19 Juillet 1936—24 août 1944—24 août 2016.
La chaleur accable Paris, d’un 37° bien prononcé. Malgré le soleil, la place de la république bruisse des allers et venues des passants, touristes curieux ou parisiens allant à leurs affaires. Mais tient ! Qui sont ces gens qui s’arrêtent, s’attroupent au pied d’un camion chamarré aux couleurs vives de couvertures de livres peintes sur une grande toile de chaque côté du véhicule
Les minutes s’écoulent et l’attroupement est de plus en plus important à l’angle de la rue Béranger et de rue du Temple.
Nous descendons nos panneaux chamarrés et tout à coup apparaît, sous le regard médusé des piétons, une belle barricade de livres peints sur des palettes de bois. Notre slogan éclate comme une évidence: « La barricade des livres et du savoir » La culture et la mémoire, meilleurs remparts contre les dictatures… Nous sommes environ une centaine pour ce nouvel hommage aux Espagnols de la Nueve, entrés le 24 août 1944 dans Paris en avant-garde de la division Leclerc. En 1944, leur arrivée dans Paris insurgé est un souffle d’espoir et une aide précieuse pour la Résistance. Cela fait maintenant trois années de suite que nous rappelons aux parisiens cet événement du 24 août. Nous avons choisi cette année de démarrer place de la République car à cet angle des rues Béranger et Temple, se dressait une barricade de résistants FFI et FTP parisiens et les hommes de la Nueve sont intervenus là, à leur demande pour briser les défenses allemandes qui tenaient la place de la république. Après les remerciements et présentation du déroulé de la journée, Serge et Marie racontent à tous ceux qui se pressent autour d’eux l’histoire de cette journée du 25 août où après le central de la rue des Archives, les hommes de la Nueve interviennent place de la République pour dégager les défenses ennemies. (Doc 02). Juan nous lit le témoignage de Victor Etchegaray, membre de la Nueve et engagé dans cet accrochage parisien meurtrier. Ce témoignage a été recueilli par Federica Montseny en 1949. (Doc 03) Et voici la petite note de poésie, Léo un jeune homme de 2O printemps, nous livre deux beaux poèmes écrits par des collégiens de 3e de Mouans-Sartoux, dans les Alpes-Maritime : (Docs 04 et 04 Bis). Ils ont été inspirés par le travail de mémoire que nous avons réalisé avec eux et leur professeur Annie Fiore comme tous les ans à partir de l’exposition Les républicains espagnols pour témoins. Ces poésies ayant été écrites sous l’œil vigilant de leur professeur en espagnol, Rosine joint sa voix à celle de Léo pour nous en donner lecture en castillan. Et enfin avant de quitter les lieux en cortège pour rejoindre l’Hôtel de ville Cristine nous brosse un tableau succinct des actions que notre association a mené au cours des huit premiers mois de l’année 2016. Tandis qu’Agnès, notre secrétaire, nous met l’eau à la bouche pour ce que nous projetons dès l’automne dont notre ciné-club et en 2017. (Doc 05) Ce fut la dernière intervention à la République. Rythmé par les chants de la Révolution espagnole, les copains de la CNT présents nous ont aidé (enfin ont organisé le pliage et le rangement du matériel : panneaux de la barricade, table, chaise…) comme ils avaient d’ailleurs organisé leur déballage. Un grand merci à elles et eux ! Nous nous sommes mis en route, banderole de la Nueve en tête, drapeaux CNT flottant sur le plateau du camion ou dans les mains des jeunes. Le parcours très agréable sous les yeux ébahis des promeneurs : Rue du Temple, rue Turbigo, rue Beaubourg, rue Rambuteau et rue des Francs-Bourgeois, rue Vieille du Temple, rue du Pont Louis Philippe, rue François Miron et esplanade de la mairie rue Lobau, devant le jardin dédié aux combattants de la Nueve. Notre cortège s’étire dans les rues du Marais, nous sommes près d’une centaine à suivre cet hommage. Les conversations vont bon train tout au long du parcours où nous distribuons aux personnes sur les trottoirs, des dossiers qui présentent notre association, son action et l’explication de cette barricade : La jonction des forces alliées et de la résistance dans le combat pour la Liberté. Une halte s’impose au coin de la rue du Temple et de la rue des Archives, exactement là où a eu lieu un des combats les plus meurtrier du 25 août 1944, devant le fameux central téléphonique, conquis finalement par les résistants parisiens et les soldats de la Nueve. Aimable nous livre ce récit que la bâtisse garde jalousement en ces murs. (doc 06) Et pour une note poétique, c’est encore Léo qui lit en français un poème de Miguel Unamuno et un autre de León Felipe (docs 07 et 07 bis). Notre arrivée rue Lobau est très colorée. Bientôt notre barricade est à nouveau installée sur le trottoir, agrémentée des portraits des hommes de la Nueve. Comme c’était prévisible, des personnes sortant de leur travail nous rejoignent devant le 3 rue Lobau, face à la grille du jardin de la Nueve. Nous serons environ 200 personnes à écouter les diverses allocutions qui vont se succéder. Nous mettons en documents les interventions prononcées par les membres de notre association. (docs 08 / 09) Nous avons dédié cet hommage à Luis Royo Ibañez, qui est décédé le 23 août 2016, la veille, combattant et survivant de la Nueve. Sont intervenus dans un hommage au message de fraternité et d’antifascisme, Christophe Girard, maire du 4°, un hommage tout personnel dont nous vous donnons ici quelques extraits et nous vous offrons le manuscrit du discours : « (…)Ceux dont le capitaine Dronne disait qu’ils s’étaient bien battus, avec énormément de courage et une grande expérience (…), engagés contre le franquisme, la dictature , le totalitarisme (…) Ces êtres qui ont sublimé leur vie pour la liberté, la leur et celle des autres, la nôtre. (…) Ses compagnons furent les premiers à entrer dans Paris. Cette 9e compagnie, la Nueve, enrôla 146 républicains espagnols, souvent anarchistes, aussi socialistes, communistes ou indépendant sans parti. Des hommes libres. (…) Inspirons-nous plus que jamais de ces républicains espagnols à la pensée universelle (…) Pour conclure comment ne pas penser à Federico García Lorca, assassiné dans la nuit du 17 au 18 août 1936, par les miliciens franquistes (…) extraits de Doña Rosita : Rien n’est plus vivant qu’un souvenir et Lo más Importante es vivir ! » (Doc Discours C Girard)
Anne Hidalgo, maire de Paris. Messages de construction pour la mémoire et de transmission envers les jeunes générations. Anne Hidalgo rend hommage au soulèvement populaire de l’Espagne contre les militaires et pour une révolution sociale:
« Ils étaient, pour la plupart, espagnols, républicains, socialistes, communistes ou anarchistes, avant de devenir combattants de la Nueve et de participer à la libération de Paris, ces hommes s’étaient engagés corps et âme, au cœur de l’été 1936, contre le coup d’état militaire fasciste qui menaçait leur pays, ce grand pays qu’est l’Espagne. Je voudrais ainsi y insister : 2016 marque les 80 ans de la révolution espagnole, ce magnifique soulèvement populaire qui a uni des femmes et des hommes venus de toutes les régions d’Espagne pour délivrer leur pays d’une dictature naissante. Plus de la moitié de l’Espagne sera ainsi sauvée par ces héros qui voulaient changer le cours de l’Histoire et étaient prêts à tout risquer pour défendre la liberté et la dignité. C’est ce courage et cette détermination exemplaires que décrit avec tant de force Georges Orwell dans ses Réflexions sur la Guerre d’Espagne : « Mais ce que j’ai vu sur ton visage / Aucun pouvoir ne saurait t’en déposséder / Aucune bombe jamais éclatée / Ne peut briser l’esprit de cristal. »
Rendant hommage aux Espagnols de la Nueve, elle salue également tous ces étrangers qui ont donné leur vie et leur jeunesse pour la Liberté:
Mais cette autre guerre, notre guerre, ils allaient la gagner. Regroupés dans la neuvième compagnie de la division Leclerc, « la Nueve », ils seront parmi les premiers à rentrer dans notre Ville et à rejoindre son Hôtel de ville, le 24 août 1944. Malgré les souffrances, malgré les désillusions, ils étaient restés fidèles à une même valeur, à un même objectif : la liberté. Leur détermination était une arme invincible, leur persévérance faisait d’eux des combattants hors du commun ; comme le furent aussi les Arméniens et tous ces combattants antifascistes qui nourrirent la Résistance française et contribuèrent à la Libération de notre pays. (…) Au nom du Peuple de Paris, je m’incline aujourd’hui face au courage de ces combattants. »
Rien n’aurait été possible sans la solidarité de tous ces défenseurs de la Liberté:
(…)Paris le 25 août 1944. La France entière se souvient de cette date. Mais c’est la veille, le 24 août, grâce aux hommes de la Nueve, que la liberté remporta sa première victoire. Par eux, avec tous les combattants et civils, soldats de la France Libre et Résistants, Parisiens et Alliés, Français et étrangers venus des cinq continents, la liberté a repris pied à Paris. Cette victoire de la liberté fut donc aussi celle de la solidarité. Solidarité exceptionnelle d’hommes venus de loin, qui décidèrent de lutter ensemble pour briser l’oppression dans une ville qui n’était pas la leur.
Leur combat est une leçon pour demain:
Nous affirmons que nous continuerons à combattre pour la liberté partout où elle est menacée, à défendre l’égalité quand elle est niée, bafouée, ou travestie, à faire triompher enfin la fraternité qu’ils ont si hautement incarnée, partout où la haine arme un pays contre un autre, un parti contre un autre, une confession contre une autre. Dans ce combat, la connaissance, l’éducation, la culture sont autant d’armes contre l’ignorance– ce mal qui ronge notre monde et qui conduit au non-respect de l’humain, au non-respect de la démocratie, au non-respect de la planète également. C’est le sens de la barricade symbolique de livres et de savoir que nous avons élevé ensemble. Je remercie l’association 24 aout 44 pour cette formidable initiative. Vous pouvez lire l’intégralité de son intervention (doc discours A Hidalgo)
Ce qui n’est pas dans son intervention mais sera sur la pellicule de Victor Simal:
Puisque l’association au travers de l’intervention d’Aimable le lui a rappelé et l’a invitée à répondre, Madame Hidalgo s’est engagée à accélérer les travaux promis pour l’ouverture du centre de documentation et d’archives sur le mouvement social libertaire et notamment l’exil libertaire espagnol, au 33 rue des Vignoles Paris 20°. Le moment le plus émouvant de cette cérémonie, fut l’intervention non préparée d’Edgar Morin, Philosophe, résistant et témoin de l’arrivée de la Nueve place de l’Hôtel de ville le 24 août 1944. Ce mercredi 24 août 2016, Edgar Morin avait toujours 23 ans, et la force transcendante de ses convictions, il nous a fait revivre l’intensité de ces moments historiques qui ont été la marque de son engagement toute une vie durant. https://www.youtube.com/watch?v=s3aGMC5M2Gs Étant donné que l’ensemble de la cérémonie a été photographiée et filmée, nous vous offrons ces photos et des extraits de film en attendant que le montage complet soit réalisé et que vous puissiez le regarder à partir de notre site. Encore une information : La barricade de livres, en trompe l’œil, que vous avez pu admirer a été réalisée par Juan Chica-Ventura avec l’aide précieuse d’Anne Aubert et de Claire Lartiguet Pino. Merci à toutes celles et ceux qui ont rendu cette journée possible et merci à toutes celles et ceux qui ont pu être présents. L’association 24-août-1944
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