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Auteur/autrice : 24 aout 1944

José Cortès.

José Cortès, soldat de l’armée Leclerc et membre de la Nueve a pris les armes dès les premiers coups de feu tirés par les militaires factieux, en juillet 1936 en Espagne. Il fut des plus grandes batailles et ne déposa ses armes que très temporairement en France au passage de la frontière et dans les camps d’internement.

Dès la déclaration de guerre en septembre 1939, il se remit en route pour défendre la liberté et sauver sa vie menacée à nouveau par le nazisme conjugué au gouvernement de Vichy.
Il s’engagea dans les Forces française libres et fit la campagne d’Afrique tout d’abord, avant de se retrouver en Angleterre pour un entraînement intense. L’accueil des Britanniques fut particulièrement chaleureux. Mais, leurs efforts pour bien manipuler le matériel de guerre neuf, mis à leur disposition, étaient épuisants. Pourtant, ces hommes, venus d’une autre guerre, ne baissaient pas les bras, ils étaient même très assidus et débordaient d’énergie, y compris le soir pour organiser des orchestres et faire tourner à leurs bras les Anglaises qui prenaient soin d’eux et qui, elles-mêmes, étaient engagées volontaires dans ce conflit.
Le 4 août 1944, José débarquait en France où il fut vaillamment de toutes les batailles jusqu’à la capitale. Il était sergent de la 2ème section de combat de la Nueve sur le Half-Trak « Résistance », n° 409012. Il participa à la bataille de Paris, où il fut blessé assez sérieusement le 25 août, rue des Archives, en tentant de déloger les troupes allemandes réfugiées dans le central téléphonique qu’elles avaient miné.
Pour José, ce fut la fin de sa guerre, c’est là qu’il déposa définitivement les armes après tant d’années passées à défendre sa liberté et celle de ses concitoyens.

Transporté à l’hôpital, il fut pris en charge par une équipe médicale et notamment par une infirmière qui n’était pas insensible à son charme ibérique et à son aura de vainqueur. Elle lui prodigua tous les soins possibles, émue par cet homme jeune aux portes de la mort. Et bientôt José s’extirpa des bras de la camarde et reconnut l’amour dans les yeux de sa belle infirmière. Un vrai conte de fée ! La douceur romantique de l’idylle donna naissance à Marie-José et à une vie de famille tendre et douce pendant des décennies. »

Pose d’un panneau historique

Madame Anne Hidalgo Maire de Paris Hôtel de Ville 75196 PARIS R Paris, le 28 juin 2015 Madame la Maire, Vous avez dédié un jardin aux Combattants de la Nueve, jardin situé dans le lieu même où ils ont achevé leur périple pour venir apporter leur aide précieuse à la Libération de Paris. Nous avons visité ce lieu après son inauguration. Et si le jardin est beau, l’emplacement bien choisi symbole de leur arrivée, la plaque indique seulement le nom de la Nueve, sans aucune explication. Beaucoup de passants se demandent ce que signifie ce nom. Il semblerait très utile d’apposer près de la porte à chaque entrée du jardin, un panneau historique, « pelle Stark », qui expliquerait la signification de cette plaque et resituerait la Nueve dans son contexte de Libération de Paris En cela, nous rejoignons la démarche de Mme Aurora Sarda-Omella, qui vous a écrit le 22 juin, pour formuler une requête dans ce sens. Nous vous proposons ci-joint un court texte explicatif et espérons qu’il vous aidera à réaliser ce projet. Nous restons à votre disposition pour le finaliser ensemble. Convaincus que vous serez sensibles à nos arguments, nous vous prions de croire, madame la Maire, en nos sentiments les meilleurs. Pour l’association 24 août 1944. Véronique Salou-Olivares, Présidente Copies : – Madame Catherine Vieu-Charrier, élue de la Mairie de Paris chargée de la Mémoire combattante. – Madame Aurora Sarda-Omella

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Lettre ouverte

UN JARDIN POUR LES COMPAGNONS DE LA NUEVE…

Le 24 août 1944, les premiers libérateurs de la 2° DB de Leclerc à entrer dans Paris sont les républicains antifascistes espagnols de la 9e compagnie, appelée Nueve. On sait aujourd’hui que cette mémoire a été volontairement trahie pendant des décennies.

Au terme d’un long processus de réhabilitation, et après avoir salué, lors du 70e anniversaire, les événements commémoratifs d’août 2014, la ville de Paris dédie un jardin aux « combattants » de la Nueve. Lors de l’inauguration de cet espace, le 3 juin 2015, l’actuel roi d’Espagne, Felipe Borbón, était présent à cette cérémonie.

On ne peut que regretter cette imposture, parade aussi diplomatique que salonnarde. Le monarque n’y avait pas sa place :
– il tient son autorité de son père, mis en place par le bon plaisir du dictateur Franco, complice et allié d’Hitler et Mussolini ;
– il n’a jamais condamné la dictature ni démontré aucune forme de respect pour les combats républicains antifascistes espagnols ;
– un tel hommage n’a jamais été célébré par l’État espagnol, qui n’a jamais érigé (hormis l’incroyable et mégalomane « Valle de los Caídos », autour des tombeaux de Franco et de Primo de Rivera, créateur du parti fasciste espagnol, Falange) aucun monument officiel à la mémoire des antifascistes morts pendant la guerre civile, dans les camps, les prisons ou la résistance à la dictature. Seuls, des hommages discrets ont jailli, ces dernières années, à l’initiative de communes, d’associations ou de personnes, à la faveur de la « récupération de la mémoire » et malgré l’État central.

L’association «24 août 1944» poursuit son travail de mémoire, sur le chemin d’humilité et de dignité tracé par les exilés républicains espagnols de la Nueve et les résistants aux quarante ans de dictature franquiste. Elle appelle simplement les hommes et les femmes, quels que soient leurs rangs ou positions, à la rejoindre dans ce long travail exigeant de vérité historique, pour faire connaître, réhabiliter et cultiver la geste de cette génération de combattants antifascistes. Paris, le 10 juin 2015 L’association 24-août-1944

Lettre ouverte

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Poèmes de guerre et d’espoir par les élèves du collège de Mouans Sartoux (06)

À l’initiative de leur professeur, Mme Annie Fiore, les élèves de 3è du collège La Chênaie de Mouans Sartoux (Alpes-Maritimes) ont rédigé des poèmes sur le thème de la guerre et de l’espoir.

Clara
Clara


12 sensibilités à découvrir…

Clara
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Jours de Gloire Jours de honte. De David Wingeate Pike, Editions Sedes collection Histoire et liberté 1984

jours-gloire-jours-honte.jpg Après Les français et la guerre d’Espagne, après Vae Victis ! David Wingeate Pike examine ici deux thèmes qui sont restés jusqu’à maintenant presqu’entièrement dans l’ombre : le rôle des Espagnols dans la résistance en France et les activités du Parti communiste d’Espagne pendant la période critique de ses trente-sept ans d’exil. Jours de gloire c’est l’histoire de la contribution héroïque apportée par les Espagnols à la lutte anti-allemande, contribution minimisée, par ignorance ou à dessein, par les historiens de l’époque. Jours de honte, c’est le récit ignoble d’un parti dont la servilité face aux ordres de Staline le plaça au premier plan du conflit dans son pays d’exil, la France étant, plus que l’Allemagne ou tout autre pays, le champ de bataille principal de la Guerre froide. Les liens existants entre le PCE et le PCF au cours des douze premières années d’exil de celui-là ont exigé une attention scrupuleuse. L’importance de Jours de gloire, jours de honte repose sur le caractère unique de sa recherche : en effet, sur la plupart des thèmes exposés dans cet ouvrage, en particulier sur la période 1948-1951 en France, période où la Guerre froide fut la plus intense, aucune étude n’existe.
Ce travail, entamé en 1968, est fondé sur maintes archives officielles et autres sources primaires, ainsi que sur de nombreuses interviews avec ceux qui ont participé au déroulement de cette époque tumultueuse
4e de couverture

David Wingeate Pike, né en Angleterre, émigré au Etats-Unis, professeur d’histoire contemporaine, professeur émérite à l’université américaine de Paris et directeur ; de recherche à l’Américan Graduate School pour les relations internationales et la diplomatie. Il est un grand spécialiste, de l’histoire de la guerre d’Espagne et des républicains espagnols en exil. Parmi les nombreux ouvrages qui lui ont valu une réputation internationale : Les français et la Guerre d’Espagne (1975), In the service of Stalin. Il publie également de nombreux articles notamment dans la revue Histoire moderne et contemporaine et revue d’Histoire de la deuxième Guerre mondiale. Membre du Comité international d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale.

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Mauthausen, l’enfer nazi en Autriche. De David Wingeate Pike, éditions Privat, Toulouse 2004.

enfer-nazi-en-autriche1.jpg Le camp de Mauthausen, en Autriche, est un de ces lieux où l’horreur nazie s ‘est donnée libre cours. Il s’impose au sein de l’archipel concentrationnaire, comme l’archétype du camp d’ « exténuation » où les nouveaux esclaves sont promis à la mort après avoir été usés par le travail. Lorsque la situation de guerre s’aggrave dans le IIIe Reich, il se transforme en complexe industriel enterré, fabriquant des avions, Messerschmitt et des armements. À ses portes la société autrichienne continue de vaquer à ses occupations comme si de rien n’était…
David W. Pike propose une radiographie de l’univers atroce de Mauthausen, avec ses prisonniers de diverses nationalités, dont des Espagnols, des Russe, des Français ; avec ses gardiens SS, son escalier aux cent quatre-vingt-six marches, son musée de restes humains, la mort quotidienne… La précision du récit, l’acuité du regard, l’émotion l’acuité du regard, l’émotion contenue donnent sa force brute à cet essai de biographie de l’extrême violence nazie.
4 e de couverture.

David Wingeate Pike, né en Angleterre, émigré aux États-Unis, professeur d’histoire contemporaine, professeur émérite à l’université américaine de Paris et directeur ; de recherche à l’Américan Graduate School pour les relations internationales et la diplomatie. Il est un grand spécialiste de l’histoire de la guerre d’Espagne et des républicains espagnols en exil. Parmi les nombreux ouvrages qui lui ont valu une réputation internationale : Les français et la Guerre d’Espagne (1975), In the service of Stalin, Jours de gloire,/jours de honte (1984), The spanish Communists in exils 1939-1945 (1993), Spaniards in the holocaust, the Horror on the Danube (2000). Il publie également de nombreux articles notamment dans la revue Histoire moderne et contemporaine et la revue d’Histoire de la deuxième Guerre mondiale.

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Odyssée pour la Liberté

odyssee1.jpg Marie-Claude Rafaneau-Boj : originaire du Sud-Ouest, titulaire d’un DEA en Histoire contemporaine, a baigné depuis son plus jeune âge dans la culture hispanique. Odyssée pour la Liberté est la première étude complète sur le drame des Républicains espagnols.

Du 17-18 juillet 1936 au 1er avril 1939, une guerre civile particulièrement violente ensanglante l’Espagne. Les militaires félons, puissamment aidés par Salazar mais surtout par Hitler et par Mussolini, triomphent. Après 36 mois d’une lutte acharnée mais inégale, la République est vaincue. Mais la guerre qui se termine, ne se limite pas à l’affrontement entre deux fractions idéologiquement antagonistes, elle a servi aussi les intérêts de l’Axe Rome-Berlin qui a utilisé l’Espagne comme terrain expérimental, une sorte de répétition générale, grandeur nature, avant le déclenchement du second conflit mondial !
Le 26 janvier 1939, la chute de Barcelone sonne le glas de la république espagnole. Le flot de réfugiés qui depuis des jours cherche refuge en France, s’amplifie soudain mais se heurte toujours à une frontière hermétiquement close. Face au drame qui se déroule au sud des Pyrénées, le gouvernement français reste impassible. Pourtant, trois jours plus tard, sous la pression de cette foule éreintée, famélique, désespérée, prête à tout pour se mettre à l’abri de la fureur vengeresse des troupes franquistes, des postes frontières sont enfin ouverts. Commence alors un autre drame. Pour l’heure, seuls les blessés, les femmes, les enfants et les vieillards sont acceptés. Les premiers pour être soignés, les autres pour être temporairement accueillis. Les ordres sont sans appel, Albert Sarraut, ministre de l’Intérieur, a donné le ton. Début février, tous les fronts de résistance sont tombés. Rien ne peut désormais retenir l’avance inexorable des nationalistes qui approchent de la frontière. C’est la débâcle. Le gouvernement français, contraint d’ouvrir plus largement la frontière, laisse pénétrer sur son territoire l’armée vaincue. Depuis le 27 janvier, quelques 500 000 personnes ont passé la frontière. C’est l’un des exils les plus importants des temps modernes. Malgré les déclarations officielles qui assurent que tout est prêt pour les recevoir, tout fait défaut. Seules efficiences, l’ordre et la sécurité pour lesquels rien n’a été négligé. L’accueil n’a rien de fraternel. Les réfugiés, véritables parias, sont traités en ennemis. Toute la zone frontalière, déclarée zone militaire est sous contrôle. Pour un certain nombre de réfugiés, la terre d’asile sera leur linceul. Pour les autres va commencer la vie concentrationnaire, celle des camps, de la haine et de la souffrance qui laissera à jamais des traces indélébiles. Des camps immondes, cerclés de barbelés et gardés par la troupe coloniale en arme, où dans l’indifférence quasi générale, vont croupir, en attendant que des mesures soient prises à leur encontre, ces premières victimes du fascisme, les vaincus de la guerre d’Espagne.
Lorsqu’une ré émigration s’avère impossible, la déception de cet « accueil » incite parfois au retour. C’est le cas pour près des trois-quarts d’entre eux. Ceux qui restent s’organisent et recréent leurs partis et leurs syndicats. Derrière leurs barbelés, ils regardent atterrés le fascisme monter en Europe et se doutent qu’ils ne sont pas à l’abri de ce qui se prépare. À l’approche de la guerre, le gouvernement français quant à lui modifie son comportement et s’intéresse de plus près à cette manne que représentent les réfugiés. Ceux toujours internés vont ainsi quitter les camps pour rejoindre les rangs de la légion ou ceux des compagnies de travailleurs étrangers (CTE) créées à leur intention.
Quelques mois plus tard, l’occupation de la France par leurs ennemis héréditaires et l’installation d’un gouvernement collaborationniste vont les maintenir au combat. Ils sont ainsi parmi les premiers à s’organiser pour poursuivre la lutte contre le fascisme. Ils participent ainsi, comme un fait normal, aux premiers mouvements. C’est dans cette résistance que vont avoir lieu les premiers vrais contacts avec les Français qui partagent les mêmes conditions de lutte. L’expérience de la guerre civile leur donne une certaine organisation, une endurance, une combativité, une expérience militaire qui forcent l’admiration des Français et c’est sur eux qu’ils vont compter pour les actions armées. Beaucoup vont avoir un rôle militaire important. Ils se préoccupent également d’organiser des maquis en Espagne y compris, dans le but de bloquer Franco, s’il lui venait des velléités d’aider les forces de l’Axe. Mais ils sont aussi livrés aux Allemands, requis pour le STO, déportés,… Triste privilège, ce sont les premiers déportés de France vers Mauthausen. Plus de 8 000, hommes et femmes, d’entre eux connaitront ainsi les camps de concentration nazis, nombreux n’en reviendront pas.
Après neuf années de lutte contre le fascisme et un lourd tribut payé pour libérer la France, ils vont de nouveau être trahis par leurs amis d’hier. Malgré les promesses, la guerre de libération s’arrête aux Pyrénées. Le dictateur Franco, épargné, maintiendra l’Espagne sous une chape de plomb et, après quelques 40 années d’une dictature sanglante, mourra dans son lit.
Odyssée pour la liberté nous relate cette épopée : les espoirs révolutionnaires déçus, l’internement dans les camps, la captivité, une autre guerre et l’ultime trahison des démocraties qui mettra un terme final à tout espoir de retour dans une Espagne libérée à son tour du joug fasciste
Tous ces épisodes encore trop méconnus sont développés par Marie-Claude Rafaneau-Boj dans son ouvrage qui est une réédition de celui paru aux éditions Denoël en 1993 [[Traduit et publié en Espagne sous le titre Los campos de concentración de los refugiados españoles en Francia, Ediciones Omega, Barcelona, 1995]] qui était alors une des premières lumières à éclairer l’histoire de ce peuple de l’exil au chant de Liberté.

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Guerre, exil et prison d’un anarcho-syndicaliste

mera1.jpg Né à Madrid le 4 septembre 1897 dans une famille modeste ; Cipriano Mera travaille dès l’âge de 13 ans comme manœuvre dans le bâtiment. Il adhère d’abord à l’UGT puis au syndicat de la Construction de la CNT de Madrid auquel il restera attaché toute son existence.
Le 18 juillet 1936 au moment du soulèvement militaire, il se trouve en prison à la Modelo de Madrid. Le jour même, ses compagnons le libèrent et il s’engage alors dans les milices confédérales anarchistes. Il est nommé « Délégué général » de sa colonne. En première ligne, il se révèle être un excellent stratège militaire, favorisant les prises d’Alcala de Henares, de Cuenca… Mais c’est à la tête de la 14e Division, qu’il s’illustre, avant tout, dans l’importante victoire sur les troupes italiennes à Guadalajara le 23 mars 1937. Sans son plan de prendre par revers les défenses des nationaux en contournant leurs positions dans la cité par le haut, celle-ci ne serait jamais tombée, continuant à faucher la vie de centaines de miliciens qui s’offraient face à un nid de mitraillettes perché sur une hauteur d’où il dominait tous les accès bas de la ville.

Dans son autobiographie, il nous dit sa guerre et témoigne de façon simple et concise sur la participation des unités de la CNT dans un des secteurs géographiques les plus chauds de la guerre civile : la zone du centre de l’Espagne. Il nous raconte son expérience au jour le jour, appuyant sur les événements qui vont marquer son parcours notamment sa manière de s’opposer avec une force tranquille mais déterminée au broyage communiste. Il nous raconte de manière simple mais truculente la façon dont il exige que lui soit remis son chef d’État-major, Antonio Verardini, arrêté par José Cazorla [[conseiller de l’Ordre public de la Junte de défense de Madrid]] alors qu’il était en permission pour 24 heures à Madrid. Et comment il fit aussi sortir de prison Mica Etchebeheré, [[militante du POUM et capitaine d’une des deux compagnies formées par le POUM, accusée d’entente avec l’ennemi]] enfermée dans les cachots de la direction générale de la sûreté à Madrid. Sans éluder certains aspects «doctrinairement» discutables, comme la militarisation des milices, il assume l’entière responsabilité de son action. Il ne passe rien sous silence et évite les justifications a posteriori. Il est nommé lieutenant-colonel à la tête du IVe corps d’armée [[armée du centre]].
En mars 1939, Mera soutient la coalition militaire du colonel Casado contre le gouvernement Negrín, [[composé essentiellement de dirigeants ou sympathisants communistes et assistés de délégués soviétiques, prêts à sacrifier la vie de beaucoup d’hommes pour un combat perdu d’avance, alors que la plupart d’entre eux ont déjà quitté l’Espagne, abandonnant leurs troupes à elles-mêmes]]. Puis il se désolidarise de Casado, compte tenu que ce dernier ne s’est pas garanti [[en occupant les mines de mercure d’Almadén par exemple]], comme cela avait été prévu, pour négocier avec Franco, et du coup les négociations échouent.
À la suite de quoi, Mera se préoccupe de quitter l’Espagne avec ses compagnons. Il réussit dans les derniers jours de mars 1939 à passer en Algérie où il connait les camps d’internement, puis au Maroc où il est arrêté par les autorités pétainistes et en 1941, remis aux autorités franquistes. Incarcéré, il est condamné à mort puis gracié.
Il revient en France en 1947 où il s’installe définitivement comme maçon, métier qu’il exerce toute sa vie. Ce qui lui fait dire cette phrase célèbre : « Ma plus grande victoire a été la truelle« .
En 1965, il est exclut de la CNT avec une partie des militants qui refusent la ligne politique que prend cette dernière. En 1969 il prend sa retraite. Il meurt le 24 octobre 1975, à peine un mois avant Franco…
À ses funérailles, son compagnon Francisco Olaya Morales lui rendit hommage en une belle phrase résumant son action émancipatrice, en forme d’épitaphe : « Il mourut comme il avait vécu : en construisant des édifices que d’autres se consacraient à détruire »

Article réalisé grâce à l’appui d’extraits de la 4e de couverture de l’ouvrage Guerre, exil et prison d’une anarcho-syndicaliste, Cipriano Mera, et de l’article de Lucie Heymé paru le 1er octobre 2012 sur http://www.autrefutur.net/Ma-plus-grande-victoire-a-ete-la

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L’exode républicain espagnol de 1939 dans la presse française.

(photo de l’article : l’Illustration du 18 février 1939, photos de Jean Clair-Guyot)


Dès le début du conflit en juillet 1936, l’enjeu d’un affrontement politique de la presse

Le déclenchement de la guerre civile, consécutivement à l’échec du coup d’état dans une bonne moitié de l’Espagne, est sans doute l’événement qui dans la France d’avant guerre suscite les réactions les plus passionnées, qui atteignent vite la violence verbale, écrite et physique. Violence verbale de par les invectives, violence écrite de par certains articles publiés dans une presse xénophobe à l’encontre de la République espagnole ; violences physiques lorsque, à la sortie des meetings tenus en faveur de l’un ou l’autre camp, salle Bullier ou salle Wagram, s’affrontent les partisans des deux bords. La presse se fera le vecteur de ces polémiques enflammées, dont l’élément déclencheur fut la réunion à Paris, le 21 juillet 1936, d’un conseil des ministres restreint chargé de se prononcer sur la demande d’aide en matériel faite par le président du conseil espagnol José Giral auprès de Léon Blum. Chacun sait que dans un premier temps la réponse de Léon Blum fut favorable à cette demande et que des hommes comme Jean Zay, André Malraux luttèrent dans ce sens. À la suite d’indiscrétions, commises volontairement par l’ambassadeur d’Espagne Juan Francisco Cárdenas y Rodriguez de Rivas [[ambassadeur à Paris du 14 juin 1934 à juillet 1936]] et le chargé d’affaires militaires espagnol, le commandant Barroso, tous deux favorables aux Rebelles et présents lors de la réunion, le journal L’Écho de Paris, sous la plume d’Henri de Kérillis, divulgua cet accord et cria au scandale, en titrant, le 24 juillet, « Il faut empêcher le gouvernement de ravitailler les communistes espagnols » (voir Doc N°1 ). François Mauriac lui-même, qui pourtant deviendra à partir du 15 août [[prise de Badajoz par les Rebelles]] un opposant résolu au franquisme, participera à cette campagne de presse contre le gouvernement et publiera dans Le Figaro du 25 juillet un article, l’Internationale de la Haine, dans lequel il fustige « le partisan Blum » pour son attitude interventionniste. « S’il était prouvé que nos maîtres collaborent activement au massacre dans la Péninsule, alors nous saurions que la France est gouvernée non par des hommes d’État, mais par des chefs de bande soumis aux ordres de ce qu’il faut bien appeler : l’Internationale de la haine. » François Mauriac, extrait Le Figaro 25 juillet 1926.

C’est encore dans l’Écho de Paris que le 26 août, est publiée une diatribe contre les républicains, de la part du Général de Castelnau qui se termine par cette phrase: « Ce n’est plus le Frente popular qui gouverne, c’est le Frente crapular ». Les principales autres publications d’extrême droite –Candide, Je suis partout, Gringoire, le Matin, Le Jour-, auront le même contenu et utiliseront le même registre.
De leur côté, les organes de presse de la gauche française –Le Populaire, L’Humanité, Ce Soir, Regards, L’Oeuvre, Vendredi, Commune, Europe– défendront la cause républicaine, (voir document N°2), et en premier lieu ces toutes premières mesures interventionnistes, prises avant le revirement français de la Non intervention. Il n’est pas exagéré de dire que pendant le conflit espagnol s’installe en France un climat de guerre civile intellectuelle larvée, d’autant plus présent qu’au-delà de l’Espagne c’est l’avenir de l’Europe qui se jouait à Madrid, Barcelone ou Valence. Tel media français célébrait le courage des héros de l’Alcazar, tel autre vantait les mérites des combattants de la liberté, démunis et abandonnés par les puissances européennes. La désinformation et la propagande atteignirent leur paroxysme le 3 mai 1937 dans Le Figaro sous le titre : « Une enquête à Guernica des journalistes étrangers révèle que la ville n’a pas été bombardée…Les maisons avaient été arrosées d’essence et incendiées par les Gouvernementaux » (voir doc N°3).
Près de trois ans plus tard, lorsque l’armée républicaine, vaincue en Catalogne, se replie en terre française, c’est le même clivage que l’on retrouve dans les périodiques vis-à-vis des réfugiés espagnols. Avec une virulente réaction de rejet de la part des adversaires de ces réfugiés.

La presse et l’exode républicain.

Après la prise de Barcelone par les Rebelles, le 27 janvier 1939, commence la Retirada. L’arrivée massive sur le sol français des Républicains vaincus fait la une de la presse, et y restera pendant deux mois, jusqu’à ce que cette même presse braque le projecteur sur l’invasion de la Bohême et de la Moravie par les troupes allemandes. Le débat opposera ceux qui considèrent qu’il faut accueillir dignement les combattants de la liberté et de l’antifascisme, et qui dénoncent les conditions mêmes de l’accueil des réfugiés, et ceux qui s’opposent à cet afflux massif d’étrangers sur le sol français, et souhaitent les renvoyer dans l’Espagne franquiste parce qu’ils sont dangereux et qu’ils obèrent les finances de la France.

La presse favorable en campagne pour aider les exilés

Les organes de presse favorables aux réfugiés demandent dès fin janvier que tout soit fait par les autorités gouvernementales, départementales et communales, pour qu’ils soient accueillis dignement. Aux motivations strictement politiques et idéologiques, liées à la défense de la république et au combat antifasciste des républicains espagnols, s’ajoutent des arguments d’ordre éthique, moral, philosophique et humanitaire, en rapport avec la tradition de la France, terre d’asile. Le Populaire, organe du parti SFIO, consacre sa première une sur le sujet le 29 janvier : « La France, suprême espoir des femmes et enfants espagnols qui fuient la mitraille des Barbares », et accompagne ce titre d’une photo d’enfants apeurés sous les bombardements, en évoquant « les scènes déchirantes qui se déroulent à la frontière franco-espagnole » (voir Doc N°4). Le 30, le journal titre en gros caractères « Des dizaines de milliers de femmes, d’enfants se réfugient en France ». Les titres des jours suivants, illustrés par des scènes de désespoir de personnes obligées de quitter leur terre natale, sont tout aussi parlants : « Une vision dantesque : l’Espagne martyre sur le chemin de l’exil » (31 janvier), « La population martyre de la Catalogne » (1 février), « Le lamentable exode des Espagnols continue » (8 février). L’œuvre, quotidien de sensibilité socialiste, évoque pour sa part, dès le 28 janvier, le projet de mise en place, pour l’accueil des réfugiés de « camps d’hébergement ». L’œuvre est ainsi le seul organe de presse qui parle des camps avant le 30 janvier, date à laquelle est prise la décision de créer celui d’Argelès, et qui emploie le mot hébergement, qui deviendra la formulation officielle plus tard. Le 1 février le journal lance une souscription « Au secours des enfants espagnols ». L’Humanité pour sa part invite chaque jour la population des Pyrénées Orientales à créer des comités d’accueil et à aider ceux qu’elle nomme « les victimes du fascisme », qui doivent trouver en France soins et asile (voir Doc N°5). Enfin, Ce Soir, quotidien communiste qui comptait parmi ses collaborateurs nombre d’Intellectuels prestigieux, comme Aragon Andrée Viollis, Paul Nizan ou Louis Parrot, adopte par rapport aux conditions d’accueil des réfugiés, une position très critique. Louis Parrot y dénonce, le 27 janvier, l’envoi par le gouvernement de tirailleurs sénégalais et de gardes mobiles à la frontière française, et titre le 30 : « On ne peut maîtriser son indignation devant l’insuffisance de la réception officielle ». On le voit, en ce début d’exode, les termes sont parfois mesurés dans le camp pro-républicain, et l’art de la litote est parfois bien manié. Le même jour, naissent deux rubriques : « Sauvez les enfants d’Espagne » et « Un jour du monde » (voir Doc N°6) où Aragon défend la cause républicaine. L’originalité de Ce Soir, par rapport aux autres quotidiens favorables à la République, réside dans la part importante qu’il consacre aux documents photographiques. Chaque jour, une page entière est réservée aux photos de l’exode. Le 30 janvier, un document montrant des réfugiés amputés et claudicants est sous-titré : « Quel document plus terrible que celui-ci ? Certains osent parler de la fuite des soldats républicains vers notre frontière. Ceux qui quittent le sol de leur patrie, les voilà : jambes coupées, corps rongés par la maladie, déchirés par les blessures. Faut-il qu’ils restent encore sous la mitraille pour avoir droit au nom de héros » ? Il s’agit là, de la part du journaliste de Ce Soir, d’une réfutation des propos et des allégations de l’extrême droite, qui, nous le verrons, présentait l’armée républicaine comme une bande de fuyards, à l’instar de son chef de gouvernement accusé de s’être réfugié en France. Le ton et le vocabulaire employés par Ce Soir le différencient d’autres publications favorables aux réfugiés, et visent à provoquer chez le lecteur non seulement l’indignation mais aussi la compassion. Il est question à de nombreuses reprises, dans les commentaires de photos toujours saisissantes, des « pauvres gens », des « malheureux », de « l’immense cortège de la douleur », dépeint avec ses balluchons et ses hardes. Une façon d’ajouter au facteur politique, du droit et de la raison dans la lutte, un facteur humain

La presse hostile fustige les hordes de déguenillés, envahisseurs rouge.

La réaction de la presse d’extrême droite par rapport à cette arrivée massive de réfugiés sur le sol français est bien sûr tout autre. Elle est avant tout mue par des considérations d’ordre idéologique, exprimées parfois sous couvert de bien du pays, du triple point de vue politique social et économique. Avant d’étudier ces réactions, il convient de souligner l’importance que détient dans les années 30-40 la presse d’extrême droite. Nous avons vu quel rôle elle avait pu jouer par rapport au problème de la non intervention. Elle tentera à nouveau de conditionner une partie de l’opinion publique française, dans une perspective xénophobe et exclusive, et dans un langage et sous une forme qui aujourd’hui tomberaient sous le coup de la loi, fustigeant avec une outrance et une vulgarité jamais égalées, les réfugiés républicains. Cette presse salue l’avance des troupes nationalistes et stigmatise l’attitude de l’armée républicaine. Elle est violemment hostile à l’arrivée et à l’accueil des réfugiés sur le sol français, et essaie de provoquer la peur et la panique dans l’opinion. S’exprimant sur un ton alarmiste, elle fustige les républicains, présentés tous comme des hommes dangereux, qualifiés d’anarchistes et /ou de voyous. Le Matin, le 29 janvier, parle d’ « invasion », et le lendemain d’ « une masse de fugitifs »(voir doc N°7/1 & 7/2). Il s’agit là d’un discours de propagande qui rejoint celle dont l’extrême droite faisait preuve, depuis 1936, dans le domaine de la politique intérieure française. Le 12 février, le journal titre : « La présence sur notre sol des réfugiés et des fuyards pose un problème grave qu’il faudra résoudre sans tarder ». Le 23, il est question de « l’indésirable invasion des miliciens espagnols », présentés le 25 comme « hôtes dangereux ». Tous ces titres sont illustrés par des photos de cohortes de républicains à la frontière du Perthus, destinées à faire naître chez le lecteur un sentiment d’épouvante. Le ton est encore plus virulent dans Le Jour, que dirige Léon Bailby. Il y est question le 6 février des « débris de l’armée rouge », et dans le numéro du 22 les Pyrénées Orientales sont assimilées à un dépotoir. Un autre périodique, l’Époque, dirigé par Henri de Kérillis, -celui-là même qui tenait les rênes de l’Écho de Paris en 1936- n’est guère en reste ni dans le dénigrement des réfugiés, ni dans le ton employé. Le vocabulaire utilisé dans les titres, « Épaves humaines » (le 27 janvier), « Dangereux envahissements », « flot de fuyards » (le 30), « grande invasion » (le 3 février) « cortège lamentable » (le 7), participe d’une vision apocalyptique qui vise à produire un effet de terreur en envisageant une atteinte à l’ordre public. L’horreur, la haine et la vulgarité atteignent leur paroxysme dans les deux hebdomadaires profascistes que sont Gringoire et Je suis partout. Dans Gringoire du 9 février, Henri Béraud (voir Doc N°8), dans un article particulièrement odieux et xénophobe, intitulé « Donnez-leur tout de même à boire » parle de « débris du frente popular », des « torrents de laideur ». Il s’en prend aux « grandes gueules anarcho-marxistes », aux « bêtes carnassières de l’Internationale », à « la tourbe étrangère », à « la lie des bas-fonds et des bagnes ». C’est avec la même grossièreté qu’il traite les dirigeants républicains de « salauds ». Candide utilise le même registre, dans des articles haineux, qui voisinent avec des fiches anthropomorphiques consacrées à Georges Mendel, Pierre Cot ou Jules Moch, dont la teneur est facilement devinable. Le 8 février, les Républicains sont présentés comme de vils envahisseurs : « la lie, toute la pègre de Barcelone, tous les assassins, les tchéquistes, les bourreaux, les déterreurs de carmélites, tous les Thénardier de l’émeute, font irruption sur le sol français ». Dans le même numéro, un autre titre, de la même veine, s’en prend au ministre de l’Intérieur : « La lie de l’anarchie mondiale est en France grâce à M. Albert Sarrault ». Les réfugiés sont accusés de dévaster les campagnes du Roussillon, d’obérer les finances de la France, et de faire planer sur elle des menaces d’épidémie. Ces thèmes, en particulier celui du coût pour le contribuable français, seront repris par certains députés conservateurs français lors du débat à la Chambre des Députés, le 19 mars, à propos du vote sur l’augmentation du budget destiné à accueillir les Réfugiés espagnols. C’est encore Candide qui, le 16 février, apostrophe le gouvernement en lui demandant : « L’armée du crime est en France. Qu’allez-vous en faire »?

L’affrontement polémique sur les camps dans la presse.

Ces premières polémiques sur l’arrivée massive des réfugiés vont croître en intensité lors de la création des camps d’internement. Avec un élément supplémentaire : la dénonciation par la presse de gauche des conditions de vie dans ces camps. Le premier camp, celui d’Argelès, est créé le 30 janvier 1939. Le Populaire mentionne pour la première fois son existence le 6 février, par une présentation, sans jugement de valeur : « Le camp de concentration d’Argelès pourra recevoir 100 000 hommes environ ». Le lendemain, il signale l’installation d’un deuxième camp, celui de Barcarès, et souligne l’acuité du problème de l’accueil des réfugiés devant le nombre croissant de personnes (150 000) qui ont déjà passé la frontière. En ce début d’exode, le quotidien met l’accent sur le dénuement matériel et moral des réfugiés, victimes des troupes franquistes et italiennes, qu’il appelle « les sauvages de l’air ». Il ne braque pas encore le projecteur sur les conditions de vie dans les camps. Le ton et le contenu changent le 9 février. Dans un article intitulé « À la frontière espagnole », Jean Maurice Hermann, qui sera le journaliste chargé plus particulièrement de couvrir cette rubrique, condamne le manque d’organisation et de diligence de la part du gouvernement français dans les conditions d’accueil des réfugiés : « Il nous faut hélas faire entendre une voix discordante dans le choeur béat des admirateurs officiels. Je suis allé ce matin à Argelès sur mer. Sur la plage, à perte de vue, grouille une foule immense, parquée entre des fils de fer barbelés. Un sur 1000 des hommes qui sont là a pu trouver un abri pour la nuit. La plupart de ceux que j’interroge n’ont pas mangé depuis deux jours. Il faut d’urgence loger ces malheureux, les réunir en baraquements. Si l’on veut éviter des incidents, il faut permettre à ces hommes de vivre ». Cette première critique de la dureté des conditions de vie dans les camps et cette demande d’aménagement de l’espace, par la construction de baraques en dur, Jean Maurice Hermann la reprendra dans de nombreux autres articles. Le 12, sous le titre « Avec les réfugiés espagnols et les combattants de la liberté », il dénonce le surpeuplement : « Combien sont-ils à Saint Cyprien, à Argelès, au Boulou, à Prats de Mollo, à la Tour de Carol ? Nul ne le sait. On continue à manger peu, très peu : un quart de boule de pain par jour c’est bien maigre. À la Tour de Carol, neuf enterrements ont eu lieu en un seul jour ». Il dénonce par ailleurs la propagande franquiste qui s’exerce dans les camps, où se rendent des agents recruteurs, aidés et encouragés par les autorités, pour faire revenir les réfugiés dans l’ Espagne de Franco. Une délégation de parlementaires socialistes, conduite par André Letroquer, est envoyée dans les camps pour enquêter sur les conditions de vie. Le résultat laisse apparaître de terribles manquements à l’hygiène et des conditions désastreuses de réclusion. Le 13 février, JM Hermann dans Le Populaire, sous la rubrique « Au milieu des réfugiés espagnols », en regard d’une photo représentant les tentes d’Argelès, parle de « spectacle lamentable et émouvant », dénonce le surpeuplement, l’absence d’abris, la licence totale laissée aux agents recruteurs franquistes et « le triste travail de la police française » Le 14, sous la même rubrique, il titre sur « Le bagne d’Argelès », qu’il faut vider d’urgence : « Attendra-t-on que les pleurésies, les congestions pulmonaires aient assassiné 10 000 ou 20 000 soldats de la liberté, épargnés par les bombes italiennes et les obus allemands pour prendre enfin les décisions indispensables ? » L’éditorialiste demande que soient utilisés les camps militaires existants, tels ceux du Larzac et de la Valbonne. Le 15, il est fait une large place à la conférence de presse tenue par les parlementaires de retour à Paris. JM Hermann, évoquant la misère morale des internés, demande la création d’un service de regroupement et de recherche des familles. Le 16, le quotidien fait état de la rencontre entre la délégation et le Président du Conseil Daladier et publie une photo du camp d’Argelès avec comme légende ; « Gardes mobiles et spahis marocains gardent le sinistre camp d’Argelès ». Parallèlement, par l’intermédiaire du secours socialiste, une action concrète, organisée par le journal le 19 février, se traduit par le lancement d’une souscription et des appels pour recueillir vêtements et vivres. Une rubrique Le courrier des réfugiés voit le jour le 21, destinée à regrouper des familles. Elle sera moins efficace que prévu, puisque la vente du Populaire sera interdite à partir du 23 février dans les camps d’Argelès et de St Cyprien, ce qui provoquera l’indignation de JM Hermann : « Les autorités françaises n’autorisent que la presse de droite, celle qui couvre d’injures les Républicains espagnols ». C’est de fait toute la politique d’accueil des réfugiés suivie par le gouvernement qui est mise en cause par les socialistes. Léon Blum, dans un éditorial du 17 février, ayant pour titre « Nos hôtes espagnols » écrit à ce sujet : « Quelle idée le gouvernement, et en particulier les départements de la Guerre et de l’Intérieur, se font-ils des Espagnols entassés dans les camps d’Argelès et de St Cyprien ? Pour qui les prennent-ils »? Désireux d’éviter tout amalgame, le chef de la SFIO poursuit : « Admettons qu’il se soit glissé, dans la masse, des éléments « indésirables ». Qu’on les trie et qu’on les extirpe. Mais les autres, les civils et surtout les soldats, de quel droit les traite-t-on comme des prisonniers » ? (Voir doc N°9). Pendant le mois de mars, la guerre d’Espagne reste l’un des thèmes prioritaires du Populaire, mais les camps ne constituent plus les gros titres de la première page, qui sont dorénavant consacrés à la reconnaissance de Franco par l’Angleterre et la France, ainsi qu’à la nomination de Pétain comme ambassadeur à Burgos.
L’autre organe de presse qui braque le projecteur sur le scandale des camps de concentration est L’Humanité, l’organe du Parti communiste. À partir du 9 février, le journal, qui lance une souscription en faveur des réfugiés, souligne le dénuement des conditions de vie des internés, la carence des services médicaux et des médicaments, et met en cause le gouvernement français. Le 15, Argelès est dépeint comme « un véritable pénitencier où couve un foyer d’épidémies ». Jusqu’à cette date, le problème n’est jamais traité en première page, mais en page 4. Un changement s’opère le 16 février à la suite de la visite dans les camps d’une délégation de parlementaires communistes (voir Doc N° 10). Le quotidien, faisant allusion cette fois non seulement aux camps d’Argelès et de St Cyprien, mais aussi à ceux d’Arles sur Tech et d’Amélie les Bains, titre à la une : « Il faut en finir avec le scandale odieux des camps de concentration », et réclame des soins aux blessés et aux malades, ainsi que des vivres et des abris pour les soldats. L’article est relayé en page intérieure par la publication de la lettre que Raymond Guyot, député de la Seine et membre de la délégation communiste, et elle a été envoyée à tous ses collègues. Sous le titre « Ce que j’ai vu à St Cyprien », le parlementaire y dénonce les conditions d’hygiène et de détention qui règnent dans le camp, stigmatise les sévices que font subir aux détenus les tirailleurs sénégalais, et conclut : « Ce que j’ai vu est contraire au respect de la personne humaine et ne peut que semer au cœur de ces hommes et de ces femmes la haine envers la France ». Le 17, François Billoux, député de Marseille, parle de « calvaire », et fait état de la lettre envoyée par la délégation parlementaire au président Daladier, dans laquelle les députés communistes dénoncent « les humiliations, les brutalités et les vols dont ont été victimes dans les camps les soldats et les réfugiés ». L’organe du parti communiste en profite pour relier cette question à la politique intérieure française, et, de manière polémique et pour sûr excessive, accuse M Bonnet, ministre des Affaires étrangères de vouloir « par ce moyen faciliter la besogne du fascisme international en France ». La dénonciation des conditions d’internement ne cesse durant tout le mois de février. La suppression des camps est demandée le 18 : « supprimer les camps d’Argelès et de Saint Cyprien, c’est sauver des vies espagnoles et l’honneur de la France. ». Le 21, plusieurs décès sont signalés. Le thème se raréfie en mars. Le journal consacre alors ses pages à la « trahison » de Casado et de Miaja contre Negrin et le gouvernement républicain, et à la défense d’André Marty, attaqué au parlement pour son comportement au sein des Brigades Internationales. La question des réfugiés réapparaîtra cependant le 15 mars, dans le compte rendu du débat sur l’Espagne qui se déroule à la Chambre, où Raymond Guyot s’élève contre les scandales des camps de concentration et réclame la stricte application du droit d’asile. Ce Soir, pour sa part, publie son premier article sur les camps le 12 février. Son envoyé spécial, Stéphane Manier, titre : « À Argelès sur mer, ce n’est plus la mitraille qui tue, c’est la faim, la fièvre, le froid ». Le 13, c’est la situation à St Cyprien qui fait l’objet d’un article d’un autre envoyé spécial, Ribecourt. Le 14, à propos de l’isolement des Espagnols, il fait allusion aux « scènes révoltantes d’Argelès, où la population du sud-ouest, dont on craint la pitié, est écartée, par la force militaire, des lieux de souffrance du peuple espagnol ». Dans le même numéro, il est question de « l’enfer des camps de concentration d’Argelès et de St «Cyprien» et une page entière est consacrée à des documents photographiques. Le 15, Ce Soir fait état de 25 morts à St Cyprien et de 10 morts par nuit à Argelès. Le 16 du surpeuplement d’Argelès, où se trouvent 78000 hommes pour 1500 abris.
La presse française de gauche ne cesse donc tout au long du mois de février, d’attirer l’attention de l’opinion et des autorités sur les camps, de manière de plus en plus soutenue à partir du 9, au fur à mesure que se découvre, et se dégrade, la situation matérielle et morale des réfugiés. Ce sont seulement les éléments extérieurs -reconnaissance par les démocraties du gouvernement de Burgos, dernières opérations militaires de la guerre civile, invasion de la Bohême et de la Moravie par les troupes allemandes- qui feront passer au second plan dans les journaux la réalité des camps. Mais périodiquement, sans faire l’objet de gros titres ni de la Une, cette situation sera évoquée.

La presse d’extrême droite confirme son allégeance aux dictatures.

Tout autre est la vision de la presse d’extrême droite (voir Doc N° 11). Examinons comment Le Matin, L’Époque, Le Jour, Candide, Je suis partout, Gringoire– réagissent par rapport à l’internement des Espagnols.
Sur un ton que nous avons déjà évoqué, où se mêlent invective, insulte abjecte et xénophobie, la principale demande est le renvoi des réfugiés dans leur pays. Il n’est jamais fait mention des conditions de vie dans les camps. C’est sous un angle méprisant et hostile que le thème est abordé. Le 7 février, Le Matin signale l’acheminement des miliciens désarmés vers des camps de concentration. Le 18, il présente les Internés comme des « Indésirables » astreints à des travaux d’utilité publique, et souligne que des peines sévères sanctionneront toute atteinte à la discipline de ce que le journaliste appelle pudiquement « centre de rassemblement ». La seule référence concrète est celle du camp de Mende, en Lozère. À aucun moment il n’est question d’Argelès, de St Cyprien ou de Barcarès. Le parti choisi est celui de la banalisation, et de la lutte contre l’invasion étrangère, qui constitue le gros titre de la une. L’Époque, pour sa part signale le 6 février, l’envoi des républicains désarmés dans des camps. Le 8, Louis Gabriel Robinet, l’envoyé spécial du journal à Argelès, présente les républicains comme des pillards. Le 12, sous le titre alarmiste « L’inquiétude vient des camps de concentration », il dénonce les menaces d’épidémie, et prête aux internés l’intention de se révolter. Je suis partout va plus loin le 3 février et parle du « fallacieux prétexte des camps de concentration », demandant l’évacuation des réfugiés du sol français. Le Jour va dans le même sens le 18 février. Candide, pour sa part, le 8 février, présente les miliciens comme des profiteurs « bien portants et armés », et recourt à la moquerie, au cynisme et à la dérision : « Ils ne se soucient pas d’affronter l’armée de Franco, et préfèrent la vie dans un camp de concentration français. On les reçoit, on les héberge tant bien que mal, à Argelès, au Boulou, à Fort les Bains. On leur donne à manger ». Dans la même veine, l’hebdomadaire titre le 1er mars « À l’ombre des héros en fuite ». Mais l’organe de presse qui va le plus loin dans l’injure et l’appel à la haine est Gringoire. Le 16 février, cet hebdomadaire évoque « les miliciens mal surveillés dans des camps de concentration fictifs ». Mélangeant exode et internement, montant en épingle des faits isolés, et pratiquant l’amalgame, il présente les réfugiés comme des pillards qui dévastent les campagnes roussillonnaises, et traite les internés de « lie » et de « pègre rouge ». Le 1er mars c’est le terme « racaille meurtrière » qui apparaît, dans un article qui se termine par cette phrase : « il faut nous débarrasser de tout cela ». C’est la même litanie qui sera reprise le 16 mars sous le titre « L’invasion des marxistes espagnols coûte à l’état plus de 200 millions par mois ». Ces exemples suffisent à caractériser l’état d’esprit qui anime la presse d’extrême droite, qui, sur un ton outrancier et injurieux, ne voit dans les républicains que des pillards, des égorgeurs, des bandits et des fauteurs de troubles. Le discours est basé sur la désinformation, pour activer une propagande destinée à faire naître dans l’opinion des réactions de peur et de rejet.
Il est à noter que cette stigmatisation des républicains n’est pas l’apanage exclusif des périodiques d’extrême droite. On peut lire dans un journal comme Le Petit Parisien, considéré comme un journal d’information, un article, en date du 14 janvier, particulièrement xénophobe. L’auteur, Marcel Régnier, s’inquiète de « l’invasion massive de notre sol » et demande le renvoi des Espagnols dans leur pays : « une besogne d’épuration s’impose », suggérant même que ceux qui ne seraient pas repris par Franco, ceux qu’il appelle « les délinquants de droit commun », soient déportés au bagne de Guyane. Un autre chroniqueur, Georges Arquié, écrit le 25 : « À la faveur de l’exode, toute la lie des prisons catalanes est entrée en France ».Cela dit, d’autres articles plus mesurés sont publiés dans le Petit Parisien, qui distinguent certains auteurs d’exactions de « la grande masse de ceux qui n’ont pas cessé d’être pour la plupart, dans la défaite et le malheur, des gens conscients de leurs devoirs » (26 février). Preuve s’il en était de l’embarras et de l’hésitation d’un secteur de l’opinion, fluctuant, face à un problème qui devient chaque jour plus crucial, et dont personne -sauf l’extrême droite évidemment- n’envisage la solution.
Quant à L’Indépendant, principal quotidien des Pyrénées orientales, force est de constater qu’il rejoignit souvent, sur le fond et sur la forme, les positions extrêmes xénophobes. Privilégiant le thème de l’exode dans ses une, il présente très négativement l’arrivée des Espagnols, titrant le 27 janvier : « Des misérables réfugiés aux ministres en fuite et aux déserteurs couverts de bijoux, pendant que l’armée désemparée bat en retraite ». Le 28, Théo Duret évoque « la vague des réfugiés qui vient battre dangereusement la frontière », et s’inquiète d’un possible déferlement sur la France d’une masse humaine incontrôlable. Le 30, la création du camp d’Argelès lui semble « particulièrement opportune », pour des hommes qu’il considère indociles, et leur exode en France lui apparaît agréable. Le 31 les réfugiés sont assimilés à des allumeurs d’incendies, des pilleurs de fermes et des miliciens déserteurs. Durant tout le mois, il n’est question que des incidents et des exactions provoqués ici ou là. Le 9, le quotidien évoque le camp de la Mauresque à Port Vendres, et parle « d’un bien-être apprécié ». Le 24, il est fait état du bilan satisfaisant dressé par une délégation de parlementaires radicaux-socialistes après sa visite des camps. (Voir Doc N°12)

La position de l’autre grand quotidien des Pyrénées orientales, La Dépêche du Midi, fut, elle, ambiguë ou pour le moins évolutive. La Dépêche fait certes, le 29 janvier, preuve de compassion, évoquant « les innocentes victimes de la guerre civile », mais très tôt approuve la création des camps, réfutant d’avance les protestations qui pourraient s’élever : « Demain nous entendrons peut-être des protestations et sans doute jusqu’à la tribune de la chambre. Elles seront sans fondement. Qu’on vienne plutôt se rendre compte de la situation réelle au sein des populations du Roussillon, qui ont été et demeurent fort compatissantes à la situation des réfugiés, mais n’admettront jamais certains abus ». L’existence des camps est donc justifiée par souci de maintien de l’ordre public, et par souci des nécessités d’ordre sanitaire. Par ailleurs La Dépêche entretient avec Albert Sarrault, ministre de l’Intérieur, des liens étroits. Elle rapporte donc le 2 février les propos rassurants du ministre sur l’organisation des futurs camps: « Il ne s’agira jamais d’un internement de prisonniers. Les Espagnols n’y seront soumis à aucun régime vexatoire ». Dès lors, ce sont les réfugiés eux-mêmes, et non leurs conditions d’internement, qui seront stigmatisés. Le 10, Lucien Castan titre « Graves incidents dans les camps de St Cyprien et d’Argelès », et signale des affrontements entre les gardes mobiles et des miliciens des Brigades, mécontents du sort qui leur est réservé par les autorités françaises. L’auteur prétend que les réfugiés sont bien traités. Le 16 février, les critiques émises par les socialistes et les communistes sont réfutées, et la presse de gauche est accusée de faire preuve de mauvaise foi : « Certains journaux ont poursuivi une campagne de dénigrement systématique politiquement intéressée. Je n’ai vu au camp d’Argelès ni « buveur d’urine », ni « mangeur de roseaux ».

Conclusion : La presse comme miroir des enjeux politiques à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

Ainsi donc l’accueil des républicains espagnols suscita une immense fracture au sein de l’opinion publique française. Le conflit espagnol sur le point de s’achever, alimenta une controverse comparable en intensité à celle qui avait divisé l’opinion en 1936, et de fait avait ébranlé le Front Populaire. L’Histoire aura retenu que l’accueil des combattants de la liberté ne fut pas digne de celui qu’ils méritaient. L’ironie tragique du sort voulut qu’une partie de ces réfugiés, qui avaient quitté leur terre natale pour un exil incertain, et qui avaient subi les attaques de beaucoup d’organes de presse, s’engageront au sein de compagnies de travailleurs prestataires de services de l’armée française, pour participer à un autre combat, qui conduira 7500 d’entre eux, à partir du 6 août 1940, au camp d’extermination de Mauthausen. Près de 5000 y périront.

Pas d'armes pour l'espagne
Pas d’armes pour l’espagne
Aide à l'Espagne républicaine
Aide à l’Espagne républicaine
Une enquête à Guernica
Une enquête à Guernica
La France suprême espoir / La chose Impossible Léon Blum
La France suprême espoir / La chose Impossible Léon Blum
Situations intolérables
Situations intolérables
Un jour du Monde
Un jour du Monde
Frontière française fermée à l'invasion; des réfugiés espagnols
Frontière française fermée à l’invasion; des réfugiés espagnols
Les nationalistes poursuivent leur marche en avant
Les nationalistes poursuivent leur marche en avant
Donnez leur tout de même à boire
Donnez leur tout de même à boire
Non et Non de Léon Blum
Non et Non de Léon Blum
En finir avec le scandale des camps de concentration
En finir avec le scandale des camps de concentration
À la gloire de l'espagne de Franco
À la gloire de l’espagne de Franco
Indésirables dans la presse régionale
Indésirables dans la presse régionale

5 mai 1945 – 5 mai 2015

——————— Discours hommage aux Espagnols 70 ans de la libération du camp de Mauthausen 5 mai 1945/5 mai 2015.


Monsieur Blandin, maire du 20e chargé de la mémoire combattante Monsieur Daniel Simon, président de l’Amicale de Mauthausen, Monsieur David Wingeate Pike, Professeur émérite de l’Université américaine de Paris, membre du comité international d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale. Mesdames, messieurs, Tout d’abord laissez-moi au nom de notre association 24 août 1944, vous remercier d’être présents à cet hommage à tous les Espagnols morts pour la liberté, que nous avons voulu organiser ce 5 mai, jour 70e anniversaire de la libération du camp de Mauthausen. Le peuple espagnol a entamé sa résistance armée face au fascisme international le 19 juillet 1936, alors que le monde entier s’imaginait en être encore aux négociations et aux arrangements avec les dictatures. Après 32 mois de résistance, vaincus sur leur terre, par le manque d’armement et de soutien et par la coalition des fascismes allemands, italien et portugais, venus s’entrainer sur la terre espagnole, les républicains espagnols s’exilent en France. Comme l’avait pressenti Buenaventura Durruti, ce n’est pas seulement une armée qui se retire mais tout un peuple, ils seront 500.000 à franchir la frontière en quelques jours de fin janvier au 12 février 1939. C’est le plus grand exil des temps modernes Malgré un accueil déplorable, sans fraternité ni espoir, ils vont restés à l’écoute des bruits de bottes qui montent en Europe. Ils sont là encore les premiers à organiser des maquis, pour passer les frontières, les premiers à se battre contre l’ignominie et la terreur fasciste. Il y eut des Espagnols, combattant le fascisme international sur tous les fronts, dans tous les maquis. Dans la Résistance et dans les armées alliées, ces Espagnols enragés de Liberté associèrent leurs noms à ceux des libérateurs à Narvik, à Bir-Hakeim, dans le Vercors, sur le plateau des Glières, en Sicile, à Monte-Casino, en Normandie, à Paris où ils entrent les premiers le 24 août 1944, éclaireurs de la 2e DB du général Leclerc, à Strasbourg, jusqu’au nid d’Aigle d’Hitler, à Berchtesgaden et dans beaucoup d’autres lieux où fut versé tant de sang et où tant de vies furent fauchées. Ceux qui se sont retrouvés sur la ligne Maginot pour la consolider ont tout se suite été faits prisonniers de l’armée allemande en juin 1940 et déportés dès le 6 août 1940 au camp de Mauthausen, seul camp classé catégorie 3, un camp de mort systématique par épuisement dans lequel les conditions de survie étaient des plus terribles. Mais il y eut des antifascistes espagnols dans tous les camps de concentration nazis y compris des femmes espagnoles à Ravensbrück, « Si un jour prochain, l’un d’entre nous parvient à survivre à ce génocide, qu’il dise au monde entier ce que furent les Camps nazis… » Voici le message que confièrent des milliers d’Espagnols avant de mourir, après avoir été martyrisés et mutilés. Pour le respecter, à Mauthausen, les Républicains espagnols qui sont des combattants aguerris ennemis du totalitarisme, s’employèrent dès leur arrivée à s’organiser afin de résister à la mort programmée, et de collecter les preuves irréfutables de la déportation. Leur conduite força l’admiration de tous, Edmond Michelet résistant déporté à Dachau membre du Comité international des déportés, parle des Espagnols en ces termes : « (…) Les Espagnols réussirent ce tour de force de faire l’unanimité dans la sympathie et l ‘admiration. (…)Ils tiraient de leur adversité une orgueilleuse fierté qui forçait le respect. (…) Quand on me parle de Grands d’Espagne, je revois moins un personnage de Claudel que l’un quelconque de ces camarades malheureux. » Cette perception des Espagnols est l’expression même du sentiment qu’exprima Antonio Machado juste avant la chute de Barcelone en janvier 1939 quand il écrit : « (…) Pour les stratèges, pour les politiques, pour les historiens, tout est clair : nous avons perdu la guerre. Mais humainement, je n’en suis pas si sûr…Peut-être l’avons-nous gagnée. » Mais, nous qui sommes leurs descendants et avons été élevés par eux en France nous pouvons affirmer que longtemps ils ont rêvé de retrouver leur terre débarrassée du franquisme et qu’ils ont dû ravaler leur utopie, ensevelir leur idée de construire une société meilleure dans leur pays. Daniel Mayer, membre du Comité national de la résistance, ministre du gouvernement de la libération, ami des républicains espagnols, Pablo Casals illustre compatriote qui symbolise les arts et leur langage de rébellion et enfin le professeur Charles Richet représentant la science et sa marche progressiste sont les parrains prestigieux de ce monument qui se dresse derrière moi. Daniel Mayer, dans son discours d’inauguration le 13 avril 1969, a appuyé sur cet aspect douloureux d’un combat inachevé vers l’espoir en déclarant : « La victoire venue les démocraties ne surent pas délivrer l’Espagne comme avait été délivré le reste de l’Europe. Il eut, en 1946, suffi d’une chiquenaude pour que les prisons espagnoles se vident, pour que l’Espagne toute entière s’ouvre à l’enseigne de l’homme. Cela n’a pas été fait et ma génération en portera la honte durant des siècles. » Déjà en 1969, son hommage était un appel à la vigilance pour éloigner de notre monde le fascisme et sa cohorte d’exclusion, de haine et de xénophobie ; en effet il ajoute : « D’autant que nous ne savons pas reprendre le combat et qu’au contraire de nos espérances, la violence, la haine, le totalitarisme gagnent de nouveaux États. (…) Ne pas oublier, ce n’est pas seulement évoquer les années passées. C’est construire le monde demain. Au-delà de l’unité des morts —¬et grâce à elle—¬ nous devons créer l’unité des vivants. Et le monde de demain sera celui que nous avons conçu, si nous savons vouloir. » En 2015, 70 ans après, nous devons nous souvenir de ces mises en garde, de la part d’hommes dont la conduite a toujours été de faire obstacle à l’oppression. Rendre hommage aujourd’hui À la mémoire de tous les Espagnols morts pour la liberté cela signifie surtout respecter leur combat et le sacrifice de leur vie en ne permettant pas que reviennent le temps des idéologies fascisantes qui basent leur programme sur l’exclusion la persécution de l’autre, de l’étranger et sur l’exploitation de la misère. Souvenons-nous que ces Espagnols comme toutes les nationalités présentes au camp de Mauthausen ont su s’unir pour organiser la résistance intérieure du camp et que le 16 mai 1945, ils nous ont délivré ce message à respecter et à transmettre aux autres générations jusqu’à la nuit des temps : « Sur la base d’une communion internationale, nous voulons ériger aux soldats de la liberté, tombés dans cette lutte sans trêve le plus beau des monuments, celui du : MONDE DE L’HOMME LIBRE Nous nous adressons au monde entier pour dire : Aidez nous dans notre tâche ! Vive la solidarité internationale ! Vive la liberté ! Au nom de tous ceux qui furent prisonniers politiques à Mauthausen. » Merci de votre attention et de votre présence.

Hommage au monument de la FEDIP
Hommage au monument de la FEDIP
Hommage 5 mai 2015
Hommage 5 mai 2015
Hommage de l'historien aux acteurs de l'histoire
Hommage de l’historien aux acteurs de l’histoire

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Réunion de l’association du 14 février 2015.

Le 14 février 2015.
Nous avons organisé notre première journée de réunion afin de présenter à toutes celles et à tous ceux qui nous ont accompagnés depuis juin 2014, soit par leur soutien financier, soit par leur participation aux événements et souvent les deux, notre bilan de l’année 2014 et nos projets pour 2015, voire pour l’avenir tout simplement.
Vous trouverez sur notre site le document qui présente ce bilan humain des actions menées cet été et cet automne. Vous y trouverez également nos projets. Mais nous ferons une annonce particulière par mail sur les dates de chaque événement et nous l’inscrirons également sur notre site pour ceux qui n’auraient pas laissé d’adresse mail.
D’ores et déjà nous pouvons vous annoncer que :
le 22 mars 2015 à 11h, nous déposerons en compagnie de la CNT, et de l’association Les Pas Sages une stèle sur la sépulture de Manuel Lozano, au cimetière de Pantin. Dont Marie écrit : Manuel Pinto Queiroz-Ruiz, plus connu sous le nom de Manuel Lozano, 14/04/1916 (Jerez de la Frontera) – 23/02/2000 (Paris 19e). Militant anarchiste anti militariste, ce poète, amoureux des arts et des lettres, délaissa pour un temps crayons et pinceaux, pour combattre le fascisme. Épris de liberté, il poursuivit la lutte commencée en Espagne en s’engageant dans les forces françaises libres (FFL) pour libérer la France. Combattant de la Nueve (2e DB), son combat pris fin à Berchtesgaden et non à Madrid comme il l’avait rêvé ! Fidèle à son idéologie, il reprit le combat, avec ses premières armes, celles des mots. « Tant qu’il y aura / des enfants sans école / leurs parents au chômage / habitant en baraques / et cabanes, ce sera la misère !… Tombe de Manuel que nous avons réussi à sortir de l’oubli en intervenant auprès de la Mairie de Paris pour qu’elle l’entretienne au titre de son engagement dans la Nueve.
Le 5 mai 2015, Nous organiserons une commémoration pour célébrer le 70e anniversaire de la libération du camp de Mauthausen. Elle aura lieu à partir de 15h30 devant l’entrée principale du cimetière où nous nous regrouperons pour monter jusqu’au monument érigé par la FEDIP « Federación española de Deportados e Internados políticos » en 1969 à la mémoire de tous les antifascistes espagnols morts pour la liberté. Ce monument repose sur une pierre arrachée à la terrible carrière du camp de Mauthausen. Nous avons choisi ce cimetière du Père Lachaise non seulement parce qu’il abrite ce monument mais surtout parce qu’il est le carrefour où se croisent toutes les révolutions populaires du monde, toutes les expériences nouvelles qui donnent encore l’espoir en un monde nouveau fraternel, digne et solidaire.

– Et bien sût il y aura d’autres événements, interventions dans les établissements scolaires, MJC, représentation ou lecture de la mise en espace des témoignages des hommes de la Nueve, des colloques, des actions communes avec d’autres associations, création d’une centre de documentation, pourquoi pas ?
Mais aujourd’hui il semble important de vous faire partager l’ambiance de cette journée d’information et d’échanges que fut le 14 février au cinéma La Clef. Tout d’abord, nous remercions très vivement pour sa disponibilité, sa patience et sa bonne humeur Jean-Pierre Rocabert qui non seulement a mis ses locaux à notre disposition mais s’est mis en quatre pour que notre installation soit une vraie réussite. N’oublions pas non plus sa sympathique et accueillante équipe.
Ainsi la salle d’accueil et d’exposition a été agrémentée de tableaux originaux de notre ami Juan Chica-Ventura, artiste peintre qui nous a transmis au travers de ses œuvres la force et la grande volonté des hommes de la Nueve.
Des bouquins, des CD de notre poète et compositeur Serge Utgé-Royo, des DVD parsemaient immanquablement le parcours de quelques panneaux d’une exposition sur les antifascistes espagnols. C’est ce côté amour de la culture, du verbe et du dessin qui a tant caractérisé la révolution sociale du peuple espagnol qui s’épanchait là sur ces tables, dans cette salle, jusque dans les conversations des uns et des autres.
Nous avons tenu une réunion de bilan et exposition de projets, puis débats dans la plus grande salle de cinéma, que nous avons pu décorer à loisir de notre banderole et d’autres atouts. Grâce à tous les participants, nous avons eu des échanges riches en suggestion pour faire vivre nos initiatives en faveur de la mémoire des antifascistes espagnols exilés, nous avons également entendu et enregistré les critiques faites que nous tenterons de corriger, tout cela dans la bonne humeur et la détente.
L’ensemble des présents se trouvant unanimes pour approuver nos projets 2015, nous nous sommes engagés, sous réserve d’améliorer notre communication entre toutes et tous, à ce que nos actions soient dirigées vers la jeunesse et lient le passé de ces expériences exceptionnelles de résistance à l’actualité en ouvrant des chemins de réflexion et de partage.
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Puis ce fut un moment inoubliable d’une très grande tenue artistique : un trio Flamenco, chant guitare danse, avec Paco Muñoz au chant, Cristobal Corbel à la guitare et Diana Regano au pas de danse, aérienne et joyeuse. Nous étions transportés dans une dimension de beauté, de suavité, l’Espagne andalouse et non moins indomptable était là sous ses talonnades rebelles, au son cristallin d’une guitare qui volait dans les airs à la recherche de la voix grave de Paco.
Quel regret que la magie dut cesser pour laisser place à nos estomacs affamés, il était déjà 14h30 lorsque nous sommes passés à table !
Les préparateurs de ce buffet avaient fait des prouesses tant dans la présentation que dans la saveur des mets. Vous vous doutez bien que les discussions allèrent bon train, sur les souvenirs, les perspectives, le plaisir de se retrouver, de se reconnaitre, d’aller ensemble sur les sentes d’utopie.

Nos festivités se sont achevées sur les chansons de la révolution espagnole, celles aussi des antimilitaristes, que nos pères et mères étaient souvent, eux qui ont combattu les armes à la main dix années durant, traversant deux guerres et continuant seuls la résistance contre le franquisme, accepté par les puissances « alliées ». Bien-sûr notre chef d’orchestre était l’ami Serge qui a eu bien du mérite à diriger et à écouter tant de couacs mutins, mais il a tenu le choc et grâce à sa voix et à son rythme il nous a amenés sur les rives du passé pour dériver au fil du courant jusqu’aux rives de demain.
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Tout cela nous a conduit à l’heure de ranger et de se séparer mais nous comptons bien renouveler ces jours de partage avec un grand plaisir, vous retrouver toujours plus nombreux. Nous remercions ceux qui en étaient et ceux qui n’ont pu venir mais étaient présents par la pensée.

À très bientôt, retrouvez-nous sur notre site pour y prendre connaissance des actions futures, et suivre notre travail de documentation.
L’association 24 août 1944

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Ni l’arbre ni la pierre

Des combats pour la liberté aux déchirements de l’exil – L’odyssée d’une famille libertaire espagnole

Mon père était ouvrier à l’usine et le reste du temps avec ses compagnons, il préparait la révolution sociale. Enfant, dans les années cinquante, je considérais mon père comme quelqu’un ayant deux métiers : ouvrier et révolutionnaire.

Les femmes et les hommes qui vécurent cette odyssée s’affrontèrent, la rage au ventre à l’ignominie des pouvoirs. A la joie, la vitalité et l’enthousiasme immense qui régnaient durant la révolution espagnole succéderont la détresse des réfugiés, dépossédés de leurs armes et parqués honteusement dans des camps de concentration français, la résistance contre le fascisme et l’espoir déçu d’un retour en Aragon.
Nous nous souviendrons longtemps, avec tendresse, de cette grand-tante chanteuse de music-hall à Barcelone, de ces grands oncles rebelles et aventuriers, bandoleros au service du mouvement libertaire, de cette grand-mère se répandant d’affection pour ses petits-enfants, leur chantant Hijos del pueblo, l’hymne des anarchistes. Nous repenserons au restaurant populaire collectivisé de Sarinena où se rencontrèrent Juliana et Eusébio, les parents de l’auteur.

Nous les imaginons débordant de révolte, de désir et d’espérance. Ils prennent place dans notre mémoire…


_Né en 1953 à Villefranche-en-Beaujolais, Daniel Pinós est l’avant-dernier d’une famille de six enfants. Ses parents, des anarcho-syndicalistes espagnols, s’exilèrent en France en 1939. Militant libertaire et antimilitariste, insoumis en 1973, il s’exila à son tour à Amsterdam où, en 1976, il apprit la mort de son père. Il est aujourd’hui responsable d’édition aux Presses de la Sorbonne Nouvelle.

Daniel Pinós collabore également à l’association 24 août 1944 pour laquelle, notamment, il écrit des articles et s’occupe des publications.

La guerre d’Espagne ne fait que commencer

Ce titre pourrait apparaître comme erroné ou provocateur pour les « experts » de la guerre d’Espagne ou pour ceux qui vivent dans son ombre. Qu’importe, il ne leur est pas destiné…

Au delà du « fait historique », Jean Pierre Barou [[Éditeur, avec Sylvie Crossman, d’Indignez-vous !, co-auteur, avec S. Crossman, d’Enquête sur les savoirs indigènes (Folio), et de Tibet, une autre modernité (Points).

La guerre d’Espagne ne fait que commencer, 2015 – éditions du Seuil ]] évite une énième hagiographie. Il traite du contexte et s’adresse à ceux qui souhaitent comprendre comment des insurrections conscientes, individuelles ou collectives (que certains qualifieraient aujourd’hui d' »insurrections citoyennes « ), peuvent être à l’origine d’une révolte, voire d’une révolution.

« Casas Viejas » en perspective

Au travers d’un « récit-enquête » supporté par les évènement de « Casas Viejas », une insurrection citoyenne, un soulèvement de l’esprit « d’ouvriers conscients » s’inscrivant dans le mouvement de la prise de conscience individuelle et collective mais qui sera noyée dans le sang par la Garde d’assaut républicaine du gouvernement républicain-socialiste de Manuel Azaña [[Les événements se sont déroulés entre les 10 et 12 janvier 1933 dans la petite ville de Casas Viejas (province de Cadix). Pour mettre fin à des « troubles » en Andalousie, la Garde d’assaut républicaine, envoyée par le gouvernement incendie une maison où s’est retranchée une famille de sympathisants anarcho-syndicalistes de la Confédération nationale du travail : six personnes périssent brulées. En tout, dix-neuf hommes, deux femmes et un enfant sont tués, ainsi que trois militaires.]] et en illustrant ses analyses par « Espagne », un texte de Thomas Mann [[Voir : Les écrivains et la guerre d’Espagne

http://www.monde-diplomatique.fr/1997/04/SANZ_DE_SOTO/4705]] rédigée en 1936 ou les positions de Camus, Jean Pierre Barou nous incite à réviser toutes nos certitudes sur la période 1931-1936, en évitant de tomber dans l’écueil du conflit entre « le bien et le mal », entre les républicains et les nationalistes.

Alors que le nationalisme espagnol s’est imposé contre son peuple, les républicains ne l’ont pas non plus ménagé.

Mais plus encore qu’un « trou noir » dans les origines de la guerre civile espagnole, Jean Pierre Barou, voit dans « Casas Viejas » un exemple pour ouvrir la réflexion sur d’autres « communes libres ». Souvent éradiquées par des républicains ou des nationalistes, comme l’écrivait Thomas Mann, elles n’en demeurent pas moins portées par des « revendications de la conscience « .

Un lapsus révélateur…

Dans ce livre où l’anarcho-syndicalisme est très présent, page 41, l’auteur parlant de la CNT en donne le développement suivant : Confédération Nationale des Travailleurs.
Résultat du soulèvement de l’esprit « d’ouvriers conscients » : les Travailleurs ont « remplacé » le travail…

Source : www.autrefutur.net

5 mai, jour de la libération du camp de Mauthausen

Dès 1936 en Espagne, les antifascistes espagnols furent les premiers à s’élever contre le fascisme européen, les premiers aussi en 1940, alors que la France hésitait encore. Ils payèrent très cher cette clairvoyance et ils furent les premiers déportés, en dehors des prisonniers Allemands et Autrichiens. Même s’il y a eu des Espagnols déportés dans tous les camps de concentration, ils furent massivement envoyés des stalags au camp de Mauthausen (classé catégorie III, camp d’élimination), à compter du 06 août 1940 et pour leur rage à défendre la démocratie, ils furent encore les premiers déportés partis du sol français pour les camps de la mort (le 20 août 1940, convoi d’Angoulême).

Ils portent le triangle bleu des apatrides et à l’intérieur du triangle la lettre S pour Spanien. Au début, ils occupent les places les plus exposées dans le camp et effectuent les travaux les plus pénibles. Ils ne trichent pas face à l’atrocité de leur condition mais ils se souviennent qu’ils sont des combattants et non des victimes. Dès lors, ils entrent en résistance, leur but collectif sera de survivre et de collecter toutes les preuves possibles pour témoigner de la terrible déshumanité.
Sur les 7 200 hommes envoyés au camp de Mauthausen, les deux tiers ont été exterminés. Mais animés de la volonté farouche de combattre le fascisme, ils n’ont jamais cessé de résister et de s’entraider, ce qui permit à 2000 d’entre eux de survivre pour témoigner.
Mauthausen et ses kommandos fut un des derniers camps libérés, le 5 mai 1945. À cette date, le comité clandestin espagnol, qui avait été le moteur de l’organisation internationale clandestine de résistance du camp, était prêt à défendre chèrement la vie des survivants. Au moment du rapatriement, les Espagnols ne pouvaient pas rentrer dans leur pays. Aussi après des négociations, furent-ils rapatriés en France puisque c’est de ce pays et à cause de leur engagement à le défendre qu’ils avaient été déportés.

Pour toutes ces raisons qui lient étroitement le combat des antifascistes espagnols à l’histoire de la France dans la Seconde Guerre mondiale, nous serions heureux de vous accueillir, 70 ans après, au cours de cet hommage rendu à ceux qui sont tombés et à ceux qui ont pu résister, et nous souhaiterions vous donner la parole afin que leur engagement pour la liberté soit marqué de votre considération, dans ce lieu symbolique de toutes les luttes populaires pour la liberté. Rendez-vous le 5 mai 2015, 15h 30, cimetière du Père Lachaise, porte Gambetta, rue des Rondeaux, Paris 20e (métro Gambetta).


Invitation 5 mai 2015 Programme 2015 de l’association

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Un combattant modeste et fidèle à son idéal : Manuel Lozano, Poète Ouvrier

 » Né le 14 avril 1916, à Jerez de la Frontera, en Andalousie, Manuel est le fils d’un ouvrier coiffeur. Suite au décès de sa mère, il commence à travailler très jeune dans une distillerie puis comme ouvrier agricole dans les vignes de Jerez.
En 1932, il adhère à la Fédération Ibérique des Jeunesses Libertaires (FIJL) et à la Confédération Nationale du Travail (CNT), où pour son plus grand bonheur, il apprend à lire et écrire. À l’été 1936, il s’engage dans les milices et part combattre les militaires factieux sur les fronts de Malaga, Grenade, Marbella, Murcia. La fin de la guerre le surprend à Alicante où des milliers de républicains sont bloqués sur le port, dans l’attente désespérée d’un hypothétique navire pour quitter l’Espagne.
Le 28 mars 1939, il parvient à quitter l’Espagne à bord de La Joven María et à gagner Oran où à peine débarqué, il est arrêté par la police française, comme des milliers d’autres réfugiés. Ils sont enfermés dans un grand hangar, sans aucune installation sanitaire, parqués dans un camp de concentration pour clandestins.
Interné, successivement dans cinq camps en Algérie et au Maroc, il est soumis, avec ses compagnons d’infortune à des travaux forcés sous la surveillance de gardiens français et allemands d’une grande cruauté. D’ailleurs il raconte qu’un jour, perché sur une hauteur, il déverse toute une brouette chargée de pierres sur un de ses gardiens allemands particulièrement cruel. Heureusement pour lui, personne ne l’a vu faire hormis deux Espagnols qui jubilaient et le bourreau en question meurt au grand soulagement de ses victimes.
Manuel reste enfermé dans ces camps, contraint à des travaux inhumains jusqu’au débarquement allié en Afrique du Nord en novembre 1942. Là, il s’engage dans les Corps Francs d’Afrique, nouvellement créés et composés d’étrangers antifascistes. En avril 1943, il participe à la prise de Bizerte (Tunisie) contre l’Afrikakorps commandé par le général Von Arnim à ce moment-là et les troupes Italiennes du général Messe. Après cette campagne, il intègre le Régiment de Marche du Tchad (RMT) qui appartient aux Forces Française Libres commandées par le général Leclerc. Il est à Temara au Maroc, le 24 août 1943, jour où est créée officiellement la 2e DB.
Manuel fait partie de la neuvième compagnie du troisième régiment de marche du Tchad, surnommée la Nueve parce qu’elle est presque exclusivement constituée d’Espagnols. « Une compagnie qui faisait peur à tout le monde » dit Manuel, mais composée d’hommes valeureux selon son Capitaine Raymond Dronne qui note dans ses carnets: « Ils n’avaient pas l’esprit militaire. Ils étaient presque tous antimilitaristes, mais c’étaient de magnifiques soldats, vaillants et expérimentés. S’ils avaient embrassé spontanément et volontairement notre cause, c’était parce que c’était la cause de la liberté. Oui, en vérité, c’étaient des champions de la liberté ».
En mai 1944, Manuel et toute la division sont transférés en Angleterre, en vue de préparer le débarquement des forces alliées. Il posera pour la première fois le pied en France, le 4 août 1944, où il participe à la bataille de Normandie. La Nueve perd beaucoup de bons compagnons dans cette campagne.
Malgré cela, ils se dirigent vers Paris, toujours en éclaireurs de la 2e DB. Le soir du 24 août 1944, Manuel Lozano entre dans Paris insurgé et arrive à l’Hôtel de Ville, à bord du Guadalajara. Il participe avec sa compagnie, dans la liesse parisienne, à la reddition des forces d’occupation en réduisant les derniers bastions tenus par les troupes allemandes dans la capitale. C’est lui encore qui donnera l’alerte contre les tireurs isolés lors du défilé aux Champs Élysée le 26 août où les hommes de la Nueve sont choisis pour escorter et protéger le général de Gaulle.
Puis il est à nouveau de tous les combats. Avec la libération de Strasbourg le 23 septembre 1944, le général Leclerc accompli enfin son engagement : le serment de Koufra (Lybie, le 2 mars 1941) de ne pas déposer les armes jusqu’à la libération de Strasbourg .Peu après cette victoire éclatante, les troupes, Manuel compris, filent vers l’Allemagne. Ils participent à la libération du camp de concentration de Dachau et la prise du « nid d’aigle » d’Hitler, à Berchtesgaden. Le combat s’arrête là, c’est la fin de la Seconde Guerre mondiale sans qu’aucune autorité n’évoque la possibilité de chasser Franco d’Espagne.

Décoré par le général Leclerc, de la Croix de Guerre pour la Campagne de France, Manuel Lozano, qui avait cru comme beaucoup de compagnons espagnols que la libération de la France serait suivie de celle de l’Espagne, explique ainsi son engagement : « Nous nous étions engagés dans la Division Leclerc, car nous pensions qu’après la France, nous irions libérer l’Espagne. Dans ma compagnie, la Nueve, tout le monde était prêt à déserter avec tout le matériel. Campos, le chef de la 3e section, prit contact avec les guérilleros espagnols de l’Union nationale qui combattaient dans les Pyrénées. Nous avions tout étudié. Avec les camions chargés de matériel, d’essence, nous serions allés jusqu’à Barcelone. Alors, qui sait, si l’histoire de l’Espagne n’aurait pas été changée… » (cf. Témoignage Chrétien).

Après sa démobilisation, M. Lozano mène une vie modeste d’ouvrier et de militant anarchiste, à l’instar de la plupart de ses compagnons qui considèrent qu’ils ont simplement fait ce qu’ils devaient faire, en toute simplicité. Il s’est également fait poète pour dire avec ses propres mots ses émotions face à l’Histoire. Mais c’est une autre histoire … Merci  »

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Les mémoires de Mika ou le récit sensible d’une vie de milicienne

« On aura tout vu. C’est une femme qui commande la compagnie et les miliciens qui lavent les chaussettes. Pour une révolution, c’est une révolution ! »
( Ernesto, dans « Ma guerre d’Espagne à moi ».)
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( Mika et Hippolyte Etchebéhère )

Dans « Ma guerre d’Espagne à moi »[[Éditions Denoël, Paris, 1975- Éditions Milena, 2014.

lire également : « La Capitana » d’Elsa OSORIO, Bibliothèque Hispano-Américaine. Editions Métailié 2014]], on est loin de ces récits héroïques où les heures de gloires et les coups de force coulent de pages en pages…

Mika y parle simplement de ses engagements politiques, initiés en Argentine, de sa participation au front de Sigüenza avec le POUM[[12 Juillet 1936, six jours avant le coup d’État franquiste, Mika est à Madrid. Fin 1936, après la militarisation des milices, elle rejoint la 38è Brigade. Sa compagnie décimée dans de violents combats, elle intègre, avec le grade de capitaine, la XIVè division de l’Armée populaire espagnole, dirigée par Cipriano Mera de la CNT.]] ou de ses combats ultérieurs. Avec humanité, elle évoque son amour complice pour Hippolyte, ses considérations sur l’art ou la sexualité au front [[Lire également : « Mémoires d’une femme dans la tourmente de la révolution espagnole : l’exemple de Mika Etchebéhère »- Mémoire de Master de Vanessa Auroy, Université Angers, 2013.]]. Et puis, elle raconte ses liens d’amitié avec Cipriano Mera, l’un de ses mentors, qui interviendra lorsqu’elle sera incarcérée par la Gépéou…

Hippolyte Etchebéhère

Sa rencontre avec cet homme sera, pour Micaela Feldman, celle d’une vie. Elle l’épousera, deviendra Mika Etchebéhère et lui succèdera, à sa mort, sur le front espagnol en août 1936, en tant que capitaine d’une colonne poumiste. Son souvenir la suivra durant toutes les batailles qu’elle livrera en sa mémoire et pour la lutte révolutionnaire. À de nombreuses reprises, elle évoque son mari décédé quand elle ne se sent pas bien, quand elle est déprimée, apeurée ou tout simplement seule

Après la chute de la cathédrale de Sigüenza qui fut la bataille la plus importante et qui lui permit d’obtenir ses galons de capitaine, elle part récupérer des forces chez des amis à Paris. Elle explique alors que ne pas se souvenir ou du moins essayer de ne pas se souvenir de son mari est un rempart contre le laisser-aller :

Après cela j’ai dressé un barrage aux souvenirs. Pour pouvoir vivre. Alors je suis vidée. Je n’ai que les pensées utiles à la guerre, les autres me sont défendues. Je ne dois pas lire car j’ai tout lu avec lui, ni regarder le ciel, ni aimer la montagne, ni me pencher sur une fleur, car tout cela appartient à notre vie à deux, à ce séjour où il me disait : « Il faut que nous ménagions notre amour. Nous achèterons moins de livres pour que tu puisses avoir une jolie robe. Tu te souviens de celle que j’avais dessinée pour toi lorsque nous nous sommes connus ? Maintenant tu n’as qu’une vieille jupe et ce manteau de garçon que Marguerite t’a donné.

La politique avale toute notre vie, il ne faut pas qu’elle nous dévore.

Rencontre sur le front avec Mera

Quand elle rencontre Cipriano Mera sur le front, elle se rappelle ses premiers engagements vers l’anarchisme et le groupe féministe « Louise Michel » auquel elle adhère dès l’âge de 14 ans…

Il incarne pour moi l’anarchisme intransigeant et austère qui m’a conduite à la lutte révolutionnaire sitôt sortie de l’enfance.

Et lui, de faire le lien avec sa façon de penser, ce qu’elle ne nie pas:

Mera : Avoue que tu aimes causer un brin avec tes anciens frères anarchistes. Toi, le communisme t’est resté à la surface, à l’intérieur tu restes anarchiste.

Mika Tu as peut-être raison…En tout cas, ce qui peut me rester de l’anarchisme, c’est mon incapacité à respecter les hiérarchies imposées et ma foi dans le cercle de l’égalité.

Quand l’un de ses miliciens, Clavelín qui n’avait que quinze ans, est mortellement blessé lors des combats sur la colline de l’Aguila, elle se met à pleurer. Mera lui adresse alors une phrase acerbe :

Allons, petite, cesse de pleurer : vaillante comme tu es, tu pleures ! Bien sûr, tu es femme après tout.

Avec fierté, elle s’oppose à son mentor et lui répond avec un certain mépris :

La phrase me cingle comme un fouet furieux qui me fait serrer les poings et me brûle au visage. Je lève la tête, tâchant de me calmer, cherchant une réponse écrasante, mais je parviens seulement à dire : « C’est vrai, femme après tout, et toi, avec tout ton anarchisme, homme après tout, pourri de préjugés comme n’importe quel mâle.

Des églises brûlées, des curés arrêtés

Grâce à son environnement familial, elle a acquis un goût pour les arts et leur conservation. Elle s’insurge quand elle voit les églises brûlées par anticléricalisme :

Vous savez, camarades, il y a de vrais trésors ici. Chaque morceau de bois peint vaut une fortune. C’est très vieux et jamais plus on ne refera rien de pareil. Quand la guerre sera finie, votre chapelle sera déclarée monument national et l’on viendra de partout la voir, même de l’étranger.

Et en face de trois curés arrêtés par les miliciens, assis sur un banc devant la gare, elle s’apitoie :

Sans le milicien armé qui les surveille on pourrait croire qu’ils attendent le train pour partir. Aucun ne prie. Ils ont l’air si lamentable que je rage de sentir ma vieille ennemie, la pitié, et la honte d’avoir toujours pitié, me prendre à la gorge.

Femmes et sexualité au front

Si elle ne consacre pas de chapitre aux femmes en général, elle les évoque au gré des circonstances et du quotidien au front.

Les premières qu’elle cite sont ces « quelques femmes, certaines d’allure bizarre » qui se trouvent dans les locaux du POUM aux premiers jours de la guerre. Très vite, elle apprend « que ce sont des filles d’une maison close voisine qui viennent s’enrôler dans la milice. »

Une certaine gêne et un dégoût s’affiche alors face à ces prostituées.

Elles me ramènent loin en arrière, à un morne soir de Paris, dans le quartier de la Chapelle, rue de la Charbonnerie : je portais un ciré noir, ma lassitude d’une harassante journée de courses, et une valise pleine de Que faire ?, la revue de notre groupe qu’il fallait distribuer dans les kiosques. Une terreur enfantine me saisit, et lorsqu’une grosse brune marcha sur moi avec des gestes obscènes, je me mis à courir comme une folle, poursuivie très longtemps par les éclats de rire de ces femmes que dans nos discours anarchistes, alors que j’avais dix-huit ans, nous appelions « nos soeurs les putains ».
Devant ces sœurs qui aujourd’hui viennent à nous, je ne me sens pas l’âme fraternelle. Rancune, peut- être même jalousie parce que nos camarades les couvent du regard
.

D’autres sont également une source de rejet : celles qui cherchent, à tout prix, à devenir les fiancées des miliciens ou les maîtresses des chefs afin d’obtenir, par procuration, un certain prestige, de l’ascension sociale ou qui essaient simplement de sauver leur vie en profitant de leur féminité.

Mais il y a « l’Abysinienne » :

D’où venait cette Abisinia que j’avais trouvée parmi nous au retour de l’hôpital ? Elle avait la peau d’un brun presque noir, des yeux de jais et la tête couronnée de nattes aussi noires que ses yeux, d’où son surnom d' »Abysinienne », et elle avait seize ans – qui en paraissaient vingt. Grande, la poitrine haute, son bleu de milicienne n’arrivait pas à effacer sa taille de maja ni à dissimuler sa démarche balancée de fille des bas quartiers de Madrid. Elle chantait toute la journée Ay Mari-Cruz, Mari-Cruz, maravilla de mujer…, on la voyait se promener, esquisser un pas de danse, aborder un milicien, un autre avec toujours la même exigence : « Montre-moi comment ça se démonte, un fusil. Je sais le charger, mais pas le démonter, et un jour moi aussi j’en aurai un..

Et aussi « Manolita la Fea » (la moche):

Oui, Mocheté. Je suis de la colonne Pasionaria, mais je préfère rester avec vous. Jamais ils n’ont voulu donner de fusils aux filles. On était bonnes pour la vaisselle et la lessive. J’ai entendu dire que dans votre colonne les miliciennes avaient les mêmes droits que les hommes, qu’elles ne s’occupaient ni de lessive ni de vaisselle. Je ne suis pas venue au front pour crever, un torchon à la main. J’ai assez récuré de marmites pour la révolution !

Sa réflexion sur la sexualité des autres femmes évolue après avoir vu toutes les atrocités que peut provoquer une guerre. À Madrid, elle croise une femme dans les rues et entame une discussion avec elle :

« On n’a jamais fait autant l’amour ici, me dit une femme qui tient une grosse poule attachée par une patte à sa chaise. Cette poule, tiens, elle nous pond un oeuf chaque jour. Je la sors prendre l’air dès que les obus cessent de tomber. Les filles de Madrid vont aussi pondre des tas de gosses… A ce train-là, les pertes de la guerre seront vite comblées.

C’est toujours comme ça en temps de guerre, lui dis-je pour qu’elle n’ait pas honte de ses compatriotes. Les gens veulent vivre vite de peur de mourir… »

Incarcérée par la Guépéou

Après les journées de mai 1937 à Barcelone (la Contre révolution stalinienne) et la mise hors la loi du POUM, Mika est incarcérée par les staliniens et manque de connaître le même sort que nombre de ses camarades, éliminés par la Guépéou [[Créée en 1922, elle remplaça la Tcheka. Elle joua un rôle important dans la révolution entreprise par Staline à partir de 1929, envoyant dans les camps gérés par le Goulag les saboteurs, les koulaks, les membres du clergé ou de l’ancienne intelligentsia. Elle fut intégrée en 1934 au Commissariat du peuple aux affaires intérieures (NKVD). ]]. Elle échappe à l’exécution sommaire grâce à l’intervention de Mera, son ami et mentor[[Ironie du sort : quelques années plus tard, Mera sera à son tour victime d’autres commissaires politiques, mais cette fois-ci, de la CNT en exil… Lire http://www.autrefutur.net/Ma-plus-grande-victoire-a-ete-la]] .

– Comment Mera sauva Mika des griffes staliniennes –

À sa sortie de prison, elle rejoint le groupe féministe libertaire, Mujeres Libres, participe aux combats jusqu’en juin 1938, lorsque les femmes sont renvoyées vers l’arrière. À l’entrée des troupes franquistes dans Madrid, elle parvient à leur échapper et à passer en France.

Inlassable militante, après avoir participé aux événements de 1968, comme Mera, elle meurt à Paris en 1992.

 

Relire ainsi quelques souvenirs de Mika, comme ses échanges avec Mera, rajoute un goût amer à l’échec d’un (de leur) espoir partagé…

Source : www.autrefutur.net

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Rencontre avec les élèves de l’école alsacienne

Le 11 février dernier, des membres de l’association du 24 août ont rencontré des élèves de l’école alsacienne.

Cet échange s’est fait à l’issue d’un travail préparatoire visant à contextualiser l’itinéraire des soldats de la Nueve : de leur combat au sein des milices républicaines jusqu’à leur parcours d’humiliation et de souffrance dans les camps d’enfermement du sud de la France et de l’Afrique du nord.

Après le visionnage du documentaire d’Alberto Marquardt, la Nueve ou les oubliés de la victoire, les élèves de 1ère ont pu engager un débat avec les membres de l’association, petits-fils de républicains espagnols ou historiens de la période. Ce débat a permis aux élèves d’appréhender entre autre les conditions réelles d’enfermement des républicains dans les camps et la finalité de l’engagement de ces jeunes pour lesquels le combat contre l’Allemagne nazie serait suivi d’un combat contre l’Espagne franquiste.

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Vidéos de la conférence et de la rencontre, sur le site de l’école :

  • http://ecole-alsacienne.org/spip/l-antifascisme-de-madrid-a-2808.html
  • http://www.ecole-alsacienne.org/spip/homenaje-a-los-republicanos.html

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« Bandoleros »

La guerre d’Espagne ne finit pas en avril 1939

La guerre civile espagnole ne s’acheva pas le premier avril 1939. Vainqueurs et vaincus étaient au moins d’accord là-dessus. Seule une propagande idéologique intense qui s’appuyait sur tous les moyens d’expression, en tentant de masquer la réalité, pouvait imposer comme une évidence une paix sociale qui n’existait pas. Quand le régime franquiste placardait les rues d’affiches proclamant « vingt-cinq années de paix », cela ne faisait pourtant que quelques mois que le dernier des guérilleros ayant entamé la lutte contre le franquisme en 1936, venait de tomber. À partir de là, il est possible de dire que la guérilla, rurale ou urbaine, depuis 1939, n’a jamais cessé d’exister en Espagne.
La guérilla ne fut jamais nommée par les médias de l’époque. Les hommes qui l’animaient étaient traités de « bandoleros » [1] , d’assassins, de braqueurs et de bien d’autres qualificatifs masquant la réalité de leurs actions. Qualificatifs inventés par des journalistes faisant partie de l’engrenage franquiste. L’unique information diffusée alors était celle de la capture ou de la mort d’un guérillero, souvent dans des circonstances mystérieuses (tentative d’évasion, résistance, suicide lors de son arrestation, etc.).
L’histoire de la guérilla est difficile à reconstituer. La majorité de ses protagonistes sont morts. La plupart des hommes qui participèrent à la lutte armée libertaire furent éliminés physiquement, lors d’affrontements avec la police, ou furent exécutés. Ceux qui parvinrent à survivre échappent encore à la curiosité des historiens.
« Bandoleros », maquis, résistance, guérilleros, ces termes se confondent, ils sont représentatifs d’une partie de l’histoire des luttes radicales contre le pouvoir franquiste.

La guérilla urbaine et ses objectifs

Les actions menées par les groupes armés étaient d’une témérité sans limites. Les groupes savaient que le fait que toutes les organisations officielles aient abandonné la stratégie armée rendrait difficile leur enracinement dans le peuple, mais ils espéraient pouvoir démontrer à ces organisations leurs erreurs.
Leur activité de diffusion de textes anarcho-syndicalistes resta limitée à la Catalogne. La principale difficulté pour les groupes d’action fut la relation précaire établie avec les groupes de l’intérieur de la péninsule. Les groupes d’action continuaient la guerre civile. Pour eux, elle ne s’était jamais arrêtée. La majorité des opposants de l’intérieur, à partir de 1953, considérait que la lutte contre le franquisme devait se développer aux moyens d’une participation la plus ample possible de la population. À noter que ce fut à partir du moment où les Etats-Unis établirent des relations diplomatiques avec l’Espagne que ces positions se firent jour dans l’opposition antifranquiste.
Le principal ennemi de la lutte armée fut pourtant la Garde civile. Le nombre de gardes mobilisés pour en finir avec les guérilleros était impressionnant. S’infiltrant dans les milieux exilés, les gardes pouvaient informer du départ des groupes vers l’Espagne. La collaboration de la police française fut également très importante. Si, initialement, le gouvernement français laissa les groupes de guérilleros s’organiser sur le territoire français, sans aucun doute en raison de leur participation active à la résistance contre le nazisme, le début de la guerre froide transforma les relations diplomatiques entre la France et l’Espagne.
La collaboration entre les polices françaises et espagnoles se développa, l’information concernant le passage des groupes d’action par les Pyrénées était transmise par les policiers français à leurs homologues espagnols. La Garde civile, pour lutter plus efficacement contre les guérilleros, créa des corps anti-guérilla. Les corps de la Garde civile réalisèrent plusieurs actions qui discréditèrent la guérilla, cela créa dans la population un climat d’insécurité qui provoqua l’isolement des guérilleros anarchistes. Les zones de passage, les sorties de Barcelone furent de plus en plus surveillées, des patrouilles composées de nombreux hommes armés formèrent autour de Barcelone un cercle de répression qui ne permettait plus aux guérilleros de rejoindre leurs bases, de déplacer du matériel et de recevoir du renfort en hommes. Les guérilleros eurent également des ennemis importants en les personnes des volontaires, de la police nationale, des gardes municipaux, des phalangistes et leurs organisations.
Pourtant, la guérilla tint la plupart du temps les forces gouvernementales en échec. La précarité de leurs moyens qui les obligeait à pratiquer des expropriations, le fait de ne pouvoir compter sur une organisation qui s’opposait à leur stratégie, la CNT de l’exil, pour laquelle ils luttèrent bien avant 1936, les rendirent vulnérables. De nombreuses initiatives menées par les groupes d’action resteront probablement méconnues pour toujours, mais ce qui est clair c’est que le régime de terreur imposé par Franco avait un ennemi opposé directement à lui. Quand la nouvelle de la mort du Quico Sabaté, un des combattants libertaires les plus acharnés contre le fascisme, parvint à Barcelone, les gens ne voulurent pas admettre la réalité de cette disparition. « El Quico viendra bientôt démentir ces menteurs », commentaient les travailleurs catalans, pensant à un montage de la police. Il est certain que quand Sabaté et Facerias, un autre grand lutteur, entrèrent dans la mythologie populaire cela prouva que, d’une certaine manière, ils étaient représentatifs de l’opposition d’un grand nombre d’Espagnols à un pouvoir qui voulait soumettre l’ensemble du peuple espagnol. Le « bandolero, » a toujours été mythifié en Espagne, parce qu’il incarne la lutte du faible et de l’opprimé contre le pouvoir établi. Il est défini par l’imagination populaire comme le voleur de riches et le défenseur des pauvres. Ce fut le cas de Sabaté, celui de Facerias et de leurs compagnons. Ils furent la personnification du « bandolero noble » qui lutte jusqu’à la mort pour la liberté et contre ceux qui s’opposent à elle.

 

Notes

[1Bandits de grands chemins, mais compte tenu que ce terme a dans l’imaginaire populaire un sens de défenseurs des pauvres contre les riches, en voulant discréditer et insulter leurs ennemis, les autorités franquistes et la presse qui les soutient les anoblissent,

 

Coupure de la presse française (Elle) sur Sabaté
Coupure de la presse française (Elle) sur Sabaté

Pour quitter l’enfer des camps, les internés…

Pour quitter l’enfer des camps, les internés ont quatre options :
– le rapatriement, la préférée des autorités françaises,
– la re-émigration vers un autre pays,
– l’engagement militaire d’abord la légion puis, avec l’approche de la guerre, dans d’autres types d’engagement qui leur seront proposés,
– l’embauche à partir d’avril, pour être employé soit par des particuliers, soit en qualité de prestataires.

Le rapatriement

Le 15 février 1939, les retours spontanés ne dépassant guère 50 000, la pression s’accentue dans les camps et les centres d’hébergement. Pour faire du chiffre, les moyens les plus abjects sont utilisés. Si les rapatriements forcés sont proscrits, certains n’hésitent pas à recourir à la duperie, en omettant de préciser par exemple vers quelle partie de l’Espagne s’effectue le retour, ou en exerçant un chantage odieux, en particulier sur les civils, dans le cadre d’un rapprochement familial, pour lequel la condition première est soit de signer un engagement formel de regagner l’Espagne, soit de faire croire que le reste de la famille est déjà rentré.
Si, au début de l’été, prés de la moitié des réfugiés (250 000) sont retournés en Espagne en raison des pressions exercées et de la frontière plus largement ouverte, ces effectifs restent bien en deçà de ceux escomptés par la présidence du conseil qui veut réduire à 50 ou 60 000 hommes maximum et une infime minorité de femmes et d’enfants, la possibilité de rester sur le territoire.
À cela, plusieurs raisons, les informations qui, malgré la surveillance, traversent les barbelés, et qui contredisent les déclarations mille fois répétées sur la clémence du Caudillo. Les internés ont ainsi eu connaissance de la loi du 9 février 1939 dite de «responsabilités politiques» promulguée par Franco qui permet de poursuivre ceux qui depuis octobre 1934 ont participé à la vie politique républicaine ou qui, depuis février 1936, se sont «opposés au mouvement national (…) par des actes concrets ou une passivité grave».
Mais l’information filtre aussi par des moyens détournés. Le premier d’entre eux, est l’information implicite fournie par la presse autorisée dans les camps qui signale que des rapatriés tentent de repasser la frontière.
Plus tard, ce sont les messages codés, envoyés par les proches demeurés en Espagne, qui apportent des précisions malgré la censure exercée.
Ainsi, lorsqu’en juillet 1939, Franco, après la restitution de l’or déposé à la banque de France à Mont-de-Marsan, se déclare prêt à recevoir 50 000 miliciens à raison de 2500 par jour, cette proposition demeure sans effet. Ceux qui pensaient ne rien redouter, sont déjà rentrés.
Les pressions (interrogatoire individuel pour convaincre ou donner un « motif valable »), comme les menaces (expulsion en cas de refus du travail proposé) demeurent sans effet, d‘autant qu’à la même date, des tracts alertant les réfugiés sur les risques encourus lors d’un retour en Espagne, notamment sur les pelotons d’exécution, les camps de concentration et les tortures, circulent dans les camps.
Par ailleurs, l’approche de la guerre, modifie la volonté du gouvernement qui ne souhaite à présent que le départ massif des seuls réfugiés «non susceptibles d’apporter à l’économie française le concours d’un travail utile», vis-à-vis desquels une pression constante pour obtenir leur retour massif doit être maintenue. Les récalcitrants doivent être conduits, les hommes au Barcarés où l’autorité militaire décidera de leur sort, et les femmes à Rieucros.
Dès le mois de décembre 1939, des pressions sont exercées sur les femmes pour quitter les centres d’hébergement ou regagner l’Espagne. Toutefois, compte tenu de la pénurie de main d’œuvre, le temps n’est plus au rapatriement mais à la mise au travail. En mai 1940, toute personne âgée de 14 à 70 ans, excepté ceux dangereux pour l’ordre public, jugée apte à un travail manuel doit être autorisée à demeurer en France.

L’évacuation vers un autre pays

La France sert aussi de lieu de transit vers d’autres destinations. Cette nouvelle émigration qui touche moins de 20 000 personnes, dont plus de 15 000 en Amérique latine, va concerner en priorité les réfugiés du secteur tertiaire et les militants d’organisations politiques, en particulier ceux d’obédience communiste, en raison de leurs liens avec les responsables du SERE comme avec les représentants et du Mexique, Lázaro Cardenas (document : Programa Cardenas), Narciso Bassols et du Chili Pablo Neruda, qui exerça une sélection drastique.
Pour organiser ces évacuations et sélectionner les candidats au départ, deux organismes sont tour à tour créés. Le SERE (servicio de evacuación de los republicanos españoles), qui, en mars 1939, devient le Servicio de emigración, et La JARE (junta de auxilio a los republicanos españoles), créée en juillet 1939 pour contre balancer les actions du SERE, qui restera seule après le pacte germano-soviètique et la dissolution du SERE accusé d’être contrôlé par les communistes.
Peu de pays offrent l’asile et le plus souvent avec parcimonie.
L’URSS, en accepte moins d’un millier (si l’on excepte les enfants et les militaires qui se trouvaient sur place au moment de la chute de la république), pratiquement que des communistes particulièrement sélectionnés. La Grande Bretagne, comme les Etats Unis et la plupart des pays d’Amérique latine, impose également des quotas très stricts. Seul le Mexique de Lazaro Cardenas, dès février 1939, offre une large hospitalité. Entre 1939 et 1940, ils seront ainsi environ 7 500 réfugiés dont une majorité d’intellectuels et d’employés du secteur tertiaire. Viennent enfin le Chili et la République dominicaine qui en acceptent respectivement environ 2300 et 3100 en 1939, et l’Argentine, le Venezuela, la Colombie et Cuba environ 2000.

La mise au travail. Une main-d’œuvre à bon marché

Si dans un premier temps, le gouvernement français ne souhaitait qu’un rapatriement rapide et massif des réfugiés, dés le printemps, il envisage leur utilisation dans l’économie du pays.
Après avoir lancé une étude au niveau du département pour recenser les gros travaux qui pourraient leur être confiés, sans concurrencer la main d’œuvre locale, et déterminer les modes d’organisation, le 12 avril 1939(lire texte décret 12 avril 1939), un décret-loi assujettis, dès le temps de paix, les étrangers âgés de 20 à 48 ans, considérés réfugiés ou sans nationalité, à des prestations d’une durée égale à celle du service imposé aux Français. Des décrets ultérieurs (27 mai 1939 et 13 janvier 1940) fixent les conditions de ces prestations : les compagnies de travailleurs étrangers (CTE) ou unités de prestataires étrangers, composées de 250 hommes chacune, placées sous commandement d’un capitaine français à qui est adjoint un capitaine espagnol pour transmettre les ordres, sont créées.
Le ministère du travail, aidé du général Ménard, est chargé de répertorier et de classer les hommes valides, celui de l’intérieur, par l’intermédiaire des services de police, de procéder à l’identification des indésirables.
À la même date, le ministère de Travail propose aux directeurs des offices départementaux de recruter la main d’œuvre pour les exploitations agricoles dans les camps plutôt qu’à l’étranger comme traditionnellement.
Cette possibilité, fort prisée de nombreux propriétaires du Midi qui viennent recruter directement dans les camps, va occasionner une nouvelle épreuve pour les internés. Vers 10h, le camp se transforme en véritable «marché aux esclaves». À l’image d’une foire au bétail, ceux qui sont jugés aptes au travail, sont exposés sur la place centrale du camp où les futurs patrons viennent les sélectionner.
Au cours de l’été 1939, l’application du décret du 12 avril 1939 est généralisé à tous les hommes valides encore internés, excepté ceux jugés «indésirables». Ceux non encore enrôlés doivent être requis pour les travaux agricoles, en qualité de prestataires et non de travailleurs libres. En octobre, il est précisé qu’à défaut, ils seront «refoulés, sous escorte, à la frontière espagnole». Ces nouveaux prestataires sont placés sous la surveillance des services locaux de police ou de gendarmerie.
L’enrôlement des prestataires initialement basé sur le volontariat devient obligatoire. Dès le 4 septembre (lire la politique d’Édouard Daladier et Albert Sarraut), les CTE sont réorganisées. Augmentées de 40 nouvelles compagnies formées de prestataires non volontaires, le nombre de CTE s’élève à 180 à la fin de l’année.
En février 1940, Albert Sarraut se déclare satisfait de l’efficacité de l’application du décret sur l’astreinte aux prestations, reste celui des civils toujours en suspens. L’incorporation dans les CTE qui devait permettre aux familles de se regrouper ne règle rien en raison tant des conditions de logement que des indemnités perçues qui ne permettent pas d’assurer la subsistance de la famille comme la loi les y oblige.
Les femmes dont les maris sont internés doivent trouver un emploi. Les mères doivent s’organiser pour la garde de leurs enfants ou les envoyer dans des colonies organisées par la commission internationale d’aide aux enfants réfugiés. Celles qui refusent, sont mises en demeure de regagner l’Espagne.

L’engagement

L’ultime moyen de quitter les camps est celui de tout temps qui consiste à s’engager dans la légion étrangère. Le chantage exercé à la frontière se poursuit dans les camps. Le 8 février 1939, A. Sarraut demande que, par voie d’affiches ou par entretiens individuels ou collectifs, il soit proposé à ces «étrangers dépourvus de situation stable en France» de s’engager dans la légion étrangère. Peu enclin à rejoindre cette arme, les réfugiés vont être plus favorables aux autres types d’engagement proposés à l’approche de la guerre.
En effet, pour les ex-miliciens ni recrutés pour travailler à l’extérieur des camps, ni incorporés dans les CTE, la seule voie pour sortir des camps va être l’engagement dans la légion pour une durée de 5 ans ou les régiments de marche des volontaires étrangers (RMVE) pour la durée de la guerre.
En général, la deuxième possibilité a leur préférence. Au total, 6000 à 7000 contracteront un engagement.
Progressivement les camps vont ainsi se vider. Les effectifs de 173 000 à la mi-juin 1939, seraient de 35 000 fin décembre. Les camps algériens n’en renfermeraient qu’un millier à peine.

Illustration : dessin de Josep Bartoli