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Guerre, exil et prison d’un anarcho-syndicaliste

Article du | 24 aout 1944 |
Les Mémoires de Cipriano Mera, publiés dans sa langue maternelle en 1976 et enfin disponibles en français 1, viennent donc heureusement combler une importante lacune. Ils permettront au lecteur de ce côté-ci des Pyrénées de mieux comprendre comment l’immense espoir de voir enfin triompher une révolution digne de ce nom tourna à la tragédie. monde-libertaire.fr/portraits/16101-la-memoire-dun-vaincu-cipriano-mera-sanz-dp1

mera1.jpg Né à Madrid le 4 septembre 1897 dans une famille modeste ; Cipriano Mera travaille dès l’âge de 13 ans comme manœuvre dans le bâtiment. Il adhère d’abord à l’UGT puis au syndicat de la Construction de la CNT de Madrid auquel il restera attaché toute son existence.
Le 18 juillet 1936 au moment du soulèvement militaire, il se trouve en prison à la Modelo de Madrid. Le jour même, ses compagnons le libèrent et il s’engage alors dans les milices confédérales anarchistes. Il est nommé « Délégué général » de sa colonne. En première ligne, il se révèle être un excellent stratège militaire, favorisant les prises d’Alcala de Henares, de Cuenca… Mais c’est à la tête de la 14e Division, qu’il s’illustre, avant tout, dans l’importante victoire sur les troupes italiennes à Guadalajara le 23 mars 1937. Sans son plan de prendre par revers les défenses des nationaux en contournant leurs positions dans la cité par le haut, celle-ci ne serait jamais tombée, continuant à faucher la vie de centaines de miliciens qui s’offraient face à un nid de mitraillettes perché sur une hauteur d’où il dominait tous les accès bas de la ville.

Dans son autobiographie, il nous dit sa guerre et témoigne de façon simple et concise sur la participation des unités de la CNT dans un des secteurs géographiques les plus chauds de la guerre civile : la zone du centre de l’Espagne. Il nous raconte son expérience au jour le jour, appuyant sur les événements qui vont marquer son parcours notamment sa manière de s’opposer avec une force tranquille mais déterminée au broyage communiste. Il nous raconte de manière simple mais truculente la façon dont il exige que lui soit remis son chef d’État-major, Antonio Verardini, arrêté par José Cazorla [[conseiller de l’Ordre public de la Junte de défense de Madrid]] alors qu’il était en permission pour 24 heures à Madrid. Et comment il fit aussi sortir de prison Mica Etchebeheré, [[militante du POUM et capitaine d’une des deux compagnies formées par le POUM, accusée d’entente avec l’ennemi]] enfermée dans les cachots de la direction générale de la sûreté à Madrid. Sans éluder certains aspects «doctrinairement» discutables, comme la militarisation des milices, il assume l’entière responsabilité de son action. Il ne passe rien sous silence et évite les justifications a posteriori. Il est nommé lieutenant-colonel à la tête du IVe corps d’armée [[armée du centre]].
En mars 1939, Mera soutient la coalition militaire du colonel Casado contre le gouvernement Negrín, [[composé essentiellement de dirigeants ou sympathisants communistes et assistés de délégués soviétiques, prêts à sacrifier la vie de beaucoup d’hommes pour un combat perdu d’avance, alors que la plupart d’entre eux ont déjà quitté l’Espagne, abandonnant leurs troupes à elles-mêmes]]. Puis il se désolidarise de Casado, compte tenu que ce dernier ne s’est pas garanti [[en occupant les mines de mercure d’Almadén par exemple]], comme cela avait été prévu, pour négocier avec Franco, et du coup les négociations échouent.
À la suite de quoi, Mera se préoccupe de quitter l’Espagne avec ses compagnons. Il réussit dans les derniers jours de mars 1939 à passer en Algérie où il connait les camps d’internement, puis au Maroc où il est arrêté par les autorités pétainistes et en 1941, remis aux autorités franquistes. Incarcéré, il est condamné à mort puis gracié.
Il revient en France en 1947 où il s’installe définitivement comme maçon, métier qu’il exerce toute sa vie. Ce qui lui fait dire cette phrase célèbre : « Ma plus grande victoire a été la truelle« .
En 1965, il est exclut de la CNT avec une partie des militants qui refusent la ligne politique que prend cette dernière. En 1969 il prend sa retraite. Il meurt le 24 octobre 1975, à peine un mois avant Franco…
À ses funérailles, son compagnon Francisco Olaya Morales lui rendit hommage en une belle phrase résumant son action émancipatrice, en forme d’épitaphe : « Il mourut comme il avait vécu : en construisant des édifices que d’autres se consacraient à détruire« 

Article réalisé grâce à l’appui d’extraits de la 4e de couverture de l’ouvrage Guerre, exil et prison d’une anarcho-syndicaliste, Cipriano Mera, et de l’article de Lucie Heymé paru le 1er octobre 2012 sur http://www.autrefutur.net/Ma-plus-grande-victoire-a-ete-la

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