranger et Temple, se dressait une barricade de résistants FFI et FTP parisiens et les hommes de la Nueve sont intervenus là, à leur demande pour briser les défenses allemandes qui tenaient la place de la république. Après les remerciements et présentation du déroulé de la journée, Serge et Marie racontent à tous ceux qui se pressent autour d’eux l’histoire de cette journée du 25 août où après le central de la rue des Archives, les hommes de la Nueve interviennent place de la République pour dégager les défenses ennemies. (Doc 02). Juan nous lit le témoignage de Victor Etchegaray, membre de la Nueve et engagé dans cet accrochage parisien meurtrier. Ce témoignage a été recueilli par Federica Montseny en 1949. (Doc 03) Et voici la petite note de poésie, Léo un jeune homme de 2O printemps, nous livre deux beaux poèmes écrits par des collégiens de 3e de Mouans-Sartoux, dans les Alpes-Maritime : (Docs 04 et 04 Bis). Ils ont été inspirés par le travail de mémoire que nous avons réalisé avec eux et leur professeur Annie Fiore comme tous les ans à partir de l’exposition Les républicains espagnols pour témoins. Ces poésies ayant été écrites sous l’œil vigilant de leur professeur en espagnol, Rosine joint sa voix à celle de Léo pour nous en donner lecture en castillan. Et enfin avant de quitter les lieux en cortège pour rejoindre l’Hôtel de ville Cristine nous brosse un tableau succinct des actions que notre association a mené au cours des huit premiers mois de l’année 2016. Tandis qu’Agnès, notre secrétaire, nous met l’eau à la bouche pour ce que nous projetons dès l’automne dont notre ciné-club et en 2017. (Doc 05) Ce fut la dernière intervention à la République. Rythmé par les chants de la Révolution espagnole, les copains de la CNT présents nous ont aidé (enfin ont organisé le pliage et le rangement du matériel : panneaux de la barricade, table, chaise…) comme ils avaient d’ailleurs organisé leur déballage. Un grand merci à elles et eux ! Nous nous sommes mis en route, banderole de la Nueve en tête, drapeaux CNT flottant sur le plateau du camion ou dans les mains des jeunes. Le parcours très agréable sous les yeux ébahis des promeneurs : Rue du Temple, rue Turbigo, rue Beaubourg, rue Rambuteau et rue des Francs-Bourgeois, rue Vieille du Temple, rue du Pont Louis Philippe, rue François Miron et esplanade de la mairie rue Lobau, devant le jardin dédié aux combattants de la Nueve.   Notre cortège s’étire dans les rues du Marais, nous sommes près d’une centaine à suivre cet hommage. Les conversations vont bon train tout au long du parcours où nous distribuons aux personnes sur les trottoirs, des dossiers qui présentent notre association, son action et l’explication de cette barricade : La jonction des forces alliées et de la résistance dans le combat pour la Liberté. Une halte s’impose au coin de la rue du Temple et de la rue des Archives, exactement là où a eu lieu un des combats les plus meurtrier du 25 août 1944, devant le fameux central téléphonique, conquis finalement par les résistants parisiens et les soldats de la Nueve. Aimable nous livre ce récit que la bâtisse garde jalousement en ces murs. (doc 06) Et pour une note poétique, c’est encore Léo qui lit en français un poème de Miguel Unamuno et un autre de León Felipe (docs 07 et 07 bis). Notre arrivée rue Lobau est très colorée. Bientôt notre barricade est à nouveau installée sur le trottoir, agrémentée des portraits des hommes de la Nueve. Comme c’était prévisible, des personnes sortant de leur travail nous rejoignent devant le 3 rue Lobau, face à la grille du jardin de la Nueve. Nous serons environ 200 personnes à écouter les diverses allocutions qui vont se succéder. Nous mettons en documents les interventions prononcées par les membres de notre association. (docs 08 / 09) Nous avons dédié cet hommage à Luis Royo Ibañez, qui est décédé le 23 août 2016, la veille, combattant et survivant de la Nueve. Sont intervenus dans un hommage au message de fraternité et d’antifascisme, Christophe Girard, maire du 4°, un hommage tout personnel dont nous vous donnons ici quelques extraits et nous vous offrons le manuscrit du discours : « (…)Ceux dont le capitaine Dronne disait qu’ils s’étaient bien battus, avec énormément de courage et une grande expérience (…), engagés contre le franquisme, la dictature , le totalitarisme (…) Ces êtres qui ont sublimé leur vie pour la liberté, la leur et celle des autres, la nôtre. (…) Ses compagnons furent les premiers à entrer dans Paris. Cette 9e compagnie, la Nueve, enrôla 146 républicains espagnols, souvent anarchistes, aussi socialistes, communistes ou indépendant sans parti. Des hommes libres. (…) Inspirons-nous plus que jamais de ces républicains espagnols à la pensée universelle (…) Pour conclure comment ne pas penser à Federico García Lorca, assassiné dans la nuit du 17 au 18 août 1936, par les miliciens franquistes (…) extraits de Doña Rosita : Rien n’est plus vivant qu’un souvenir et Lo más Importante es vivir !  » (Doc Discours C Girard)

Anne Hidalgo, maire de Paris. Messages de construction pour la mémoire et de transmission envers les jeunes générations. Anne Hidalgo rend hommage au soulèvement populaire de l’Espagne contre les militaires et pour une révolution sociale:

« Ils étaient, pour la plupart, espagnols, républicains, socialistes, communistes ou anarchistes, avant de devenir combattants de la Nueve et de participer à la libération de Paris, ces hommes s’étaient engagés corps et âme, au cœur de l’été 1936, contre le coup d’état militaire fasciste qui menaçait leur pays, ce grand pays qu’est l’Espagne. Je voudrais ainsi y insister : 2016 marque les 80 ans de la révolution espagnole, ce magnifique soulèvement populaire qui a uni des femmes et des hommes venus de toutes les régions d’Espagne pour délivrer leur pays d’une dictature naissante. Plus de la moitié de l’Espagne sera ainsi sauvée par ces héros qui voulaient changer le cours de l’Histoire et étaient prêts à tout risquer pour défendre la liberté et la dignité. C’est ce courage et cette détermination exemplaires que décrit avec tant de force Georges Orwell dans ses Réflexions sur la Guerre d’Espagne : « Mais ce que j’ai vu sur ton visage / Aucun pouvoir ne saurait t’en déposséder / Aucune bombe jamais éclatée / Ne peut briser l’esprit de cristal.  »

Rendant hommage aux Espagnols de la Nueve, elle salue également tous ces étrangers qui ont donné leur vie et leur jeunesse pour la Liberté:

Mais cette autre guerre, notre guerre, ils allaient la gagner. Regroupés dans la neuvième compagnie de la division Leclerc, « la Nueve », ils seront parmi les premiers à rentrer dans notre Ville et à rejoindre son Hôtel de ville, le 24 août 1944. Malgré les souffrances, malgré les désillusions, ils étaient restés fidèles à une même valeur, à un même objectif : la liberté. Leur détermination était une arme invincible, leur persévérance faisait d’eux des combattants hors du commun ; comme le furent aussi les Arméniens et tous ces combattants antifascistes qui nourrirent la Résistance française et contribuèrent à la Libération de notre pays. (…) Au nom du Peuple de Paris, je m’incline aujourd’hui face au courage de ces combattants. »

Rien n’aurait été possible sans la solidarité de tous ces défenseurs de la Liberté:

(…)Paris le 25 août 1944. La France entière se souvient de cette date. Mais c’est la veille, le 24 août, grâce aux hommes de la Nueve, que la liberté remporta sa première victoire. Par eux, avec tous les combattants et civils, soldats de la France Libre et Résistants, Parisiens et Alliés, Français et étrangers venus des cinq continents, la liberté a repris pied à Paris. Cette victoire de la liberté fut donc aussi celle de la solidarité. Solidarité exceptionnelle d’hommes venus de loin, qui décidèrent de lutter ensemble pour briser l’oppression dans une ville qui n’était pas la leur.

Leur combat est une leçon pour demain:

Nous affirmons que nous continuerons à combattre pour la liberté partout où elle est menacée, à défendre l’égalité quand elle est niée, bafouée, ou travestie, à faire triompher enfin la fraternité qu’ils ont si hautement incarnée, partout où la haine arme un pays contre un autre, un parti contre un autre, une confession contre une autre. Dans ce combat, la connaissance, l’éducation, la culture sont autant d’armes contre l’ignorance– ce mal qui ronge notre monde et qui conduit au non-respect de l’humain, au non-respect de la démocratie, au non-respect de la planète également.  C’est le sens de la barricade symbolique de livres et de savoir que nous avons élevé ensemble. Je remercie l’association 24 aout 44 pour cette formidable initiative.  Vous pouvez lire l’intégralité de son intervention (doc discours A Hidalgo)

Ce qui n’est pas dans son intervention mais sera sur la pellicule de Victor Simal:

Puisque l’association au travers de l’intervention d’Aimable le lui a rappelé et l’a invitée à répondre, Madame Hidalgo s’est engagée à accélérer les travaux promis pour l’ouverture du centre de documentation et d’archives sur le mouvement social libertaire et notamment l’exil libertaire espagnol, au 33 rue des Vignoles Paris 20°. Le moment le plus émouvant de cette cérémonie, fut l’intervention non préparée d’Edgar Morin, Philosophe, résistant et témoin de l’arrivée de la Nueve place de l’Hôtel de ville le 24 août 1944. Ce mercredi 24 août 2016, Edgar Morin avait toujours 23 ans, et la force transcendante de ses convictions, il nous a fait revivre l’intensité de ces moments historiques qui ont été la marque de son engagement toute une vie durant. https://www.youtube.com/watch?v=s3aGMC5M2Gs Étant donné que l’ensemble de la cérémonie a été photographiée et filmée, nous vous offrons ces photos et des extraits de film en attendant que le montage complet soit réalisé et que vous puissiez le regarder à partir de notre site. Encore une information : La barricade de livres, en trompe l’œil, que vous avez pu admirer a été réalisée par Juan Chica-Ventura avec l’aide précieuse d’Anne Aubert et de Claire Lartiguet Pino. Merci à toutes celles et ceux qui ont rendu cette journée possible et merci à toutes celles et ceux qui ont pu être présents. L’association 24-août-1944

Barricade et rassemblement Place de la République
Barricade et rassemblement Place de la République
La banderole portée par des jeunes
La banderole portée par des jeunes
Remerciements et intervention de l'association à l'Hôtel de Ville
Remerciements et intervention de l’association à l’Hôtel de Ville
L'associatiob interpelle Mme la Maire sur l'ouverture du centre de documentacion sur l'exil libertaire.
L’associatiob interpelle Mme la Maire sur l’ouverture du centre de documentacion sur l’exil libertaire.
Edgar MORIN, ses 20 ans et la verve de sa résistance tenace
Edgar MORIN, ses 20 ans et la verve de sa résistance tenace
« La barricade des livres et du savoir » La culture et la mémoire, meilleurs remparts contre les dictatures…
« La barricade des livres et du savoir » La culture et la mémoire, meilleurs remparts contre les dictatures…
La barricade sur la route de la Nueve
La barricade sur la route de la Nueve
Pourquoi une barricade à la République
Pourquoi une barricade à la République
Ce que sera 2017 pour notre association
Ce que sera 2017 pour notre association
Banderole en tête, La Nueve à la République
Banderole en tête, La Nueve à la République
Transport de la barricade et portraits dans les rues du Marais
Transport de la barricade et portraits dans les rues du Marais
Léo lit un poème de Miguel de Unamuno devant le central téléphonique de la rue des Archives
Léo lit un poème de Miguel de Unamuno devant le central téléphonique de la rue des Archives
« La barricade des livres et du savoir » La culture et la mémoire, Rue Lobau Hôtel de Ville
« La barricade des livres et du savoir » La culture et la mémoire, Rue Lobau Hôtel de Ville
Christophe Girard, maire du 4° , devant le jardin de la Nueve
Christophe Girard, maire du 4° , devant le jardin de la Nueve
Foule attentive face au jardin de la Nueve
Foule attentive face au jardin de la Nueve
Allocution Transmission de la mémoire pour le futur
Allocution Transmission de la mémoire pour le futur
Appel de Mujeres Libres aux femmes du monde entier, en français
Appel de Mujeres Libres aux femmes du monde entier, en français
Appel de Mujeres Libres aux femmes du monde entier, espagnol
Appel de Mujeres Libres aux femmes du monde entier, espagnol
du 19 juillet 36 au 24 août 44, un idéal de Liberté, et le centre de documentation libertaire, Madame la Maire?
du 19 juillet 36 au 24 août 44, un idéal de Liberté, et le centre de documentation libertaire, Madame la Maire?
Edgar morin, notre invité, n'a pas oublié les engagements de son adolescence.
Edgar morin, notre invité, n’a pas oublié les engagements de son adolescence.
Madame La maire de Paris devant un public attentif
Madame La maire de Paris devant un public attentif
Anne Hidalgo: Ne jamais oublier leur enseignement de solidarité et liberté
Anne Hidalgo: Ne jamais oublier leur enseignement de solidarité et liberté
Assis ou debouts, plus de 200 personnes!
Assis ou debouts, plus de 200 personnes!

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24 août 1944-24 Août 2016, REJOIGNEZ NOUS NOMBREUX (SES) PLACE DE LA RÉPUBLIQUE JUSQU’AU JARDIN DES COMBATTANTS DE LA NUEVE

Ce 24 Août 2016, nous prévoyons de nous retrouver autour d’une barricade symbolique de livres, comme rempart au fascisme et aux dictatures.

2016, marque les 80 ans del Frente Popular et du Front populaire, c’est également l’anniversaire de la révolution espagnole, soulèvement populaire contre le soulèvement de militaires :
Le 17 juillet 1936, une partie de l’armée espagnole se soulève contre la république; le 18 juillet les puissants syndicats CNT et UGT décrètent une grève générale et le 19 juillet c’est le soulèvement populaire impulsé par la CNT pour prendre d’assaut les casernes et réduire le coup d’État. Plus de la moitié de l’Espagne sera sauvée par leur courage.

Après une lutte de 32 mois contre la terreur franquiste, nous retrouvons, en 1940, ces Espagnols de la Retirada, lancés sans retenue dans la lutte antifasciste.

En 1944, leur arrivée dans Paris insurgé fut un souffle d’espoir et une aide précieuse pour la Résistance. Grâce à leur intervention armée, ils conquirent plus rapidement les places tenues par l’armée d’occupation et épargnèrent bien des vies.

Nous tenons à établir ce lien entre le Paris insurgé des FFI et FTP et l’aide efficace qu’apportèrent les hommes de la Nueve (entre autres) appelés pour dégager les défenses ennemies.

Nous suivrons leur parcours à rebours pour nous retrouver à l’Hôtel de Ville, devant le jardin dédié aux combattants de la Nueve, auxquels nous voulons rendre un hommage antifasciste et républicain.

Nous vous attendons nombreux pour partager ce moment de paroles, de chants et de témoignages résolument tournés vers demain dans un esprit de résistance, de fraternité et de justice sociale, sentiments qui animaient ces hommes et ces femmes venus de l’étranger « et nos frères pourtant ».

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Barricade de livres pour la Liberté
Barricade de livres pour la Liberté

Manuel Lozano 14 avril 1916 – 14 avril 2016

Manuel Lozano était Andalous, ouvrier de condition très pauvre. Révolté contre l’injustice, il devint rapidement un militant actif de la CNT, mu par son attachement à la liberté, à la solidarité.

Les hommages du maire du 19e arrondissement, monsieur François Dagnaud, et de madame Vieu-Charier, élue à la Maire de Paris, chargée de la mémoire du monde combattant se sont succédés sur un rappel historique et politique d’une époque sensible, de la révolution espagnole de juillet 1936 pour mettre en échec le soulèvement militaire à la fin de la seconde Guerre mondiale. Ils évoquèrent la lâcheté des démocraties européennes qui ont tout simplement abandonné l’Espagne à son sort et le déplorable accueil des réfugiés de février 1939 fuyant la terreur franquiste. Les événements de mai 1937 dans le camp républicain furent cités comme une des tragédies de ce conflit.

Cette période espagnole a laissé des traces indélébiles dans le combat populaire en Espagne et en France. Traces de fierté, d’honneur mais aussi de honte et regrets.

Madame Vieu-Charier a longuement évoqué l’engagement anarchiste de Manuel Lozano. Elle a également établi un judicieux parallèle avec les exilés d’aujourd’hui, leur grande détresse et le manque d’accueil de la part des pays européens dont la France. Cette cérémonie s’est déroulée en présence d’élèves de trois lycées : Le lycée professionnel Armand Carrel du 19e arrondissement; Le lycée d’enseignement général Montaigne du 6e arrondissement ; Le micro-lycée de Vitry sur Seine. Deux élèves de ce dernier, Waeel Abichou et Léo Lozano ont lu deux poésies de Manuel Lozano, poète ouvrier, dont un en espagnol, après avoir décliné ce que fut l’auteur et ce qu’il représente encore à leurs yeux. Au dévoilement de la plaque deux élèves de chaque établissement étaient présents. Ensuite, l’association 24 août 1944 rappela les enjeux du travail de mémoire et l’importance de transmettre aux jeunes générations ce que fut l’idéal de ces hommes et de ces femmes. Ils luttèrent dix longues années les armes à la main contre les fascismes et continuèrent à porter leurs résistances et leurs espoirs durant les quarante années de la dictature franquiste, envers et contre toutes les puissances du monde qui s’en accommodaient. Au nom de la CNT française, Aimable Marcellan a clos cette cérémonie en expliquant l’existence d’après guerre de Manuel, ce que fut sa fidélité à son idéal, fréquentant les lieux parisiens du milieu anarchiste espagnol tels le 24 rue Sainte Marthe et plus tard le 33 rue des Vignoles. Cet endroit reste encore aujourd’hui un espace populaire où se forge les luttes syndicales et où évoluent artistes et associations de culture et de mémoire vivante.

Le plus bel hommage à rendre à Manuel Lozano, à ses compagnes et compagnons est d’apprendre aux jeunes générations à conjuguer le verbe « RÉSISTER », y compris et surtout dans les circonstances les plus désespérées. Ils nous ont enseigné le chemin. À travers Manuel Lozano c’est à tous les résistants au totalitarisme qu’il est rendu honneur.

Antonio Cruz, représentant de l’association pour la mémoire des massacres de Casas –Viejas (janvier 1933) était parmi nous pour cet événement. Vous trouverez en documents : L’allocution de Madame Catherine Vieu-Charier, Chargée de la mémoire combattante pour la Ville de Paris représentante de la Maire de Paris Les deux poèmes de Manuel Lozano lu par les élèves du Micro Lycée, L’allocution d’Aimable Marcellan pour la CNT française

Waeel et Léo
Waeel et Léo
Manuel Lozano
Manuel Lozano
Madame Colette Flandrin Dronne
Madame Colette Flandrin Dronne
Catherine Vieu-Charier
Catherine Vieu-Charier
François Dagnaut maire du 19e Arrondissement
François Dagnaut maire du 19e Arrondissement
Aimable Marcellan pour la CNT
Aimable Marcellan pour la CNT
Hommage à Manuel Lozano
Hommage à Manuel Lozano
Mar y Luz Carono-Lopez et Marie José Cortes
Mar y Luz Carono-Lopez et Marie José Cortes

Documents joints

 

Hommage à Manuel Lozano jeudi 14 avril 2016 à 11 heures 15 Façade de l’immeuble sis 43 rue des Bois à Paris 19ème arrondissement

Manuel Lozano, antifasciste espagnol engagé depuis l’âge de 17 ans dans la révolution espagnole contre le fascisme international et pour un monde meilleur plus équitable est un de ces combattants espagnols volontaires dans la 2e DB du général Leclerc, appartenant à la Nueve, il entre en avant garde dans Paris le 24 août 1944. À la fin de la Seconde, déçu que les « démocraties » décident de laisser le dictateur Franco en place, et l’Espagne sous la terreur de son régime, Manuel s’installe à Paris dans la 19 arrondissement et toute sa vie, ouvrier maçon, il reste fidèle à son idéal libertaire. La Mairie de Paris a décidé de rendre hommage à cet homme généreux et pugnace dans ses idées, poète ouvrier, troubadour de la beauté et de l’avenir. Le 14 avril 2016, pour les cent ans de sa naissance, une plaque sera apposée sur le dernier immeuble où il vécut. 43 rue des Bois Paris 19 à 11h15. Nous vous convions à nous rejoindre ce jour là pour honorer la mémoire de cet homme modeste à l’engagement têtu et dont l’existence a croisé avec honneur l’Histoire. Bien cordialement Véronique PS: Je vous joins également le programme de la journée du 9 avril organisée par la FACEEF avec pour thème: les frontières entre les différents exils espagnols du début du 20e siècle à aujourd’hui.

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Manuekl Lozano au repos
Manuekl Lozano au repos

Documents joints

 

L’Espagne, passion française, Guerres, exils, solidarités,1936-1975.

Voyage initiatique, voyage dans le temps, la mémoire et les sentiments.

Les auteures nous entrainent à la découverte d’un exil qui fut exceptionnel à bien des points de vue :
– Ils étaient 500 000 massés à la frontière des Pyrénées en février 1939, 500 000 à renoncer, la mort dans l’âme, à leur terre pour ne pas subir le joug d’une dictature implacable qui s’abattait sur leur pays, et qu’ils avaient combattu pendant 32 mois avec un piètre armement. L’Espagne entrait à nouveau dans l’obscurantisme et la violence faite aux pauvres et aux démunis pendant 40 longues années.
– Un exil politique, toutes les strates de la société se fondirent dans l’exode, l’Espagne se vida de ses ouvriers, de ses paysans, de ses ingénieurs mais aussi de ses médecins, de ses intellectuels, de ses professeurs, de ses artistes, de ses forces politiques les plus progressistes…… Ils partaient pour réécrire l’histoire de leur pays et leur espoir à l’étranger, durant près de 40 années.
– Des exilés qui au delà de leurs dissensions parfois irrémédiables, portaient en eux la vie, la solidarité, la passion de l’échange, de la création, l’amour de la culture qui leur avait été interdite dès la naissance.
– Des antifascistes qui malgré un accueil plus que glacial, des conditions de vies indignes du pays des droits de l’homme, allaient reprendre leur combat contre l’oppression aux côtés des forces alliées dans la Seconde Guerre mondiale. Sans jamais perdre l’espoir de retourner chez eux, la tête haute et l’obsession de se débarrasser de cette dictature franquiste qui assombrissait leur terre, ils ont retrouvé, eux les anti militaristes, le fusil, le maquis et l’odeur de la victoire.
– Des exilés qui seront trahis une seconde fois par les puissances alliées en 1945 et resteront déçus mais pas vaincus en exil.
À tous ceux-là on peut appliquer la réflexion d’Antonio Machado, juste avant la chute de Barcelone :
« Peut-être, après tout, n’avons-nous jamais appris à faire la guerre. De plus, nous étions à court d’armement. Mais il ne faut pas juger les Espagnols trop durement. C’est fini : un jour ou l’autre, Barcelone tombera. Pour les stratèges, pour les politiques, pour les historiens, tout est clair : nous avons perdu la guerre. Mais humainement, je n’en suis pas si sûr…Peut-être l’avons-nous gagnée. »

C’est cette histoire finalement merveilleuse parce que remplie d’espoir, de partage et d’humanité que vous content par le menu Geneviève Dreyfus-Armand et Odette Martinez Maler.

Elles vous prennent la main et vous conduisent par les méandres des souvenirs et des photographies jaunies à la découverte de ce peuple d’insoumis. Votre parcours aura les élans de l’émotion, de la colère et de la tendresse. Alors, le sourire de votre voisin, de votre collègue, descendant de ce peuple de rêveurs têtus, aura la force et la résonance des mots d’Albert Camus, tourné vers l’avenir. De quoi méditer ce que « Terre d’accueil » veut dire encore aujourd’hui.

Jaquette entière L'Espagne, passion française
Jaquette entière L’Espagne, passion française
Couverture Espagne passion française
Couverture Espagne passion française

Miguel et Pedro Solé Pladellorens alias Francisco et Juan Castells

L’exil en France,

Après presque trois années de lutte acharnée contre le fascisme européen, le peuple espagnol réunit sous la bannière de la République se voit contraint à un exil massif, le plus grand de l’histoire du XXe siècle. Plus de 500 000 personnes passent la frontière du 2 février au 12 février 1939. Dès leur arrivée, les familles sont séparées. Les autorités ouvrent des camps de concentration sur les plages, à Argelès, au Barcarès et à Saint-Cyprien, notamment ou encore les camps disciplinaire du Vernet d’Ariège, Gurs, Brams, la forteresse de Collioure… mais aussi en Afrique du Nord, Tunisie : El Guettat, Gafsa, Gafsa Gare et Algérie : Relizane, Bou-Arfa, camp Morand, Setat, Oued-Akrouch, Tandara, Ain-el-Ourak, Meridja, Djelfa, les mines de Kenadza, ou la terrible prison de Caffarelli, Hadjerat M’Guil, dans le Sud algérien, où étaient envoyés les détenus qui se rebellaient. Parmi ces exilés se trouvaient les frères Solé Pladellorens Miguel et Pedro, c’est à dire respectivement mon père et mon oncle. Mon Oncle était contremaitre dans une manufacture de tissage de Manresa (Province de Barcelone) tandis que mon père, son cadet de six ans était « tejedor » C’est à dire tisserand dans la même manufacture (Manufacturas Isidro Carne à Castellgali-Manresa). Mon père était très engagé puisqu’il était syndiqué à l’UGT depuis le 7 février 1932 , et appartenait au PSUC depuis juillet 1936. Quand la guerre a éclaté, il n’a pas hésité, pas plus que mon oncle Pedro d’ailleurs, et il s’est retrouvé à la Companía del Batallon de Ametralladoras N°11 , comme delegado político de la 4e companía (doc 0) [[Feuille 3 du document 2, qu’une attestation du 12 janvier 1938, faite à Sariñena, place Miguel Solé au sein du PSUC(Parti Socialiste Unifié Catalan assimilé au Parti Communiste) et au syndicat UGT (de tendance socialiste)]]. Mon oncle fut officier dans l’armée républicaine.

Je me souviens que mon père m’a toujours dit :

« Nous ne voulions pas passer la frontière en laissant un seul civil derrière nous., nous avons fini par la franchir, les franquistes sur les talons mais avec nos armes à la main. Nous sommes passés à Prats de Mollo, juste avant le 12 février 1939. C’est là que nous avons été désarmés même dépouillés je pourrais dire. » Mon père a été d’abord à Saint Cyprien, sur le sable, tandis que mon oncle se trouvait au Barcarès, deux camps sur la plage dans les Pyrénées Orientales. Le Barcarès totalise 10922 hommes au 1er mars 1939 (archives départementales des PO), alors qu’aucune installation en dur n’y figure, excepté des tentes de fortunes et des trous dans le sable. « Pour survivre, nous nous entraidions. On se regroupait souvent par localités et/ou affinités politiques. Mais dès que le camp d’Agde a ouvert, j’y ai été transféré au camp n°1 pavillon B1. On l’appelait le camp des Catalans car nous y étions une grosse majorité pour ne pas dire les 99 % des occupants. Il y a eu une grève de la nourriture dans ce camp, nous voulions protester contre les immondices qu’on nous servait. Ça a marché mais tout de suite après le camp a fermé et nous devions retournés à notre point de départ. C’est à ce moment là, qu’une lettre a été adressée Commissaire Spécial du camps de concentration de Barcarès pour me réclamer. C’est ton oncle Pedro et un cousin Ignacio GOMIS qui du Barcarès avaient appris, je ne sais comment que j’étais à Agde et demandaient le regroupement comme nous y étions autorisés. Alors au lieu de retourner seul à Saint Cyprien, enfin quand je dis seul c’est sans famille, car des amis il y en avait beaucoup, je suis parti pour le Barcarès. Je te laisse imaginé l’émotion et la fête des retrouvailles avec ton oncle Pedro et le cousin. (Doc 1) Nous étions logés dans l’Ilôt G -baraque n°3. Les choses allaient un peu mieux pour nous car nous étions réunis et au sec, enfin ! »

Mais l’étau se resserre autour d’eux, la guerre mondiale menace sérieusement et les Espagnols savent d’instinct qu’ils ne seront pas épargnés.

Dans les camps, les gendarmes français circulent, et les incitent à s’engager dans la Légion étrangère. Le souci des autorités est ici avant tout de désengorger les camps. Plus de soixante dix mille Espagnols s’engagent en 1939 entre la légion et les CTE. « En 1941, nous avons été prévenus de la « descente » des forces de l’ordre pour arrêter et livrer des Espagnols soit aux autorités allemandes soit directement à Franco. C’est là que nous avons décidé avec ton oncle Pedro et quelques copains sûrs de foutre le camp. Nous savions que nous risquions gros. Nos activités respectives dans l’armée républicaine espagnole devaient avoir laissé des traces et les franquistes ne manqueraient pas de nous le faire payer pour peu que nous tombions entre leurs mains. Moi, j’étais commissaire politique et Pedro officier. Et vois-tu Serge, nous avons bien fait de penser ainsi car bien plus tard j’ai appris que nous étions tous les deux « fichés » comme éléments dangereux, communistes et condamnés à mort par contumace. J’ai appris tout ça quand j’ai fait une demande de pension militaire auprès du gouvernement espagnol en 1990. Je n’ai jamais obtenu de pension mais le 7 janvier 1991, j’ai reçu en réponse une lettre du ministère de la culture et des archives historiques accompagnée de tout un dossier me concernant classé top secret par l’État franquiste qui prouve que j’étais connu et recherché par les services secrets franquistes et condamné à mort. Je t’avoue que tant d’années après ces guerres cela fait froid dans le dos. » (Doc 2)

La Légion étrangère et les Forces Françaises Libres,

Une fois dehors du Barcarès, une seule alternative leur reste c’est l’engagement dans la légion, voilà donc les deux frères se présentant au quartier général de la Légion étrangère pour s’y enrôler. Mon père décrit cet épisode de façon assez amusante : « Nous sommes tombés sur un officier qui nous a détaillés des pieds à la tête, un très long moment puis il a déclaré d’un air goguenard: — Et, bien sûr vous n’êtes pas en cavale, vous vous engagez par pur esprit militaire?  » Ce à quoi nous avons fait semblant de ne rien comprendre. Et nous voilà embarqués pour la Légion destination Sidi Bel Abbes. » Mais parvenus en Algérie, le régime était rude pour les « rouge » espagnols, ils étaient affectés aux tâches les plus exposées, les plus pénibles et sujets aux brimades incessantes des officiers.

Désertions

« Nous en bavions et nous savions bien que nous n’étions pas du bon côté, les troupes de la Légion Etrangère obéissaient au gouvernement collaborateur de Pétain et cela ne nous convenait pas. Tant et si bien, que lorsque nous avons appris que les Forces Françaises Libres avançaient inexorablement et se trouvaient en Afrique tout près de leur cantonnement, nous avons décidé de les rejoindre. Nous avions fixé la date de notre désertion au 25 juillet 1943, mais la veille de partir des légionnaires qui avaient décidé de faire comme nous avaient été repris et nous avons été contraints d’assister à leur exécution. Ils ont été fusillés devant tout le cantonnement. Cela nous a beaucoup secoué et surtout notre impuissance à leur venir en aide. Mais nous avons malgré tout maintenu notre départ. Hors de question de rester plus longtemps chez ceux que nous considérions comme nos ennemis. Et puis nous avons pensé que plus nous attendrions et plus ce serait difficile, car la surveillance allait s’accentuer. À peu de temps de là, alors que nous remontions vers les forces française libres, un peu à l’aveuglette, nous sommes tombés sur une petite escouade dans un grand camion militaire. Quel ne fut pas notre bonheur de les entendre parler espagnol. C’est comme ça que nous avons été recrutés par l’adjudant-chef Miguel Campos qui fut le plus grand rabatteur de légionnaires espagnols en rupture d’armée, au profit de l’armée Leclerc. C’est à ce moment-là, pour entrer dans l’armée Leclerc que nous avons changer de nom. Nous sommes devenus les frères Castells, moi je suis Francisco Castells et Pedro devient Juan Castells. Evadés le 25 juillet 1943 de la légion étrangère, engagés le 26 juillet 1943 dans les FFL, nous allons dès sa création être versés dans le 3eme Régiment de Marche du Tchad, 9eme cie. Nous y avons retrouvé nos plus chers amis, les deux Pujols, (enfin Nadal Artigas) Fermín (José) et Constantino. Depuis notre chère Catalogne, Barcelone où ensemble nous avons fait nos premiers pas dans l’engagement politique et notre baptême de guerre dans les milices populaires pour défendre de la République, même si eux étaient dans la colonne Durruti, nos pas traçaient les mêmes sentiers de justice et de fraternité. Ce fut pour nous une grande joie d’être réunis mais hélas, ça n’allait pas durer … »

La 2ème DB, créée en août 1943.

C’ est une unité moderne équipée de matériel américain, et représente un mélange de combattants venus d’horizons les plus divers : des soldats de l’Armée d’Afrique, des troupes coloniales d’Afrique noire, des citoyens français mobilisés en Afrique du Nord, des prisonniers de 1940 évadés ayant traversé l’Espagne… Tous ont en commun la volonté de libérer la France de l’occupant. Le général Leclerc, commandant la division, avait clairement affirmé son souci de réunir ceux qui voulaient continuer le combat, quelles que soient leurs origines et leurs opinions politiques. Des antifascistes espagnols ne pouvaient donc que trouver leur place au sein de la 2ème DB. C’est parmi ces combattants que la 9ème Compagnie du RMT (Régiment de Marche du Tchad) va trouver ses effectifs. On trouve des Espagnols dans d’autres unités de la 2e DB et d’autres formations militaires comme la 1re armée [[nom donné aux unités militaires placées sous les ordres du général de Lattre de Tassigny et assignées à la libération du territoire français]]. Mais, c’est dans la 9ème compagnie qu’ils sont majoritaires. Mon père était très fier du matériel dont ils disposaient pour enfin pour lutter contre les nazis, qu’il détestait pour les avoir vu à l’œuvre en Espagne. Et pour lui appartenir à cette troupe d’Espagnols de la guerre civile c’était très important. Avec son frère, ils firent partis de l’équipage de l’Half-track « Les Pingouins« , n° 410642 de la première section de la NUEVE. Ce véhicule devait s’appeler Buenaventura Durruti mais devant le refus des autorités militaires de donner des noms de personnages politiques, l’équipage espagnol laissa le peu de Français du groupe choisir le nom ; ces derniers par dérisions proposèrent « Les Pingouins » (doc3) mot péjoratif pour désigner les Espagnols. Tous acquiescèrent, ravis du retournement du nom.

Hiver 1943-1944, La Nueve,

La 9ème compagnie du RMT s’entraîne en Afrique du Nord (en Algérie, puis au Maroc). Elle y reçoit son matériel. Les hommes de la 9ème compagnie, n’oubliant pas leurs origines, appellent vite leur unité « la Nueve », qui veut tout simplement dire neuf en espagnol. C’est au capitaine Raymond Dronne qu’échoit le commandement de la 9ème compagnie, car il parle couramment espagnol. Cela lui sera très utile, car, à la Nueve, on ne parle que castillan. Cette compagnie est, incontestablement, une unité particulière, qui ne ressemble à aucune unité classique de l’armée régulière. La plupart de ces Espagnols sont anarchistes ou socialistes ou communistes ou simplement républicains. Dronne trouve les Espagnols « à la fois difficiles et faciles à commander ». Ils restent sur leurs gardes jusqu’à ce que leur officier ait fait ses preuves. Mais, une fois qu’ils accordent leur confiance, celle-ci est « totale et complète ». Ils veulent absolument connaître les raisons des tâches qu’on leur demande d’accomplir. Mais, quand on les leur a expliquées et qu’ils les approuvent, ils les exécutent avec une résolution inébranlable. Mon père m’a rapporté les sentiments du capitaine Dronne sur sa troupe si particulière « Ils n’avaient pas l’esprit militaire, écrit Dronne. Ils étaient presque tous antimilitaristes, mais c’étaient de magnifiques soldats, vaillants et expérimentés. S’ils avaient embrassé spontanément et volontairement notre cause, c’était parce que c’était la cause de la liberté. Oui, en vérité, c’étaient des champions de la liberté.» Lorsque le IIIe RMT campe en Angleterre, la 9ème compagnie s’installe à Pocklington (Yorkshire) et s’y entraîne. La campagne de France est proche.

La Nueve au combat.

L’histoire des combats de la 9ème Compagnie se confond avec celle du Régiment de Marche du Tchad et de la 2ème DB, dont elle ouvre bien souvent le chemin. « Nous avons embarqué le 31 juillet 1944 à Southampton sur le Liberty Ship « Edward S. Sill », nous étions impatients de partir pour la France, car nous savions que c’était là que tout se jouerait, et nous fermions notre boucle revenir là où nous étions partis près de trois années plutôt. Nous débarquons le 4 août 1944 au lieu dit « La Madeleine ». Là nous avons constaté que les troupes américaines n’avaient pas pu beaucoup progressé, ils avaient eu énormément de pertes, de jeunes hommes, des gamins, gisaient sur le sol et les cimetières militaires de fortune jonchaient la route des Alliés. Des croix plantées dans la terre, c’était très impressionnant. » . La 2ème DB s’ organise en groupements tactiques, prenant chacun la première lettre du nom de son chef : GTV (du Colonel Warabiot ; le V est plus simple à utiliser que le W). C’est dans ce dernier groupement qu’est intégrée la 9ème compagnie. Sur l’Half-track « Les Pingouins » mon père alias Francisco est le serveur de la mitrailleuse avec laquelle il va faire des ravages chez l’ennemi qui lui valurent, le 3 janvier 1945, une citation à l’ordre du régiment avec la croix de guerre avec étoile de bronze pour sa conduite héroïque comme tireur d’élite, notamment durant la bataille de Strasbourg (doc 4). De ça mon père ne se vantait jamais, je l’ai su qu’en découvrant ses états de service et citations. C’est comme ça aussi que j’ai appris que mon oncle était devenu Sergent-chef et avait reçu une citation à l’ordre du corps d’armée Croix de guerre avec étoile de Vermeil pour avoir le 16 août 1944 lors de la bataille d’Écouché, abattu à la mitraillette un officier allemand et assuré le repli de son groupe et une autre citation à l’ordre de la brigade pour avoir, le 16 septembre 1944, arrêté une vague d’attaques allemandes lors de la bataille de Châtel sur Moselle, avec croix de guerre et étoile de bronze (doc 5). Tous deux furent autorisés le 16 août 1945 à porter en toutes circonstances l’insigne américain de la « Presidential Unit Citation ». (Doc 6) La 2ème DB encercle les Allemands de Normandie en prenant Rennes, Château-Gontier, Le Mans, Alençon. Le GTV est en réserve. Le 12 août, le GTV passe en tête. Il prend Sées dans l’Orne, puis fonce sur Ecouché (61).

La bataille d’Ecouché.

La 9ème compagnie et la 1ère compagnie du 501ème Régiment de Chars de Combat (RCC) sont engagées. « C’est mon plus terrible souvenir. Après une progression par les petits chemins, ponctuée de quelques engagements, au soir du 12 août nous surprenons une colonne motorisée allemande et nous la détruisons. Le lendemain, 13 août, la 9ème compagnie arrive à Ecouché. Nous nous sommes battus comme des lions. Harcelés sans répit par les Allemands, il fallait tenir jusqu’à les réduire ou que les nôtres arrivent. Ce fut interminable, pourtant nous nous sommes maintenus, mieux nous avons surpris une autre colonne ennemie et l’avons détruite. On s’est battus contre des SS. La position d’Ecouché était une pointe avancée dans le dispositif allemand, il fallait qu’elle tombe coûte que coûte. Nous avons tenu la position pendant une semaine, jusqu’au 18 août. Les combats furent violents, et la compagnie enregistra beaucoup de pertes : sept tués et dix blessés. Hélas, parmi les morts, il y avait Constantino Pujol, il est mort dans les bras de son grand ami, ton oncle Pedro (Juan Castells). (doc 7 et 8) L’ennemi a subi des pertes plus lourdes encore : quatre cents véhicules détruits. Ses pertes sont nombreuses, il est vaincu à Ecouché. Mais nous, au lieu de nous réjouir, nous pleurons notre frère d’arme Constantino et nous nous inquiétons pour son frère Fermín qui est également blessé à la tête et se trouve à l’hôpital. » La Nueve quitte Ecouché le 23 août. Elle combat au Sud de Paris toute la journée du 24, et est stoppée devant Fresnes.

La libération de Paris.

Le 24 août: Paris est insurgé depuis le 19, il faut entrer dans la capitale pour prêter main forte à la résistance intérieure et surtout en signe d’encouragement. Leclerc expédie Dronne à son secours avec sa Nueve, ils ont ce privilège d’être les éclaireurs de la 2e DB. Mon père et mon oncle, Francisco et Juan, sont glorieusement de la partie. En début de soirée, ce détachement de la 2ème DB passe par le Kremlin-Bicêtre, et parvient à l’Hôtel de Ville, sans coup tiré, guidé par un Arménien de Paris Lorénian Dikran. Les Parisiens heureux de les accueillir sont surpris de leur sabir, ils attendaient des Français ou pour le moins des Américains et les voilà face à des Espagnols, ceux-là même qui avaient été si mal reçus en février 1939. Mais l’heure est à l’allégresse, et la troupe se rend ensuite à la Préfecture de Police dans la joie générale. Après quatre ans d’occupation, Paris va être libérée. Mais, les Allemands résistent et n’acceptent pas la défaite. Von Choltitz qui a reçu l’ordre de faire sauter Paris, refusera l’ultimatum. Le lendemain, 25 août, Leclerc et la 2e DB entrent dans Paris par la Porte d’Orléans. Les combats de rues ont lieu, quartier par quartier, contre miliciens et Allemands notamment rue des Archives dans le 4e arrondissement, pour le central téléphonique que les Allemands menacent de détruire. La Nueve s’en empare, ce dernier a été miné par les Allemands. Ce sont eux qui devront alors le déminer. Les combats font rage également place de la République, devant la caserne de la République, [[Caserne appelée depuis 1947, Jean Vérine du nom de son chef d’escadron chef de la caserne, résistant de la première heure engagé dans le Réseau Saint Jacques, arrêté le 10 octobre 1941, interné et torturé à Fresnes et fusillé le 20 octobre 1943 à Cologne]]. tandis-que l’assaut est donné à 14 h 00 contre l’Hôtel Meurice dans la rue de Rivoli, quartier Général du Gross-Paris où se trouve gouverneur militaire allemand de Paris, Von Choltitz. Des combats ont lieu, également, au jardin du Luxembourg et aux Invalides, pour réduire les dernières poches de résistance allemandes. Les Espagnols ne sont pas en reste dans cette lutte. Les forces armées sont renforcées par des résistants de toutes nationalités dont des Espagnols. Un groupe, mené par Julio Hernandez, pénètre même dans l’ambassade espagnole pour y hisser le drapeau républicain ! Le 26 août, c’est le défilé de la Victoire de l’Arc de Triomphe à Notre-Dame. La Nueve assure la protection immédiate du général De Gaulle et du Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF). « Nous étions superbes sur nos véhicules, fiers et heureux d’être à l’honneur, il aurait fallu que tu vois ça. Sur toutes les couvertures de magasines, notamment américains, on voit très distinctement nos Half-track dont Les Pingouins, Nous formions une superbe haie d’honneur aux officiels dont le général de Gaulle. (Doc 9) je me souviens d’une grande banderole en espagnole qui nous saluait puis au cours du défilé elle a disparu. Sous cette banderole il y avait Victoria Kent, [[Directrice des prisons sous la République espagnole, puis au service de l’enfance, elle s’est occupée notamment du expatriation des enfants espagnols vers la France. Réclamée par le gouvernement de Franco à Pétain, elle dû sa vie sauve au courage et à la protection de l’ambassadeur du Mexique qui la cacha durant toute la durée de l’occupation en France.]] qui venait de passer toute la guerre cachée dans un appartement du 16e arrondissement sous la protection de l’ambassade du Mexique et de son représentant, Gilberto Bosques. Et ensuite ce fut le repos bien mérité, du 1er au 8 septembre, nous avons campé au Bois de Boulogne avec toute la compagnie, nous étions les rois, visiteurs et visiteuses venaient nous apporter toutes sortes de présents et de « réconforts », d’ailleurs nous avons eu l’honneur de la visite de Victoria. Comme depuis le débarquement nous avions perdu du monde, de nombreux engagés ont été incorporés, pour combler les pertes. Ils se fondront rapidement dans le groupe. »

La guerre continue,

Le 8 septembre 1944, la compagnie quitte le Bois de Boulogne à 6 heures 45 et suit sa route sans difficultés : Porte de Passy pour atteindre Villeneuve-L’archevêque. La division repart au combat : Dompaire, Chatel sur Moselle, Nancy, Strasbourg… « Nous avons eu encore beaucoup d’affrontements et de pertes, la campagne d’Alsace fut très rude, les Allemands ne décrochaient pas, le froid était mordant. D’ailleurs c’est à Châtel sur Moselle que ton oncle s’est illustré encore: Pour s’être emparé de la mitrailleuse du groupe et d’avoir sous un feu nourri réussi à arrêter nette une vague d’attaque allemande

Fin de la Seconde Guerre mondiale,

La Nueve franchit le Rhin le 27 avril 1945 pour atteindre le nid d’Aigle d’Hitler à Berchtesgaden. C’est là que le surprend la fin de la Seconde Guerre mondiale. (Doc 9bis)

Démobilisation et ennuis

Avant d’être démobilisés, les survivants de la Nueve sont cantonnés à Voulx (Yonne). Elle a l’honneur de défiler au complet sur les Champs-Élysées le 18 juin 1945. « L’épopée de la Nueve prend fin en juillet 1945, à Voulx, lorsqu’elle est officiellement dissoute et que nous sommes démobilisés. C’est à ce moment là que le capitaine Dehen (qui a pris le commandement de la Nueve depuis avril 1945, date à laquelle le capitaine Raymond Dronne a été nommé commandant et appelé à d’autres fonctions) nous établit, pour Pedro et moi, des documents contresignés par le chef du corps d’armée, le lieutenant colonel Barboteu commandant le IIIe /RMT. (Doc 10 et 11) Il s’agit d’un état signalétique de nos services qui confirme notre changement de nom pour les nécessités de la guerre, nos campagnes : campagne de Tunisie, campagne de France et campagne d’Allemagne. Il y souligne aussi notre comportement courageux et irréprochable. Ce document doit nous permettre de retrouver notre véritable identité. Pour Pedro hélas, nous n’en saurons rien puisqu’il meurt tragiquement quelques mois plus tard mais moi, je devrais attendre jusqu’en 1972 pour que Solé Pladellorens soit reconnu enfin comme mon véritable nom. » (Doc 12)

Désertion et condamnation

Comble de l’absurdité de la machine aveugle, juridique et militaire: parti de la Légion étrangère, Miguel est rattrapé par les rouages d’une administration qui l’emprisonne et le mène au tribunal militaire pour « Désertion à l’intérieur en temps de guerre ». « C’est proprement incroyable mais un mandat d’arrêt contre moi court depuis le 28 février 1945. (doc 13) Il émane du tribunal militaire d’Oran. il sera exécuté en le 26 septembre 1946, date à laquelle je suis arrêté à mon domicile de Saint Denis et conduit à la prison de la Prévôté de la place de Paris.(doc 14 et 15) Il faudra l’intervention du directeur de la Maison des Anciens de la 2e DB auprès du président du tribunal, rappelant mes états de services dans l’armée Leclerc et demandant la bienveillance du tribunal envers mon inculpation pour désertion.(doc 16) pour que je sois relaxé définitivement en octobre 1946. (doc 17 doc 18), abasourdi encore de cette mésaventure qui n’aura pas touché que moi car nous étions nombreux dans ce cas, les Espagnols inculpés et décorés à la fois. »

Miguel Sole Pladellorens alias Francisco Cartells et son frère Pedro Sole Pladellorens alias Juan Cartells figurent parmi les survivants de la Nueve.

Pedro est né à Bruch (près de Terrasa province de Barcelone) le 13 mai 1911 décédé près de Rouen le 10 janvier 1946 (cimetière de Rouen Mont-Gargan, tombe 131 carré I2, bande n°5) Miguel est né à Bruch le 18 avril 1917, décédé à St-Denis le 11 mai 2000, Avant il a dû gagner sa vie et faire vivre sa famille. Il a exercé plusieurs métiers: – Du 19 novembre 1945 au 31 mars 1958, chef d’équipe puis contremaître à l’atelier de tissage chez Getting-Jonas-Titan à Epinay S/Seine. – Du 1er avril 1958 au 15 juillet 1960, Frigoriste chez « FRIGIDAIRE -Général Motors France » Sté S.O.V.E.M Paris. – De septembre 1960 à juin 1975, spécialiste de mise en service d’appareils frigorifique et gros éléctro-ménager, chez les Ets MOATTI Paris.

Sur le Front en Espagne
Sur le Front en Espagne
Phote dédicacé par Fermin Pujol
Phote dédicacé par Fermin Pujol
Couverture Life
Couverture Life
Le Half-Track Les Pinguoins
Le Half-Track Les Pinguoins
Fermin Pujol sur la tombe de son Frère Constantino tué à la bataille d'Ecouché
Fermin Pujol sur la tombe de son Frère Constantino tué à la bataille d’Ecouché

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Lundi 24 août 2015 : La Nueve à l’Hôtel de Ville

Le 24 août 1944, les combattants de la Nueve, éclaireurs de la 2e DB du général Leclerc, entrent dans Paris pour participer à sa libération.

2015 marque aussi les 70 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale et les 70 ans de la libération des camps de concentration. Libération, oui, excepté en Espagne…

1ère partie : sur l’esplanade des Villes-Compagnons de la Libération, Paris IVe

Une centaine de personnes se sont retrouvées, malgré la pluie, le vent et le froid sur l’esplanade des Villes compagnons de la Libération, ce lundi 24 août 2015, afin de célébrer le 71e anniversaire de l’entrée de la Nueve (9e compagnie de la 2e DB, composée à 95% d’espagnols antifascistes) dans Paris insurgé.

À partir de 16 h 30,

regroupés devant la petite plaque de la Nueve, scellée sur le parapet, nous avons pu évoquer plusieurs de ces combattants si particuliers. Nous saluons la présence : – des hôtes au prestige libertaire tels Armand Gatti et Hélène Châtelain, – de la CNT que nous remercions chaleureusement pour le prêt et l’aide concernant la sono, – de la Faceef, en la personne de Madame Fernandez – d’Arturo Peinado y su familia, president de la Federación Estatal de Foros por la Memoria, – des représentant(e)s d’associations de Républicains espagnols et de leurs descendants – des individus « anonymes » qui nous ont rejoints, – de M. Thierry Blandin, maire adjoint, chargé de la mémoire combattante à la mairie du 20e, – de Mme Violette Baranda, adjointe au maire, chargée des séniors et de l’intergénérationnel de la mairie du 19e, – de la télévision espagnole TVE… Après avoir remercié les participants, Daniel, administrateur de l’association, a présenté la Nueve, ses actes et son rôle au cours de la Seconde Guerre mondiale, puis a rappelé les raisons de l’existence de l’association 24 août 1944, porteuse de mémoire et passeuse de l’histoire oubliée. « Dès le printemps 1939, des dizaines de milliers de ces hommes, soldats et miliciens internés intégrèrent des compagnies de travailleurs étrangers (très vite devenues compagnies de travailleurs espagnols) ou la Légion étrangère, ou un peu plus tard, à la déclaration de guerre, « régiments de marche de volontaires étrangers », spécialement créés. Des milliers d’entre eux, soldats dans les rangs des troupes françaises ou soldats de l’ombre, dans la Résistance, luttèrent dans tous les combats où les alliés affrontèrent le nazisme et le fascisme, de Narvik au Tchad, au Gabon, en Égypte, Lybie, Syrie, Liban ou Tunis, se distinguant dans des batailles comme Bir-Hakeim, El Alamein, Koufra, Bizerte ou Monte Casino, et plus tard , dans la libération de Lyon, Paris ou Strasbourg. Beaucoup y laissèrent leur vie, mais 16 survivants espagnols la 2e DB-Leclerc sont arrivés, victorieux, jusqu’à Berschtesgaden et le Nid d’Aigle de Hitler. Ce fut la Nueve – 9e compagnie du 3e bataillon de marche du Tchad, 2e DB –, composée presque exclusivement d’Espagnols et commandée par le capitaine Raymond Dronne, qui, le 24 août 1944, parvint, en avant-garde, à l’Hôtel de ville de Paris. Les équipages de la vingtaine de « half-tracks » étaient des Espagnols, et la plupart de ces véhicules portaient des noms évocateurs de la guerre d’Espagne : Guadalajara, Teruel, Brunete, Ebro, Guernica… ou encore Don Quichotte. C’est pour cette raison que nous sommes réunis aujourd’hui, 71 ans après cet événement. » Puis, Marie-José Cortès nous a parlé de son papa : voir texte d’intervention dans la rubriques Les hommes de la Nueve et documents José Cortès, sergent dans la Nueve, jusqu’à Paris (voir texte d’intervention annexe1). À sa suite, Véronique Olivares Salou a évoqué la mémoire des frères Miguel et Pedro Solé, catalans, embarqués dans l’équipage du half-track Les Pingouins de la Nueve (voir texte d’intervention dans la rubriques Les hommes de la Nueve et documents)

Mais cette année 2015 est également le 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale et celui de la libération des camps de concentration. Là encore, les antifascistes espagnols sont aux premier rang.

« La guerre fut déclarée entre l’Allemagne, la France et l’Angleterre (en septembre 1939) par l’attaque et la prise de possession de la Pologne. Pour ceux qui avaient passé la frontière française et ne re-tourneraient pas en Espagne, il n’existait comme alternative, pour lutter contre les nazis, que celle d’intégrer la Légion ou les bataillons de marche, ou les compagnies de travailleurs étrangers pour édifier des fortifications sur la ligne « Maginot ». L’avenir devenait funeste. L’avance des colonnes motorisées hitlériennes, l’occupation des Pays-Bas et de la France les firent tomber aux mains des armées hitlériennes. Après de petits séjours dans les « Stalags » en tant que prisonniers de guerre, ils ont été transférés dans des camps d’extermination par le travail – pour « Rouges espagnols » –, avec le consentement et l’approbation des autorités espagnoles franquistes. En réalité, ils étaient des prisonniers de guerre de l’armée française et auraient dû être traités comme tels. Il n’en fut rien et se trouvèrent embarqués dans des conditions terribles vers les camps de concentration nazis, tels Mauthausen et ses kommandos, Gusen, le château d’Hartheim, Ebensee, Steyr et autres… Ils eurent le terrible privilège de constituer le premier convoi de déportés qui arriva le 6 août 1940 à Mauthausen. Le premier à partir du territoire français sortit d’Angoulême le 20 août 1940. Les Espagnols, qualifiés de « Rouges », étant donné leur état de combattants contre le fascisme, ont payé au centuple dans ce terrible holocauste de destruction et de mort. Mais ils furent surtout des résistants au système concentrationnaire nazi, et n’ont jamais cessé d’œuvrer pour en récolter les preuves. Leur devise : le devoir collectif de survivre ! » Ensuite, Benito Bermejo, historien espagnol, spécialisé dans la déportation espagnole, a expliqué ce que fut la déportation espagnole : premiers déportés du sol français (voir texte d’intervention en annexe 3).

L’association avant de quitter l’esplanade a rappelé les projets en cours :

– les samedi 26 et dimanche 27 septembre 2015 : colloque et projections sur les divers enfermements subis par les antifascistes espagnols, Le 26 de 14 à 19 h, le 27 de 11 h à 18 h – Cinéma La Clef – 34, rue Daubenton – Paris 5e ; – le lundi 23 novembre 2015 : concert Trio Utgé-Royo, « No pasarán ! », contre la mon-tée des marées noires et bleues, et à l’aube du 80e anniversaire du début de la guerre d’Espagne, En Première partie : textes de combattant-e-s antifascistes espagnol-e-s, mise en espace d’Armand Gatti, avec le metteur en scène Jean-Marc Luneau. À 20 h – Vingtième théâtre – 7, rue des Plâtrières – Paris 20e. – le 14 avril 2016, inauguration et pose de la plaque dédiée à Manuel Lozano, combattant de la Nueve et militant CNT toute sa vie, sur le mur de son dernier domicile à Paris 19e, rue des Bois. La réalisation de cette plaque a été portée avec opiniâtreté par Mme Violette Baranda, élue du 19e, elle-même nièce d’un combattant de la Nueve, présente en ce lundi 24 août.

Poésie

Vint ensuite un moment d’émotion avec la lecture bilingue par Christopher et Frank (de l’association) des poèmes de collégiens de 3e du collège « La Chesnaie » de Mouans-Sartoux, dans les Alpes-Maritimes (on retrouve les poèmes sur notre site, page …). Cette première partie s’est achevée avec le dépôt de plusieurs gerbes de fleurs : – Association 24 août 1944, – Mairie du 12e dont Mme Catherine Baratti-Elbaz, maire, n’a pu être présente pour raison de santé, – Mairie du 20e et Mme Frédérique Calandra, maire, représenté par Mm Blandin, maire adjoint, chargé de la mémoire historique.

17 h 15 : Le cortège s’est mis en route pour terminer la marche de l’an dernier, jusqu’à l’Hôtel de ville, rue de Lobau, sous une pluie battante !

2ème partie : 18 h 30 : devant l’Hôtel de ville, rue de Lobau. – Accueil et prise de parole du Maire du 4e, Christophe Girard – Intervention de l’association ; l’allocution préparée à cet effet est lue entièrement par Cristine et Serge, de l’association, suscite l’attention de l’assistance, officiels compris. – Lecture d’extraits d’articles d’Albert Camus par Agnès, Daniel et Marie de l’association. (voir l’allocution et les extraits des articles de Camus en annexe 4) – Allocution de la Maire de Paris, Mme Anne Hidalgo (lire les extraits de l’allocution en annexe 5); – Allocution du Secrétaire d’État aux anciens combattants, M. Jean-Marc Todeschini. (lire les extraits de l’allocution en annexe 6) (l’intégralité des deux discours officiels peut être envoyé sur demande) Fin vers 19 h 30. Il fut alors sérieusement envisagé, après avoir remballé tout le matériel, banderoles, panneaux…, d’aller nous réchauffer autour d’un repas fraternel. La journée, malgré le froid, la pluie et le vent, fut un beau succès et un bel hommage à ces acteurs de la Liberté que sont les combattants antifascistes de la Nueve !

Défilé sous la pluie
Défilé sous la pluie
2 Banderas al viento
2 Banderas al viento

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Guerre, exil et prison d’un anarcho-syndicaliste

mera1.jpg Né à Madrid le 4 septembre 1897 dans une famille modeste ; Cipriano Mera travaille dès l’âge de 13 ans comme manœuvre dans le bâtiment. Il adhère d’abord à l’UGT puis au syndicat de la Construction de la CNT de Madrid auquel il restera attaché toute son existence.
Le 18 juillet 1936 au moment du soulèvement militaire, il se trouve en prison à la Modelo de Madrid. Le jour même, ses compagnons le libèrent et il s’engage alors dans les milices confédérales anarchistes. Il est nommé « Délégué général » de sa colonne. En première ligne, il se révèle être un excellent stratège militaire, favorisant les prises d’Alcala de Henares, de Cuenca… Mais c’est à la tête de la 14e Division, qu’il s’illustre, avant tout, dans l’importante victoire sur les troupes italiennes à Guadalajara le 23 mars 1937. Sans son plan de prendre par revers les défenses des nationaux en contournant leurs positions dans la cité par le haut, celle-ci ne serait jamais tombée, continuant à faucher la vie de centaines de miliciens qui s’offraient face à un nid de mitraillettes perché sur une hauteur d’où il dominait tous les accès bas de la ville.

Dans son autobiographie, il nous dit sa guerre et témoigne de façon simple et concise sur la participation des unités de la CNT dans un des secteurs géographiques les plus chauds de la guerre civile : la zone du centre de l’Espagne. Il nous raconte son expérience au jour le jour, appuyant sur les événements qui vont marquer son parcours notamment sa manière de s’opposer avec une force tranquille mais déterminée au broyage communiste. Il nous raconte de manière simple mais truculente la façon dont il exige que lui soit remis son chef d’État-major, Antonio Verardini, arrêté par José Cazorla [[conseiller de l’Ordre public de la Junte de défense de Madrid]] alors qu’il était en permission pour 24 heures à Madrid. Et comment il fit aussi sortir de prison Mica Etchebeheré, [[militante du POUM et capitaine d’une des deux compagnies formées par le POUM, accusée d’entente avec l’ennemi]] enfermée dans les cachots de la direction générale de la sûreté à Madrid. Sans éluder certains aspects «doctrinairement» discutables, comme la militarisation des milices, il assume l’entière responsabilité de son action. Il ne passe rien sous silence et évite les justifications a posteriori. Il est nommé lieutenant-colonel à la tête du IVe corps d’armée [[armée du centre]].
En mars 1939, Mera soutient la coalition militaire du colonel Casado contre le gouvernement Negrín, [[composé essentiellement de dirigeants ou sympathisants communistes et assistés de délégués soviétiques, prêts à sacrifier la vie de beaucoup d’hommes pour un combat perdu d’avance, alors que la plupart d’entre eux ont déjà quitté l’Espagne, abandonnant leurs troupes à elles-mêmes]]. Puis il se désolidarise de Casado, compte tenu que ce dernier ne s’est pas garanti [[en occupant les mines de mercure d’Almadén par exemple]], comme cela avait été prévu, pour négocier avec Franco, et du coup les négociations échouent.
À la suite de quoi, Mera se préoccupe de quitter l’Espagne avec ses compagnons. Il réussit dans les derniers jours de mars 1939 à passer en Algérie où il connait les camps d’internement, puis au Maroc où il est arrêté par les autorités pétainistes et en 1941, remis aux autorités franquistes. Incarcéré, il est condamné à mort puis gracié.
Il revient en France en 1947 où il s’installe définitivement comme maçon, métier qu’il exerce toute sa vie. Ce qui lui fait dire cette phrase célèbre : « Ma plus grande victoire a été la truelle« .
En 1965, il est exclut de la CNT avec une partie des militants qui refusent la ligne politique que prend cette dernière. En 1969 il prend sa retraite. Il meurt le 24 octobre 1975, à peine un mois avant Franco…
À ses funérailles, son compagnon Francisco Olaya Morales lui rendit hommage en une belle phrase résumant son action émancipatrice, en forme d’épitaphe : « Il mourut comme il avait vécu : en construisant des édifices que d’autres se consacraient à détruire »

Article réalisé grâce à l’appui d’extraits de la 4e de couverture de l’ouvrage Guerre, exil et prison d’une anarcho-syndicaliste, Cipriano Mera, et de l’article de Lucie Heymé paru le 1er octobre 2012 sur http://www.autrefutur.net/Ma-plus-grande-victoire-a-ete-la

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Ni l’arbre ni la pierre

Des combats pour la liberté aux déchirements de l’exil – L’odyssée d’une famille libertaire espagnole

Mon père était ouvrier à l’usine et le reste du temps avec ses compagnons, il préparait la révolution sociale. Enfant, dans les années cinquante, je considérais mon père comme quelqu’un ayant deux métiers : ouvrier et révolutionnaire.

Les femmes et les hommes qui vécurent cette odyssée s’affrontèrent, la rage au ventre à l’ignominie des pouvoirs. A la joie, la vitalité et l’enthousiasme immense qui régnaient durant la révolution espagnole succéderont la détresse des réfugiés, dépossédés de leurs armes et parqués honteusement dans des camps de concentration français, la résistance contre le fascisme et l’espoir déçu d’un retour en Aragon.
Nous nous souviendrons longtemps, avec tendresse, de cette grand-tante chanteuse de music-hall à Barcelone, de ces grands oncles rebelles et aventuriers, bandoleros au service du mouvement libertaire, de cette grand-mère se répandant d’affection pour ses petits-enfants, leur chantant Hijos del pueblo, l’hymne des anarchistes. Nous repenserons au restaurant populaire collectivisé de Sarinena où se rencontrèrent Juliana et Eusébio, les parents de l’auteur.

Nous les imaginons débordant de révolte, de désir et d’espérance. Ils prennent place dans notre mémoire…


_Né en 1953 à Villefranche-en-Beaujolais, Daniel Pinós est l’avant-dernier d’une famille de six enfants. Ses parents, des anarcho-syndicalistes espagnols, s’exilèrent en France en 1939. Militant libertaire et antimilitariste, insoumis en 1973, il s’exila à son tour à Amsterdam où, en 1976, il apprit la mort de son père. Il est aujourd’hui responsable d’édition aux Presses de la Sorbonne Nouvelle.

Daniel Pinós collabore également à l’association 24 août 1944 pour laquelle, notamment, il écrit des articles et s’occupe des publications.

5 mai, jour de la libération du camp de Mauthausen

Dès 1936 en Espagne, les antifascistes espagnols furent les premiers à s’élever contre le fascisme européen, les premiers aussi en 1940, alors que la France hésitait encore. Ils payèrent très cher cette clairvoyance et ils furent les premiers déportés, en dehors des prisonniers Allemands et Autrichiens. Même s’il y a eu des Espagnols déportés dans tous les camps de concentration, ils furent massivement envoyés des stalags au camp de Mauthausen (classé catégorie III, camp d’élimination), à compter du 06 août 1940 et pour leur rage à défendre la démocratie, ils furent encore les premiers déportés partis du sol français pour les camps de la mort (le 20 août 1940, convoi d’Angoulême).

Ils portent le triangle bleu des apatrides et à l’intérieur du triangle la lettre S pour Spanien. Au début, ils occupent les places les plus exposées dans le camp et effectuent les travaux les plus pénibles. Ils ne trichent pas face à l’atrocité de leur condition mais ils se souviennent qu’ils sont des combattants et non des victimes. Dès lors, ils entrent en résistance, leur but collectif sera de survivre et de collecter toutes les preuves possibles pour témoigner de la terrible déshumanité.
Sur les 7 200 hommes envoyés au camp de Mauthausen, les deux tiers ont été exterminés. Mais animés de la volonté farouche de combattre le fascisme, ils n’ont jamais cessé de résister et de s’entraider, ce qui permit à 2000 d’entre eux de survivre pour témoigner.
Mauthausen et ses kommandos fut un des derniers camps libérés, le 5 mai 1945. À cette date, le comité clandestin espagnol, qui avait été le moteur de l’organisation internationale clandestine de résistance du camp, était prêt à défendre chèrement la vie des survivants. Au moment du rapatriement, les Espagnols ne pouvaient pas rentrer dans leur pays. Aussi après des négociations, furent-ils rapatriés en France puisque c’est de ce pays et à cause de leur engagement à le défendre qu’ils avaient été déportés.

Pour toutes ces raisons qui lient étroitement le combat des antifascistes espagnols à l’histoire de la France dans la Seconde Guerre mondiale, nous serions heureux de vous accueillir, 70 ans après, au cours de cet hommage rendu à ceux qui sont tombés et à ceux qui ont pu résister, et nous souhaiterions vous donner la parole afin que leur engagement pour la liberté soit marqué de votre considération, dans ce lieu symbolique de toutes les luttes populaires pour la liberté. Rendez-vous le 5 mai 2015, 15h 30, cimetière du Père Lachaise, porte Gambetta, rue des Rondeaux, Paris 20e (métro Gambetta).


Invitation 5 mai 2015 Programme 2015 de l’association

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Les mémoires de Mika ou le récit sensible d’une vie de milicienne

« On aura tout vu. C’est une femme qui commande la compagnie et les miliciens qui lavent les chaussettes. Pour une révolution, c’est une révolution ! »
( Ernesto, dans « Ma guerre d’Espagne à moi ».)
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( Mika et Hippolyte Etchebéhère )

Dans « Ma guerre d’Espagne à moi »[[Éditions Denoël, Paris, 1975- Éditions Milena, 2014.

lire également : « La Capitana » d’Elsa OSORIO, Bibliothèque Hispano-Américaine. Editions Métailié 2014]], on est loin de ces récits héroïques où les heures de gloires et les coups de force coulent de pages en pages…

Mika y parle simplement de ses engagements politiques, initiés en Argentine, de sa participation au front de Sigüenza avec le POUM[[12 Juillet 1936, six jours avant le coup d’État franquiste, Mika est à Madrid. Fin 1936, après la militarisation des milices, elle rejoint la 38è Brigade. Sa compagnie décimée dans de violents combats, elle intègre, avec le grade de capitaine, la XIVè division de l’Armée populaire espagnole, dirigée par Cipriano Mera de la CNT.]] ou de ses combats ultérieurs. Avec humanité, elle évoque son amour complice pour Hippolyte, ses considérations sur l’art ou la sexualité au front [[Lire également : « Mémoires d’une femme dans la tourmente de la révolution espagnole : l’exemple de Mika Etchebéhère »- Mémoire de Master de Vanessa Auroy, Université Angers, 2013.]]. Et puis, elle raconte ses liens d’amitié avec Cipriano Mera, l’un de ses mentors, qui interviendra lorsqu’elle sera incarcérée par la Gépéou…

Hippolyte Etchebéhère

Sa rencontre avec cet homme sera, pour Micaela Feldman, celle d’une vie. Elle l’épousera, deviendra Mika Etchebéhère et lui succèdera, à sa mort, sur le front espagnol en août 1936, en tant que capitaine d’une colonne poumiste. Son souvenir la suivra durant toutes les batailles qu’elle livrera en sa mémoire et pour la lutte révolutionnaire. À de nombreuses reprises, elle évoque son mari décédé quand elle ne se sent pas bien, quand elle est déprimée, apeurée ou tout simplement seule

Après la chute de la cathédrale de Sigüenza qui fut la bataille la plus importante et qui lui permit d’obtenir ses galons de capitaine, elle part récupérer des forces chez des amis à Paris. Elle explique alors que ne pas se souvenir ou du moins essayer de ne pas se souvenir de son mari est un rempart contre le laisser-aller :

Après cela j’ai dressé un barrage aux souvenirs. Pour pouvoir vivre. Alors je suis vidée. Je n’ai que les pensées utiles à la guerre, les autres me sont défendues. Je ne dois pas lire car j’ai tout lu avec lui, ni regarder le ciel, ni aimer la montagne, ni me pencher sur une fleur, car tout cela appartient à notre vie à deux, à ce séjour où il me disait : « Il faut que nous ménagions notre amour. Nous achèterons moins de livres pour que tu puisses avoir une jolie robe. Tu te souviens de celle que j’avais dessinée pour toi lorsque nous nous sommes connus ? Maintenant tu n’as qu’une vieille jupe et ce manteau de garçon que Marguerite t’a donné.

La politique avale toute notre vie, il ne faut pas qu’elle nous dévore.

Rencontre sur le front avec Mera

Quand elle rencontre Cipriano Mera sur le front, elle se rappelle ses premiers engagements vers l’anarchisme et le groupe féministe « Louise Michel » auquel elle adhère dès l’âge de 14 ans…

Il incarne pour moi l’anarchisme intransigeant et austère qui m’a conduite à la lutte révolutionnaire sitôt sortie de l’enfance.

Et lui, de faire le lien avec sa façon de penser, ce qu’elle ne nie pas:

Mera : Avoue que tu aimes causer un brin avec tes anciens frères anarchistes. Toi, le communisme t’est resté à la surface, à l’intérieur tu restes anarchiste.

Mika Tu as peut-être raison…En tout cas, ce qui peut me rester de l’anarchisme, c’est mon incapacité à respecter les hiérarchies imposées et ma foi dans le cercle de l’égalité.

Quand l’un de ses miliciens, Clavelín qui n’avait que quinze ans, est mortellement blessé lors des combats sur la colline de l’Aguila, elle se met à pleurer. Mera lui adresse alors une phrase acerbe :

Allons, petite, cesse de pleurer : vaillante comme tu es, tu pleures ! Bien sûr, tu es femme après tout.

Avec fierté, elle s’oppose à son mentor et lui répond avec un certain mépris :

La phrase me cingle comme un fouet furieux qui me fait serrer les poings et me brûle au visage. Je lève la tête, tâchant de me calmer, cherchant une réponse écrasante, mais je parviens seulement à dire : « C’est vrai, femme après tout, et toi, avec tout ton anarchisme, homme après tout, pourri de préjugés comme n’importe quel mâle.

Des églises brûlées, des curés arrêtés

Grâce à son environnement familial, elle a acquis un goût pour les arts et leur conservation. Elle s’insurge quand elle voit les églises brûlées par anticléricalisme :

Vous savez, camarades, il y a de vrais trésors ici. Chaque morceau de bois peint vaut une fortune. C’est très vieux et jamais plus on ne refera rien de pareil. Quand la guerre sera finie, votre chapelle sera déclarée monument national et l’on viendra de partout la voir, même de l’étranger.

Et en face de trois curés arrêtés par les miliciens, assis sur un banc devant la gare, elle s’apitoie :

Sans le milicien armé qui les surveille on pourrait croire qu’ils attendent le train pour partir. Aucun ne prie. Ils ont l’air si lamentable que je rage de sentir ma vieille ennemie, la pitié, et la honte d’avoir toujours pitié, me prendre à la gorge.

Femmes et sexualité au front

Si elle ne consacre pas de chapitre aux femmes en général, elle les évoque au gré des circonstances et du quotidien au front.

Les premières qu’elle cite sont ces « quelques femmes, certaines d’allure bizarre » qui se trouvent dans les locaux du POUM aux premiers jours de la guerre. Très vite, elle apprend « que ce sont des filles d’une maison close voisine qui viennent s’enrôler dans la milice. »

Une certaine gêne et un dégoût s’affiche alors face à ces prostituées.

Elles me ramènent loin en arrière, à un morne soir de Paris, dans le quartier de la Chapelle, rue de la Charbonnerie : je portais un ciré noir, ma lassitude d’une harassante journée de courses, et une valise pleine de Que faire ?, la revue de notre groupe qu’il fallait distribuer dans les kiosques. Une terreur enfantine me saisit, et lorsqu’une grosse brune marcha sur moi avec des gestes obscènes, je me mis à courir comme une folle, poursuivie très longtemps par les éclats de rire de ces femmes que dans nos discours anarchistes, alors que j’avais dix-huit ans, nous appelions « nos soeurs les putains ».
Devant ces sœurs qui aujourd’hui viennent à nous, je ne me sens pas l’âme fraternelle. Rancune, peut- être même jalousie parce que nos camarades les couvent du regard
.

D’autres sont également une source de rejet : celles qui cherchent, à tout prix, à devenir les fiancées des miliciens ou les maîtresses des chefs afin d’obtenir, par procuration, un certain prestige, de l’ascension sociale ou qui essaient simplement de sauver leur vie en profitant de leur féminité.

Mais il y a « l’Abysinienne » :

D’où venait cette Abisinia que j’avais trouvée parmi nous au retour de l’hôpital ? Elle avait la peau d’un brun presque noir, des yeux de jais et la tête couronnée de nattes aussi noires que ses yeux, d’où son surnom d' »Abysinienne », et elle avait seize ans – qui en paraissaient vingt. Grande, la poitrine haute, son bleu de milicienne n’arrivait pas à effacer sa taille de maja ni à dissimuler sa démarche balancée de fille des bas quartiers de Madrid. Elle chantait toute la journée Ay Mari-Cruz, Mari-Cruz, maravilla de mujer…, on la voyait se promener, esquisser un pas de danse, aborder un milicien, un autre avec toujours la même exigence : « Montre-moi comment ça se démonte, un fusil. Je sais le charger, mais pas le démonter, et un jour moi aussi j’en aurai un..

Et aussi « Manolita la Fea » (la moche):

Oui, Mocheté. Je suis de la colonne Pasionaria, mais je préfère rester avec vous. Jamais ils n’ont voulu donner de fusils aux filles. On était bonnes pour la vaisselle et la lessive. J’ai entendu dire que dans votre colonne les miliciennes avaient les mêmes droits que les hommes, qu’elles ne s’occupaient ni de lessive ni de vaisselle. Je ne suis pas venue au front pour crever, un torchon à la main. J’ai assez récuré de marmites pour la révolution !

Sa réflexion sur la sexualité des autres femmes évolue après avoir vu toutes les atrocités que peut provoquer une guerre. À Madrid, elle croise une femme dans les rues et entame une discussion avec elle :

« On n’a jamais fait autant l’amour ici, me dit une femme qui tient une grosse poule attachée par une patte à sa chaise. Cette poule, tiens, elle nous pond un oeuf chaque jour. Je la sors prendre l’air dès que les obus cessent de tomber. Les filles de Madrid vont aussi pondre des tas de gosses… A ce train-là, les pertes de la guerre seront vite comblées.

C’est toujours comme ça en temps de guerre, lui dis-je pour qu’elle n’ait pas honte de ses compatriotes. Les gens veulent vivre vite de peur de mourir… »

Incarcérée par la Guépéou

Après les journées de mai 1937 à Barcelone (la Contre révolution stalinienne) et la mise hors la loi du POUM, Mika est incarcérée par les staliniens et manque de connaître le même sort que nombre de ses camarades, éliminés par la Guépéou [[Créée en 1922, elle remplaça la Tcheka. Elle joua un rôle important dans la révolution entreprise par Staline à partir de 1929, envoyant dans les camps gérés par le Goulag les saboteurs, les koulaks, les membres du clergé ou de l’ancienne intelligentsia. Elle fut intégrée en 1934 au Commissariat du peuple aux affaires intérieures (NKVD). ]]. Elle échappe à l’exécution sommaire grâce à l’intervention de Mera, son ami et mentor[[Ironie du sort : quelques années plus tard, Mera sera à son tour victime d’autres commissaires politiques, mais cette fois-ci, de la CNT en exil… Lire http://www.autrefutur.net/Ma-plus-grande-victoire-a-ete-la]] .

– Comment Mera sauva Mika des griffes staliniennes –

À sa sortie de prison, elle rejoint le groupe féministe libertaire, Mujeres Libres, participe aux combats jusqu’en juin 1938, lorsque les femmes sont renvoyées vers l’arrière. À l’entrée des troupes franquistes dans Madrid, elle parvient à leur échapper et à passer en France.

Inlassable militante, après avoir participé aux événements de 1968, comme Mera, elle meurt à Paris en 1992.

 

Relire ainsi quelques souvenirs de Mika, comme ses échanges avec Mera, rajoute un goût amer à l’échec d’un (de leur) espoir partagé…

Source : www.autrefutur.net

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Manuel Lozano sort de l’oubli…

Le 10 septembre 2009, l’association du 24 août 1944 faisait une démarche auprès du ministre de la défense délégué aux anciens combattants et à la mémoire Monsieur Kader Arif, de la Maire de Paris Madame Hidalgo, de l’adjointe au Maire chargée de la mémoire combattante Madame Vieu-Charier et de la conseillère préposée aux espaces vert de la nature, de la biodiversité et des affaires funéraires madame Komitez, afin que la Mairie de Paris prenne en charge la concession, et l’entretien de la sépulture de Manuel Lozano, combattant de la Nueve entré à Paris le 24 août 1944 sur L’Half-Track Guadalajara et enterré au cimeterre parisien de Pantin.

Le 26 septembre nous avons reçu une réponse de madame Pénélope Komitez qui stipule entre autre, «  qu’à titre exceptionnel, en reconnaissance du rôle joué par Manuel Lozano, sa sépulture sera conservée en l’état, malgré l’achèvement de la concession « . «  C’est la Mairie de Paris qui assurera l’entretien de cette tombe . » (voir document joint)
Notre association non seulement exprime toute sa satisfaction à l’issue de cette démarche mais la considère comme une réelle victoire de la mémoire face au silence et à l’oubli dans lequel pourrait sombrer les valeureux défenseurs de la liberté si ce n’était nos vigilances communes pour conserver et transmettre cette éthique qui a soulevé et porté tant d’humains français et étrangers unis dans un même élan, celui de la justice et de la liberté, aux moments les plus difficiles et cruciaux de notre histoire commune.


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Réponse de madame Pénélope Komitez du 26 septembre 2014
Réponse de madame Pénélope Komitez du 26 septembre 2014
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Documents joints

 

Bilan des actions de l’association, août 2014

Les colloques

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22 août à la bourse du travail de Paris.
Thème : révolution, guère, exil des Républicains espagnols.
– La révolution sociale espagnole: Frank Mintz.
– L’exil des républicains espagnols : Geneviève Armand Dreyfus, Marie Rafaneau- Boj.
– Histoire d’un exil politique ou la lutte contre l’oubli : Claire Pallas.
– Les combattants espagnols dans la résistance espagnols et dans la libération de Paris : Véronique Salou, Evelyn Mesquida, Guillaume Goutte.

Exposition de peintures

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Portraits d’hommes de la Nueve peints par Juan Chica-Ventura

Environ 200 personnes ont suivi les interventions et participé aux débats.

Spectacle : La Nueve mise en espace par Armand Gatti

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Des membres de l’association et des compagnons amis ont crée un spectacle à partir des témoignages recueillis par Evelyn Mesquida, dans son ouvrage les Républicains espagnols qui ont libérés Paris. Ainsi ont-ils portés les mots d’hommes de la Nueve.
Ce spectacle a été mis en scène par Jean Marc luneau et Armand Gatti. Stéphane Gatti a accompagné ce spectacle d’un montage d’images d’archives.
– Une première représentation s’est déroulée le 23 août à La Parole errante à Montreuil. 350 à 400 personnes ont assisté à ce spectacle.
– Une seconde représentation s’est déroulée au Cinéma la clé, le 6 septembre. Environ 230 personnes ont assisté au spectacle.
Une représentation se déroulera le 19 novembre 2014 au XXe théâtre à Paris.

La marche

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Le 24 août, jour de l’entrée des républicains espagnols à Paris, nous avons organisé une marche sur les pas des hommes de la Nueve.

Le long du parcours, il y avait des portraits des hommes de la Nueve et des drapeaux aux couleurs des principales forces politiques et syndicales qui composaient la Nueve, ainsi que des drapeaux aux couleurs des régions d’origine de ces hommes.

Il y a eu des prises de paroles d’officiels et de membres de l’association au départ de la marche, au square Hélène Boucher, à l’arrêt de certaines plaques, à l’arrivée de la marche, sur l’esplanade des Villes Compagnons de la Libération. Kader Arif, Secrétaire d’État aux Anciens Combattants et à la Mémoire ainsi qu’Anne Hidalgo, Maire de Paris, ont pris la parole soulignant l’engagement des Républicains espagnols, notamment des anarchistes au sein de la Nueve, dans la lutte contre le fascisme. Ils ont déploré l’abandon de La France envers ces mêmes antifascistes espagnols durant leur long combat contre le franquisme.

En outre, les « comédiens » de La Nueve mise en espace par Armand Gatti ont donné lecture d’extraits du spectacle.

Notons que nous avions fait venir le half-track, Guadalajara, de la place d’arme du Mont Valérien jusqu’à l’esplanade.
La marche a été un succès. Nous étions au moins 1500, certains venus d’Espagne et de Province.

Projections de Films

Révolution guerre et exil des républicains espagnols. Projection de documentaires sur la révolution sociale espagnole, l’exil, l’engagement dans la lutte contre le nazisme.
Cinéma la clé à Paris, le 5 septembre.
– Bajo EL Signo Libertario, sous le signe libertaire : la collectivisation dans le village de Pina de Ebro dans l’Aragon filmé par la CNT en 1936.
– Contes de l’exil ordinaire, film de Christian Marc et dont les entretiens ont été réalisés par Marie Louise Roubaud et René Grando: l’internement dans les camps du sud de la France des réfugiés républicains espagnols. Il met en relief leur participation à la Résistance française et à tous les combats pour la libération du territoire..
– La Nueve ou les oubliés de la victoire, film d’Alberto Marquardt : l’histoire de la Nueve. Sortis des camps français, des milliers de soldats espagnols se battent contre les troupes allemandes, sur tous les fronts. En Afrique, après des batailles contre Vichy et les divisions allemandes du général Rommel, une partie de ces milliers d’Espagnols est intégrée à la 2e division blindée (2e DB) du général Leclerc. Au sein de cette division, la 9e compagnie, la Nueve, commandée par le capitaine Dronne, est dans sa quasi totalité une compagnie d’Espagnols ; la langue de la compagnie est le castillan et une forte composante des hommes est anarchiste, antimilitariste… Pourtant la France « Libre » et les alliés vont les abandonner à leur exil laissant Franco régner par la terreur pendant 47 ans.

Ces projections étaient accompagnées d’une exposition de peintures des portraits d’hommes de la Nueve peints par Juan Chica-Ventura.
Il y avait environ 250 spectateurs.