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Mois : novembre 2014

Bilan des actions de l’association, août 2014

Les colloques

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22 août à la bourse du travail de Paris.
Thème : révolution, guère, exil des Républicains espagnols.
– La révolution sociale espagnole: Frank Mintz.
– L’exil des républicains espagnols : Geneviève Armand Dreyfus, Marie Rafaneau- Boj.
– Histoire d’un exil politique ou la lutte contre l’oubli : Claire Pallas.
– Les combattants espagnols dans la résistance espagnols et dans la libération de Paris : Véronique Salou, Evelyn Mesquida, Guillaume Goutte.

Exposition de peintures

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Portraits d’hommes de la Nueve peints par Juan Chica-Ventura

Environ 200 personnes ont suivi les interventions et participé aux débats.

Spectacle : La Nueve mise en espace par Armand Gatti

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Des membres de l’association et des compagnons amis ont crée un spectacle à partir des témoignages recueillis par Evelyn Mesquida, dans son ouvrage les Républicains espagnols qui ont libérés Paris. Ainsi ont-ils portés les mots d’hommes de la Nueve.
Ce spectacle a été mis en scène par Jean Marc luneau et Armand Gatti. Stéphane Gatti a accompagné ce spectacle d’un montage d’images d’archives.
– Une première représentation s’est déroulée le 23 août à La Parole errante à Montreuil. 350 à 400 personnes ont assisté à ce spectacle.
– Une seconde représentation s’est déroulée au Cinéma la clé, le 6 septembre. Environ 230 personnes ont assisté au spectacle.
Une représentation se déroulera le 19 novembre 2014 au XXe théâtre à Paris.

La marche

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Le 24 août, jour de l’entrée des républicains espagnols à Paris, nous avons organisé une marche sur les pas des hommes de la Nueve.

Le long du parcours, il y avait des portraits des hommes de la Nueve et des drapeaux aux couleurs des principales forces politiques et syndicales qui composaient la Nueve, ainsi que des drapeaux aux couleurs des régions d’origine de ces hommes.

Il y a eu des prises de paroles d’officiels et de membres de l’association au départ de la marche, au square Hélène Boucher, à l’arrêt de certaines plaques, à l’arrivée de la marche, sur l’esplanade des Villes Compagnons de la Libération. Kader Arif, Secrétaire d’État aux Anciens Combattants et à la Mémoire ainsi qu’Anne Hidalgo, Maire de Paris, ont pris la parole soulignant l’engagement des Républicains espagnols, notamment des anarchistes au sein de la Nueve, dans la lutte contre le fascisme. Ils ont déploré l’abandon de La France envers ces mêmes antifascistes espagnols durant leur long combat contre le franquisme.

En outre, les « comédiens » de La Nueve mise en espace par Armand Gatti ont donné lecture d’extraits du spectacle.

Notons que nous avions fait venir le half-track, Guadalajara, de la place d’arme du Mont Valérien jusqu’à l’esplanade.
La marche a été un succès. Nous étions au moins 1500, certains venus d’Espagne et de Province.

Projections de Films

Révolution guerre et exil des républicains espagnols. Projection de documentaires sur la révolution sociale espagnole, l’exil, l’engagement dans la lutte contre le nazisme.
Cinéma la clé à Paris, le 5 septembre.
– Bajo EL Signo Libertario, sous le signe libertaire : la collectivisation dans le village de Pina de Ebro dans l’Aragon filmé par la CNT en 1936.
– Contes de l’exil ordinaire, film de Christian Marc et dont les entretiens ont été réalisés par Marie Louise Roubaud et René Grando: l’internement dans les camps du sud de la France des réfugiés républicains espagnols. Il met en relief leur participation à la Résistance française et à tous les combats pour la libération du territoire..
– La Nueve ou les oubliés de la victoire, film d’Alberto Marquardt : l’histoire de la Nueve. Sortis des camps français, des milliers de soldats espagnols se battent contre les troupes allemandes, sur tous les fronts. En Afrique, après des batailles contre Vichy et les divisions allemandes du général Rommel, une partie de ces milliers d’Espagnols est intégrée à la 2e division blindée (2e DB) du général Leclerc. Au sein de cette division, la 9e compagnie, la Nueve, commandée par le capitaine Dronne, est dans sa quasi totalité une compagnie d’Espagnols ; la langue de la compagnie est le castillan et une forte composante des hommes est anarchiste, antimilitariste… Pourtant la France « Libre » et les alliés vont les abandonner à leur exil laissant Franco régner par la terreur pendant 47 ans.

Ces projections étaient accompagnées d’une exposition de peintures des portraits d’hommes de la Nueve peints par Juan Chica-Ventura.
Il y avait environ 250 spectateurs.

Le prix Goncourt 2014 décerné à Lydie Salvayre, fille de l’exil espagnol

« Pas pleurer », murmurait Montse à sa petite Lunita, serrée contre sa poitrine, en tentant de rejoindre la frontière française lors de la « retirada ». La guerre civile, opposant nationalistes et républicains, se rapprochait dangereusement de Catalogne. Partie seule avec son bébé, la jeune femme laissait derrière elle son enfance, son pays, et surtout l’été radieux de 1936, où elle crut avec tant de ferveur à l’amour et aux lendemains qui chantent pour tous.

Au début du livre, Montserrat se met un jour à raconter cette histoire. Quasiment nonagénaire, elle est atteinte de graves troubles de mémoire et a tout oublié de sa vie, absolument tout, même la naissance de sa cadette Lydie, tout sauf ce merveilleux été 36 où des jeunes gens comme elles ont cru qu’un nouveau monde était possible. Alors elle raconte, et à une époque où le libéralisme a envoyé aux oubliettes les idéaux de la jeunesse de 36, une époque où l’idée même de lutte des classes prête à sourire, l’infinie nostalgie qui se dégage de ce récit terrible est chargée d’une émotion rare.

Lydie Arjona, alias Lydie Salvayre, est née en 1948 (l’année de la mort de Bernanos), dans le sud de la France, d’un couple de républicains espagnols en exil : mère catalane, père andalou. Avec « Pas pleurer », elle évoque pour la première fois, à 66 ans, son histoire familiale. Dans ce roman épique et puissant, elle entrelace les souvenirs révolutionnaires de sa mère, Montse, pendant la guerre d’Espagne, et la découverte par l’écrivain Georges Bernanos, fervent catholique, des exactions franquistes.

En contrepoints de l’histoire maternelle, Lydie Salvayre revient sur les massacres perpétrés par les franquistes, et sur l’engagement de Bernanos aux côtés des républicains. Il était passionnément français, catholique et monarchiste. Il avait même épousé la descendante d’un frère de Jeanne d’Arc et son fils avait revêtu l’uniforme bleu de la Phalange. On voit que rien n’inclinait l’auteur de « Sous le soleil de Satan » à soutenir le Frente popular et que tout l’incitait à s’engager en faveur des « nationaux ».

Mais voilà, en séjour à Majorque quand éclata, en juillet 1936, la guerre civile espagnole, Georges Bernanos fut choqué par la violence barbare et les rafles aveugles de l’armée franquiste, révolté par la complicité de l’Eglise avec les militaires putschistes et sa justification pieuse de la répression sanglante. Sous l’effet de la colère et de l’effroi, l’ancien camelot du roi écrivit « les Grands Cimetières sous la lune », un pamphlet, d’abord paru dans une revue de dominicains, qui lui valut d’être traité par ses amis de dangereux anarchiste et de voir sa tête mise à prix par le général Franco.

Montserrat Monclus Arjona, surnommée Montse, avait quinze ans en 1936. À sa fille, elle raconte les terreurs et les misères d’une enfance catalane dont celle-ci ne peut même pas avoir idée. Elle avait 15 ans. Elle appartenait à ceux que le clergé franquiste appelait « les mauvais pauvres », ceux qui « ouvrent leur gueule ».
Dans un savoureux mélange de français et d’espagnol, dans un « frañol » formidable (parfois hilarant), Montse raconte son été 36 : « Il faut que tu sais, ma chérie, qu’en une seule semaine j’avais aumenté mon patrimoine des mots : despotisme, domination, traitres capitalistes, hypocrésie bourgeoise, […] j’avais apprendi les noms de Bakounine et de Proudhon, les paroles de Hijos del Pueblo […]. Et moi qui était une noix blanche, pourquoi tu te ris ?, moi qui ne connaissais rien à rien, moi qui n’étais jamais entrée dans le café de Bendición par interdiction paterne, […] je suis devenue en une semaine une anarquiste de choc prête à abandonner ma famille sans le moindre remordiment et à piétiner sans pitié le corazón de mi mamá ».
Tout le talent de Lydie Salvayre est d’avoir su recréer le dynamisme et l’étonnante poésie de cette langue hybride, langue maternelle qui n’appartient qu’à la mère. On est subjugué par une telle prouesse d’écriture, même si d’autres textes l’ont précédée, et on se souvient en particulier du savoureux « Les Ritals » de François Cavanna.
Lydie Salvayre raconte l’arrivée, au village de ses parents, des idées révolutionnaires, et les chambardements qui s’en suivent. Car ces idées viennent percuter un monde immuablement rythmé par les saisons et les récoltes, régi par des principes ancestraux, « un village où les choses infiniment se répètent à l’identique, les riches dans leur faste, les pauvres dans leur faix », un monde « lent, lent, lent comme le pas des mules », un monde où les pères imposent leur autorité « à coup de ceinturon ».
Ces idées nouvelles bouleversent l’ordre établit depuis des siècles, transportent les cœurs des uns, terrorisent les autres. Le village en est complètement retourné, et la ferveur générale des premiers moments se mue progressivement en conflit ouvert. La romancière donne à voir toute la complexité de la guerre civile espagnole sur la scène de ce petit village perché sur les hauteurs de la Catalogne.

Dans de nombreux villages de l’arrière-pays catalan à l’existence réglée par le calendrier liturgique de l’Église catholique, des jeunes gens se sont mis à lire Proudhon, Marx et Bakounine. Les plus hardis d’entre eux ont rêvé de « supprimer l’argent, collectiviser les terres, partager le pain ».

En pleine guerre civile, certaines villes et certains villages, tombés aux mains des révolutionnaires, se déclarent communes libres et instaurent dans leurs murs un système collectiviste authentiquement libertaire où – entre autres expérimentations audacieuses – l’argent est aboli. Montserrat a vécu cette parenthèse libertaire, ce temps suspendu où les pauvres ont pu lever la tête, avant que la rébellion soit écrasée dans le sang par les Phalangistes et les militaires fascistes.
Montse, jeune et pauvre paysanne, vit avec exaltation la révolte libertaire qui secoue la terre espagnole et semble comme un face-à-face entre le bien et le mal. D’un côté, les grands propriétaires exploiteurs (don Jaume), les partisans de Franco, ivres de haine et de violence, l’Eglise catholique, sans une once de charité. De l’autre, les ouvriers et les paysans qui se battent pour leur dignité et leur liberté.
L’auteure évoque l’été 1936, « le plus beau, vif comme une blessure ». Celui où, emportée par la ferveur libertaire, elle quitte avec son fougueux frère Josep, le village familial. Avec son frère anarchiste, « un rouge » de la CNT, elle croit aux lendemains qui chantent et à la jeunesse du monde. Ils rejoignent à Barcelone les révolutionnaires venus de l’Europe entière pour soutenir le camp de ceux qui veulent changer le monde.

À Barcelone, elle rencontre un jeune français, il s’appelle André et écrit. Ils se connurent moins de vingt-quatre heures. Et ce fut aussi fort que toute une vie. Peu de choses ont compté pour Montse après cet été 1936, où elle avait rejoint le camp libertaire. Enceinte de ce bel amant français, qui partait au front aragonais, elle dut se résigner à épouser Diego, un notable communiste, pour ne pas laisser tout un village cancaner sur sa condition de fille-mère. Forcée de s’exiler, elle s’installa dans un pays, la France, où elle s’appliqua à métisser la langue, au grand dam de ses filles…
Les « questionnements » de Lydie Salvayre ont trait au silence des démocraties bourgeoises, aux rugissements inattendus du catholique et royaliste Bernanos, témoin horrifié du massacre des innocents à Palma de Majorque, et aux manœuvres équivoques des staliniens dans les lignes arrière du camp républicain. À travers le destin tragique de Josep, le frère de Montse, la romancière se souvient qu’une guerre au cœur de la guerre civile espagnole fut celle qui opposa les anarchistes de la CNT-FAI et les marxistes anti-staliniens du POUM aux commissaires politiques des Brigades internationales et du Komintern. Une histoire occultée « par les communistes espagnols, occultée par les intellectuels français, qui étaient presque tous à cette époque proches du PC ».

Ce livre est un très bel hommage à ces mères de l’exil – les nôtres – qui ont vécu dans la douleur l’arrachement à leur terre et à leur espoir. Car pour elles, chaque mot prononcé, chaque phrase construite, réclamaient un courage de tous les instants pour se confronter à une langue qui leur résistait, et parler tout de même. On lit « Pas pleurer » et on pleure : l’évocation de ce français encombré, malhabile et volubile, pour dire le regret d’une révolution enterrée et la dureté d’une vie de femme dans le siècle, constitue probablement un des textes les plus poignants que l’on ait écrit sur le « bref été de l’anarchie » et sur l’exil républicain espagnol.

« Pas pleurer » Lydie Salvayre (Seuil – 279 pages – 18,50 euros)

Daniel Pinós Barrieras

Photo : VB Annecy

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