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Francisco Ferrer Guardia et son temps

Francisco Ferrer Guardia face à ses ennemis.

On peut avoir une idée des critiques de la droite au moment de l’exécution Francisco Ferrer Guardia en rappelant cette citation de la presse catholique de la région d’Alicante : “ La fusillade de Ferrer a rendu fou furieux les anarchistes et les francs-maçons d’Europe, qui ont protesté contre ce fait juste et légal, quoi qu’en dise la canaille sectaire et les voyous et bandits auteurs des forfaits et des pillages dont ont été victimes certains quartiers de Paris. [Conclusion de l’article “ Ferrer et la franc-maçonnerie ” publiée avec la censure ecclésiastique, 22 octobre 1909). En janvier 1910, une attaque en règle des livres édités par la maison d’édition de Francisco Ferrer, La Escuela Moderna [L’École moderne], gérée par ses camarades, qualifie les auteurs de “ pistoleros ” (bandits armés) et Léopoldine Bonnard (compagne de Ferrer) de “ malheureuse athée ”.
Le prologue au livre “ Évolution sur-organique. La Nature et le Problème Social ” d’Enrique Lluria [livre non traduit en français], de Ramón y Cajal, médecin et prix Nobel de médecine en 1906, était traité de “ honte ”. Le premier août 1910, on pouvait lire : “ il faut arriver en Espagne à une Loi contre l’Anarchie, comme on a su en avoir le courage avec un véritable civisme en Argentine. […] Et il faut également dire qu’on doit poursuivre et en finir avec l’anarchiste, comme il veut en finir avec la société. […] Assez de lyrisme et de pudibonderies. ” (“ La Voz de Alicante ”).

La pédagogie de Francisco Ferrer Guardia.

Revendiquer aujourd’hui Ferrer Guardia devient donc un acte militant. Mais au-delà de la fidélité, de la connaissance de cet épisode du passé, quel intérêt pratique présentent les idées et les pratiques pédagogiques de Francisco Ferrer ?

Pour comprendre la pédagogie de Ferrer Guardia, il faut partir du fait que l’Espagne de la fin du XIX et du début du XX était majoritairement sous l’emprise du catholicisme et que les analphabètes étaient majoritaires (mais non dénués de conscience politique). Francisco Ferrer a voulu offrir un enseignement laïc, mixte, faisant à la créativité des élèves et radicalement engagé. Ferrer Guardia ne se présentait pas ouvertement comme anarchiste pour éviter la répression de l’État. Ferrer visait les familles dépourvues de préjugés obscurantistes, qu’elles soient bourgeoises ou prolétaires.

Pratiquement, voici quelques exemples de l’esprit de « L’École moderne » (ou l’éducation rationaliste), le nom de la pédagogie de Francisco Ferrer Guardia. “ Que l’instruction, l’enseignement ne commence que lorsque l’enfant le demandera ”.  Dans le but d’un enseignement égalitaire, c’est-à-dire différencié suivant les intelligences, “ l’école ne décernera aucun prix, ni n’établira d’examens ”, et de punition. Mais les enseignants soulignaient “ la concordance ou la discordance de son [de l’élève] comportement vis-à-vis de lui-même et à l’égard des autres, ainsi que celles en rapport avec le résultat de son travail. ”. Dans tous les aspects de la pédagogie, l’exploitation sociale était dénoncée, mais le but principal était que l’élève soit “ capable de réaction et d’émancipation de toute tutelle ”, donc même de celle de ses maîtres rationalistes.

Francisco Ferrer Guardia porteur d’idées révolutionnaires.

Ferrer n’était pas que plongé dans la pédagogie, il finançait avec son propre argent la presse ouvrière anarchosyndicaliste et il était franc maçon. Par le truchement de son enseignement, des conférences fréquentes destinées aux parents d’élèves, des ouvrages de sa maison d’éditions, il diffusait des idées sociales, scientifiques et anarchisantes.

Ce projet était réaliste et il fonctionna. Mais le pays était trop exploité et en proie à la misère et les explosions étaient inévitables. À Barcelone où Ferrer avait ses écoles, en juillet 1909, des réservistes sont rappelés pour faire la guerre au Maroc espagnol. Au moment de l’embarquement dans le port, une mutinerie éclate, s’étend à toute la ville, des barricades sont dressées spontanément. Près de cinquante églises et couvents furent brûlés. Mais le peuple respecta la vie des occupants, priant les religieuses et les moines d’abandonner les lieux. Les analphabètes étaient conscients que la cause du déséquilibre était l’Église (et l’anticléricalisme spontané du peuple espagnol a toujours été violent depuis le début du XIX siècle) et ils respectaient les individus.

Les classes dirigeantes et possédantes étant majoritairement de droite et catholique, il fallait trouver un coupable pour faire oublier leur crasse politique et morale. Ce fut Ferrer Guardia. Un tribunal militaire le jugea à la hâte, à partir de témoignages tellement peu probants que l’avocat militaire commis d’office, dénonça cette procédure. La sentence était prévisible et la condamnation à mort fut la fusillade le 13 octobre 1909.

 

Manifestation Ferrer, 17 octobre 1909 [à Paris après l'exécution de Francisco Ferrer, anarchiste espagnol
Manifestation Ferrer, 17 octobre 1909 [à Paris après l’exécution de Francisco Ferrer, anarchiste espagnol
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L'école moderne
L’école moderne
Manifestation Ferrer, 17 octobre 1909 à Paris après l'exécution de Francisco Ferrer
Manifestation Ferrer, 17 octobre 1909 à Paris après l’exécution de Francisco Ferrer
Procès de Ferrer
Procès de Ferrer
éxécution de Ferrer dans les fosses de Montjuic
éxécution de Ferrer dans les fosses de Montjuic

Abd-el-Krim (1882-1963)

En 1921, la tribu des Beni Ouriaghel, installée dans la région d’Alhoceima, entre en rébellion ouverte sous la conduite d’un ancien fonctionnaire de l’administration espagnole, Mohamed ben Abd el-Krim El Khattabi, âgé de 30 ans. Ce jeune chef charismatique et intelligent inflige, à la tête d’une petite armée, quelques échecs aux Espagnols.
Là-dessus, le général espagnol Silvestre lève une puissante armée pour en finir avec les Beni Ouriaghel. Mais il essuie une dramatique défaite à Anoual, en juin 1921.

La quasi-totalité de ses troupes, soit 15 000 soldats, trouve la mort dans la bataille. Le général lui-même se suicide. Abd el-Krim étend son autorité à l’ensemble du Rif. En février 1922, il proclame la république rifaine et s’en désigne président, mais il sera cependant contraint de se rendre, en 1926, face à l’alliance des armées espagnole et française, il est exilé à la Réunion, à château Morange.
Les populations marocaines, en représailles, subiront un gazage massif à l’ypérite (on estime à 150 000 le nombre de victimes civiles dans l’année 1925-1926).

Il est étonnant que le gouvernement républicain du Frente popular n’ait pas donné un statut d’indépendance au Maroc, ni, en demandant au front populaire français sa libération, passé avec Abd-el-Krim, accords qui auraient privé Franco du soutien des troupes marocaines. Cette éventualité a été évoquée par les responsables anarchistes des deux pays, dont Pierre Besnard, anarchosyndicaliste français.

Fimin-Galan- & Angel-Garcia

Les capitaines qui voulaient renverser la monarchie absolue

Galán Fermín, Rodriguez (1899-1930).

Capitaine d’infanterie espagnol né à San Fernando (province de Cadix). Orphelin, il entre à l’académie militaire d’infanterie de Tolède. Il sert au Maroc et participe à la conspiration de la « Nuit de San Juan » contre la dictature de Primo de Rivera (1926), pour laquelle il est condamné à six ans de prison. Il est amnistié en 1930. Militaire ayant des convictions républicaines et sociales très ancrées, Galán Fermín Rodriguez expose en 1930 son idéal politique dans son livre Nueva creación. Le 12 décembre 1930, à Jaca, en Aragon, les militaires du 19e régiment de Galice se soulèvent sous son commandement et celui du capitaine Ángel García Hernández, aidés des capitaines Salvador Sediles, Luís Salinas y Miguel Gallo. Ils se mettent au service du comité national révolutionnaire, récemment constitué par les républicains du pacte de San Sebastián. Croyant que le soulèvement va suivre dans tout le pays, ils entraînent leur garnison et quelques paysans (leaders locaux du mouvement républicain) à se révolter et à marcher sur Ayerbe et Huesca. Ils vont proclamer la république !

Mais, isolés, ils sont vaincus par les troupes gouvernementales à quelques kilomètres de la ville. Galán Rodríguez et Ángel García Hernández sont jugés le dimanche 14 décembre et fusillés immédiatement. Ils tombent au cri de : « Vive la République » et deviennent le symbole des martyrs de la République. Ailleurs, le mouvement échoue. Un jeune capitaine de l’armée de l’air, Ramón Franco (le frère cadet du général Franco, qui était devenu un héros national en traversant l’Atlantique Sud à bord de l’hydravion Plus Ultra en 1926), décolle de l’aérodrome de Cuatro Caminos, à Madrid, avec l’intention de bombarder le palais royal, hésite et finalement largue des tracts, avant de s’enfuir au Portugal.
Ces exécutions sont une erreur politique du roi, marquant le début de la fin de son règne. L’épisode inspira ces vers au poète Antonio Machado :

La primavera ha venido

del brazo de un capitán.

Niñas, cantad a coro :

¡Viva Fermín Galán !

Le printemps est venu

Du bras d’un capitaine.

Fillettes, chantez en chœur :

Vive Fermín Galán !

Miguel Ángel García Hernández (Vitoria, Álava, 1900 – Huesca, 14 décembre de 1930) un des militaires espagnols avec Galán Fermín Rodriguez, qui dirigea le soulèvement insurrectionnel et républicain connu sous le nom de soulèvement de Jaca.
Ángel García était capitaine en service, au commandement de la compagnie de mitrailleurs du 19e régiment de Galice, en garnison à Jaca.

Semaine tragique de Barcelone (du 26 au 31 juillet 1909)

L’organisation Solidaridad obrera lance un mot d’ordre de grève générale. La Catalogne est bientôt en pleine effervescence car cette mobilisation des réservistes signifie encore des morts et surtout le départ des hommes, qui laissent leur foyer sans ressources. Cette mesure impopulaire déclenche une émeute à Barcelone, qui se transforme très vite en une véritable insurrection. Des affrontements avec l’armée fait beaucoup de victimes : 104 civils, 4 soldats et 4 membres de la Croix Rouge trouveront la mort. Le peuple se rend maître de la rue pendant cinq jours, s’en prenant au pouvoir et à l’Église, qui l’oppriment. Les débordements sont tels que les partis d’opposition préfèrent se tenir prudemment à l’écart du raz-de-marée. Le 26 juillet 1909, les syndicats proclament la grève générale mais ne parviennent pas non plus à contrôler la situation. Des barricades sont érigées, des églises incendiées et quelques prêtres massacrés.

La « Semaine tragique », comme on l’appellera, s’achève le 31 juillet. La répression est terrible : 175 ouvriers tués dans les rues. Avec l’appui des autorités ecclésiastiques, profondément choquées par les excès anticléricaux, le gouvernement d’Antonio Maura veut profiter de l’occasion pour décapiter le mouvement ouvrier. Il proclame l’état de siège, établit la censure et ferme le peu d’écoles laïques existantes. D’innombrables arrestations ont lieu dans tout le pays.

Rien qu’en Catalogne, les tribunaux militaires jugent quelques deux mille personnes ; plusieurs d’entre elles seront exécutées dès le mois d’août. Francisco Ferrer i Guardia, anarchiste, libre penseur, et fondateur de l’école moderne rationaliste, sera fusillé le 13 octobre 1909, considéré par les idées qu’il développe comme un responsable subversif.

La première république

Caricature de la revue La Flaca (1869-1876) publiée en 1873. On y voit Francesc Pi i Margall débordé par le fédéralisme (représenté par les enfants portant différentes tenues traditionnelles régionales) et Emilio Castelar essayant de remettre de l’ordre en instruisant les enfants.

Caricatura de la República publicada en La Flaca en 1873. Pi i Margall se ve desbordado por el federalismo, representado en figuras infantiles ataviadas con los distintos trajes regionales, mientras Castelar intenta poner orden instruyendo a los alumnos.

Le 18 septembre 1868, la ville de Cadix se soulève contre la monarchie ; le 19 septembre, les généraux adressent une proclamation solennelle au peuple espagnol dans laquelle ils déplorent l’état du pays et se présentent comme l’incarnation des aspirations populaires.

La révolution de 1868, aussi connue en Espagne comme La Gloriosa (la Glorieuse) ou La septembrina (la Septembrienne). Ce soulèvement de septembre 1868 détrôna la reine Isabel II Les six années qui suivirent cette révolution sont nommées Sexenio Democrático(les six ans démocratiques). Exilée en France, Isabelle II n’abdique qu’en 1870 . Le prince Amédée De savoie, duc d’Aoste, fils cadet du roi Victor-Emmanuel II d’Italie, est choisi pour lui succéder mais il abdique dès 1873, après 27 mois de règne. Devant la situation inextricable, la République est proclamée le 11 février 1873.

La période fédérale (1873)

La république nait sans un réel soutien social ni politique. Les classes populaires commencent à s’organiser dans les mouvements des travailleurs. Les tenants du pouvoir : l’église, l’armée, les propriétaires fonciers, les banquiers et les grands hommes d’affaires, sont opposés à république et ses idéaux sociaux avancés.

Deux courants s’opposent au sein de la République : les partisans d’une Espagne unifiée et les partisans d’une Espagne fédérée.

Estanislao Figueras est le premier président mais après la victoire républicaine aux élections, la majorité fédéraliste met au pouvoir Francesc Pi i Margall, chef du fédéralisme, théoricien républicain, dont les principes s’expriment dans le projet de la Constitution fédérale de 1873, qui servira de modèle dans toute l’Europe. Il établit la séparation entre église et état et un modèle de fédérations de 15 (ou 17 avec Cuba et Puerto Rico) régions fédérales.

Elles sont: Andalousie Alta, Andalousie faible, Aragon, Asturias, Baléares, Canaries, Castille la Vieille, Castille la nouvelle, Catalogne, Estrémadure, Galice, Murcia, Navarra, Valencia, Pays basque. Plus tard, intégration des possessions hors péninsule.

Mais l’Espagne est dans un état de conflits sociaux et politiques perpétuels. Les tensions sociales se manifestent sous la forme de grèves des travailleurs agricoles et occupations des terres. Et se développe le phénomène de « cantonalismo » : de nombreux cantons sont formés (y compris à l’intérieur des villes) et s’opposent non seulement au gouvernement central mais également entre eux.

Le climat est insurrectionnel, instable. Un coup d’État est organisé par les monarchistes et la bourgeoisie industrielle et financière. Le 3 Janvier 1874, le général Manuel Pavía, Capitaine Général de Madrid, met fin à cette tentative démocratique. Un gouvernement provisoire, dirigé par le général Francisco Serrano, s’installe jusqu’au 28 décembre 1874, les Cortes sont dissoutes. Les Bourbons reprennent leur place en janvier 1875, avec le règne d’Alphonse XII, au sein d’une monarchie constitutionnelle.