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Auteur/autrice : 24 aout 1944

Odyssée pour la Liberté

odyssee1.jpg Marie-Claude Rafaneau-Boj : originaire du Sud-Ouest, titulaire d’un DEA en Histoire contemporaine, a baigné depuis son plus jeune âge dans la culture hispanique. Odyssée pour la Liberté est la première étude complète sur le drame des Républicains espagnols.

Du 17-18 juillet 1936 au 1er avril 1939, une guerre civile particulièrement violente ensanglante l’Espagne. Les militaires félons, puissamment aidés par Salazar mais surtout par Hitler et par Mussolini, triomphent. Après 36 mois d’une lutte acharnée mais inégale, la République est vaincue. Mais la guerre qui se termine, ne se limite pas à l’affrontement entre deux fractions idéologiquement antagonistes, elle a servi aussi les intérêts de l’Axe Rome-Berlin qui a utilisé l’Espagne comme terrain expérimental, une sorte de répétition générale, grandeur nature, avant le déclenchement du second conflit mondial !
Le 26 janvier 1939, la chute de Barcelone sonne le glas de la république espagnole. Le flot de réfugiés qui depuis des jours cherche refuge en France, s’amplifie soudain mais se heurte toujours à une frontière hermétiquement close. Face au drame qui se déroule au sud des Pyrénées, le gouvernement français reste impassible. Pourtant, trois jours plus tard, sous la pression de cette foule éreintée, famélique, désespérée, prête à tout pour se mettre à l’abri de la fureur vengeresse des troupes franquistes, des postes frontières sont enfin ouverts. Commence alors un autre drame. Pour l’heure, seuls les blessés, les femmes, les enfants et les vieillards sont acceptés. Les premiers pour être soignés, les autres pour être temporairement accueillis. Les ordres sont sans appel, Albert Sarraut, ministre de l’Intérieur, a donné le ton. Début février, tous les fronts de résistance sont tombés. Rien ne peut désormais retenir l’avance inexorable des nationalistes qui approchent de la frontière. C’est la débâcle. Le gouvernement français, contraint d’ouvrir plus largement la frontière, laisse pénétrer sur son territoire l’armée vaincue. Depuis le 27 janvier, quelques 500 000 personnes ont passé la frontière. C’est l’un des exils les plus importants des temps modernes. Malgré les déclarations officielles qui assurent que tout est prêt pour les recevoir, tout fait défaut. Seules efficiences, l’ordre et la sécurité pour lesquels rien n’a été négligé. L’accueil n’a rien de fraternel. Les réfugiés, véritables parias, sont traités en ennemis. Toute la zone frontalière, déclarée zone militaire est sous contrôle. Pour un certain nombre de réfugiés, la terre d’asile sera leur linceul. Pour les autres va commencer la vie concentrationnaire, celle des camps, de la haine et de la souffrance qui laissera à jamais des traces indélébiles. Des camps immondes, cerclés de barbelés et gardés par la troupe coloniale en arme, où dans l’indifférence quasi générale, vont croupir, en attendant que des mesures soient prises à leur encontre, ces premières victimes du fascisme, les vaincus de la guerre d’Espagne.
Lorsqu’une ré émigration s’avère impossible, la déception de cet « accueil » incite parfois au retour. C’est le cas pour près des trois-quarts d’entre eux. Ceux qui restent s’organisent et recréent leurs partis et leurs syndicats. Derrière leurs barbelés, ils regardent atterrés le fascisme monter en Europe et se doutent qu’ils ne sont pas à l’abri de ce qui se prépare. À l’approche de la guerre, le gouvernement français quant à lui modifie son comportement et s’intéresse de plus près à cette manne que représentent les réfugiés. Ceux toujours internés vont ainsi quitter les camps pour rejoindre les rangs de la légion ou ceux des compagnies de travailleurs étrangers (CTE) créées à leur intention.
Quelques mois plus tard, l’occupation de la France par leurs ennemis héréditaires et l’installation d’un gouvernement collaborationniste vont les maintenir au combat. Ils sont ainsi parmi les premiers à s’organiser pour poursuivre la lutte contre le fascisme. Ils participent ainsi, comme un fait normal, aux premiers mouvements. C’est dans cette résistance que vont avoir lieu les premiers vrais contacts avec les Français qui partagent les mêmes conditions de lutte. L’expérience de la guerre civile leur donne une certaine organisation, une endurance, une combativité, une expérience militaire qui forcent l’admiration des Français et c’est sur eux qu’ils vont compter pour les actions armées. Beaucoup vont avoir un rôle militaire important. Ils se préoccupent également d’organiser des maquis en Espagne y compris, dans le but de bloquer Franco, s’il lui venait des velléités d’aider les forces de l’Axe. Mais ils sont aussi livrés aux Allemands, requis pour le STO, déportés,… Triste privilège, ce sont les premiers déportés de France vers Mauthausen. Plus de 8 000, hommes et femmes, d’entre eux connaitront ainsi les camps de concentration nazis, nombreux n’en reviendront pas.
Après neuf années de lutte contre le fascisme et un lourd tribut payé pour libérer la France, ils vont de nouveau être trahis par leurs amis d’hier. Malgré les promesses, la guerre de libération s’arrête aux Pyrénées. Le dictateur Franco, épargné, maintiendra l’Espagne sous une chape de plomb et, après quelques 40 années d’une dictature sanglante, mourra dans son lit.
Odyssée pour la liberté nous relate cette épopée : les espoirs révolutionnaires déçus, l’internement dans les camps, la captivité, une autre guerre et l’ultime trahison des démocraties qui mettra un terme final à tout espoir de retour dans une Espagne libérée à son tour du joug fasciste
Tous ces épisodes encore trop méconnus sont développés par Marie-Claude Rafaneau-Boj dans son ouvrage qui est une réédition de celui paru aux éditions Denoël en 1993 [[Traduit et publié en Espagne sous le titre Los campos de concentración de los refugiados españoles en Francia, Ediciones Omega, Barcelona, 1995]] qui était alors une des premières lumières à éclairer l’histoire de ce peuple de l’exil au chant de Liberté.

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Guerre, exil et prison d’un anarcho-syndicaliste

mera1.jpg Né à Madrid le 4 septembre 1897 dans une famille modeste ; Cipriano Mera travaille dès l’âge de 13 ans comme manœuvre dans le bâtiment. Il adhère d’abord à l’UGT puis au syndicat de la Construction de la CNT de Madrid auquel il restera attaché toute son existence.
Le 18 juillet 1936 au moment du soulèvement militaire, il se trouve en prison à la Modelo de Madrid. Le jour même, ses compagnons le libèrent et il s’engage alors dans les milices confédérales anarchistes. Il est nommé « Délégué général » de sa colonne. En première ligne, il se révèle être un excellent stratège militaire, favorisant les prises d’Alcala de Henares, de Cuenca… Mais c’est à la tête de la 14e Division, qu’il s’illustre, avant tout, dans l’importante victoire sur les troupes italiennes à Guadalajara le 23 mars 1937. Sans son plan de prendre par revers les défenses des nationaux en contournant leurs positions dans la cité par le haut, celle-ci ne serait jamais tombée, continuant à faucher la vie de centaines de miliciens qui s’offraient face à un nid de mitraillettes perché sur une hauteur d’où il dominait tous les accès bas de la ville.

Dans son autobiographie, il nous dit sa guerre et témoigne de façon simple et concise sur la participation des unités de la CNT dans un des secteurs géographiques les plus chauds de la guerre civile : la zone du centre de l’Espagne. Il nous raconte son expérience au jour le jour, appuyant sur les événements qui vont marquer son parcours notamment sa manière de s’opposer avec une force tranquille mais déterminée au broyage communiste. Il nous raconte de manière simple mais truculente la façon dont il exige que lui soit remis son chef d’État-major, Antonio Verardini, arrêté par José Cazorla [[conseiller de l’Ordre public de la Junte de défense de Madrid]] alors qu’il était en permission pour 24 heures à Madrid. Et comment il fit aussi sortir de prison Mica Etchebeheré, [[militante du POUM et capitaine d’une des deux compagnies formées par le POUM, accusée d’entente avec l’ennemi]] enfermée dans les cachots de la direction générale de la sûreté à Madrid. Sans éluder certains aspects «doctrinairement» discutables, comme la militarisation des milices, il assume l’entière responsabilité de son action. Il ne passe rien sous silence et évite les justifications a posteriori. Il est nommé lieutenant-colonel à la tête du IVe corps d’armée [[armée du centre]].
En mars 1939, Mera soutient la coalition militaire du colonel Casado contre le gouvernement Negrín, [[composé essentiellement de dirigeants ou sympathisants communistes et assistés de délégués soviétiques, prêts à sacrifier la vie de beaucoup d’hommes pour un combat perdu d’avance, alors que la plupart d’entre eux ont déjà quitté l’Espagne, abandonnant leurs troupes à elles-mêmes]]. Puis il se désolidarise de Casado, compte tenu que ce dernier ne s’est pas garanti [[en occupant les mines de mercure d’Almadén par exemple]], comme cela avait été prévu, pour négocier avec Franco, et du coup les négociations échouent.
À la suite de quoi, Mera se préoccupe de quitter l’Espagne avec ses compagnons. Il réussit dans les derniers jours de mars 1939 à passer en Algérie où il connait les camps d’internement, puis au Maroc où il est arrêté par les autorités pétainistes et en 1941, remis aux autorités franquistes. Incarcéré, il est condamné à mort puis gracié.
Il revient en France en 1947 où il s’installe définitivement comme maçon, métier qu’il exerce toute sa vie. Ce qui lui fait dire cette phrase célèbre : « Ma plus grande victoire a été la truelle« .
En 1965, il est exclut de la CNT avec une partie des militants qui refusent la ligne politique que prend cette dernière. En 1969 il prend sa retraite. Il meurt le 24 octobre 1975, à peine un mois avant Franco…
À ses funérailles, son compagnon Francisco Olaya Morales lui rendit hommage en une belle phrase résumant son action émancipatrice, en forme d’épitaphe : « Il mourut comme il avait vécu : en construisant des édifices que d’autres se consacraient à détruire »

Article réalisé grâce à l’appui d’extraits de la 4e de couverture de l’ouvrage Guerre, exil et prison d’une anarcho-syndicaliste, Cipriano Mera, et de l’article de Lucie Heymé paru le 1er octobre 2012 sur http://www.autrefutur.net/Ma-plus-grande-victoire-a-ete-la

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L’exode républicain espagnol de 1939 dans la presse française.

(photo de l’article : l’Illustration du 18 février 1939, photos de Jean Clair-Guyot)


Dès le début du conflit en juillet 1936, l’enjeu d’un affrontement politique de la presse

Le déclenchement de la guerre civile, consécutivement à l’échec du coup d’état dans une bonne moitié de l’Espagne, est sans doute l’événement qui dans la France d’avant guerre suscite les réactions les plus passionnées, qui atteignent vite la violence verbale, écrite et physique. Violence verbale de par les invectives, violence écrite de par certains articles publiés dans une presse xénophobe à l’encontre de la République espagnole ; violences physiques lorsque, à la sortie des meetings tenus en faveur de l’un ou l’autre camp, salle Bullier ou salle Wagram, s’affrontent les partisans des deux bords. La presse se fera le vecteur de ces polémiques enflammées, dont l’élément déclencheur fut la réunion à Paris, le 21 juillet 1936, d’un conseil des ministres restreint chargé de se prononcer sur la demande d’aide en matériel faite par le président du conseil espagnol José Giral auprès de Léon Blum. Chacun sait que dans un premier temps la réponse de Léon Blum fut favorable à cette demande et que des hommes comme Jean Zay, André Malraux luttèrent dans ce sens. À la suite d’indiscrétions, commises volontairement par l’ambassadeur d’Espagne Juan Francisco Cárdenas y Rodriguez de Rivas [[ambassadeur à Paris du 14 juin 1934 à juillet 1936]] et le chargé d’affaires militaires espagnol, le commandant Barroso, tous deux favorables aux Rebelles et présents lors de la réunion, le journal L’Écho de Paris, sous la plume d’Henri de Kérillis, divulgua cet accord et cria au scandale, en titrant, le 24 juillet, « Il faut empêcher le gouvernement de ravitailler les communistes espagnols » (voir Doc N°1 ). François Mauriac lui-même, qui pourtant deviendra à partir du 15 août [[prise de Badajoz par les Rebelles]] un opposant résolu au franquisme, participera à cette campagne de presse contre le gouvernement et publiera dans Le Figaro du 25 juillet un article, l’Internationale de la Haine, dans lequel il fustige « le partisan Blum » pour son attitude interventionniste. « S’il était prouvé que nos maîtres collaborent activement au massacre dans la Péninsule, alors nous saurions que la France est gouvernée non par des hommes d’État, mais par des chefs de bande soumis aux ordres de ce qu’il faut bien appeler : l’Internationale de la haine. » François Mauriac, extrait Le Figaro 25 juillet 1926.

C’est encore dans l’Écho de Paris que le 26 août, est publiée une diatribe contre les républicains, de la part du Général de Castelnau qui se termine par cette phrase: « Ce n’est plus le Frente popular qui gouverne, c’est le Frente crapular ». Les principales autres publications d’extrême droite –Candide, Je suis partout, Gringoire, le Matin, Le Jour-, auront le même contenu et utiliseront le même registre.
De leur côté, les organes de presse de la gauche française –Le Populaire, L’Humanité, Ce Soir, Regards, L’Oeuvre, Vendredi, Commune, Europe– défendront la cause républicaine, (voir document N°2), et en premier lieu ces toutes premières mesures interventionnistes, prises avant le revirement français de la Non intervention. Il n’est pas exagéré de dire que pendant le conflit espagnol s’installe en France un climat de guerre civile intellectuelle larvée, d’autant plus présent qu’au-delà de l’Espagne c’est l’avenir de l’Europe qui se jouait à Madrid, Barcelone ou Valence. Tel media français célébrait le courage des héros de l’Alcazar, tel autre vantait les mérites des combattants de la liberté, démunis et abandonnés par les puissances européennes. La désinformation et la propagande atteignirent leur paroxysme le 3 mai 1937 dans Le Figaro sous le titre : « Une enquête à Guernica des journalistes étrangers révèle que la ville n’a pas été bombardée…Les maisons avaient été arrosées d’essence et incendiées par les Gouvernementaux » (voir doc N°3).
Près de trois ans plus tard, lorsque l’armée républicaine, vaincue en Catalogne, se replie en terre française, c’est le même clivage que l’on retrouve dans les périodiques vis-à-vis des réfugiés espagnols. Avec une virulente réaction de rejet de la part des adversaires de ces réfugiés.

La presse et l’exode républicain.

Après la prise de Barcelone par les Rebelles, le 27 janvier 1939, commence la Retirada. L’arrivée massive sur le sol français des Républicains vaincus fait la une de la presse, et y restera pendant deux mois, jusqu’à ce que cette même presse braque le projecteur sur l’invasion de la Bohême et de la Moravie par les troupes allemandes. Le débat opposera ceux qui considèrent qu’il faut accueillir dignement les combattants de la liberté et de l’antifascisme, et qui dénoncent les conditions mêmes de l’accueil des réfugiés, et ceux qui s’opposent à cet afflux massif d’étrangers sur le sol français, et souhaitent les renvoyer dans l’Espagne franquiste parce qu’ils sont dangereux et qu’ils obèrent les finances de la France.

La presse favorable en campagne pour aider les exilés

Les organes de presse favorables aux réfugiés demandent dès fin janvier que tout soit fait par les autorités gouvernementales, départementales et communales, pour qu’ils soient accueillis dignement. Aux motivations strictement politiques et idéologiques, liées à la défense de la république et au combat antifasciste des républicains espagnols, s’ajoutent des arguments d’ordre éthique, moral, philosophique et humanitaire, en rapport avec la tradition de la France, terre d’asile. Le Populaire, organe du parti SFIO, consacre sa première une sur le sujet le 29 janvier : « La France, suprême espoir des femmes et enfants espagnols qui fuient la mitraille des Barbares », et accompagne ce titre d’une photo d’enfants apeurés sous les bombardements, en évoquant « les scènes déchirantes qui se déroulent à la frontière franco-espagnole » (voir Doc N°4). Le 30, le journal titre en gros caractères « Des dizaines de milliers de femmes, d’enfants se réfugient en France ». Les titres des jours suivants, illustrés par des scènes de désespoir de personnes obligées de quitter leur terre natale, sont tout aussi parlants : « Une vision dantesque : l’Espagne martyre sur le chemin de l’exil » (31 janvier), « La population martyre de la Catalogne » (1 février), « Le lamentable exode des Espagnols continue » (8 février). L’œuvre, quotidien de sensibilité socialiste, évoque pour sa part, dès le 28 janvier, le projet de mise en place, pour l’accueil des réfugiés de « camps d’hébergement ». L’œuvre est ainsi le seul organe de presse qui parle des camps avant le 30 janvier, date à laquelle est prise la décision de créer celui d’Argelès, et qui emploie le mot hébergement, qui deviendra la formulation officielle plus tard. Le 1 février le journal lance une souscription « Au secours des enfants espagnols ». L’Humanité pour sa part invite chaque jour la population des Pyrénées Orientales à créer des comités d’accueil et à aider ceux qu’elle nomme « les victimes du fascisme », qui doivent trouver en France soins et asile (voir Doc N°5). Enfin, Ce Soir, quotidien communiste qui comptait parmi ses collaborateurs nombre d’Intellectuels prestigieux, comme Aragon Andrée Viollis, Paul Nizan ou Louis Parrot, adopte par rapport aux conditions d’accueil des réfugiés, une position très critique. Louis Parrot y dénonce, le 27 janvier, l’envoi par le gouvernement de tirailleurs sénégalais et de gardes mobiles à la frontière française, et titre le 30 : « On ne peut maîtriser son indignation devant l’insuffisance de la réception officielle ». On le voit, en ce début d’exode, les termes sont parfois mesurés dans le camp pro-républicain, et l’art de la litote est parfois bien manié. Le même jour, naissent deux rubriques : « Sauvez les enfants d’Espagne » et « Un jour du monde » (voir Doc N°6) où Aragon défend la cause républicaine. L’originalité de Ce Soir, par rapport aux autres quotidiens favorables à la République, réside dans la part importante qu’il consacre aux documents photographiques. Chaque jour, une page entière est réservée aux photos de l’exode. Le 30 janvier, un document montrant des réfugiés amputés et claudicants est sous-titré : « Quel document plus terrible que celui-ci ? Certains osent parler de la fuite des soldats républicains vers notre frontière. Ceux qui quittent le sol de leur patrie, les voilà : jambes coupées, corps rongés par la maladie, déchirés par les blessures. Faut-il qu’ils restent encore sous la mitraille pour avoir droit au nom de héros » ? Il s’agit là, de la part du journaliste de Ce Soir, d’une réfutation des propos et des allégations de l’extrême droite, qui, nous le verrons, présentait l’armée républicaine comme une bande de fuyards, à l’instar de son chef de gouvernement accusé de s’être réfugié en France. Le ton et le vocabulaire employés par Ce Soir le différencient d’autres publications favorables aux réfugiés, et visent à provoquer chez le lecteur non seulement l’indignation mais aussi la compassion. Il est question à de nombreuses reprises, dans les commentaires de photos toujours saisissantes, des « pauvres gens », des « malheureux », de « l’immense cortège de la douleur », dépeint avec ses balluchons et ses hardes. Une façon d’ajouter au facteur politique, du droit et de la raison dans la lutte, un facteur humain

La presse hostile fustige les hordes de déguenillés, envahisseurs rouge.

La réaction de la presse d’extrême droite par rapport à cette arrivée massive de réfugiés sur le sol français est bien sûr tout autre. Elle est avant tout mue par des considérations d’ordre idéologique, exprimées parfois sous couvert de bien du pays, du triple point de vue politique social et économique. Avant d’étudier ces réactions, il convient de souligner l’importance que détient dans les années 30-40 la presse d’extrême droite. Nous avons vu quel rôle elle avait pu jouer par rapport au problème de la non intervention. Elle tentera à nouveau de conditionner une partie de l’opinion publique française, dans une perspective xénophobe et exclusive, et dans un langage et sous une forme qui aujourd’hui tomberaient sous le coup de la loi, fustigeant avec une outrance et une vulgarité jamais égalées, les réfugiés républicains. Cette presse salue l’avance des troupes nationalistes et stigmatise l’attitude de l’armée républicaine. Elle est violemment hostile à l’arrivée et à l’accueil des réfugiés sur le sol français, et essaie de provoquer la peur et la panique dans l’opinion. S’exprimant sur un ton alarmiste, elle fustige les républicains, présentés tous comme des hommes dangereux, qualifiés d’anarchistes et /ou de voyous. Le Matin, le 29 janvier, parle d’ « invasion », et le lendemain d’ « une masse de fugitifs »(voir doc N°7/1 & 7/2). Il s’agit là d’un discours de propagande qui rejoint celle dont l’extrême droite faisait preuve, depuis 1936, dans le domaine de la politique intérieure française. Le 12 février, le journal titre : « La présence sur notre sol des réfugiés et des fuyards pose un problème grave qu’il faudra résoudre sans tarder ». Le 23, il est question de « l’indésirable invasion des miliciens espagnols », présentés le 25 comme « hôtes dangereux ». Tous ces titres sont illustrés par des photos de cohortes de républicains à la frontière du Perthus, destinées à faire naître chez le lecteur un sentiment d’épouvante. Le ton est encore plus virulent dans Le Jour, que dirige Léon Bailby. Il y est question le 6 février des « débris de l’armée rouge », et dans le numéro du 22 les Pyrénées Orientales sont assimilées à un dépotoir. Un autre périodique, l’Époque, dirigé par Henri de Kérillis, -celui-là même qui tenait les rênes de l’Écho de Paris en 1936- n’est guère en reste ni dans le dénigrement des réfugiés, ni dans le ton employé. Le vocabulaire utilisé dans les titres, « Épaves humaines » (le 27 janvier), « Dangereux envahissements », « flot de fuyards » (le 30), « grande invasion » (le 3 février) « cortège lamentable » (le 7), participe d’une vision apocalyptique qui vise à produire un effet de terreur en envisageant une atteinte à l’ordre public. L’horreur, la haine et la vulgarité atteignent leur paroxysme dans les deux hebdomadaires profascistes que sont Gringoire et Je suis partout. Dans Gringoire du 9 février, Henri Béraud (voir Doc N°8), dans un article particulièrement odieux et xénophobe, intitulé « Donnez-leur tout de même à boire » parle de « débris du frente popular », des « torrents de laideur ». Il s’en prend aux « grandes gueules anarcho-marxistes », aux « bêtes carnassières de l’Internationale », à « la tourbe étrangère », à « la lie des bas-fonds et des bagnes ». C’est avec la même grossièreté qu’il traite les dirigeants républicains de « salauds ». Candide utilise le même registre, dans des articles haineux, qui voisinent avec des fiches anthropomorphiques consacrées à Georges Mendel, Pierre Cot ou Jules Moch, dont la teneur est facilement devinable. Le 8 février, les Républicains sont présentés comme de vils envahisseurs : « la lie, toute la pègre de Barcelone, tous les assassins, les tchéquistes, les bourreaux, les déterreurs de carmélites, tous les Thénardier de l’émeute, font irruption sur le sol français ». Dans le même numéro, un autre titre, de la même veine, s’en prend au ministre de l’Intérieur : « La lie de l’anarchie mondiale est en France grâce à M. Albert Sarrault ». Les réfugiés sont accusés de dévaster les campagnes du Roussillon, d’obérer les finances de la France, et de faire planer sur elle des menaces d’épidémie. Ces thèmes, en particulier celui du coût pour le contribuable français, seront repris par certains députés conservateurs français lors du débat à la Chambre des Députés, le 19 mars, à propos du vote sur l’augmentation du budget destiné à accueillir les Réfugiés espagnols. C’est encore Candide qui, le 16 février, apostrophe le gouvernement en lui demandant : « L’armée du crime est en France. Qu’allez-vous en faire »?

L’affrontement polémique sur les camps dans la presse.

Ces premières polémiques sur l’arrivée massive des réfugiés vont croître en intensité lors de la création des camps d’internement. Avec un élément supplémentaire : la dénonciation par la presse de gauche des conditions de vie dans ces camps. Le premier camp, celui d’Argelès, est créé le 30 janvier 1939. Le Populaire mentionne pour la première fois son existence le 6 février, par une présentation, sans jugement de valeur : « Le camp de concentration d’Argelès pourra recevoir 100 000 hommes environ ». Le lendemain, il signale l’installation d’un deuxième camp, celui de Barcarès, et souligne l’acuité du problème de l’accueil des réfugiés devant le nombre croissant de personnes (150 000) qui ont déjà passé la frontière. En ce début d’exode, le quotidien met l’accent sur le dénuement matériel et moral des réfugiés, victimes des troupes franquistes et italiennes, qu’il appelle « les sauvages de l’air ». Il ne braque pas encore le projecteur sur les conditions de vie dans les camps. Le ton et le contenu changent le 9 février. Dans un article intitulé « À la frontière espagnole », Jean Maurice Hermann, qui sera le journaliste chargé plus particulièrement de couvrir cette rubrique, condamne le manque d’organisation et de diligence de la part du gouvernement français dans les conditions d’accueil des réfugiés : « Il nous faut hélas faire entendre une voix discordante dans le choeur béat des admirateurs officiels. Je suis allé ce matin à Argelès sur mer. Sur la plage, à perte de vue, grouille une foule immense, parquée entre des fils de fer barbelés. Un sur 1000 des hommes qui sont là a pu trouver un abri pour la nuit. La plupart de ceux que j’interroge n’ont pas mangé depuis deux jours. Il faut d’urgence loger ces malheureux, les réunir en baraquements. Si l’on veut éviter des incidents, il faut permettre à ces hommes de vivre ». Cette première critique de la dureté des conditions de vie dans les camps et cette demande d’aménagement de l’espace, par la construction de baraques en dur, Jean Maurice Hermann la reprendra dans de nombreux autres articles. Le 12, sous le titre « Avec les réfugiés espagnols et les combattants de la liberté », il dénonce le surpeuplement : « Combien sont-ils à Saint Cyprien, à Argelès, au Boulou, à Prats de Mollo, à la Tour de Carol ? Nul ne le sait. On continue à manger peu, très peu : un quart de boule de pain par jour c’est bien maigre. À la Tour de Carol, neuf enterrements ont eu lieu en un seul jour ». Il dénonce par ailleurs la propagande franquiste qui s’exerce dans les camps, où se rendent des agents recruteurs, aidés et encouragés par les autorités, pour faire revenir les réfugiés dans l’ Espagne de Franco. Une délégation de parlementaires socialistes, conduite par André Letroquer, est envoyée dans les camps pour enquêter sur les conditions de vie. Le résultat laisse apparaître de terribles manquements à l’hygiène et des conditions désastreuses de réclusion. Le 13 février, JM Hermann dans Le Populaire, sous la rubrique « Au milieu des réfugiés espagnols », en regard d’une photo représentant les tentes d’Argelès, parle de « spectacle lamentable et émouvant », dénonce le surpeuplement, l’absence d’abris, la licence totale laissée aux agents recruteurs franquistes et « le triste travail de la police française » Le 14, sous la même rubrique, il titre sur « Le bagne d’Argelès », qu’il faut vider d’urgence : « Attendra-t-on que les pleurésies, les congestions pulmonaires aient assassiné 10 000 ou 20 000 soldats de la liberté, épargnés par les bombes italiennes et les obus allemands pour prendre enfin les décisions indispensables ? » L’éditorialiste demande que soient utilisés les camps militaires existants, tels ceux du Larzac et de la Valbonne. Le 15, il est fait une large place à la conférence de presse tenue par les parlementaires de retour à Paris. JM Hermann, évoquant la misère morale des internés, demande la création d’un service de regroupement et de recherche des familles. Le 16, le quotidien fait état de la rencontre entre la délégation et le Président du Conseil Daladier et publie une photo du camp d’Argelès avec comme légende ; « Gardes mobiles et spahis marocains gardent le sinistre camp d’Argelès ». Parallèlement, par l’intermédiaire du secours socialiste, une action concrète, organisée par le journal le 19 février, se traduit par le lancement d’une souscription et des appels pour recueillir vêtements et vivres. Une rubrique Le courrier des réfugiés voit le jour le 21, destinée à regrouper des familles. Elle sera moins efficace que prévu, puisque la vente du Populaire sera interdite à partir du 23 février dans les camps d’Argelès et de St Cyprien, ce qui provoquera l’indignation de JM Hermann : « Les autorités françaises n’autorisent que la presse de droite, celle qui couvre d’injures les Républicains espagnols ». C’est de fait toute la politique d’accueil des réfugiés suivie par le gouvernement qui est mise en cause par les socialistes. Léon Blum, dans un éditorial du 17 février, ayant pour titre « Nos hôtes espagnols » écrit à ce sujet : « Quelle idée le gouvernement, et en particulier les départements de la Guerre et de l’Intérieur, se font-ils des Espagnols entassés dans les camps d’Argelès et de St Cyprien ? Pour qui les prennent-ils »? Désireux d’éviter tout amalgame, le chef de la SFIO poursuit : « Admettons qu’il se soit glissé, dans la masse, des éléments « indésirables ». Qu’on les trie et qu’on les extirpe. Mais les autres, les civils et surtout les soldats, de quel droit les traite-t-on comme des prisonniers » ? (Voir doc N°9). Pendant le mois de mars, la guerre d’Espagne reste l’un des thèmes prioritaires du Populaire, mais les camps ne constituent plus les gros titres de la première page, qui sont dorénavant consacrés à la reconnaissance de Franco par l’Angleterre et la France, ainsi qu’à la nomination de Pétain comme ambassadeur à Burgos.
L’autre organe de presse qui braque le projecteur sur le scandale des camps de concentration est L’Humanité, l’organe du Parti communiste. À partir du 9 février, le journal, qui lance une souscription en faveur des réfugiés, souligne le dénuement des conditions de vie des internés, la carence des services médicaux et des médicaments, et met en cause le gouvernement français. Le 15, Argelès est dépeint comme « un véritable pénitencier où couve un foyer d’épidémies ». Jusqu’à cette date, le problème n’est jamais traité en première page, mais en page 4. Un changement s’opère le 16 février à la suite de la visite dans les camps d’une délégation de parlementaires communistes (voir Doc N° 10). Le quotidien, faisant allusion cette fois non seulement aux camps d’Argelès et de St Cyprien, mais aussi à ceux d’Arles sur Tech et d’Amélie les Bains, titre à la une : « Il faut en finir avec le scandale odieux des camps de concentration », et réclame des soins aux blessés et aux malades, ainsi que des vivres et des abris pour les soldats. L’article est relayé en page intérieure par la publication de la lettre que Raymond Guyot, député de la Seine et membre de la délégation communiste, et elle a été envoyée à tous ses collègues. Sous le titre « Ce que j’ai vu à St Cyprien », le parlementaire y dénonce les conditions d’hygiène et de détention qui règnent dans le camp, stigmatise les sévices que font subir aux détenus les tirailleurs sénégalais, et conclut : « Ce que j’ai vu est contraire au respect de la personne humaine et ne peut que semer au cœur de ces hommes et de ces femmes la haine envers la France ». Le 17, François Billoux, député de Marseille, parle de « calvaire », et fait état de la lettre envoyée par la délégation parlementaire au président Daladier, dans laquelle les députés communistes dénoncent « les humiliations, les brutalités et les vols dont ont été victimes dans les camps les soldats et les réfugiés ». L’organe du parti communiste en profite pour relier cette question à la politique intérieure française, et, de manière polémique et pour sûr excessive, accuse M Bonnet, ministre des Affaires étrangères de vouloir « par ce moyen faciliter la besogne du fascisme international en France ». La dénonciation des conditions d’internement ne cesse durant tout le mois de février. La suppression des camps est demandée le 18 : « supprimer les camps d’Argelès et de Saint Cyprien, c’est sauver des vies espagnoles et l’honneur de la France. ». Le 21, plusieurs décès sont signalés. Le thème se raréfie en mars. Le journal consacre alors ses pages à la « trahison » de Casado et de Miaja contre Negrin et le gouvernement républicain, et à la défense d’André Marty, attaqué au parlement pour son comportement au sein des Brigades Internationales. La question des réfugiés réapparaîtra cependant le 15 mars, dans le compte rendu du débat sur l’Espagne qui se déroule à la Chambre, où Raymond Guyot s’élève contre les scandales des camps de concentration et réclame la stricte application du droit d’asile. Ce Soir, pour sa part, publie son premier article sur les camps le 12 février. Son envoyé spécial, Stéphane Manier, titre : « À Argelès sur mer, ce n’est plus la mitraille qui tue, c’est la faim, la fièvre, le froid ». Le 13, c’est la situation à St Cyprien qui fait l’objet d’un article d’un autre envoyé spécial, Ribecourt. Le 14, à propos de l’isolement des Espagnols, il fait allusion aux « scènes révoltantes d’Argelès, où la population du sud-ouest, dont on craint la pitié, est écartée, par la force militaire, des lieux de souffrance du peuple espagnol ». Dans le même numéro, il est question de « l’enfer des camps de concentration d’Argelès et de St «Cyprien» et une page entière est consacrée à des documents photographiques. Le 15, Ce Soir fait état de 25 morts à St Cyprien et de 10 morts par nuit à Argelès. Le 16 du surpeuplement d’Argelès, où se trouvent 78000 hommes pour 1500 abris.
La presse française de gauche ne cesse donc tout au long du mois de février, d’attirer l’attention de l’opinion et des autorités sur les camps, de manière de plus en plus soutenue à partir du 9, au fur à mesure que se découvre, et se dégrade, la situation matérielle et morale des réfugiés. Ce sont seulement les éléments extérieurs -reconnaissance par les démocraties du gouvernement de Burgos, dernières opérations militaires de la guerre civile, invasion de la Bohême et de la Moravie par les troupes allemandes- qui feront passer au second plan dans les journaux la réalité des camps. Mais périodiquement, sans faire l’objet de gros titres ni de la Une, cette situation sera évoquée.

La presse d’extrême droite confirme son allégeance aux dictatures.

Tout autre est la vision de la presse d’extrême droite (voir Doc N° 11). Examinons comment Le Matin, L’Époque, Le Jour, Candide, Je suis partout, Gringoire– réagissent par rapport à l’internement des Espagnols.
Sur un ton que nous avons déjà évoqué, où se mêlent invective, insulte abjecte et xénophobie, la principale demande est le renvoi des réfugiés dans leur pays. Il n’est jamais fait mention des conditions de vie dans les camps. C’est sous un angle méprisant et hostile que le thème est abordé. Le 7 février, Le Matin signale l’acheminement des miliciens désarmés vers des camps de concentration. Le 18, il présente les Internés comme des « Indésirables » astreints à des travaux d’utilité publique, et souligne que des peines sévères sanctionneront toute atteinte à la discipline de ce que le journaliste appelle pudiquement « centre de rassemblement ». La seule référence concrète est celle du camp de Mende, en Lozère. À aucun moment il n’est question d’Argelès, de St Cyprien ou de Barcarès. Le parti choisi est celui de la banalisation, et de la lutte contre l’invasion étrangère, qui constitue le gros titre de la une. L’Époque, pour sa part signale le 6 février, l’envoi des républicains désarmés dans des camps. Le 8, Louis Gabriel Robinet, l’envoyé spécial du journal à Argelès, présente les républicains comme des pillards. Le 12, sous le titre alarmiste « L’inquiétude vient des camps de concentration », il dénonce les menaces d’épidémie, et prête aux internés l’intention de se révolter. Je suis partout va plus loin le 3 février et parle du « fallacieux prétexte des camps de concentration », demandant l’évacuation des réfugiés du sol français. Le Jour va dans le même sens le 18 février. Candide, pour sa part, le 8 février, présente les miliciens comme des profiteurs « bien portants et armés », et recourt à la moquerie, au cynisme et à la dérision : « Ils ne se soucient pas d’affronter l’armée de Franco, et préfèrent la vie dans un camp de concentration français. On les reçoit, on les héberge tant bien que mal, à Argelès, au Boulou, à Fort les Bains. On leur donne à manger ». Dans la même veine, l’hebdomadaire titre le 1er mars « À l’ombre des héros en fuite ». Mais l’organe de presse qui va le plus loin dans l’injure et l’appel à la haine est Gringoire. Le 16 février, cet hebdomadaire évoque « les miliciens mal surveillés dans des camps de concentration fictifs ». Mélangeant exode et internement, montant en épingle des faits isolés, et pratiquant l’amalgame, il présente les réfugiés comme des pillards qui dévastent les campagnes roussillonnaises, et traite les internés de « lie » et de « pègre rouge ». Le 1er mars c’est le terme « racaille meurtrière » qui apparaît, dans un article qui se termine par cette phrase : « il faut nous débarrasser de tout cela ». C’est la même litanie qui sera reprise le 16 mars sous le titre « L’invasion des marxistes espagnols coûte à l’état plus de 200 millions par mois ». Ces exemples suffisent à caractériser l’état d’esprit qui anime la presse d’extrême droite, qui, sur un ton outrancier et injurieux, ne voit dans les républicains que des pillards, des égorgeurs, des bandits et des fauteurs de troubles. Le discours est basé sur la désinformation, pour activer une propagande destinée à faire naître dans l’opinion des réactions de peur et de rejet.
Il est à noter que cette stigmatisation des républicains n’est pas l’apanage exclusif des périodiques d’extrême droite. On peut lire dans un journal comme Le Petit Parisien, considéré comme un journal d’information, un article, en date du 14 janvier, particulièrement xénophobe. L’auteur, Marcel Régnier, s’inquiète de « l’invasion massive de notre sol » et demande le renvoi des Espagnols dans leur pays : « une besogne d’épuration s’impose », suggérant même que ceux qui ne seraient pas repris par Franco, ceux qu’il appelle « les délinquants de droit commun », soient déportés au bagne de Guyane. Un autre chroniqueur, Georges Arquié, écrit le 25 : « À la faveur de l’exode, toute la lie des prisons catalanes est entrée en France ».Cela dit, d’autres articles plus mesurés sont publiés dans le Petit Parisien, qui distinguent certains auteurs d’exactions de « la grande masse de ceux qui n’ont pas cessé d’être pour la plupart, dans la défaite et le malheur, des gens conscients de leurs devoirs » (26 février). Preuve s’il en était de l’embarras et de l’hésitation d’un secteur de l’opinion, fluctuant, face à un problème qui devient chaque jour plus crucial, et dont personne -sauf l’extrême droite évidemment- n’envisage la solution.
Quant à L’Indépendant, principal quotidien des Pyrénées orientales, force est de constater qu’il rejoignit souvent, sur le fond et sur la forme, les positions extrêmes xénophobes. Privilégiant le thème de l’exode dans ses une, il présente très négativement l’arrivée des Espagnols, titrant le 27 janvier : « Des misérables réfugiés aux ministres en fuite et aux déserteurs couverts de bijoux, pendant que l’armée désemparée bat en retraite ». Le 28, Théo Duret évoque « la vague des réfugiés qui vient battre dangereusement la frontière », et s’inquiète d’un possible déferlement sur la France d’une masse humaine incontrôlable. Le 30, la création du camp d’Argelès lui semble « particulièrement opportune », pour des hommes qu’il considère indociles, et leur exode en France lui apparaît agréable. Le 31 les réfugiés sont assimilés à des allumeurs d’incendies, des pilleurs de fermes et des miliciens déserteurs. Durant tout le mois, il n’est question que des incidents et des exactions provoqués ici ou là. Le 9, le quotidien évoque le camp de la Mauresque à Port Vendres, et parle « d’un bien-être apprécié ». Le 24, il est fait état du bilan satisfaisant dressé par une délégation de parlementaires radicaux-socialistes après sa visite des camps. (Voir Doc N°12)

La position de l’autre grand quotidien des Pyrénées orientales, La Dépêche du Midi, fut, elle, ambiguë ou pour le moins évolutive. La Dépêche fait certes, le 29 janvier, preuve de compassion, évoquant « les innocentes victimes de la guerre civile », mais très tôt approuve la création des camps, réfutant d’avance les protestations qui pourraient s’élever : « Demain nous entendrons peut-être des protestations et sans doute jusqu’à la tribune de la chambre. Elles seront sans fondement. Qu’on vienne plutôt se rendre compte de la situation réelle au sein des populations du Roussillon, qui ont été et demeurent fort compatissantes à la situation des réfugiés, mais n’admettront jamais certains abus ». L’existence des camps est donc justifiée par souci de maintien de l’ordre public, et par souci des nécessités d’ordre sanitaire. Par ailleurs La Dépêche entretient avec Albert Sarrault, ministre de l’Intérieur, des liens étroits. Elle rapporte donc le 2 février les propos rassurants du ministre sur l’organisation des futurs camps: « Il ne s’agira jamais d’un internement de prisonniers. Les Espagnols n’y seront soumis à aucun régime vexatoire ». Dès lors, ce sont les réfugiés eux-mêmes, et non leurs conditions d’internement, qui seront stigmatisés. Le 10, Lucien Castan titre « Graves incidents dans les camps de St Cyprien et d’Argelès », et signale des affrontements entre les gardes mobiles et des miliciens des Brigades, mécontents du sort qui leur est réservé par les autorités françaises. L’auteur prétend que les réfugiés sont bien traités. Le 16 février, les critiques émises par les socialistes et les communistes sont réfutées, et la presse de gauche est accusée de faire preuve de mauvaise foi : « Certains journaux ont poursuivi une campagne de dénigrement systématique politiquement intéressée. Je n’ai vu au camp d’Argelès ni « buveur d’urine », ni « mangeur de roseaux ».

Conclusion : La presse comme miroir des enjeux politiques à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

Ainsi donc l’accueil des républicains espagnols suscita une immense fracture au sein de l’opinion publique française. Le conflit espagnol sur le point de s’achever, alimenta une controverse comparable en intensité à celle qui avait divisé l’opinion en 1936, et de fait avait ébranlé le Front Populaire. L’Histoire aura retenu que l’accueil des combattants de la liberté ne fut pas digne de celui qu’ils méritaient. L’ironie tragique du sort voulut qu’une partie de ces réfugiés, qui avaient quitté leur terre natale pour un exil incertain, et qui avaient subi les attaques de beaucoup d’organes de presse, s’engageront au sein de compagnies de travailleurs prestataires de services de l’armée française, pour participer à un autre combat, qui conduira 7500 d’entre eux, à partir du 6 août 1940, au camp d’extermination de Mauthausen. Près de 5000 y périront.

Pas d'armes pour l'espagne
Pas d’armes pour l’espagne
Aide à l'Espagne républicaine
Aide à l’Espagne républicaine
Une enquête à Guernica
Une enquête à Guernica
La France suprême espoir / La chose Impossible Léon Blum
La France suprême espoir / La chose Impossible Léon Blum
Situations intolérables
Situations intolérables
Un jour du Monde
Un jour du Monde
Frontière française fermée à l'invasion; des réfugiés espagnols
Frontière française fermée à l’invasion; des réfugiés espagnols
Les nationalistes poursuivent leur marche en avant
Les nationalistes poursuivent leur marche en avant
Donnez leur tout de même à boire
Donnez leur tout de même à boire
Non et Non de Léon Blum
Non et Non de Léon Blum
En finir avec le scandale des camps de concentration
En finir avec le scandale des camps de concentration
À la gloire de l'espagne de Franco
À la gloire de l’espagne de Franco
Indésirables dans la presse régionale
Indésirables dans la presse régionale

5 mai 1945 – 5 mai 2015

——————— Discours hommage aux Espagnols 70 ans de la libération du camp de Mauthausen 5 mai 1945/5 mai 2015.


Monsieur Blandin, maire du 20e chargé de la mémoire combattante Monsieur Daniel Simon, président de l’Amicale de Mauthausen, Monsieur David Wingeate Pike, Professeur émérite de l’Université américaine de Paris, membre du comité international d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale. Mesdames, messieurs, Tout d’abord laissez-moi au nom de notre association 24 août 1944, vous remercier d’être présents à cet hommage à tous les Espagnols morts pour la liberté, que nous avons voulu organiser ce 5 mai, jour 70e anniversaire de la libération du camp de Mauthausen. Le peuple espagnol a entamé sa résistance armée face au fascisme international le 19 juillet 1936, alors que le monde entier s’imaginait en être encore aux négociations et aux arrangements avec les dictatures. Après 32 mois de résistance, vaincus sur leur terre, par le manque d’armement et de soutien et par la coalition des fascismes allemands, italien et portugais, venus s’entrainer sur la terre espagnole, les républicains espagnols s’exilent en France. Comme l’avait pressenti Buenaventura Durruti, ce n’est pas seulement une armée qui se retire mais tout un peuple, ils seront 500.000 à franchir la frontière en quelques jours de fin janvier au 12 février 1939. C’est le plus grand exil des temps modernes Malgré un accueil déplorable, sans fraternité ni espoir, ils vont restés à l’écoute des bruits de bottes qui montent en Europe. Ils sont là encore les premiers à organiser des maquis, pour passer les frontières, les premiers à se battre contre l’ignominie et la terreur fasciste. Il y eut des Espagnols, combattant le fascisme international sur tous les fronts, dans tous les maquis. Dans la Résistance et dans les armées alliées, ces Espagnols enragés de Liberté associèrent leurs noms à ceux des libérateurs à Narvik, à Bir-Hakeim, dans le Vercors, sur le plateau des Glières, en Sicile, à Monte-Casino, en Normandie, à Paris où ils entrent les premiers le 24 août 1944, éclaireurs de la 2e DB du général Leclerc, à Strasbourg, jusqu’au nid d’Aigle d’Hitler, à Berchtesgaden et dans beaucoup d’autres lieux où fut versé tant de sang et où tant de vies furent fauchées. Ceux qui se sont retrouvés sur la ligne Maginot pour la consolider ont tout se suite été faits prisonniers de l’armée allemande en juin 1940 et déportés dès le 6 août 1940 au camp de Mauthausen, seul camp classé catégorie 3, un camp de mort systématique par épuisement dans lequel les conditions de survie étaient des plus terribles. Mais il y eut des antifascistes espagnols dans tous les camps de concentration nazis y compris des femmes espagnoles à Ravensbrück, « Si un jour prochain, l’un d’entre nous parvient à survivre à ce génocide, qu’il dise au monde entier ce que furent les Camps nazis… » Voici le message que confièrent des milliers d’Espagnols avant de mourir, après avoir été martyrisés et mutilés. Pour le respecter, à Mauthausen, les Républicains espagnols qui sont des combattants aguerris ennemis du totalitarisme, s’employèrent dès leur arrivée à s’organiser afin de résister à la mort programmée, et de collecter les preuves irréfutables de la déportation. Leur conduite força l’admiration de tous, Edmond Michelet résistant déporté à Dachau membre du Comité international des déportés, parle des Espagnols en ces termes : « (…) Les Espagnols réussirent ce tour de force de faire l’unanimité dans la sympathie et l ‘admiration. (…)Ils tiraient de leur adversité une orgueilleuse fierté qui forçait le respect. (…) Quand on me parle de Grands d’Espagne, je revois moins un personnage de Claudel que l’un quelconque de ces camarades malheureux. » Cette perception des Espagnols est l’expression même du sentiment qu’exprima Antonio Machado juste avant la chute de Barcelone en janvier 1939 quand il écrit : « (…) Pour les stratèges, pour les politiques, pour les historiens, tout est clair : nous avons perdu la guerre. Mais humainement, je n’en suis pas si sûr…Peut-être l’avons-nous gagnée. » Mais, nous qui sommes leurs descendants et avons été élevés par eux en France nous pouvons affirmer que longtemps ils ont rêvé de retrouver leur terre débarrassée du franquisme et qu’ils ont dû ravaler leur utopie, ensevelir leur idée de construire une société meilleure dans leur pays. Daniel Mayer, membre du Comité national de la résistance, ministre du gouvernement de la libération, ami des républicains espagnols, Pablo Casals illustre compatriote qui symbolise les arts et leur langage de rébellion et enfin le professeur Charles Richet représentant la science et sa marche progressiste sont les parrains prestigieux de ce monument qui se dresse derrière moi. Daniel Mayer, dans son discours d’inauguration le 13 avril 1969, a appuyé sur cet aspect douloureux d’un combat inachevé vers l’espoir en déclarant : « La victoire venue les démocraties ne surent pas délivrer l’Espagne comme avait été délivré le reste de l’Europe. Il eut, en 1946, suffi d’une chiquenaude pour que les prisons espagnoles se vident, pour que l’Espagne toute entière s’ouvre à l’enseigne de l’homme. Cela n’a pas été fait et ma génération en portera la honte durant des siècles. » Déjà en 1969, son hommage était un appel à la vigilance pour éloigner de notre monde le fascisme et sa cohorte d’exclusion, de haine et de xénophobie ; en effet il ajoute : « D’autant que nous ne savons pas reprendre le combat et qu’au contraire de nos espérances, la violence, la haine, le totalitarisme gagnent de nouveaux États. (…) Ne pas oublier, ce n’est pas seulement évoquer les années passées. C’est construire le monde demain. Au-delà de l’unité des morts —¬et grâce à elle—¬ nous devons créer l’unité des vivants. Et le monde de demain sera celui que nous avons conçu, si nous savons vouloir. » En 2015, 70 ans après, nous devons nous souvenir de ces mises en garde, de la part d’hommes dont la conduite a toujours été de faire obstacle à l’oppression. Rendre hommage aujourd’hui À la mémoire de tous les Espagnols morts pour la liberté cela signifie surtout respecter leur combat et le sacrifice de leur vie en ne permettant pas que reviennent le temps des idéologies fascisantes qui basent leur programme sur l’exclusion la persécution de l’autre, de l’étranger et sur l’exploitation de la misère. Souvenons-nous que ces Espagnols comme toutes les nationalités présentes au camp de Mauthausen ont su s’unir pour organiser la résistance intérieure du camp et que le 16 mai 1945, ils nous ont délivré ce message à respecter et à transmettre aux autres générations jusqu’à la nuit des temps : « Sur la base d’une communion internationale, nous voulons ériger aux soldats de la liberté, tombés dans cette lutte sans trêve le plus beau des monuments, celui du : MONDE DE L’HOMME LIBRE Nous nous adressons au monde entier pour dire : Aidez nous dans notre tâche ! Vive la solidarité internationale ! Vive la liberté ! Au nom de tous ceux qui furent prisonniers politiques à Mauthausen. » Merci de votre attention et de votre présence.

Hommage au monument de la FEDIP
Hommage au monument de la FEDIP
Hommage 5 mai 2015
Hommage 5 mai 2015
Hommage de l'historien aux acteurs de l'histoire
Hommage de l’historien aux acteurs de l’histoire

Documents joints

 

Réunion de l’association du 14 février 2015.

Le 14 février 2015.
Nous avons organisé notre première journée de réunion afin de présenter à toutes celles et à tous ceux qui nous ont accompagnés depuis juin 2014, soit par leur soutien financier, soit par leur participation aux événements et souvent les deux, notre bilan de l’année 2014 et nos projets pour 2015, voire pour l’avenir tout simplement.
Vous trouverez sur notre site le document qui présente ce bilan humain des actions menées cet été et cet automne. Vous y trouverez également nos projets. Mais nous ferons une annonce particulière par mail sur les dates de chaque événement et nous l’inscrirons également sur notre site pour ceux qui n’auraient pas laissé d’adresse mail.
D’ores et déjà nous pouvons vous annoncer que :
le 22 mars 2015 à 11h, nous déposerons en compagnie de la CNT, et de l’association Les Pas Sages une stèle sur la sépulture de Manuel Lozano, au cimetière de Pantin. Dont Marie écrit : Manuel Pinto Queiroz-Ruiz, plus connu sous le nom de Manuel Lozano, 14/04/1916 (Jerez de la Frontera) – 23/02/2000 (Paris 19e). Militant anarchiste anti militariste, ce poète, amoureux des arts et des lettres, délaissa pour un temps crayons et pinceaux, pour combattre le fascisme. Épris de liberté, il poursuivit la lutte commencée en Espagne en s’engageant dans les forces françaises libres (FFL) pour libérer la France. Combattant de la Nueve (2e DB), son combat pris fin à Berchtesgaden et non à Madrid comme il l’avait rêvé ! Fidèle à son idéologie, il reprit le combat, avec ses premières armes, celles des mots. « Tant qu’il y aura / des enfants sans école / leurs parents au chômage / habitant en baraques / et cabanes, ce sera la misère !… Tombe de Manuel que nous avons réussi à sortir de l’oubli en intervenant auprès de la Mairie de Paris pour qu’elle l’entretienne au titre de son engagement dans la Nueve.
Le 5 mai 2015, Nous organiserons une commémoration pour célébrer le 70e anniversaire de la libération du camp de Mauthausen. Elle aura lieu à partir de 15h30 devant l’entrée principale du cimetière où nous nous regrouperons pour monter jusqu’au monument érigé par la FEDIP « Federación española de Deportados e Internados políticos » en 1969 à la mémoire de tous les antifascistes espagnols morts pour la liberté. Ce monument repose sur une pierre arrachée à la terrible carrière du camp de Mauthausen. Nous avons choisi ce cimetière du Père Lachaise non seulement parce qu’il abrite ce monument mais surtout parce qu’il est le carrefour où se croisent toutes les révolutions populaires du monde, toutes les expériences nouvelles qui donnent encore l’espoir en un monde nouveau fraternel, digne et solidaire.

– Et bien sût il y aura d’autres événements, interventions dans les établissements scolaires, MJC, représentation ou lecture de la mise en espace des témoignages des hommes de la Nueve, des colloques, des actions communes avec d’autres associations, création d’une centre de documentation, pourquoi pas ?
Mais aujourd’hui il semble important de vous faire partager l’ambiance de cette journée d’information et d’échanges que fut le 14 février au cinéma La Clef. Tout d’abord, nous remercions très vivement pour sa disponibilité, sa patience et sa bonne humeur Jean-Pierre Rocabert qui non seulement a mis ses locaux à notre disposition mais s’est mis en quatre pour que notre installation soit une vraie réussite. N’oublions pas non plus sa sympathique et accueillante équipe.
Ainsi la salle d’accueil et d’exposition a été agrémentée de tableaux originaux de notre ami Juan Chica-Ventura, artiste peintre qui nous a transmis au travers de ses œuvres la force et la grande volonté des hommes de la Nueve.
Des bouquins, des CD de notre poète et compositeur Serge Utgé-Royo, des DVD parsemaient immanquablement le parcours de quelques panneaux d’une exposition sur les antifascistes espagnols. C’est ce côté amour de la culture, du verbe et du dessin qui a tant caractérisé la révolution sociale du peuple espagnol qui s’épanchait là sur ces tables, dans cette salle, jusque dans les conversations des uns et des autres.
Nous avons tenu une réunion de bilan et exposition de projets, puis débats dans la plus grande salle de cinéma, que nous avons pu décorer à loisir de notre banderole et d’autres atouts. Grâce à tous les participants, nous avons eu des échanges riches en suggestion pour faire vivre nos initiatives en faveur de la mémoire des antifascistes espagnols exilés, nous avons également entendu et enregistré les critiques faites que nous tenterons de corriger, tout cela dans la bonne humeur et la détente.
L’ensemble des présents se trouvant unanimes pour approuver nos projets 2015, nous nous sommes engagés, sous réserve d’améliorer notre communication entre toutes et tous, à ce que nos actions soient dirigées vers la jeunesse et lient le passé de ces expériences exceptionnelles de résistance à l’actualité en ouvrant des chemins de réflexion et de partage.
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Puis ce fut un moment inoubliable d’une très grande tenue artistique : un trio Flamenco, chant guitare danse, avec Paco Muñoz au chant, Cristobal Corbel à la guitare et Diana Regano au pas de danse, aérienne et joyeuse. Nous étions transportés dans une dimension de beauté, de suavité, l’Espagne andalouse et non moins indomptable était là sous ses talonnades rebelles, au son cristallin d’une guitare qui volait dans les airs à la recherche de la voix grave de Paco.
Quel regret que la magie dut cesser pour laisser place à nos estomacs affamés, il était déjà 14h30 lorsque nous sommes passés à table !
Les préparateurs de ce buffet avaient fait des prouesses tant dans la présentation que dans la saveur des mets. Vous vous doutez bien que les discussions allèrent bon train, sur les souvenirs, les perspectives, le plaisir de se retrouver, de se reconnaitre, d’aller ensemble sur les sentes d’utopie.

Nos festivités se sont achevées sur les chansons de la révolution espagnole, celles aussi des antimilitaristes, que nos pères et mères étaient souvent, eux qui ont combattu les armes à la main dix années durant, traversant deux guerres et continuant seuls la résistance contre le franquisme, accepté par les puissances « alliées ». Bien-sûr notre chef d’orchestre était l’ami Serge qui a eu bien du mérite à diriger et à écouter tant de couacs mutins, mais il a tenu le choc et grâce à sa voix et à son rythme il nous a amenés sur les rives du passé pour dériver au fil du courant jusqu’aux rives de demain.
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Tout cela nous a conduit à l’heure de ranger et de se séparer mais nous comptons bien renouveler ces jours de partage avec un grand plaisir, vous retrouver toujours plus nombreux. Nous remercions ceux qui en étaient et ceux qui n’ont pu venir mais étaient présents par la pensée.

À très bientôt, retrouvez-nous sur notre site pour y prendre connaissance des actions futures, et suivre notre travail de documentation.
L’association 24 août 1944

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Ni l’arbre ni la pierre

Des combats pour la liberté aux déchirements de l’exil – L’odyssée d’une famille libertaire espagnole

Mon père était ouvrier à l’usine et le reste du temps avec ses compagnons, il préparait la révolution sociale. Enfant, dans les années cinquante, je considérais mon père comme quelqu’un ayant deux métiers : ouvrier et révolutionnaire.

Les femmes et les hommes qui vécurent cette odyssée s’affrontèrent, la rage au ventre à l’ignominie des pouvoirs. A la joie, la vitalité et l’enthousiasme immense qui régnaient durant la révolution espagnole succéderont la détresse des réfugiés, dépossédés de leurs armes et parqués honteusement dans des camps de concentration français, la résistance contre le fascisme et l’espoir déçu d’un retour en Aragon.
Nous nous souviendrons longtemps, avec tendresse, de cette grand-tante chanteuse de music-hall à Barcelone, de ces grands oncles rebelles et aventuriers, bandoleros au service du mouvement libertaire, de cette grand-mère se répandant d’affection pour ses petits-enfants, leur chantant Hijos del pueblo, l’hymne des anarchistes. Nous repenserons au restaurant populaire collectivisé de Sarinena où se rencontrèrent Juliana et Eusébio, les parents de l’auteur.

Nous les imaginons débordant de révolte, de désir et d’espérance. Ils prennent place dans notre mémoire…


_Né en 1953 à Villefranche-en-Beaujolais, Daniel Pinós est l’avant-dernier d’une famille de six enfants. Ses parents, des anarcho-syndicalistes espagnols, s’exilèrent en France en 1939. Militant libertaire et antimilitariste, insoumis en 1973, il s’exila à son tour à Amsterdam où, en 1976, il apprit la mort de son père. Il est aujourd’hui responsable d’édition aux Presses de la Sorbonne Nouvelle.

Daniel Pinós collabore également à l’association 24 août 1944 pour laquelle, notamment, il écrit des articles et s’occupe des publications.

La guerre d’Espagne ne fait que commencer

Ce titre pourrait apparaître comme erroné ou provocateur pour les « experts » de la guerre d’Espagne ou pour ceux qui vivent dans son ombre. Qu’importe, il ne leur est pas destiné…

Au delà du « fait historique », Jean Pierre Barou [[Éditeur, avec Sylvie Crossman, d’Indignez-vous !, co-auteur, avec S. Crossman, d’Enquête sur les savoirs indigènes (Folio), et de Tibet, une autre modernité (Points).

La guerre d’Espagne ne fait que commencer, 2015 – éditions du Seuil ]] évite une énième hagiographie. Il traite du contexte et s’adresse à ceux qui souhaitent comprendre comment des insurrections conscientes, individuelles ou collectives (que certains qualifieraient aujourd’hui d' »insurrections citoyennes « ), peuvent être à l’origine d’une révolte, voire d’une révolution.

« Casas Viejas » en perspective

Au travers d’un « récit-enquête » supporté par les évènement de « Casas Viejas », une insurrection citoyenne, un soulèvement de l’esprit « d’ouvriers conscients » s’inscrivant dans le mouvement de la prise de conscience individuelle et collective mais qui sera noyée dans le sang par la Garde d’assaut républicaine du gouvernement républicain-socialiste de Manuel Azaña [[Les événements se sont déroulés entre les 10 et 12 janvier 1933 dans la petite ville de Casas Viejas (province de Cadix). Pour mettre fin à des « troubles » en Andalousie, la Garde d’assaut républicaine, envoyée par le gouvernement incendie une maison où s’est retranchée une famille de sympathisants anarcho-syndicalistes de la Confédération nationale du travail : six personnes périssent brulées. En tout, dix-neuf hommes, deux femmes et un enfant sont tués, ainsi que trois militaires.]] et en illustrant ses analyses par « Espagne », un texte de Thomas Mann [[Voir : Les écrivains et la guerre d’Espagne

http://www.monde-diplomatique.fr/1997/04/SANZ_DE_SOTO/4705]] rédigée en 1936 ou les positions de Camus, Jean Pierre Barou nous incite à réviser toutes nos certitudes sur la période 1931-1936, en évitant de tomber dans l’écueil du conflit entre « le bien et le mal », entre les républicains et les nationalistes.

Alors que le nationalisme espagnol s’est imposé contre son peuple, les républicains ne l’ont pas non plus ménagé.

Mais plus encore qu’un « trou noir » dans les origines de la guerre civile espagnole, Jean Pierre Barou, voit dans « Casas Viejas » un exemple pour ouvrir la réflexion sur d’autres « communes libres ». Souvent éradiquées par des républicains ou des nationalistes, comme l’écrivait Thomas Mann, elles n’en demeurent pas moins portées par des « revendications de la conscience « .

Un lapsus révélateur…

Dans ce livre où l’anarcho-syndicalisme est très présent, page 41, l’auteur parlant de la CNT en donne le développement suivant : Confédération Nationale des Travailleurs.
Résultat du soulèvement de l’esprit « d’ouvriers conscients » : les Travailleurs ont « remplacé » le travail…

Source : www.autrefutur.net

5 mai, jour de la libération du camp de Mauthausen

Dès 1936 en Espagne, les antifascistes espagnols furent les premiers à s’élever contre le fascisme européen, les premiers aussi en 1940, alors que la France hésitait encore. Ils payèrent très cher cette clairvoyance et ils furent les premiers déportés, en dehors des prisonniers Allemands et Autrichiens. Même s’il y a eu des Espagnols déportés dans tous les camps de concentration, ils furent massivement envoyés des stalags au camp de Mauthausen (classé catégorie III, camp d’élimination), à compter du 06 août 1940 et pour leur rage à défendre la démocratie, ils furent encore les premiers déportés partis du sol français pour les camps de la mort (le 20 août 1940, convoi d’Angoulême).

Ils portent le triangle bleu des apatrides et à l’intérieur du triangle la lettre S pour Spanien. Au début, ils occupent les places les plus exposées dans le camp et effectuent les travaux les plus pénibles. Ils ne trichent pas face à l’atrocité de leur condition mais ils se souviennent qu’ils sont des combattants et non des victimes. Dès lors, ils entrent en résistance, leur but collectif sera de survivre et de collecter toutes les preuves possibles pour témoigner de la terrible déshumanité.
Sur les 7 200 hommes envoyés au camp de Mauthausen, les deux tiers ont été exterminés. Mais animés de la volonté farouche de combattre le fascisme, ils n’ont jamais cessé de résister et de s’entraider, ce qui permit à 2000 d’entre eux de survivre pour témoigner.
Mauthausen et ses kommandos fut un des derniers camps libérés, le 5 mai 1945. À cette date, le comité clandestin espagnol, qui avait été le moteur de l’organisation internationale clandestine de résistance du camp, était prêt à défendre chèrement la vie des survivants. Au moment du rapatriement, les Espagnols ne pouvaient pas rentrer dans leur pays. Aussi après des négociations, furent-ils rapatriés en France puisque c’est de ce pays et à cause de leur engagement à le défendre qu’ils avaient été déportés.

Pour toutes ces raisons qui lient étroitement le combat des antifascistes espagnols à l’histoire de la France dans la Seconde Guerre mondiale, nous serions heureux de vous accueillir, 70 ans après, au cours de cet hommage rendu à ceux qui sont tombés et à ceux qui ont pu résister, et nous souhaiterions vous donner la parole afin que leur engagement pour la liberté soit marqué de votre considération, dans ce lieu symbolique de toutes les luttes populaires pour la liberté. Rendez-vous le 5 mai 2015, 15h 30, cimetière du Père Lachaise, porte Gambetta, rue des Rondeaux, Paris 20e (métro Gambetta).


Invitation 5 mai 2015 Programme 2015 de l’association

Documents joints

 

Un combattant modeste et fidèle à son idéal : Manuel Lozano, Poète Ouvrier

 » Né le 14 avril 1916, à Jerez de la Frontera, en Andalousie, Manuel est le fils d’un ouvrier coiffeur. Suite au décès de sa mère, il commence à travailler très jeune dans une distillerie puis comme ouvrier agricole dans les vignes de Jerez.
En 1932, il adhère à la Fédération Ibérique des Jeunesses Libertaires (FIJL) et à la Confédération Nationale du Travail (CNT), où pour son plus grand bonheur, il apprend à lire et écrire. À l’été 1936, il s’engage dans les milices et part combattre les militaires factieux sur les fronts de Malaga, Grenade, Marbella, Murcia. La fin de la guerre le surprend à Alicante où des milliers de républicains sont bloqués sur le port, dans l’attente désespérée d’un hypothétique navire pour quitter l’Espagne.
Le 28 mars 1939, il parvient à quitter l’Espagne à bord de La Joven María et à gagner Oran où à peine débarqué, il est arrêté par la police française, comme des milliers d’autres réfugiés. Ils sont enfermés dans un grand hangar, sans aucune installation sanitaire, parqués dans un camp de concentration pour clandestins.
Interné, successivement dans cinq camps en Algérie et au Maroc, il est soumis, avec ses compagnons d’infortune à des travaux forcés sous la surveillance de gardiens français et allemands d’une grande cruauté. D’ailleurs il raconte qu’un jour, perché sur une hauteur, il déverse toute une brouette chargée de pierres sur un de ses gardiens allemands particulièrement cruel. Heureusement pour lui, personne ne l’a vu faire hormis deux Espagnols qui jubilaient et le bourreau en question meurt au grand soulagement de ses victimes.
Manuel reste enfermé dans ces camps, contraint à des travaux inhumains jusqu’au débarquement allié en Afrique du Nord en novembre 1942. Là, il s’engage dans les Corps Francs d’Afrique, nouvellement créés et composés d’étrangers antifascistes. En avril 1943, il participe à la prise de Bizerte (Tunisie) contre l’Afrikakorps commandé par le général Von Arnim à ce moment-là et les troupes Italiennes du général Messe. Après cette campagne, il intègre le Régiment de Marche du Tchad (RMT) qui appartient aux Forces Française Libres commandées par le général Leclerc. Il est à Temara au Maroc, le 24 août 1943, jour où est créée officiellement la 2e DB.
Manuel fait partie de la neuvième compagnie du troisième régiment de marche du Tchad, surnommée la Nueve parce qu’elle est presque exclusivement constituée d’Espagnols. « Une compagnie qui faisait peur à tout le monde » dit Manuel, mais composée d’hommes valeureux selon son Capitaine Raymond Dronne qui note dans ses carnets: « Ils n’avaient pas l’esprit militaire. Ils étaient presque tous antimilitaristes, mais c’étaient de magnifiques soldats, vaillants et expérimentés. S’ils avaient embrassé spontanément et volontairement notre cause, c’était parce que c’était la cause de la liberté. Oui, en vérité, c’étaient des champions de la liberté ».
En mai 1944, Manuel et toute la division sont transférés en Angleterre, en vue de préparer le débarquement des forces alliées. Il posera pour la première fois le pied en France, le 4 août 1944, où il participe à la bataille de Normandie. La Nueve perd beaucoup de bons compagnons dans cette campagne.
Malgré cela, ils se dirigent vers Paris, toujours en éclaireurs de la 2e DB. Le soir du 24 août 1944, Manuel Lozano entre dans Paris insurgé et arrive à l’Hôtel de Ville, à bord du Guadalajara. Il participe avec sa compagnie, dans la liesse parisienne, à la reddition des forces d’occupation en réduisant les derniers bastions tenus par les troupes allemandes dans la capitale. C’est lui encore qui donnera l’alerte contre les tireurs isolés lors du défilé aux Champs Élysée le 26 août où les hommes de la Nueve sont choisis pour escorter et protéger le général de Gaulle.
Puis il est à nouveau de tous les combats. Avec la libération de Strasbourg le 23 septembre 1944, le général Leclerc accompli enfin son engagement : le serment de Koufra (Lybie, le 2 mars 1941) de ne pas déposer les armes jusqu’à la libération de Strasbourg .Peu après cette victoire éclatante, les troupes, Manuel compris, filent vers l’Allemagne. Ils participent à la libération du camp de concentration de Dachau et la prise du « nid d’aigle » d’Hitler, à Berchtesgaden. Le combat s’arrête là, c’est la fin de la Seconde Guerre mondiale sans qu’aucune autorité n’évoque la possibilité de chasser Franco d’Espagne.

Décoré par le général Leclerc, de la Croix de Guerre pour la Campagne de France, Manuel Lozano, qui avait cru comme beaucoup de compagnons espagnols que la libération de la France serait suivie de celle de l’Espagne, explique ainsi son engagement : « Nous nous étions engagés dans la Division Leclerc, car nous pensions qu’après la France, nous irions libérer l’Espagne. Dans ma compagnie, la Nueve, tout le monde était prêt à déserter avec tout le matériel. Campos, le chef de la 3e section, prit contact avec les guérilleros espagnols de l’Union nationale qui combattaient dans les Pyrénées. Nous avions tout étudié. Avec les camions chargés de matériel, d’essence, nous serions allés jusqu’à Barcelone. Alors, qui sait, si l’histoire de l’Espagne n’aurait pas été changée… » (cf. Témoignage Chrétien).

Après sa démobilisation, M. Lozano mène une vie modeste d’ouvrier et de militant anarchiste, à l’instar de la plupart de ses compagnons qui considèrent qu’ils ont simplement fait ce qu’ils devaient faire, en toute simplicité. Il s’est également fait poète pour dire avec ses propres mots ses émotions face à l’Histoire. Mais c’est une autre histoire … Merci  »

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Les mémoires de Mika ou le récit sensible d’une vie de milicienne

« On aura tout vu. C’est une femme qui commande la compagnie et les miliciens qui lavent les chaussettes. Pour une révolution, c’est une révolution ! »
( Ernesto, dans « Ma guerre d’Espagne à moi ».)
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( Mika et Hippolyte Etchebéhère )

Dans « Ma guerre d’Espagne à moi »[[Éditions Denoël, Paris, 1975- Éditions Milena, 2014.

lire également : « La Capitana » d’Elsa OSORIO, Bibliothèque Hispano-Américaine. Editions Métailié 2014]], on est loin de ces récits héroïques où les heures de gloires et les coups de force coulent de pages en pages…

Mika y parle simplement de ses engagements politiques, initiés en Argentine, de sa participation au front de Sigüenza avec le POUM[[12 Juillet 1936, six jours avant le coup d’État franquiste, Mika est à Madrid. Fin 1936, après la militarisation des milices, elle rejoint la 38è Brigade. Sa compagnie décimée dans de violents combats, elle intègre, avec le grade de capitaine, la XIVè division de l’Armée populaire espagnole, dirigée par Cipriano Mera de la CNT.]] ou de ses combats ultérieurs. Avec humanité, elle évoque son amour complice pour Hippolyte, ses considérations sur l’art ou la sexualité au front [[Lire également : « Mémoires d’une femme dans la tourmente de la révolution espagnole : l’exemple de Mika Etchebéhère »- Mémoire de Master de Vanessa Auroy, Université Angers, 2013.]]. Et puis, elle raconte ses liens d’amitié avec Cipriano Mera, l’un de ses mentors, qui interviendra lorsqu’elle sera incarcérée par la Gépéou…

Hippolyte Etchebéhère

Sa rencontre avec cet homme sera, pour Micaela Feldman, celle d’une vie. Elle l’épousera, deviendra Mika Etchebéhère et lui succèdera, à sa mort, sur le front espagnol en août 1936, en tant que capitaine d’une colonne poumiste. Son souvenir la suivra durant toutes les batailles qu’elle livrera en sa mémoire et pour la lutte révolutionnaire. À de nombreuses reprises, elle évoque son mari décédé quand elle ne se sent pas bien, quand elle est déprimée, apeurée ou tout simplement seule

Après la chute de la cathédrale de Sigüenza qui fut la bataille la plus importante et qui lui permit d’obtenir ses galons de capitaine, elle part récupérer des forces chez des amis à Paris. Elle explique alors que ne pas se souvenir ou du moins essayer de ne pas se souvenir de son mari est un rempart contre le laisser-aller :

Après cela j’ai dressé un barrage aux souvenirs. Pour pouvoir vivre. Alors je suis vidée. Je n’ai que les pensées utiles à la guerre, les autres me sont défendues. Je ne dois pas lire car j’ai tout lu avec lui, ni regarder le ciel, ni aimer la montagne, ni me pencher sur une fleur, car tout cela appartient à notre vie à deux, à ce séjour où il me disait : « Il faut que nous ménagions notre amour. Nous achèterons moins de livres pour que tu puisses avoir une jolie robe. Tu te souviens de celle que j’avais dessinée pour toi lorsque nous nous sommes connus ? Maintenant tu n’as qu’une vieille jupe et ce manteau de garçon que Marguerite t’a donné.

La politique avale toute notre vie, il ne faut pas qu’elle nous dévore.

Rencontre sur le front avec Mera

Quand elle rencontre Cipriano Mera sur le front, elle se rappelle ses premiers engagements vers l’anarchisme et le groupe féministe « Louise Michel » auquel elle adhère dès l’âge de 14 ans…

Il incarne pour moi l’anarchisme intransigeant et austère qui m’a conduite à la lutte révolutionnaire sitôt sortie de l’enfance.

Et lui, de faire le lien avec sa façon de penser, ce qu’elle ne nie pas:

Mera : Avoue que tu aimes causer un brin avec tes anciens frères anarchistes. Toi, le communisme t’est resté à la surface, à l’intérieur tu restes anarchiste.

Mika Tu as peut-être raison…En tout cas, ce qui peut me rester de l’anarchisme, c’est mon incapacité à respecter les hiérarchies imposées et ma foi dans le cercle de l’égalité.

Quand l’un de ses miliciens, Clavelín qui n’avait que quinze ans, est mortellement blessé lors des combats sur la colline de l’Aguila, elle se met à pleurer. Mera lui adresse alors une phrase acerbe :

Allons, petite, cesse de pleurer : vaillante comme tu es, tu pleures ! Bien sûr, tu es femme après tout.

Avec fierté, elle s’oppose à son mentor et lui répond avec un certain mépris :

La phrase me cingle comme un fouet furieux qui me fait serrer les poings et me brûle au visage. Je lève la tête, tâchant de me calmer, cherchant une réponse écrasante, mais je parviens seulement à dire : « C’est vrai, femme après tout, et toi, avec tout ton anarchisme, homme après tout, pourri de préjugés comme n’importe quel mâle.

Des églises brûlées, des curés arrêtés

Grâce à son environnement familial, elle a acquis un goût pour les arts et leur conservation. Elle s’insurge quand elle voit les églises brûlées par anticléricalisme :

Vous savez, camarades, il y a de vrais trésors ici. Chaque morceau de bois peint vaut une fortune. C’est très vieux et jamais plus on ne refera rien de pareil. Quand la guerre sera finie, votre chapelle sera déclarée monument national et l’on viendra de partout la voir, même de l’étranger.

Et en face de trois curés arrêtés par les miliciens, assis sur un banc devant la gare, elle s’apitoie :

Sans le milicien armé qui les surveille on pourrait croire qu’ils attendent le train pour partir. Aucun ne prie. Ils ont l’air si lamentable que je rage de sentir ma vieille ennemie, la pitié, et la honte d’avoir toujours pitié, me prendre à la gorge.

Femmes et sexualité au front

Si elle ne consacre pas de chapitre aux femmes en général, elle les évoque au gré des circonstances et du quotidien au front.

Les premières qu’elle cite sont ces « quelques femmes, certaines d’allure bizarre » qui se trouvent dans les locaux du POUM aux premiers jours de la guerre. Très vite, elle apprend « que ce sont des filles d’une maison close voisine qui viennent s’enrôler dans la milice. »

Une certaine gêne et un dégoût s’affiche alors face à ces prostituées.

Elles me ramènent loin en arrière, à un morne soir de Paris, dans le quartier de la Chapelle, rue de la Charbonnerie : je portais un ciré noir, ma lassitude d’une harassante journée de courses, et une valise pleine de Que faire ?, la revue de notre groupe qu’il fallait distribuer dans les kiosques. Une terreur enfantine me saisit, et lorsqu’une grosse brune marcha sur moi avec des gestes obscènes, je me mis à courir comme une folle, poursuivie très longtemps par les éclats de rire de ces femmes que dans nos discours anarchistes, alors que j’avais dix-huit ans, nous appelions « nos soeurs les putains ».
Devant ces sœurs qui aujourd’hui viennent à nous, je ne me sens pas l’âme fraternelle. Rancune, peut- être même jalousie parce que nos camarades les couvent du regard
.

D’autres sont également une source de rejet : celles qui cherchent, à tout prix, à devenir les fiancées des miliciens ou les maîtresses des chefs afin d’obtenir, par procuration, un certain prestige, de l’ascension sociale ou qui essaient simplement de sauver leur vie en profitant de leur féminité.

Mais il y a « l’Abysinienne » :

D’où venait cette Abisinia que j’avais trouvée parmi nous au retour de l’hôpital ? Elle avait la peau d’un brun presque noir, des yeux de jais et la tête couronnée de nattes aussi noires que ses yeux, d’où son surnom d' »Abysinienne », et elle avait seize ans – qui en paraissaient vingt. Grande, la poitrine haute, son bleu de milicienne n’arrivait pas à effacer sa taille de maja ni à dissimuler sa démarche balancée de fille des bas quartiers de Madrid. Elle chantait toute la journée Ay Mari-Cruz, Mari-Cruz, maravilla de mujer…, on la voyait se promener, esquisser un pas de danse, aborder un milicien, un autre avec toujours la même exigence : « Montre-moi comment ça se démonte, un fusil. Je sais le charger, mais pas le démonter, et un jour moi aussi j’en aurai un..

Et aussi « Manolita la Fea » (la moche):

Oui, Mocheté. Je suis de la colonne Pasionaria, mais je préfère rester avec vous. Jamais ils n’ont voulu donner de fusils aux filles. On était bonnes pour la vaisselle et la lessive. J’ai entendu dire que dans votre colonne les miliciennes avaient les mêmes droits que les hommes, qu’elles ne s’occupaient ni de lessive ni de vaisselle. Je ne suis pas venue au front pour crever, un torchon à la main. J’ai assez récuré de marmites pour la révolution !

Sa réflexion sur la sexualité des autres femmes évolue après avoir vu toutes les atrocités que peut provoquer une guerre. À Madrid, elle croise une femme dans les rues et entame une discussion avec elle :

« On n’a jamais fait autant l’amour ici, me dit une femme qui tient une grosse poule attachée par une patte à sa chaise. Cette poule, tiens, elle nous pond un oeuf chaque jour. Je la sors prendre l’air dès que les obus cessent de tomber. Les filles de Madrid vont aussi pondre des tas de gosses… A ce train-là, les pertes de la guerre seront vite comblées.

C’est toujours comme ça en temps de guerre, lui dis-je pour qu’elle n’ait pas honte de ses compatriotes. Les gens veulent vivre vite de peur de mourir… »

Incarcérée par la Guépéou

Après les journées de mai 1937 à Barcelone (la Contre révolution stalinienne) et la mise hors la loi du POUM, Mika est incarcérée par les staliniens et manque de connaître le même sort que nombre de ses camarades, éliminés par la Guépéou [[Créée en 1922, elle remplaça la Tcheka. Elle joua un rôle important dans la révolution entreprise par Staline à partir de 1929, envoyant dans les camps gérés par le Goulag les saboteurs, les koulaks, les membres du clergé ou de l’ancienne intelligentsia. Elle fut intégrée en 1934 au Commissariat du peuple aux affaires intérieures (NKVD). ]]. Elle échappe à l’exécution sommaire grâce à l’intervention de Mera, son ami et mentor[[Ironie du sort : quelques années plus tard, Mera sera à son tour victime d’autres commissaires politiques, mais cette fois-ci, de la CNT en exil… Lire http://www.autrefutur.net/Ma-plus-grande-victoire-a-ete-la]] .

– Comment Mera sauva Mika des griffes staliniennes –

À sa sortie de prison, elle rejoint le groupe féministe libertaire, Mujeres Libres, participe aux combats jusqu’en juin 1938, lorsque les femmes sont renvoyées vers l’arrière. À l’entrée des troupes franquistes dans Madrid, elle parvient à leur échapper et à passer en France.

Inlassable militante, après avoir participé aux événements de 1968, comme Mera, elle meurt à Paris en 1992.

 

Relire ainsi quelques souvenirs de Mika, comme ses échanges avec Mera, rajoute un goût amer à l’échec d’un (de leur) espoir partagé…

Source : www.autrefutur.net

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Rencontre avec les élèves de l’école alsacienne

Le 11 février dernier, des membres de l’association du 24 août ont rencontré des élèves de l’école alsacienne.

Cet échange s’est fait à l’issue d’un travail préparatoire visant à contextualiser l’itinéraire des soldats de la Nueve : de leur combat au sein des milices républicaines jusqu’à leur parcours d’humiliation et de souffrance dans les camps d’enfermement du sud de la France et de l’Afrique du nord.

Après le visionnage du documentaire d’Alberto Marquardt, la Nueve ou les oubliés de la victoire, les élèves de 1ère ont pu engager un débat avec les membres de l’association, petits-fils de républicains espagnols ou historiens de la période. Ce débat a permis aux élèves d’appréhender entre autre les conditions réelles d’enfermement des républicains dans les camps et la finalité de l’engagement de ces jeunes pour lesquels le combat contre l’Allemagne nazie serait suivi d’un combat contre l’Espagne franquiste.

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Vidéos de la conférence et de la rencontre, sur le site de l’école :

  • http://ecole-alsacienne.org/spip/l-antifascisme-de-madrid-a-2808.html
  • http://www.ecole-alsacienne.org/spip/homenaje-a-los-republicanos.html

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« Bandoleros »

La guerre d’Espagne ne finit pas en avril 1939

La guerre civile espagnole ne s’acheva pas le premier avril 1939. Vainqueurs et vaincus étaient au moins d’accord là-dessus. Seule une propagande idéologique intense qui s’appuyait sur tous les moyens d’expression, en tentant de masquer la réalité, pouvait imposer comme une évidence une paix sociale qui n’existait pas. Quand le régime franquiste placardait les rues d’affiches proclamant « vingt-cinq années de paix », cela ne faisait pourtant que quelques mois que le dernier des guérilleros ayant entamé la lutte contre le franquisme en 1936, venait de tomber. À partir de là, il est possible de dire que la guérilla, rurale ou urbaine, depuis 1939, n’a jamais cessé d’exister en Espagne.
La guérilla ne fut jamais nommée par les médias de l’époque. Les hommes qui l’animaient étaient traités de « bandoleros » [1] , d’assassins, de braqueurs et de bien d’autres qualificatifs masquant la réalité de leurs actions. Qualificatifs inventés par des journalistes faisant partie de l’engrenage franquiste. L’unique information diffusée alors était celle de la capture ou de la mort d’un guérillero, souvent dans des circonstances mystérieuses (tentative d’évasion, résistance, suicide lors de son arrestation, etc.).
L’histoire de la guérilla est difficile à reconstituer. La majorité de ses protagonistes sont morts. La plupart des hommes qui participèrent à la lutte armée libertaire furent éliminés physiquement, lors d’affrontements avec la police, ou furent exécutés. Ceux qui parvinrent à survivre échappent encore à la curiosité des historiens.
« Bandoleros », maquis, résistance, guérilleros, ces termes se confondent, ils sont représentatifs d’une partie de l’histoire des luttes radicales contre le pouvoir franquiste.

La guérilla urbaine et ses objectifs

Les actions menées par les groupes armés étaient d’une témérité sans limites. Les groupes savaient que le fait que toutes les organisations officielles aient abandonné la stratégie armée rendrait difficile leur enracinement dans le peuple, mais ils espéraient pouvoir démontrer à ces organisations leurs erreurs.
Leur activité de diffusion de textes anarcho-syndicalistes resta limitée à la Catalogne. La principale difficulté pour les groupes d’action fut la relation précaire établie avec les groupes de l’intérieur de la péninsule. Les groupes d’action continuaient la guerre civile. Pour eux, elle ne s’était jamais arrêtée. La majorité des opposants de l’intérieur, à partir de 1953, considérait que la lutte contre le franquisme devait se développer aux moyens d’une participation la plus ample possible de la population. À noter que ce fut à partir du moment où les Etats-Unis établirent des relations diplomatiques avec l’Espagne que ces positions se firent jour dans l’opposition antifranquiste.
Le principal ennemi de la lutte armée fut pourtant la Garde civile. Le nombre de gardes mobilisés pour en finir avec les guérilleros était impressionnant. S’infiltrant dans les milieux exilés, les gardes pouvaient informer du départ des groupes vers l’Espagne. La collaboration de la police française fut également très importante. Si, initialement, le gouvernement français laissa les groupes de guérilleros s’organiser sur le territoire français, sans aucun doute en raison de leur participation active à la résistance contre le nazisme, le début de la guerre froide transforma les relations diplomatiques entre la France et l’Espagne.
La collaboration entre les polices françaises et espagnoles se développa, l’information concernant le passage des groupes d’action par les Pyrénées était transmise par les policiers français à leurs homologues espagnols. La Garde civile, pour lutter plus efficacement contre les guérilleros, créa des corps anti-guérilla. Les corps de la Garde civile réalisèrent plusieurs actions qui discréditèrent la guérilla, cela créa dans la population un climat d’insécurité qui provoqua l’isolement des guérilleros anarchistes. Les zones de passage, les sorties de Barcelone furent de plus en plus surveillées, des patrouilles composées de nombreux hommes armés formèrent autour de Barcelone un cercle de répression qui ne permettait plus aux guérilleros de rejoindre leurs bases, de déplacer du matériel et de recevoir du renfort en hommes. Les guérilleros eurent également des ennemis importants en les personnes des volontaires, de la police nationale, des gardes municipaux, des phalangistes et leurs organisations.
Pourtant, la guérilla tint la plupart du temps les forces gouvernementales en échec. La précarité de leurs moyens qui les obligeait à pratiquer des expropriations, le fait de ne pouvoir compter sur une organisation qui s’opposait à leur stratégie, la CNT de l’exil, pour laquelle ils luttèrent bien avant 1936, les rendirent vulnérables. De nombreuses initiatives menées par les groupes d’action resteront probablement méconnues pour toujours, mais ce qui est clair c’est que le régime de terreur imposé par Franco avait un ennemi opposé directement à lui. Quand la nouvelle de la mort du Quico Sabaté, un des combattants libertaires les plus acharnés contre le fascisme, parvint à Barcelone, les gens ne voulurent pas admettre la réalité de cette disparition. « El Quico viendra bientôt démentir ces menteurs », commentaient les travailleurs catalans, pensant à un montage de la police. Il est certain que quand Sabaté et Facerias, un autre grand lutteur, entrèrent dans la mythologie populaire cela prouva que, d’une certaine manière, ils étaient représentatifs de l’opposition d’un grand nombre d’Espagnols à un pouvoir qui voulait soumettre l’ensemble du peuple espagnol. Le « bandolero, » a toujours été mythifié en Espagne, parce qu’il incarne la lutte du faible et de l’opprimé contre le pouvoir établi. Il est défini par l’imagination populaire comme le voleur de riches et le défenseur des pauvres. Ce fut le cas de Sabaté, celui de Facerias et de leurs compagnons. Ils furent la personnification du « bandolero noble » qui lutte jusqu’à la mort pour la liberté et contre ceux qui s’opposent à elle.

 

Notes

[1Bandits de grands chemins, mais compte tenu que ce terme a dans l’imaginaire populaire un sens de défenseurs des pauvres contre les riches, en voulant discréditer et insulter leurs ennemis, les autorités franquistes et la presse qui les soutient les anoblissent,

 

Coupure de la presse française (Elle) sur Sabaté
Coupure de la presse française (Elle) sur Sabaté

Pour quitter l’enfer des camps, les internés…

Pour quitter l’enfer des camps, les internés ont quatre options :
– le rapatriement, la préférée des autorités françaises,
– la re-émigration vers un autre pays,
– l’engagement militaire d’abord la légion puis, avec l’approche de la guerre, dans d’autres types d’engagement qui leur seront proposés,
– l’embauche à partir d’avril, pour être employé soit par des particuliers, soit en qualité de prestataires.

Le rapatriement

Le 15 février 1939, les retours spontanés ne dépassant guère 50 000, la pression s’accentue dans les camps et les centres d’hébergement. Pour faire du chiffre, les moyens les plus abjects sont utilisés. Si les rapatriements forcés sont proscrits, certains n’hésitent pas à recourir à la duperie, en omettant de préciser par exemple vers quelle partie de l’Espagne s’effectue le retour, ou en exerçant un chantage odieux, en particulier sur les civils, dans le cadre d’un rapprochement familial, pour lequel la condition première est soit de signer un engagement formel de regagner l’Espagne, soit de faire croire que le reste de la famille est déjà rentré.
Si, au début de l’été, prés de la moitié des réfugiés (250 000) sont retournés en Espagne en raison des pressions exercées et de la frontière plus largement ouverte, ces effectifs restent bien en deçà de ceux escomptés par la présidence du conseil qui veut réduire à 50 ou 60 000 hommes maximum et une infime minorité de femmes et d’enfants, la possibilité de rester sur le territoire.
À cela, plusieurs raisons, les informations qui, malgré la surveillance, traversent les barbelés, et qui contredisent les déclarations mille fois répétées sur la clémence du Caudillo. Les internés ont ainsi eu connaissance de la loi du 9 février 1939 dite de «responsabilités politiques» promulguée par Franco qui permet de poursuivre ceux qui depuis octobre 1934 ont participé à la vie politique républicaine ou qui, depuis février 1936, se sont «opposés au mouvement national (…) par des actes concrets ou une passivité grave».
Mais l’information filtre aussi par des moyens détournés. Le premier d’entre eux, est l’information implicite fournie par la presse autorisée dans les camps qui signale que des rapatriés tentent de repasser la frontière.
Plus tard, ce sont les messages codés, envoyés par les proches demeurés en Espagne, qui apportent des précisions malgré la censure exercée.
Ainsi, lorsqu’en juillet 1939, Franco, après la restitution de l’or déposé à la banque de France à Mont-de-Marsan, se déclare prêt à recevoir 50 000 miliciens à raison de 2500 par jour, cette proposition demeure sans effet. Ceux qui pensaient ne rien redouter, sont déjà rentrés.
Les pressions (interrogatoire individuel pour convaincre ou donner un « motif valable »), comme les menaces (expulsion en cas de refus du travail proposé) demeurent sans effet, d‘autant qu’à la même date, des tracts alertant les réfugiés sur les risques encourus lors d’un retour en Espagne, notamment sur les pelotons d’exécution, les camps de concentration et les tortures, circulent dans les camps.
Par ailleurs, l’approche de la guerre, modifie la volonté du gouvernement qui ne souhaite à présent que le départ massif des seuls réfugiés «non susceptibles d’apporter à l’économie française le concours d’un travail utile», vis-à-vis desquels une pression constante pour obtenir leur retour massif doit être maintenue. Les récalcitrants doivent être conduits, les hommes au Barcarés où l’autorité militaire décidera de leur sort, et les femmes à Rieucros.
Dès le mois de décembre 1939, des pressions sont exercées sur les femmes pour quitter les centres d’hébergement ou regagner l’Espagne. Toutefois, compte tenu de la pénurie de main d’œuvre, le temps n’est plus au rapatriement mais à la mise au travail. En mai 1940, toute personne âgée de 14 à 70 ans, excepté ceux dangereux pour l’ordre public, jugée apte à un travail manuel doit être autorisée à demeurer en France.

L’évacuation vers un autre pays

La France sert aussi de lieu de transit vers d’autres destinations. Cette nouvelle émigration qui touche moins de 20 000 personnes, dont plus de 15 000 en Amérique latine, va concerner en priorité les réfugiés du secteur tertiaire et les militants d’organisations politiques, en particulier ceux d’obédience communiste, en raison de leurs liens avec les responsables du SERE comme avec les représentants et du Mexique, Lázaro Cardenas (document : Programa Cardenas), Narciso Bassols et du Chili Pablo Neruda, qui exerça une sélection drastique.
Pour organiser ces évacuations et sélectionner les candidats au départ, deux organismes sont tour à tour créés. Le SERE (servicio de evacuación de los republicanos españoles), qui, en mars 1939, devient le Servicio de emigración, et La JARE (junta de auxilio a los republicanos españoles), créée en juillet 1939 pour contre balancer les actions du SERE, qui restera seule après le pacte germano-soviètique et la dissolution du SERE accusé d’être contrôlé par les communistes.
Peu de pays offrent l’asile et le plus souvent avec parcimonie.
L’URSS, en accepte moins d’un millier (si l’on excepte les enfants et les militaires qui se trouvaient sur place au moment de la chute de la république), pratiquement que des communistes particulièrement sélectionnés. La Grande Bretagne, comme les Etats Unis et la plupart des pays d’Amérique latine, impose également des quotas très stricts. Seul le Mexique de Lazaro Cardenas, dès février 1939, offre une large hospitalité. Entre 1939 et 1940, ils seront ainsi environ 7 500 réfugiés dont une majorité d’intellectuels et d’employés du secteur tertiaire. Viennent enfin le Chili et la République dominicaine qui en acceptent respectivement environ 2300 et 3100 en 1939, et l’Argentine, le Venezuela, la Colombie et Cuba environ 2000.

La mise au travail. Une main-d’œuvre à bon marché

Si dans un premier temps, le gouvernement français ne souhaitait qu’un rapatriement rapide et massif des réfugiés, dés le printemps, il envisage leur utilisation dans l’économie du pays.
Après avoir lancé une étude au niveau du département pour recenser les gros travaux qui pourraient leur être confiés, sans concurrencer la main d’œuvre locale, et déterminer les modes d’organisation, le 12 avril 1939(lire texte décret 12 avril 1939), un décret-loi assujettis, dès le temps de paix, les étrangers âgés de 20 à 48 ans, considérés réfugiés ou sans nationalité, à des prestations d’une durée égale à celle du service imposé aux Français. Des décrets ultérieurs (27 mai 1939 et 13 janvier 1940) fixent les conditions de ces prestations : les compagnies de travailleurs étrangers (CTE) ou unités de prestataires étrangers, composées de 250 hommes chacune, placées sous commandement d’un capitaine français à qui est adjoint un capitaine espagnol pour transmettre les ordres, sont créées.
Le ministère du travail, aidé du général Ménard, est chargé de répertorier et de classer les hommes valides, celui de l’intérieur, par l’intermédiaire des services de police, de procéder à l’identification des indésirables.
À la même date, le ministère de Travail propose aux directeurs des offices départementaux de recruter la main d’œuvre pour les exploitations agricoles dans les camps plutôt qu’à l’étranger comme traditionnellement.
Cette possibilité, fort prisée de nombreux propriétaires du Midi qui viennent recruter directement dans les camps, va occasionner une nouvelle épreuve pour les internés. Vers 10h, le camp se transforme en véritable «marché aux esclaves». À l’image d’une foire au bétail, ceux qui sont jugés aptes au travail, sont exposés sur la place centrale du camp où les futurs patrons viennent les sélectionner.
Au cours de l’été 1939, l’application du décret du 12 avril 1939 est généralisé à tous les hommes valides encore internés, excepté ceux jugés «indésirables». Ceux non encore enrôlés doivent être requis pour les travaux agricoles, en qualité de prestataires et non de travailleurs libres. En octobre, il est précisé qu’à défaut, ils seront «refoulés, sous escorte, à la frontière espagnole». Ces nouveaux prestataires sont placés sous la surveillance des services locaux de police ou de gendarmerie.
L’enrôlement des prestataires initialement basé sur le volontariat devient obligatoire. Dès le 4 septembre (lire la politique d’Édouard Daladier et Albert Sarraut), les CTE sont réorganisées. Augmentées de 40 nouvelles compagnies formées de prestataires non volontaires, le nombre de CTE s’élève à 180 à la fin de l’année.
En février 1940, Albert Sarraut se déclare satisfait de l’efficacité de l’application du décret sur l’astreinte aux prestations, reste celui des civils toujours en suspens. L’incorporation dans les CTE qui devait permettre aux familles de se regrouper ne règle rien en raison tant des conditions de logement que des indemnités perçues qui ne permettent pas d’assurer la subsistance de la famille comme la loi les y oblige.
Les femmes dont les maris sont internés doivent trouver un emploi. Les mères doivent s’organiser pour la garde de leurs enfants ou les envoyer dans des colonies organisées par la commission internationale d’aide aux enfants réfugiés. Celles qui refusent, sont mises en demeure de regagner l’Espagne.

L’engagement

L’ultime moyen de quitter les camps est celui de tout temps qui consiste à s’engager dans la légion étrangère. Le chantage exercé à la frontière se poursuit dans les camps. Le 8 février 1939, A. Sarraut demande que, par voie d’affiches ou par entretiens individuels ou collectifs, il soit proposé à ces «étrangers dépourvus de situation stable en France» de s’engager dans la légion étrangère. Peu enclin à rejoindre cette arme, les réfugiés vont être plus favorables aux autres types d’engagement proposés à l’approche de la guerre.
En effet, pour les ex-miliciens ni recrutés pour travailler à l’extérieur des camps, ni incorporés dans les CTE, la seule voie pour sortir des camps va être l’engagement dans la légion pour une durée de 5 ans ou les régiments de marche des volontaires étrangers (RMVE) pour la durée de la guerre.
En général, la deuxième possibilité a leur préférence. Au total, 6000 à 7000 contracteront un engagement.
Progressivement les camps vont ainsi se vider. Les effectifs de 173 000 à la mi-juin 1939, seraient de 35 000 fin décembre. Les camps algériens n’en renfermeraient qu’un millier à peine.

Illustration : dessin de Josep Bartoli

Les camps d’Afrique du Nord

Lorsqu’en mars 1939, les derniers évacués de la zone sud-est de l’Espagne, qui ont cherché refuge en Afrique du Nord, atteignent les côtes du Maghreb, la situation qu’ils rencontrent rappelle celle vécue, au début de l’année, par les exilés de la Retirada. L’improvisation est toujours là, mais, plus que partout ailleurs, l’ambiance générale leur est encore plus défavorable, car si, comme en métropole, la population, en particulier, celle d’origine espagnole, reste très divisée, les autorités ne cachent pas leur haine des « rouges ».

Créés pour y interner les combattants des derniers évacués de la zone sud-est de l’Espagne, de l’ordre de 10 à 12 000 réfugiés, composés essentiellement de militants et de cadres de l’administration, qui ont pu s’embarquer avant l’arrivée des troupes Italiennes et franquistes, les camps d’Afrique du Nord sont d’autant plus improvisés et dépourvus d’installations, que les autorités ont été rétives à leur ouverture.

L’arrivée de ces quelques milliers de « rouges » est loin d’être appréciée. Leur séjour est d’autant plus redouté que, dans leur grande majorité, ils sont très politisés. Toutefois, l’accueil va être variable en fonction du lieu où les bateaux accostent.
En Tunisie et au Maroc (limité en raison de la proximité du territoire sous contrôle franquiste), les exilés vont généralement bénéficier d’une plus grande liberté que ceux arrivés en Algérie, en particulier, dans l’Oranie où la prédominance d’une colonie d’origine espagnole, fait craindre à la fois une « hispanisation » de la région et l’émergence de conflits entre pro républicains et pro nationalistes. Ainsi à Oran, où la municipalité va fêter la victoire nationaliste, les autorités vont tout faire pour éviter leur débarquement et, faute de mieux, les évacuer au plus vite vers d’autres régions.

Après des mises en quarantaine variables, les civils sont provisoirement abrités dans des centres d’accueil improvisés (ancienne prison civile d’Oran, anciens docks et marabouts installés sur le port, à Ravin blanc, réservés aux hommes) ou évacués vers des centres d’hébergement plus éloignés.
Excepté Ben Chicao, la plupart de ces centres sont situés dans la région d’Orléansville. Les plus importants : Carnot plutôt réservé aux regroupements familiaux dont les conditions sont légèrement meilleures, et Beni Hindel (Molière) destinés aux femmes et aux enfants. L’improvisation constatée quelques mois plus tôt en métropole est également à l’ordre du jour. En revanche, l’absence de réquisitions de locaux pour des hébergements collectifs, obligent les autorités à recourir aux installations militaires, d’où l’importance de réfugiés placés dans des camps sous contrôle militaire par rapport aux centres d’hébergement sous administration civile.[[Ces centres seront fermés dès le 1er mai 1940 après incorporation des hommes internés dans les CTE.]]

En règle générale, les conditions de vie et d’hygiène sont déplorables. Compte tenu de la fréquence des situations d’insalubrité régulièrement dénoncées, les réfugiés sont déplacés de centres en centres dans des conditions également difficiles et pour un résultat nul car ces mouvements ne résolvent rien.
Toutefois, ces conditions aussi pénibles soient-elles, n’ont rien de comparables avec celles des camps d’internement.

Parmi ces camps, [[Sur les camps en Afrique du Nord, voir :
– Anne Charaudeau, L’exil républicain espagnol : les camps de réfugiés politiques en Afrique du Nord, in Italiens et Espagnols en France 1938-1946, colloque international, Paris, CNRS, 28-29 novembre 1991, sous la direction de Pierre Milza et Denis Peschanski.
– Andrée Bachoud, Bernard Sicot (coord.), Sables d’exil : Les républicains espagnols dans les camps d’internement au Maghreb 1939-1945, ouvrage collectif in Exils et migrations ibériques au XXe siècle n° 3 nouvelle série (BDIC/CERMI/CRIIA), Perpignan, éd. Mare Nostrum, 2009.]], Cherchell où sont dirigés en priorité les intellectuels et les francs-maçons, et à l’écart des villes, ceux réservés aux miliciens : Relizane (ancienne caserne dans la région de Mostaganem) et au sud d’Alger (Blida) le camp Morand près de Boghari qui abrite quelques 3 000 internés au début de l’été 1939 et le camp Suzzoni à Boghar. Dans ces deux derniers camps, souvent regroupés sous le même nom de « camp de Boghar », les conditions de vie sont plus dures que partout ailleurs en raison notamment d’une surpopulation, et d’un régime d’austérité aggravé par les conditions climatiques.

En mai 1939, un rapport du CICIAER (Comité International de Coordination et d’Information pour l’Aide à l’Espagne Républicaine) mentionne : « ils manquent de tout… Avec la chaleur, cela nous permet d’affirmer que pas un homme ne pourra résister dans ces conditions. Ils sont voués au désespoir, à la maladie et à la mort ».[[Rapport du docteur Weissman-Netter in Deux missions internationales visitent les camps de réfugiés espagnols (mai 1939), Paris, CICIAER, 1939.]]

Avec l’entrée en guerre, ces camps vont progressivement se militariser, les quelques civils internés à Boghar vont être dirigés vers Cherchell, et ceux de Relizane vers l’ancienne prison d’Oran. À Boghar, les miliciens maintenus sur place sont bientôt rejoints par les suspects de subversion, en particulier les communistes après le pacte germano-soviétique. Pour mieux les contrôler des mesures spécifiques sont prises touchant à la fois à la militarisation des camps et dès l’été 1939 à l’organisation des premières compagnies de travailleurs.

Les Compagnie de travailleurs étrangers (CTE) en Afrique du Nord

En avril 1940, ils sont environ 2 500 dans les CTE pour toute l’Afrique du Nord. En Algérie, ils sont surtout utilisés pour la réfection des routes, l’extraction du charbon dans les mines de Kenadza et la construction du « transsaharien » (voie ferrée qui devait relier l’Afrique du nord [Colomb-Béchar] à l’Afrique occidentale [Niger-Mali]). Perdu en plein désert, ce chantier, commencé lors de la Première Guerre mondiale qui a cessé en 1918 avec le rapatriement des prisonniers allemands, peut être repris grâce à l’utilisation de ces nouveaux esclaves. Les conditions, déjà terribles, ne vont cesser de s’aggraver. Logés dans des marabouts, ces travailleurs forcés vont faire rapidement connaissance avec les calamités naturelles de la région : les variations thermiques, le sirocco, ce vent chaud chargé de sable qui peut devenir une véritable torture, les habitants du désert parmi lesquels les scorpions, les serpents, les araignées… et la soif épanchée dans le meilleur des cas par une eau fétide et chaude ! C’est là que commencent les dysenteries, les crises de paludisme, les diarrhées… Cayetano Zaplana se souvient de ces cris, déchirant la nuit, des malades qui vont aux tinettes, où ils se font dévorer par les mouches. [[Cayetano Zaplana, Recuerdos de ayer, témoignage recueilli le 15 septembre 1988 par le CIRA (Centre international de recherche sur l’anarchisme), de Marseille. Voir bulletin du CIRA n° 29-30, février 1989, Pépita Carpena, Daniel Dupuy, Antonio Téllez, Les Anarchistes espagnols dans la tourmente, 1939-1945.]]

Même les punitions surpassent celles de la métropole. Ici, le cuadrilátero consiste en un espace au-dessus duquel on tend une toile à environ trente centimètres du sol. Dans cette fournaise, le puni peut être maintenu plusieurs jours ! Et toujours la faim et la soif ! Et pas la moindre lueur d’espoir de fuir cet enfer, car celui qui parvient à éviter les fléaux naturels du désert ne peut se soustraire à la vigilance des horribles goumiers à la solde de l’armée française, qui, plus rapides que l’éclair, pourchassent les évadés et les livrent contre une misérable récompense.

Pourtant, le pire reste à venir. Sous le gouvernement de Vichy, les CTE sont transformées en GTE (groupement de travailleurs étrangers), véritables bagnes conçus dans une logique d’exclusion. Commence alors une nouvelle génération de camps où les conditions sont cette fois criminelles. Les Espagnols ne sont plus les seules victimes. Leurs rangs vont se grossir des punis des camps de métropole, des opposants et des victimes du régime de Vichy. Les fascistes notoires, tant civils que militaires, qui, le 29 mars 1939, saluaient la victoire franquiste, vont pouvoir assouvir leur haine des « rouges », sans aucune retenue.

Toute l’Afrique du Nord a abrité des camps. Il y en a eu en Tunisie : El Guettar, Gafsa ; au Maroc : Bou-Arfa, Ain-el-Ourak, Settat, Tandrara (plutôt réservé aux internés juifs), Méridja (chantiers des mines de charbon de Djerada et du transsaharien qui prend le nom de « Méditerranée-Niger ») à la frontière Algéro-Tunisienne, mais les principaux et les plus nombreux étaient en Algérie. Outre ceux de la première période, citons les plus tristement connus : Oued-Akrouch, Berrouhaghia, Colomb-Béchar, Djelfa ; les terribles prisons de Maison carrée à Alger et surtout du fort Caffarelli, et les camps disciplinaires dont celui d’Hadjerat M’Guil, dans le Sud algérien, où sont envoyés les détenus qui se rebellent. À la fin de la guerre, les responsables de ce dernier camp seront jugés et exécutés comme tortionnaires, ayant pratiqué des méthodes dignes d’un camp nazi.

La pièce La Nueve nous fait combattre aux cotés de cette unité.

Le 19 novembre, des élèves de 1ère ES du Microlycée de Vitry sur Seine, assistaient au spectacle sur la Nueve au 20e théâtre.

Témoignage d’un élève.

LA NUEVE

Lorsque l’on m’a demandé d’écrire une critique sur la pièce de théâtre La Nueve, je dois admettre que je n’ai pas su quoi dire ni surtout écrire. Je pense que le message traduit par cette pièce est tellement puissant et transmis avec une telle force par les descendants de ses anciens combattants qu’il est difficile de donner son avis. C’est peut-être la peur de déformer les choses ou encore le fait que tout est à voir et rien n’est à dire. Ce que je sais c’est que j’ai eu l’occasion de voir des pièces de théâtre qui dénonçaient des vérités difficiles à entendre ou à faire comprendre. Mais je n’ai assisté qu’à une seule pièce de théâtre qui ne dénonce pas ni raconte ses vérités difficiles, mais qui les fait vivre. Et cette pièce c’était La Nueve.

Je ne vais pas m’attarder à décrire la mise en scène et le jeu des acteurs, qui est de mon avis surprenant et irréprochable, non. Néanmoins, je prends quand même le temps de souligner l’impacte d’une telle pièce. C’est plus qu’un message. C’est un moment bloqué dans le temps ou l’on revit le passé de ces gars qui ont tous vécu des horreurs mais qui ont choisi de continuer à se battre. Certes pour la vengeance, il faut dire, mais aussi pour la justice, qui n’a pas été présente pour eux et qui se devait d’être défendue par eux pour les autres, leurs familles, leurs amis, leurs copains, mais aussi pour nous. C’est comme un paradoxe temporal ou l’on vit et combat avec ses hommes, ou l’on souffre, on danse, on rit, on chante ! La pièce La Nueve ne nous montre pas le combat de cette unité mais nous fait combattre aux cotés de cette unité. C’est un moment si fort, que le message n’est pas transmis, mais vécu.

Pour conclure, La Nueve est une pièce qu’il faut voir, non dans un contexte historique, ou d’obligation, mais il y est des choses de la vie qui nous font réfléchir et changer, et La Nueve en fait partie. Si La Nueve a été par le passé un vent de vérité, de colère et de justice, aujourd’hui ce n’est qu’un souffle, mais qui porte toujours sa devise et qui traversera toujours le temps afin de nous l’inculquer, mais aussi de la transmettre aux générations futures.

Felix Gapin
1ère ES, Microlycée de Vitry sur Seine


La Nueve

Cuando me pidieron que escribiera una crítica sobre la representación teatral La Nueve, tengo que admitir que no sabía qué decir ni, sobre todo, escribir. Pienso que el mensaje de esta obra es transmitido de una manera tan intensa y fuerte por los descendientes de estos antiguos combatientes, que es difícil dar una opinión. Quizás sea el miedo a deformar las cosas, o también el hecho de que todo está en el espectáculo y no hay nada que decir. Lo que sí sé, es que tuve la ocasión de ver otras obras de teatro que denunciaban verdades difíciles de entender o de hacer comprender. Pero sólo asistí a una obra de teatro que no denuncia, ni cuenta hechos reales difíciles sino que los hace revivir. Y esta obra es La Nueve.

No voy a detenerme en la puesta en escena, ni en los actores, excelentes e irreprochables en mi opinión, no. Sin embargo, tomaré el tiempo de subrayar el impacto de una obra de teatro como ésta. Es mucho más que un mensaje. Es un momento detenido en el tiempo en el que revivimos el pasado de estos hombres que han vivido, todos, situaciones horribles, pero que han elegido continuar luchando. Cierto, por venganza, todo hay que decirlo, pero también por justicia, que no ha estado presente en sus vidas, pero que deberán defender por los otros, sus familias, sus amigos, sus compañeros y también por nosotrtps. Es como un paradoja temporal en la que vivimos y combatimos con estos hombres, en la que sufrimos, bailamos, reímos, cantamos ! La Nueve no nos muestra los combates de esta célebre Compañía. Es un momento tan fuerte, que el mensaje no se transmite, sino que se vive.

Para concluír, La NUeve es un espectáculo que hay que ver, no en un contexto histórico ni por obligación. Pero hay cosas en la vida que nos hacen reflexionar y evolucionar. Y La Nueva, hace parte de ellas. Si La NUeve ha sido en el pasado un viento de verdad, de cólera y de justicia, hoy es sólo una brisa, pero sigue llevando consigo su divisa y atravesará el tiempo para inculcárnosla pero también para transmitirla a las generaciones futuras.

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L’association et ses membres s’y engagent, indépendamment de toutes structures ou organes.

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Documents joints

 

Les Espagnols de Leclerc dans la résistance

Eduardo Pons Prades,

Spécialiste reconnu sur le sujet de la résistance des républicains espagnols en France, car il a lutté dans ses rangs et il a publié plusieurs œuvres sur ses péripéties, évoque dans cette série, exclusive pour HISTORIA 16, l’exode espagnol vers la frontière française à la fin de la guerre civile, le traitement reçu par les réfugiés espagnols, le commencement de la Seconde Guerre mondiale, le rôle des Espagnols durant l’invasion allemande de la France , le début des guérillas…
Dans ce cinquième chapitre –avec, comme toujours, la technique du témoignage direct des protagonistes– il nous présente l’organisation des guérillas, l’encadrement espagnol dans les unités régulières de l’armée française renaissante, la participation espagnole à la libération de la France et le début des opérations des “maquisards” en Espagne.

Chaque homme est une péripétie.

Témoignage d’Emilio Álvarez Canosa « Pinocchio »:
« Je me suis retrouvé dans les mines d’or de Salsigne [[c’est une ancienne mine d’or, fermée en 2004, qui se situe sur les communes de Salsigne et de Villanière à 15 km au nord de Carcassonne dans l’Aude]] et je venais du camp de Bram [[un des innombrables camps de concentration où furent parqués les réfugiés espagnols qui fuyaient les armées franquistes, les brigadistes puis les familles juives, ouvert en février 1939]]. Étant en “mission” à Marseille j’ai été arrêté à la gare Saint-Charles, et après les interrogatoires de rigueur, à Marseille et à Montpellier, on m’a transféré au camp disciplinaire de Vernet-les-Bains [[il doit vouloir parler du camp disciplinaire du Vernet d’Ariège]]. Je m’en suis évadé avec deux autres compagnons socialistes et nous sommes allés travailler dans le bassin minier de Provence. Uniquement pour avoir des papiers, naturellement. Pour échapper à une dénonciation, j’ai filé à Bordeaux, en passant la ligne de Démarcation ; que j’ai repassée quelques semaines plus tard, début 1943, pour rejoindre les guérillas de la Dordogne, où j’ai formé mon propre détachement, qui s’était spécialisé dans les sabotages des trains et des voies ferrées. Au commencement de l’année 1944, on m’a nommé chef de la Dordogne-Nord, poste que j’ai assumé jusqu’à peu avant la libération de cette zone (août-septembre 1944). C’est-à-dire jusqu’à ce que nous ayons réorganisé notre unité en vue de son transfert dans les Pyrénées, pour participer à l’Opération Reconquête de l’Espagne. »

Dans le désert et en Normandie

Même si on nous a oubliés intentionnellement, la guerre en France est remplie d’aventures espagnoles. Federico Moreno Buenaventura était dans les unités de Leclerc en Afrique et, ensuite, en Normandie : « Après cette fabuleuse aventure du désert, la colonne Leclerc a été envoyée au repos au Maroc. C’est là, avec la formation de la 2 DB de la France libre, que la représentation espagnole prit une envergure impressionnante. Nos compatriotes venaient de toutes parts: des camps de concentration du Sahara —où le maréchal Pétain les avait enfermés—, de la Légion étrangère ou des Corps Francs, d’où ils désertaient en masse. On les appelait des « transferts spontanés», et de nombreux autres qui s’étaient à moitié cachés à Alger, Oran, Tunis et Casablanca. Une telle affluence se justifiait ainsi: des rumeurs avaient circulé que le débarquement en Europe allait se faire à partir des côtes espagnoles. Si on n’avait pas fermé les bureaux de recrutement, on aurait pu former, rien qu’avec des Espagnols, les deux divisions blindées de la France libre. Bien que nous ayons reçu rapidement du matériel nord américain et anglais, nous avons attendu plus longtemps qu’on le pensait pour abandonner les campements africains, et nous avons embarqué vers l’Angleterre à partir d’avril 1944. Deux mois plus tard, le 6 juin, les Alliés débarquaient en Normandie. Et nous, incompréhensiblement, nous continuions dans des campements au centre de l’Angleterre. C’était dû à plusieurs “croc-en-jambe “que le général Leclerc avait fait à ses alliés lors de la campagne de Tunisie et qu’il allait refaire en France et en Allemagne, car lui tout comme De Gaulle considéraient qu’il devait être très clair –et c’est pour cette raison que les unités de la France libre devaient être à l’avant-garde– que les territoires sous mandat français ou anciennes colonies, allaient être libérés par des unités françaises, qui devaient aussi être les premières à entrer dans les villes importantes
Enfin, dans la nuit du 31 juillet au 1er août 1944, les hommes de Leclerc ont mis le pied, à leur tour, sur les plages normandes. C’est alors que la fierté nationale française resurgit à nouveau, avec une autre obsession: celle d’arriver les premiers à Paris. Mais, pour cela, nous allions devoir combattre au pas de charge, presque « à la chaîne », en laissant de côté bien souvent les normes les plus élémentaires de la guerre classique: comme celle de ne pas trop négliger les flancs de ses propres forces. Mais ce qui est certain c’est que avec la façon dont Leclerc –qui était indiscutablement un génie– imagina d’avancer, personne n’était capable d’indiquer où étaient nos flancs. Vu avec du recul, c’était une absurdité militaire et je peux t’assurer que personne ne s’est autant réjoui de la marche sur Paris (par la route Normandie –Paris) que les Espagnols. Et en particulier ceux de la Neuvième compagnie [la Nueve], qui, sauf son chef: le capitaine Dronne, était composée exclusivement d’Espagnols. Il fallait voir les groupes de véhicules blindés, presque tous baptisés de noms espagnols –Don Quichotte, Madrid, Teruel, Ebro, Jarama, Guernica, Guadalajara, Brunete, Belchite et celui des trois mousquetaires Portos, Aramis et d’Artagnan– [[Véhicules, il n’y avait ni Jarama, ni Belchite, ni Portos, Aramis et d’Artagnan mais: Les Cosaques , Mort aux cons (jeep du capitaine Dronne) Rescousse, Résistance, Libération, Nous Voilà, Tunisie, Espana Cani, Amiral Buiza, Santander, Les pingouins, les chars entrés dans Paris étaient Le Romilly, le Champaubert, le Montmirail,…]] fonçant sur les routes, escaladant des talus, passant sur des canaux et franchissant des gués. Ce que j’ai dit, de la pure bêtise ! Et, alors que les Nord-américains et les Anglais étaient en train de discuter avec De Gaulle, Leclerc a ordonné à Dronne: « Vous savez ce que vous avez à faire: tout droit à Paris, sans vous soucier de rien d’autre!». Et Dronne nous a convoqués nous les chefs de section –Montoya, Granell, Campos et Moreno– et il nous a dit ce qu’il fallait faire, coûte que coûte.
Parcourir les deux cents kilomètres qui nous séparaient de Paris n’a été une tâche facile pour personne. En opérant en franc-tireurs, nous renoncions à la couverture aérienne made in USA, et au soutien de nos chars lourds. Personnellement, j’ai dû affronter, avec mes trois blindés, des canons allemands de 88, qui nous barraient la route. Nous avons eu de la chance, c’est vrai. C’est ainsi que le 24 août 1944 –un jeudi– vers neuf heures du soir, nous sommes entrés sur la place de l’Hôtel de Ville de Paris. Le « Don Quichotte», qui était le blindé de commandement de ma section, a été le premier à se garer là [[en fait le premier Half-track à entrer dans Paris et à parvenir à l’Hôtel de ville est le Guadalajara]]. Et durant l’heure qui suivit, les engins blindés restants conduits par des Espagnols sont arrivés, avec des noms castillans sur les flancs et le front de leurs véhicules. C’est pour cette raison que ce qui survenu, vingt cinq ans plus tard, nous a fait si mal. En août 1969, dans un reportage commémoratif de la Libération de Paris, retransmis par la télévision française, une émission qui a duré presque deux heures et à laquelle même la veuve du maréchal Leclerc participait …hé bien, pas une seule fois, durant toute l’émission on a entendu nommer le mot espagnol…»

Chaîne d’évasions

Les réfugiés espagnols ont également collaboré à l’évasion d’autres personnes persécutées. L’un d’eux est M. H. P., « el Murciano », qui raconte: « Mon activité clandestine a débuté dans le Midi de la France et s’est spécialisée presque exclusivement à organiser des groupes de gens et à les transférer en Espagne, clandestinement et par voie maritime, pour le compte de la fameuse chaîne d’évasion alliée « Pat O’Leary ». Il est bien connu que ses derniers maillons –tant par les terres, depuis Toulouse, que par mer, depuis Sète– ont été organisés et mis en place par des guides républicains espagnols. Leur plus haut responsable –nous les libertaires nous avons du mal à utiliser le terme de chef– était un instituteur titulaire de la province de Huesca, Asturien de naissance, appelé Paco Ponzán Vidal. Auparavant, et en raison de mon emploi comme mécanicien à bord d’un bateau grec qui battait pavillon panaméen, j’avais participé à l’organisation de la fuite d’un groupe important de diamantaires d’Amsterdam, tous Juifs, à l’automne 1940. Nous les avons conduit jusqu’à Lisbonne, après une escale ratée à Casablanca. Je me demande encore comment nous nous sommes débrouillés pour partir de Hollande, traverser la Belgique et ensuite la zone nord de la France, occupée militairement par les Allemands, franchir la Ligne de Démarcation, traverser toute la zone dite libre et nous présenter au port de Sète comme si de rien n’était. Avec les Juifs et leurs voitures, leurs épouses respectives et des bagages énormes. Ah, et des cartables qu’ils ne lâchaient pas même pas pour dormir! C’est-à-dire que pour ce qui de la persécution des Juifs, on voit que les Allemands n’étaient pas très dégourdis, selon les occasions…
À Sète les embarquements ont dû être interrompus, au printemps 1943, à cause de l’arrestation d’un jeune couple belge, qui parla trop… Je suis alors allé à Marseille et à Nice, où j’ai organisé quelques expéditions. Ensuite, sous la pression de nos protecteurs français, qui me considéraient comme « brûlé », on m’a expédié à Vienne, capitale de l’Autriche, où je suis resté un an. Nous dirons un jour qu’elle y a été notre activité. En mai 1944, j’étais à nouveau en France: à Paris. Nous, les Espagnols, nous avons participé activement –aussi bien ceux de la Division Leclerc que les civils– à la libération de la capitale de la France. Et dans les semaines qui ont suivi, après plusieurs échanges d’impressions entre libertaires de la Division Leclerc (Campos et Bullosa) et ceux du Comité régional de Paris, nous nous sommes engagés clandestinement dans la 2 DB, dans le seul but de récupérer de l’armement léger abandonné par les Allemands sur les champs de bataille et de l’envoyer à Paris, afin d’armer nos compagnons pour aller lutter en Espagne. Mais ce qu’a été cette aventure dans la Division Leclerc, l’ami Blesa va te le raconter.»

« Je n’ai jamais su comment diable le Canarien Campos a dégotté ce véhicule blindé qu’il nous a livré, dit Joaquín Blesa. Nous l’avons baptisé « le kangourou». Nous l’utilisions –avec l’uniforme réglementaire et armés– Manolo Ros, Mariño, Rosalench, García et votre serviteur. Notre tâche consistait à coller aux blindés de la section que commandait Campos et dont l’adjudant –Bullosa– était catalan. Quand la section se déployait, nous commencions alors le ramassage de matériel. Nous avions des grands sacs en toile de bâche et nous y mettions les pistolets, les mitraillettes, les grenades, les fusils mitrailleurs et même des mitrailleuses… Nous les attachions bien fort et les mettions au fond de la caisse du blindé. Et, pour éviter des surprises, nous dormions toujours dans le véhicule blindé, sur les sacs. Et le chef de la compagnie des Munitions –Antonio B. Clarasó, natif de Reus– nous avertissait du passage des camions, qui allaient vers l’arrière-garde chercher du matériel.
Comme beaucoup de conducteurs de véhicules étaient aussi espagnols, l’expédition des sacs vers Paris s’est toujours effectuée dans de bonnes conditions. Parfois, nous cachions les grands sacs dans des maisons à moitié démolies, au bord de la route et nos compagnons –il y en avait toujours deux dans le camion de la récupération– les prenaient au passage. Ce « va et vient » a duré environ huit semaines. Jusqu’à ce que Bullosa meurt dans un combat, auquel nous avons évidemment dû participer avec « Le kangourou ». Campos a considéré qu’il était très dangereux de continuer dans ces conditions, c’est la raison pour laquelle il nous donna des permissions –indéfinies– pour aller à Paris. Et il tira deux salves sur « Le kangourou» avec le canon de son blindé –« El Ebro »–, en lui donnant aussi une permission pour maladie.»

Dans le refuge d’Hitler, récit de Martín Bernal « Garcés »

Il y eu même des Espagnols parmi les premiers à atteindre la maison d’été d’Hitler. Martín Bernal « Garcés » raconte: « Je suis passé en France en août 39, après m’être échappé de la prison de Porta-Celi (Valence) [[a priori, il y a une prison Porta Coeli, mais dans le cas présent ce doit plutôt être l’hôpital Portaceli transformé en camp de concentration en 1939]] en compagnie de plusieurs “pays” aragonais. Au bout de huit semaines de marche de nuit et de sommeil de jour nous sommes arrivés en France. Là, j’ai été obligé de m’enrôler dans la Légion étrangère, quand les gendarmes français me conduisaient déjà à la frontière –au Sénégal– et ensuite j’ai participé à la campagne de Tunisie, où j’ai été blessé le 9 mai 1943. J’ai été un de ceux qui ont appliqué le « transfert spontané », en rejoignant les Espagnols de la Division Leclerc. Avec Federico Moreno, nous étions sous-chefs de section d’abord et de section plus tard. J’ai été encore blessé en Alsace. En avril 1945, nous avons traversé le Rhin et l’invasion de l’Allemagne a commencé. Ma section a été une de celles qui ont participé à la dernière plaisanterie de Leclerc, en nous séparant d’abord du gros de la colonne, en prenant ensuite un « itinéraire très libre » fixé par lui, pour arriver presque les premiers à Berchtesgaden, la résidence d’été du Führer Adolphe Hitler. Et je dis presque parce que, avec la section de Moreno, nous sommes tombés sur des canons allemands de 88 dans le défilé d’Inzell, très près de notre objectif final. Et tant que nous ne les avons pas détruits, nous n’avons pas pu reprendre notre marche. Ainsi, en entrant dans cette ville tyrolienne, on voyait déjà dans les rues des blindés de la 2 D B, qui étaient passés par en haut ou … au milieu, c’était un peu pareil à la marche sur Paris. On ne pouvait pas ignorer que Leclerc était de l’arme de la Cavalerie!
Non, je n’ai pas été parmi les premiers à monter au Nid d’aigle d’Hitler. La section qui a accompagné le capitaine Touyéres, debout dans sa jeep, comme un chevalier du Moyen âge dressé sur sa monture, a été la 1ère, celle que Moreno commandait. Nous, –la 2ème– nous sommes montés derrière eux, en service de protection. Mais j’ai été, pour sûr, un des premiers Espagnol à entrer dans le Berghof d’Hitler. Et j’ai ressenti, je l’avoue, un grand soulagement. C’était comme si, subitement, nous nous étions lavés de tous les affronts que nous, les républicains espagnols, avions subis depuis 1936 ».

« Face à l’Espagne »

Avec la libération de la France (août-septembre 1944) la réorganisation des forces espagnoles de guérilla –environ onze mille hommes armés– s’opère avec leur concentration dans les départements proches de la frontière franco-espagnole. La réapparition publique des principales organisations politiques espagnoles de l’exil –républicaines, socialistes et libertaires– et la diffusion de leurs consignes, instructions, et dans certains cas d’ultimatums, provoque le fractionnement de l’initiative communiste « Face à l’Espagne ». Et lorsque ce qu’on appelle l’invasion du Val d’Aran se produit à l’automne 1944, les détachements de guérilleros qui y participent, en comptant un gros millier de jeunes récemment enrôlés, n’atteint pas les cinq mille hommes.
Avec les communistes, qui forment le gros des expéditions de guérilla à travers les Pyrénées, on a, cependant, la collaboration de socialistes partisans de Negrín et d’Álvarez del Vayo, ainsi que celle d’un groupe de libertaires, connus sous le nom de « Groupement cénétiste de l’Union nationale ». Quelques mois plus tard, avec la fin de la Seconde Guerre mondiale (mai 1945), les exilés républicains espagnols sont confrontés à une série d’options qui allaient du retour en Espagne (« Les exilés pourront réintégrer leurs foyers, sans subir aucune sorte d’ennui », pouvait-on lire, à travers les notes officielles, dans la presse franquiste), à l’émigration vers des pays d’Amérique latine, en passant par l’installation dans des pays européens, et tout particulièrement en France. Encore que, dans ce dernier l’aménagement continue à être provisoire, puisque ce qu’on appelle l’offensive diplomatique contre le régime franquiste a été mis en marche, dans le cadre des Nations Unies. Et, aussi bien le gouvernement en exil que préside le républicain José Giral, que l’immense majorité des partis et des organisations de gauche espagnols, attendent l’écroulement du régime instauré par les vainqueurs de la guerre civile, au printemps 1939. Entre temps, et certains depuis le début du conflit –été 1936–, des milliers d’Espagnols et d’Espagnoles, encadrés dans des groupes de guérilleros, ou faisant partie de leurs forces auxiliaires, se battent sur le sol de l’Espagne –en Galice, aux Asturies, en Estrémadure, dans La Mancha, en Andalousie et en Aragon, en particulier–, sans que l’exil ne leur prête l’aide la plus minime.

Une folie

Malgré tout, les comportements étaient assez forts pour écarter tout renoncement. M. P. S « Chispita » déclare: « Non, l’enthousiasme n’a pas trop décliné parmi les expéditionnaires, lorsque les principales forces de l’exil ont désavoué l’invasion de guérilla dans les Pyrénées. N’oublie pas que nous venions de libérer la France. Bon, je veux dire que nous avions été les principaux libérateurs du Midi de la France. Et nous pensions que rien n’allait nous résister. Mais, dans le fond, il ne manquait pas ceux –et j’en faisais partie– qui craignaient qu’avec l’apparition des communistes comme force centrale de l’invasion, les possibilités de triomphe allait diminuer. C’est la vérité. Mais on a continué “ de l’avant”, car nous ne voyions pas d’autre chemin et dans bien des cas par solidarité envers nos compagnons d’armes des années difficiles (1941-1944). Rien qu’en pénétrant sur le territoire espagnol, nous nous sommes rendu compte que la “ tâche libératrice ” n’allait pas être aussi simple que beaucoup se l’imaginaient. Possiblement, si nous avions eu connaissance de l’existence de tant de groupes de guérilleros locaux, nous ne nous serions pas tant occupés de la zone frontière.
Une fois “installé” dans le Maestrazgo [massif de l’Aragon], comme tant d’autres de mes compagnons, je me suis vu obligé de faire le bilan de l’invasion du Val d’Aran et j’ai reconnu que cela avait été une folie. Le bon sens aurait été d’organiser, par palier, l’infiltration de petits groupes, et la prise de contact avec les guérillas locales, puis de passer aussitôt à la création de guérillas urbaines. Et comme je l’ai su par la suite, les anciens groupes auraient beaucoup apprécié l’arrivée de techniciens instructeurs et aussi la mise en marche d’une certaine coordination et non pas la militarisation absolue qu’on prétendait imposer. En effet, l’ambiance de misère et d’exploitation de cette époque favorisait la création de noyaux de résistance et de combat. Il faut se rappeler les usuriers des villages, les gens faisant du marché noir et tout l’appareil que les “ forces vives”, les “ forces vivifiantes” avaient élaboré pour désespérer le peuple. Ce qu’on ne pouvait pas faire, c’était de demander aux gens de se jeter ni plus ni moins dans la gueule du loup. Et c’est ainsi, comme tu le sais, que plusieurs années se sont écoulées en combattant dans ces montagnes, sans grande confiance dans le futur, parce qu’il a été bientôt évident que les puissances dites démocratiques, de même que pendant la guerre civile, n’étaient pas prêtes à mettre les bouchées doubles pour liquider les derniers vestiges du fascisme européen. »

half-track Guadalajara
half-track Guadalajara
half-track Espana Cani
half-track Espana Cani

Francisco Ferrer Guardia et son temps

Francisco Ferrer Guardia face à ses ennemis.

On peut avoir une idée des critiques de la droite au moment de l’exécution Francisco Ferrer Guardia en rappelant cette citation de la presse catholique de la région d’Alicante : “ La fusillade de Ferrer a rendu fou furieux les anarchistes et les francs-maçons d’Europe, qui ont protesté contre ce fait juste et légal, quoi qu’en dise la canaille sectaire et les voyous et bandits auteurs des forfaits et des pillages dont ont été victimes certains quartiers de Paris. [Conclusion de l’article “ Ferrer et la franc-maçonnerie ” publiée avec la censure ecclésiastique, 22 octobre 1909). En janvier 1910, une attaque en règle des livres édités par la maison d’édition de Francisco Ferrer, La Escuela Moderna [L’École moderne], gérée par ses camarades, qualifie les auteurs de “ pistoleros ” (bandits armés) et Léopoldine Bonnard (compagne de Ferrer) de “ malheureuse athée ”.
Le prologue au livre “ Évolution sur-organique. La Nature et le Problème Social ” d’Enrique Lluria [livre non traduit en français], de Ramón y Cajal, médecin et prix Nobel de médecine en 1906, était traité de “ honte ”. Le premier août 1910, on pouvait lire : “ il faut arriver en Espagne à une Loi contre l’Anarchie, comme on a su en avoir le courage avec un véritable civisme en Argentine. […] Et il faut également dire qu’on doit poursuivre et en finir avec l’anarchiste, comme il veut en finir avec la société. […] Assez de lyrisme et de pudibonderies. ” (“ La Voz de Alicante ”).

La pédagogie de Francisco Ferrer Guardia.

Revendiquer aujourd’hui Ferrer Guardia devient donc un acte militant. Mais au-delà de la fidélité, de la connaissance de cet épisode du passé, quel intérêt pratique présentent les idées et les pratiques pédagogiques de Francisco Ferrer ?

Pour comprendre la pédagogie de Ferrer Guardia, il faut partir du fait que l’Espagne de la fin du XIX et du début du XX était majoritairement sous l’emprise du catholicisme et que les analphabètes étaient majoritaires (mais non dénués de conscience politique). Francisco Ferrer a voulu offrir un enseignement laïc, mixte, faisant à la créativité des élèves et radicalement engagé. Ferrer Guardia ne se présentait pas ouvertement comme anarchiste pour éviter la répression de l’État. Ferrer visait les familles dépourvues de préjugés obscurantistes, qu’elles soient bourgeoises ou prolétaires.

Pratiquement, voici quelques exemples de l’esprit de « L’École moderne » (ou l’éducation rationaliste), le nom de la pédagogie de Francisco Ferrer Guardia. “ Que l’instruction, l’enseignement ne commence que lorsque l’enfant le demandera ”.  Dans le but d’un enseignement égalitaire, c’est-à-dire différencié suivant les intelligences, “ l’école ne décernera aucun prix, ni n’établira d’examens ”, et de punition. Mais les enseignants soulignaient “ la concordance ou la discordance de son [de l’élève] comportement vis-à-vis de lui-même et à l’égard des autres, ainsi que celles en rapport avec le résultat de son travail. ”. Dans tous les aspects de la pédagogie, l’exploitation sociale était dénoncée, mais le but principal était que l’élève soit “ capable de réaction et d’émancipation de toute tutelle ”, donc même de celle de ses maîtres rationalistes.

Francisco Ferrer Guardia porteur d’idées révolutionnaires.

Ferrer n’était pas que plongé dans la pédagogie, il finançait avec son propre argent la presse ouvrière anarchosyndicaliste et il était franc maçon. Par le truchement de son enseignement, des conférences fréquentes destinées aux parents d’élèves, des ouvrages de sa maison d’éditions, il diffusait des idées sociales, scientifiques et anarchisantes.

Ce projet était réaliste et il fonctionna. Mais le pays était trop exploité et en proie à la misère et les explosions étaient inévitables. À Barcelone où Ferrer avait ses écoles, en juillet 1909, des réservistes sont rappelés pour faire la guerre au Maroc espagnol. Au moment de l’embarquement dans le port, une mutinerie éclate, s’étend à toute la ville, des barricades sont dressées spontanément. Près de cinquante églises et couvents furent brûlés. Mais le peuple respecta la vie des occupants, priant les religieuses et les moines d’abandonner les lieux. Les analphabètes étaient conscients que la cause du déséquilibre était l’Église (et l’anticléricalisme spontané du peuple espagnol a toujours été violent depuis le début du XIX siècle) et ils respectaient les individus.

Les classes dirigeantes et possédantes étant majoritairement de droite et catholique, il fallait trouver un coupable pour faire oublier leur crasse politique et morale. Ce fut Ferrer Guardia. Un tribunal militaire le jugea à la hâte, à partir de témoignages tellement peu probants que l’avocat militaire commis d’office, dénonça cette procédure. La sentence était prévisible et la condamnation à mort fut la fusillade le 13 octobre 1909.

 

Manifestation Ferrer, 17 octobre 1909 [à Paris après l'exécution de Francisco Ferrer, anarchiste espagnol
Manifestation Ferrer, 17 octobre 1909 [à Paris après l’exécution de Francisco Ferrer, anarchiste espagnol
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L'école moderne
L’école moderne
Manifestation Ferrer, 17 octobre 1909 à Paris après l'exécution de Francisco Ferrer
Manifestation Ferrer, 17 octobre 1909 à Paris après l’exécution de Francisco Ferrer
Procès de Ferrer
Procès de Ferrer
éxécution de Ferrer dans les fosses de Montjuic
éxécution de Ferrer dans les fosses de Montjuic

Les Collectivités espagnoles

Espagne 1936 : Révolution autogestionnaire
Collectivités agraires :

Ce sont des centaines de milliers d’hommes et de femmes qui, prenant leur sort en main, vont vivre ce que l’on appelle Communisme Libertaire, autogestion, socialisme.
On compte 350 collectivités en Catalogne, 500 au Levant, 450 en Aragon (où 75% des terres sont collectivisées), 240 en Nouvelle Castille. Il y en a aussi dans l’Extremadure et en Andalousie. Chacune a ses caractéristiques, car les décisions sont prises par les assemblées générales des collectivistes.

Alimentation

En ce qui concerne le ravitaillement des grandes villes, voyons ce qu’ont fait les travailleurs de l’Industrie Alimentaire :
À Barcelone, dès le 19 juillet, la C.N.T. prend la direction de 39 grandes entreprises alimentaires qui, pour la plupart, sont transformées en restaurants à prix modérés et un restaurant populaire à prix fixe est créé.
Ce sont les travailleurs de l’industrie alimentaire qui ont pris en main l’approvisionnement des grandes villes, comme par exemple au marché central de Barcelone.

Transports

À Barcelone, l’ensemble des moyens de transports se trouvent dès juillet 1936 aux mains des travailleurs : les tramways, les autobus, le métro comme les taxis, et l’ensemble des chemins de fer de Catalogne.
C’est la C.N.T. qui prend l’initiative de la Collectivisation. À la société des tramways, elle compte 3.322 affiliés sur 3.442 employés, mais l’on fait aussi une place à l’U.G.T., par exemple dans les chemins de fer.

Deux exemples

Collectivité de Monzón

La Collectivité de Monzón (Aragon, province de Huesca), constituée en 1936 avec près de 45, personnes, est détruite en mars 1938 par l’arrivée des fascistes.
Le patrimoine est composé des terres apportées par les membres et par celles confisquées des fascistes en fuite.
La collectivité était divisée en 22 sections de travail dont la plus importante est l’agriculture, la solidarité entre groupes est active.
L’assemblée générale est souveraine et se réunit une fois par semaine, normalement. Dans le cadre du canton, les 32 collectivités se réunissent périodiquement pour débattre des problèmes généraux : un comité siégeant à Binéfar (province de Huesca) coordonne leurs relations.
Les échanges avec l’extérieur sont payés en monnaie officielle, mais le reste fonctionne grâce au troc.
La journée de travail était de 8 heures pour tous, et le salaire familial :
5 pesetas par jour pour tout célibataire, homme ou femme ; 9 pesetas par jour pour un couple ; 3,5 pesetas par jour par enfant de moins de 14 ans ou une personne âgée ; 4 pesetas par jour par enfant de plus de 14 ans ; avec en plus le bénéfice de la médecine gratuite pour tous. La contribution à l’effort de guerre est le départ volontaire de la majorité des jeunes pour le front, la création d’un atelier de fabrication de bouteilles incendiaires et l’envoi de trains de ravitaillement gratuit.

Collectivité de Calanda

Calanda (Province de Teruel en Aragon), 26 juillet, les milices de Catalogne chassent les fascistes et on nomme un Comité révolutionnaire composé de 4 membres de la C.N. T. et de 2 membres de la Gauche républicaine, le seul parti antifasciste existant. On décide alors de proclamer le Communisme libertaire, en laissant, bien entendu, la possibilité aux individualistes de continuer à vivre comme auparavant. Mais sur les 5.000 habitants de Calanda, moins d’une dizaine peut-être restent à l’écart de la collectivité.
Calanda vit ainsi, libre jusqu’en août 1937, date à laquelle les troupes du bolchevik Lister viennent détruire l’œuvre réalisée.
Pendant deux mois, le village connut alors la contrainte et la répression. Pourtant en octobre 1937, 2.500 habitants de Calanda constituent une seconde collectivité. Elle vécut jusqu’en mars 1938, quand les troupes de Franco envahirent la région.

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Les combattants espagnols dans la Résistance

Comment échapper à son destin ?

Passées les premières stupeurs et déceptions d’un « accueil » plutôt hostile et douteux, l’immense majorité des républicains espagnols s’organisent et recréent leurs partis et syndicats. Ils regardent atterrés le fascisme monté en Europe et se doutent qu’ils ne sont pas à l’abri de ce qui se prépare. Traités comme ennemis et parias par le régime pétainiste, ils s’engagent massivement dans la lutte armée contre l’occupant nazi. C’est une question de survie pour beaucoup d’entre eux.
Après la capitulation de l’État français le 22 juin 1940, les Espagnols participeront, naturellement, aux premiers mouvements de résistance. C’est dans cette résistance que vont avoir lieu les premiers contacts vrais avec les Français qui partagent les mêmes conditions de lutte. L’expérience de la guerre civile leur donne une certaine organisation, une endurance, une combativité qui forcent l’admiration des Français et c’est sur eux que ces derniers vont compter pour les actions armées. Beaucoup tiennent un rôle militaire primordial. Ils se préoccupent également d’organiser des maquis en Espagne même, dans le but de bloquer Franco, s’il lui venait des velléités d’aider les forces de l’Axe, mais aussi pour préparer leur retour à une Espagne républicaine.
Prendre le maquis est non seulement un acte de conviction mais aussi un acte de survie, les Espagnols sont pourchassés et assassinés par la milice française et par l’occupant nazi, de la Gestapo à la Wehrmacht, notamment les dirigeants des partis et syndicats de gauche, les élus de la République. La menace se fait pressante, en 1942 Berlin demande à Vichy de lui livrer les réfugiés espagnols et les antifascistes italiens, ce qui est encore une raison supplémentaire pour entrer en clandestinité.

Les maquis investis par les combattants espagnols

Ils 
s’intègrent à l’AS (Armée secrète), à l’ORA (Organisation de Résistance dans l’Armée) et relèvent des mouvements
« Combat », « Libération », « Franc-tireur » qui vont se regrouper dans les MUR (Mouvements Unis de Résistance) ou encore au sein des FTP-MOI (Francs tireurs partisans de la main-d’œuvre immigrée) d’obédience communiste comme Celestino Alfonso figure sur la fameuse « Affiche 
Rouge » aux côtés de Manouchian et Luis Fernandez qui commande la fameuse 35e brigade FTP-MOI, près de Toulouse, composé surtout de juifs, d’anciens d’Espagne, d’Italiens. Redoutable groupe composée de jeunes gens étrangers téméraires, et désireux d’anéantir le fascisme.
– Certains maquis, se composent exclusivement de combattants espagnols. Ils sont dans les premiers à s’organiser et à passer à l’action, tel le réseau Ponzán à Toulouse, sous l’impulsion de Francisco Ponzán, plus connu sous le nom de François Vidal. Militant de la CNT. À partir de mai 1939, Vidal organise un réseau de passeurs d’hommes dans les Pyrénées pour faire sortir d’Espagne les militants en danger. Dès le début de la guerre, le groupe se met au service de la résistance et travaille activement avec l’Intelligence Service anglais et le Bureau central de renseignement et d’action (BCRA) de De Gaulle, mais aussi avec le réseau Sabot et le groupe Combat. Ce réseau permet l’évasion de 1 500 personnes dont plus de 700 aviateurs alliés et le passage de nombreux documents (sans compter tout ce qui sert la lutte antifranquiste). Le réseau couvre une zone qui va de Bruxelles à Lisbonne. Fait prisonnier en 1944 par la police française, Francisco Ponzán Vidal est livré aux Allemands et exécuté de manière à la veille de la libération.
– Ou encore le groupe de Ramon Villa Capdevilla, Caraquemada ou El Jabali. Militant de la CNT. Début 1939, il se réfugie en France, où il est interné au camp d’Argelès-sur-Mer. Il s’en échappe en 1940. Deux ans plus tard, il est de nouveau arrêté et interné dans la citadelle de Perpignan. Libéré, il met son expérience de spécialiste des explosifs au service de la Résistance, comme le 11 juin 1944, près de Périgueux où, avec deux cents maquisards, il s’empare d’un train blindé allemand. Il participe également, au sein du Batallón Libertad (composé en grande partie d’anarchistes espagnols) à la libération de Royan et de l’estuaire de la Gironde. Il est plus connu sous le surnom de « commandant Raymond ». Il commande deux cents résistants espagnols. Ce sont eux qui anéantissent la garnison Das Reich qui a massacré les habitants d’Oradour. Ramón Vila Capdevila meurt en 1963, lors d’une fusillade avec des franquistes, alors qu’il était un des meilleurs passeurs d’hommes de la CNT, membres des groupes d’action qui n’ont cessé de harceler le régime franquiste depuis 1945.
– Le groupe d’Arrau Saint Lary mené par José Cortés, comprend 60 hommes environ et s’unit aux FTP (Franc Tireurs Partisans). Ils s’organisent en unité de guérilla, héritée directement de l’armée républicaine comme la 9e brigade issue du 14e corps de guérilleros de l’armée républicaine, commandée par Ricardo Gonzalvo. Ces hommes comptent à leur actif de nombreux et importants actes de résistance.

– Voici une liste de maquis où la présence espagnole fut suffisamment importante voire majoritaire: le maquis de Dordogne, de la Montagne Noire, de Querigut (dans l’Aude), les maquis de l’Aveyron, du Pic Violent, de Savoie, les maquis du Lot, de Loches, de Belves, de l’Isère, de la Gouzette (Saint Girons), de Privas, les maquis du Cantal et de Corrèze, de Maleterne, de Bagnères, des Landes, du Rouergue, le Mont Mouchet, du Limousin, le maquis Bidon 5 et le maquis du Vercors et n’oublions pas le maquis du COFRA, du Barrage de l’Aigle, et Foix ; Les guérilleros de la 10e brigade, 2e Bataillon du maquis du « Col de Marie Blanque » Vallée d’Aspe, encerclement de Bedous. De nombreux antifascistes espagnols se trouvent aussi dans la résistance en Bretagne, en Gironde, dans le Massif central… Ils participèrent à la libération d’au moins 27 villes françaises (dont Annecy, Paris, Cahors, Foi, Bordeaux, Strasbourg, Périgueux, Royan, Toulouse…). Le bataillon Alsace Lorraine, commandée par le Colonel Berger (André Malraux) va être composé de beaucoup de combattants espagnols et d’anciens des brigades internationales : « Les 1 500 combattants volontaires, indisciplinés et équipés de vieilles Traction avant Citroën, de gazogènes et de GMC brinquebalants, vont faire souffler un vent d’Espagne sur cette brigade qui s’intègre dans la 1re Armée du général de Lattre de Tassigny qui la surnommera « la Brigade des trois cents pouilleux ». D’autres l’appelleront aussi « La Brigade très chrétienne du colonel Berger » en raison du grand nombre de prêtres, pasteurs et autres théologiens qui la composaient » .
– Le maquis du plateau des Glières en Haute Savoie (premier territoire français à se libérer le 19/08/1944)) où Les Républicains espagnols arrivent en 1940. Deux compagnies de travailleurs espagnols (515 et 517 CTE) affectés aux travaux des routes et assèchement des terrains, vont petit à petit s’égayer dans la nature. Ils vont aller clandestinement s’installer, avec des conditions très rudes, dans les chalets de montagne, pour échapper à la déportation en Allemagne. Ces hommes aguerris vont mettre leur connaissance de la Résistance au service de l’armée de l’ombre, sous la direction de Miguel Vera. Ils vont conquérir les cœurs et l’amitié de leurs compagnons, jusqu’aux chefs du 27e BCA qui leur accorderont une entière confiance. Ces « Diables d’Espagnols » vont avoir une place incontournable et prendre part aux combats les plus rudes. Leur implication sera importante, puisque Tom Morel le commandant du maquis du plateau décidera au 30 janvier 1944 de, monter avec 120 hommes, sur le plateau pour y réceptionner les parachutages d’armes de Londres. 56 de ces maquisards seront des Républicains espagnols.

À l’heure des comptes, les trahisons

Le 7 novembre 1942 à Toulouse sous la direction du PCE se crée l’UNE (Unión Nacional Española) pour prétend unir et diriger les maquisards espagnols, avec comme objectif, l’intervention contre le régime franquiste.

En contre pouvoir, le 9 septembre 1944, se crée l’ADE (Alianza democrática española), qui rassemble toutes les tendances politiques de l’exil, excepté les communistes, dont elle dénonce les exactions au sein de l’UNE. L’ADE conteste l’exclusivité de l’UNE et ses méthodes de disparitions et assassinats de maquisards espagnols d’autres tendances politiques (socialistes, anarchistes, POUM…).
À propos de la 35ème Brigade FTP-MOI, leurs actions étaient si intrépides et incontrôlables que le PCF les désavoua, leur préférant une histoire de la résistance plus… française.

Le colonel FFI Serge Ravanel, affirme que « la participation des Espagnols à la résistance fut considérable. Ils sont la part la plus importante de la résistance dans les Pyrénées orientales ». Pourtant il n’hésite pas à cautionner le transfert à l’UNE ou le désarmement d’unité de résistants espagnols comme les 350 hommes du commandant Santos du bataillon Libertad, qui refusent de rejoindre cette organisation, où ils risquent leur vie, par les pratiques courantes pour ceux qui contestent la ligne du PCE. En effet, ce groupe de résistants avertis a préféré sortir de l’UNE et intégrer les Forces françaises de l’intérieur (FFI).
Il faut souligner aussi le travail essentiel fait dans ce sens par José German Gonzalez, militant anarchiste de la région de Tarragone, commandant du maquis du Barrage de l’Aigle qui organisa, à travers les Groupes de travailleurs étrangers (GTE), l’entrée des cénétistes directement dans la résistance française
Monsieur Bénezech, membre du comité de la résistance, déclarera en reconnaissance aux résistants espagnols : « Combattants héroïques de la liberté, qui, partout, firent preuve du plus grand courage et payèrent un lourd tribu à la libération de notre pays » mais aucun responsable français ne tentera de leur apporter une aide pour libérer leur pays.

Les frères Roig au maquis international de Levroux, Indre
Les frères Roig au maquis international de Levroux, Indre
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