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Étiquette : Retirada

POLITIQUE D’ACCUEIL Edouard DALADIER / Albert SARRAUT

POLITIQUE Edouard DALADIER / Albert SARRAUT.

Si les divisions et les tensions qui depuis 1936 secouent la France perdurent, il est à noter que le sentiment de rejet des étrangers indésirables traverse toutes les tendances politiques, de droite comme de gauche.  C’est dans cette atmosphère de restriction et de rejet des étrangers que se présentent plus d’un demi-million d’Espagnols en février 1939. Loin de l’espoir d’une France accueillante et fraternelle, ils vont subir de plein fouet les mesures de contrôle, d’enfermement, de chantage de reconduite à la frontière voire parfois de refoulement.

 

Politique d’accueil menée par les différents gouvernements qui ont jalonné cette période.

On peut globalement définir trois périodes :

  • 1936 : plutôt tolérante même si, à peine 3 mois après le coup d’Etat, la politique d’accueil du gouvernement Blum devient plus restrictive, n’offrant l’asile qu’aux enfants et aux personnes porteuses d’un passeport muni d’un visa des autorités consulaires françaises, tandis que la surveillance de la frontière est renforcée.
  • 1937 : premières mesures plus restrictives dans le cadre d’une politique sécuritaire, de restriction dans l’accueil des étrangers et de réduction des coûts. En septembre, Max Dormoy, ministre de l’Intérieur, parlant des 50 000 Espagnols en France déclare : « J’ai décidé de les mettre en demeure de quitter notre territoire», excepté les enfants, les malades et les blessés. Le 27 novembre, il précise qu’au regard des hommes valides, seuls les résidents bénéficiant de ressources suffisantes sans occuper d’emploi sont autorisés à rester.
  • Le 10 avril 1938, avec le retour du radical-socialiste Edouard Daladier à la présidence du conseil, c’est le tournant. Mesures xénophobes et rejet de l’accueil des étrangers vont se succéder. Au travers d’une série de mesures législatives, un arsenal répressif destiné à contrôler, surveiller et punir les étrangers est mis en place. La France, terre d’asile, n’existe plus.
  1. Sarraut, ministre de l’Intérieur, préconise une action méthodique pour débarrasser la France des éléments indésirables trop nombreux qui y circulent.
  • Le 2 mai 1938, un décret sur la « police des étrangers » rappelle la distinction à faire entre les bons et les mauvais étrangers indignent de vivre en France. Pour parfaire les contrôles, les Français qui hébergent des étrangers, sont tenus de les déclarer faute de quoi ils seront poursuivis en justice.
  • Le 12 novembre 1938, alors que le gouvernement se déclare satisfait des résultats de sa politique, 2 nouveaux décrets destinés à renforcer les mesures prises en mai, sont pris :
  • l’un relatif aux brigades de « gendarmerie-frontière» ;
  • l’autre relatif à la discrimination à effectuer entre les étrangers acceptables et les indésirables qu’il s’agit d’éradiquer. À cette fin, de nouvelles règles concernant le mariage des étrangers et l’acquisition de la nationalité sont édictées, la déchéance de la nationalité facilitée… (de nouveau, ces mesures ont quelques relents actuels) Pour les « indésirables» dans l’impossibilité de trouver un pays d’accueil, des centres spéciaux sont créés. L’assignation à résidence prévue en mai étant jugée trop laxiste. Le 21 janvier 1939, Le «1er centre spécial» réservé aux femmes est créé à Rieucros, en Lozère.

 

Dans ce véritable régime de rejet instauré par A. Sarraut, le préfet des Pyrénées orientales, Raul Didkowski appliquant à la lettre les nouvelles directives, interdit les collectes, meeting, manifestations et menace ceux qui hébergeraient un réfugié sans le déclarer d’un emprisonnement doublé d’une amende. Il est impossible de louer une salle pour se réunir, les locaux des organisations sont perquisitionnés… L’instauration de ce climat de xénophobie dont l’objectif prioritaire continue à être de préserver la paix sociale, reste de se débarrasser par tous les moyens de ces hôtes encombrants.

 

Le lendemain de la prise de Barcelone, le 27 janvier 1939, la France entrouvre sa frontière mais les ordres d’A. Sarraut sont clairs : « C’est simple : les femmes, les enfants, les blessés et les vieillards, on les accueille. Les hommes en âge de porter les armes, on les refoule.»

Malgré les déclarations officielles qui assurent que tout est prêt pour les recevoir, tout fait défaut. Seules efficiences, l’ordre et la sécurité pour lesquels rien n’a été négligé. L’accueil n’a rien de fraternel. Les réfugiés, véritables parias, sont traités en ennemis par les autorités. Toute la zone frontalière, déclarée zone militaire est sous contrôle.

Cette situation ne se modifiera qu’avec l’approche de la guerre où la manne que représentent ces milliers de réfugiés pour l’économie du pays et pour les besoins militaires sera considérée.

 

Toutefois, après le pacte germano-soviétique, de nouvelles mesures sont prises :

  • Le 1er septembre 1939 est publié un nouveau décret confirmant la circulaire du 30 août 1939 prévoyant, en cas de conflit armé, « le rassemblement dans des centres spéciaux de tous les étrangers de sexe masculin ressortissant de territoires appartenant à l’ennemi » âgés de 17 à 50 ans. Ainsi, alors que la guerre contre l’Allemagne nazie est imminente, les premiers visés sont les antifascistes allemands.
  • Le 5 septembre 39, un communiqué leur demande de rejoindre immédiatement les centres de rassemblement puis, le 14 septembre 39, un nouveau communiqué, diffusé par la presse et la radio, convoque à leur tour les hommes de 50 à 65 ans.
  • Le décret du 18 novembre 1939, accentue encore la répression car il prévoit : « Les individus dangereux pour la défense nationale ou pour la sécurité publique peuvent, sur décision du préfet, être éloignés par l’autorité militaire des lieux où ils résident et, en cas de nécessité, être astreints à résider dans un centre désigné par décision du ministre de la Défense nationale et de la Guerre et du ministre de l’Intérieur ».

 

Ces mesures sont aggravées par la circulaire d’application du 14 décembre 1939 d’Albert Sarraut adressée aux préfets qui stipule que : « L’extrémiste qui, par ses conseils et ses tracts, s’efforce de rompre dans les usines le moral robuste des travailleurs, l’alarmiste des cénacles ou des salons qui jette sur ses auditoires les paroles de mensonge ou les prophéties de panique sont, au même titre, les ennemis de la Patrie, et le devoir que vous trace le décret du 18 novembre est de les déceler en les éloignant, sans délai, des lieux où ils poursuivent une activité d’autant plus nocive qu’elle parvient à se mieux soustraire à l’étreinte de la loi (…) Dès lors, la nécessité s’impose d’être armé non seulement contre le fait délictueux ou criminel, mais aussi contre la volonté notoire de le commettre (…) Ainsi, l’obligation de la précaution préventive apparaît-elle aussi impérieuse que celle de la mesure répressive (…) Ce texte est grave. Il place dans vos mains [celles des préfets] une arme redoutable. Il est exorbitant du droit commun du temps de paix. Mais il est justement ainsi parce que c’est une loi du temps de guerre et destinée à disparaître avec elle, une loi exceptionnelle ».  

 

Sous le gouvernement de Vichy, les antifascistes issus de toute l’Europe, les juifs allemands, autrichiens, polonais, roumains, les tziganes et les opposants français, seront les victimes désignées de ces mesures.

07/1939  La Retirada et le début de l’exil républicain espagnol

07/1939  La Retirada et le début de l’exil

Politique de l’accueil en France

Dès la chute de Barcelone, on assiste à un afflux massif de civils et de militaires vers la France. L’hiver est rigoureux. Plus de 500 000 réfugiés passent la frontière à pied par la montagne. En France, les organisations humanitaires, les partis de gauche, les syndicats demandent au gouvernement d’ouvrir la frontière.

 15 au 26 janvier 1939. Daladier autorise à nouveau le transit par la France de l’armement soviétique.

27 janvier 1939. À minuit, la frontière française s’entre-ouvre aux réfugiés civils espagnols ; mais les ordres d’A. Sarraut sont clairs : « C’est simple : les femmes, les enfants, les blessés et les vieillards, on les accueille. Les hommes en âge de porter les armes, on les refoule.»

À Washington, le président Roosevelt déclare : « L’embargo sur les armes à destination de la République espagnole a été une grave erreur, jamais nous ne referions une telle chose ! » 10 000 blessés, 170 000 femmes et enfants et 60 000 hommes (civils) passent la frontière.

1er février 1939. Au château de Figueras, Negrín et soixante-deux députés se mettent d’accord sur trois propositions de paix à soumettre à Franco (au lieu des treize points soumis le 1er mai 1938) : aucunes poursuites contre les vaincus, garantie de l’indépendance espagnole et garantie du droit du peuple à choisir son gouvernement. Negrín contacte des diplomates anglais pour informer les gouvernements d’Europe et prendre en charge la transaction avec Franco.

5 au 10 février 1939. 220 000 combattants républicains passent la frontière française, par différents points frontaliers de passage (Port-Bou/Cerbère ; La Jonquera/Le Perthus ; Campredon/Prats de Mollo ; Puigcerda/Bourg-Madame et par voie de mer).

Le territoire de la république se réduit à Madrid, Valence, Guadalajara, Albacete, Jaén, Cuenca, Almería, Cuidad Real, Alicante, Murcia, Cartagena et l’île de Minorque.

9 février 1939. Franco promulgue la loi de Responsabilités politiques (ley de Responsabilidades políticas), qui sanctionne avec un effet rétroactif à octobre 1934, toutes les activités politiques en désaccord avec le nouveau régime.

12 février 1939. Réunion du conseil des ministres à Madrid.

Les nationalistes atteignent la frontière à Bourg-Madame et au Perthus (Pyrénées-Orientales).

18 février 1939. Suite à l’intervention de diplomates républicains par l’intermédiaire du gouvernement anglais, Franco rejette toute idée de paix sous condition et déclare demeurer seul juge de la conduite à adopter.

22 février 1939. Après un exode épuisant, Antonio Machado meurt d’épuisement et de chagrin à l’hôtel Bougnol-Quintana de Collioure, quelques jours après son arrivée en France. Sa mère, Ana Ruiz, s’éteindra le 25 février 1939, dans le même lieu.

18 au 24 février 1939. Voyage à Burgos du sénateur français Léon Bérard, (ancien ministre et sénateur), et nouveaux entretiens avec le général Jordana (diplomate anglophile qui sera nommé ministre des Affaires étrangères en septembre 1942 en remplacement de Serrano Suñer).

25 février 1939. Signature des accords Bérard-Jordana, qui annoncent un rapprochement du gouvernement français et du gouvernement nationaliste de Burgos.

27 février 1939. La France et la Grande-Bretagne reconnaissent l’État franquiste. En reconnaissant ce dernier deux semaines après la chute de la Catalogne, Daladier et Chamberlain signent la mort de la République espagnole. Le président Azaña annonce sa démission depuis la France.

2 mars 1939. Le maréchal Pétain est nommé ambassadeur à Burgos. Il a été nommé à ce poste pour normaliser et améliorer les relations entre la France et l’Espagne franquiste.

3 mars 1939. Première réunion de la commission permanente des Cortes en exil, à Paris.

5 mars 1939. Aux Cortes, Julián Besteiro, membre du conseil de défense de Madrid, déclare la mise en congé du gouvernement républicain de Negrín. Le colonel Casado met en place un Conseil national de défense pour négocier la fin des hostilités avec Franco.

12 mars 1939. Casado tente de négocier avec Franco la vie sauve aux soldats de l’armée républicaine, mais Franco refuse catégoriquement toute condition.

17 mars 1939. Le ministre de l’Intérieur français Albert Sarrault demande aux différents préfets des départements du Sud-Ouest d’organiser le plan d’évacuation vers l’Espagne des enfants orphelins et des femmes.

19 mars 1939. Sarrault renchérit par une circulaire de recommandations afin d’augmenter le nombre de ces retours.

23 mars 1939. L’ambassadeur de France à Madrid, le maréchal Pétain, remet ses lettres de créances à Franco.

27 mars 1939. Franco adhère au pacte anti-Komintern mais proclame sa stricte neutralité dès le début du conflit mondial.

27 au 31 mars 1939. La ville d’Alicante est le théâtre de journées de panique et d’horreur. Une foule compacte de civils républicains est massée au port avec l’espoir d’y trouver un navire pour embarquer vers la France. Des militants de première importance et des responsables syndicaux, politiques et du gouvernement républicain, sont mêlés à la population. Des militants armés s’emparent des avions encore disponibles et font évacuer responsables politiques et députés.

La foule attend la flotte républicaine mais celle-ci est déjà partie depuis le 7 mars, avec peu de civils à bord. Quatre navires, venus de France, sont repartis, eux aussi trop tôt, avec à leur bord peu de réfugiés. Le Stanbrook est le dernier navire à quitter Alicante, avec près de 5 000 républicains à son bord.

Le 30 mars, le député socialiste Pascual Tomás part dans un avion de ligne français. Il promet d’intercéder auprès des autorités françaises pour accélérer la venue de l’aviation et de navires français. Il rencontre effectivement Pierre Cot (ancien ministre de l’Air) à Toulouse, et des pilotes s’offrent pour effectuer les transports nécessaires, mais il semblerait que le gouvernement français refusa alors d’effectuer ces transferts.

À l’entrée des troupes franquistes dans la ville d’Alicante se produit une série de suicides. Le 1er avril 1939, les milliers de réfugiés restant encore dans le port doivent se rendre et sont considérés comme prisonniers.

28 mars 1939. La 1re armée nationaliste pénètre dans Madrid à midi.

31 mars 1939. Juan Negrín, chef du gouvernement, crée le Servicio de emigración de refugiados españoles (SERE) pour aider les réfugiés à émigrer en Amérique latine et pour trouver les moyens de survie pour le plus grand nombre.

1er avril 1939. Déclaration officielle des nationalistes : « Parte oficial de guerra del cuartel general del generalísimo, correspondiente al día de hoy, primero de abril de 1939, tercer año triunfal. En el día de hoy, cautivo y desarmado el ejercito rojo, han alcanzado les tropas nacionales sus ultimos objetivos militares. ¡ La guerra ha terminado ! Burgos, primero de abril de 1939, año de la victoria. El generalísimo Franco. »

« Déclaration du Journal officiel de guerre du quartier général du généralissime correspondant à ce jour, 1er avril, troisième année triomphale. Ce jour, l’armée des rouges est captive et désarmée et les troupes nationales ont atteint leurs derniers objectifs militaires. La guerre est terminée ! Burgos, 1er avril, année de la victoire. Le généralissime Franco. »

19 mai 1939. Le comité de non-intervention tient sa trentième et dernière séance après la fin du conflit. Prenant acte de son inutilité, il procédera alors à sa propre dissolution.

Mai-juin 1939. 79 compagnies militaires enrôlent chacune 250 volontaires espagnols pour travailler notamment au renforcement de la ligne Maginot.

8 juillet 1939. Arrestation, à son poste du Conseil national de défense de Madrid, du socialiste Julián Besteiro Fernández.

26 au 31 juillet 1939. À Paris, les Cortes en exil reconnaissent la JARE (Junta de Auxilio a los Republicanos Españoles), organisme créé par Indalecio Prieto depuis le Mexique pour venir en aide aux réfugiés espagnols en France.

19 août 1939. Un accord d’échange commercial est conclu entre l’Allemagne et l’Union soviétique.

22 août 1939. Chamberlain envoie à Hitler un ultime message pour éviter la guerre. En rappelant les engagements de son pays à l’égard de la Pologne, le Premier ministre britannique demande l’instauration d’une trêve afin de régler les conflits par la négociation. Le même jour, Hitler fixe le début des opérations militaires contre la Pologne au 26 du même mois.

23 août 1939. Pacte Molotov-Ribbentrop. L’URSS signe, avec l’Allemagne nazie, un pacte de non-agression pour dix ans. Un protocole secret détermine les zones d’influence soviétique et allemande en Europe   de l’Est, et notamment le partage de la Pologne.

En France, le Comité permanent de la Défense nationale est réuni : l’armée se tient prête à intervenir en cas d’agression contre la Pologne, avec des réserves en ce qui concerne l’aviation.

26 août 1939. Daladier interdit la presse communiste.

1er septembre 1939. L’Allemagne envahit la Pologne.

3 septembre 1939. La France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à l’Allemagne.

4 septembre 1939. Franco déclare sa neutralité dans le conflit mondial.

18 novembre 1939. Un décret accentue encore la répression contre l’étranger en France, car il prévoit : « Les individus dangereux pour la défense nationale ou pour la sécurité publique peuvent, sur décision du préfet, être éloignés par l’autorité militaire des lieux où ils résident et, en cas de nécessité, être astreints à résider dans un centre désigné par décision du ministre de la Défense nationale et de la Guerre et du ministre de l’Intérieur ».

1er décembre 1939. Le préfet des Hautes-Pyrénées écrit, dans son rapport au ministre de l’Intérieur que, dans son département, plus aucun réfugié espagnol n’est à la charge de l’État. Il signale aussi des retours « volontaires » en Espagne.

Décembre 1939. Premières déportations de Juifs polonais dans les camps de concentration nazis, en Pologne.

14 décembre 1939 : Les conditions d’applications du décret du 18 novembre, fixées aux préfets par Albert Sarrault (ministre de l’intérieur

CHEMINS DE L’EXIL / CAMINOS DEL EXILIO

L’association 24 août 1944
vous informe de l’exposition à GijON
CHEMINS de L’EXIL
Colonies pour enfants basques et catalans
La retirada et les camps en France l’oeuvre humanitaire et photographique de Philippe Gaussot

D’une part, la série de photos de Philippe Gaussot (1937-1940) représente l’accueil d’enfants basques et catalans envoyés en France pour échapper aux horreurs de la guerre. Loin du bruit des armes, ils peuvent à nouveau sourire sur les bancs de l’école ou dans les tâches et les jeux collectifs.

De l’autre, la série La Retirada y los campos(1939) montre les chemins de l’exil des antifascistes espagnols. Nous suivons leur difficile exode, pas à pas, en plein mois de février, pour atteindre un hypothétique refuge en France. L’accueil sera très décevant : des camps de concentration sur les plages glacées du Roussillon, entourés de barbelés, gardés par des soldats armés et des gendarmes.

Ces clichés constituent un témoignage exceptionnel. Elles ont la qualité des photos des meilleurs photographes de l’époque et transmettent au public non seulement le désordre de l’exode ou l’anxiété et l’angoisse de ces gens, mais aussi leur fierté, leur dignité et, surtout, leur combativité…

Aujourd’hui, ces exilés rentrent chez eux, honorés dans les villes et villages qui les gardent en mémoire comme un exemple de changement possible de société et de dignité.

L’exposition de photos sera prochainement à :
Gijón (Asturies) : du 16 novembre 2022 au 08 janvier 2023

Un catalogue de l’exposition, en français et en castillan est disponible auprès de notre association

EXPOSICIÓN DE FOTOGRAFÍAS INÉDITAS:
« CAMINOS DEL EXILIO » – Colonias infantiles y campamentos de la Retirada: la obra humanitaria y fotográfica de Philippe Gaussot »

La exposición « Chemins d’exil – Colonies d’enfants et camps de la Retirada: l’oeuvre humanitaire et photographique de Philippe Gaussot » presenta fotografías inéditas descubiertas por su hijo, Jean-Philippe Gaussot, en una maleta tras la muerte de su padre. A través de Felip Solé, director y productor, se nos confiaron los negativos.

Por un lado, la serie de fotos de Philippe Gaussot (1937-1940) representa la acogida de niños vascos y catalanes enviados a Francia para escapar de los horrores de la guerra. Lejos del ruido de las armas, pueden volver a sonreír en los bancos de la escuela o en las tareas y juegos colectivos.

Por otro lado, la serie La Retirada y los campos (1939) muestra los caminos del exilio de los antifascistas españoles. Seguimos su difícil éxodo, paso a paso, en pleno febrero, para llegar a un hipotético refugio en Francia. El recibimiento será muy decepcionante: campos de concentración en las playas heladas del Rosellón, rodeados de alambre de espino, vigilados por soldados y gendarmes armados.

Estas fotos son un testimonio excepcional. Tienen la calidad de los mejores fotógrafos de la época y transmiten al público no sólo el desorden del éxodo o la ansiedad y la angustia de estas personas, sino también su orgullo, su dignidad y, sobre todo, su espíritu de lucha…

Hoy, estos exiliados vuelven a casa, honrados en las ciudades y pueblos que los recuerdan como ejemplo de un posible cambio de sociedad y de dignidad.

La exposición fotográfica estará pronto en :
Gijón (Asturias): del 16 de noviembre de 2022 al 8 de enero de 2023
CMI PUMARÍN GIJÓN SUR
C/Ramón Areces,7
Lunes a sábado, de 8.00 a 21.15 h //Domingos, de 8.00 a 14.45 h
T: 0034 985 181 640 cmigijonsur@gijon.es

El catálogo de la exposición, en español y francés, está disponible en nuestra asociación

Exilés, résistants de la retirada à aujourd’hui ; inauguration à Liège

Vendredi 4 mars a eu lieu l’inauguration de la grande exposition : Exilés ; résistants de la retirada à aujourd’hui.

Quelques liens de médias quint marqué l’événement :
Radio
48FM : le 8/03 – émission Studiobus
https://fb.watch/bEtJepxs40/ (4’37)
https://www.facebook.com/territoires.memoire/videos/486458896461944 )

Après une semaine de montage et d’ajustement, les deux expositions s’offraient généreusement au public ce vendredi. Elles ont un certain cachet dans ce lieu magique et lumineux qu’est La Cité Miroir [1].Tout d’abord, nous voulons remercier, ici, toute l’équipe (Julie, Philippe, Cédric et tous les techniciens … et bien sûr le conseil d’administration) pour nous avoir si chaleureusement accueillis et si efficacement aidés pour toute l’organisation et la mise en place de ce projet. Ce vendredi à 20h, tout était prêt, testé, et nous pouvions offrir au public ces photos de l’exil et celles du devenir des exilés à travers le fabuleux travail de Philippe Gaussot et de Pierre Gonnord, photographes talentueux qui sans jamais se rencontrer ont oeuvré pour la mémoire d’un peuple épris de liberté. Le monde se pressait pour admirer ce travail et suivre pas à pas, l’exode de ces gens et leur devenir. Ce fut un moment d’intense émotion et de fraternité partagée.

Mais que nous comptent ces photos :

CHEMINS DE L’EXIL Les photos de Philippe Gaussot.

L’avènement de la République (1931) et la révolution libertaire (1936) qui l’accompagne conduit la réaction espagnole (militaires, grands propriétaires terriens, haute bourgeoisie et clergé) à organiser un coup d’État en vue d’éliminer physiquement, par une terreur systématique, les tenants de la République et de la révolution sociale.
Aussi en janvier 1939, quand la Catalogne est menacée à son tour, les réfugiés des autres régions installés à Barcelone ainsi que les Catalans les plus exposés aux représailles prennent le chemin de l’exil, le chemin de la France, terre « d’accueil ».

Philippe Gaussot, l’humanitaire, dirait-on aujourd’hui, s’est engagé au Comité National Catholique pour secourir d’abord les enfants menacés par la guerre puis les réfugiés dans leur totalité. Il fréquente aussi les socialistes. Il est avec les enfants basques en 1937 pour les aider. Il est en Février 1939 dans les Pyrénées et tout de suite après dans les camps.
Les photos de Philippe Gaussot nous donnent à voir en même temps qu’une grande proximité avec les réfugiés, l’impréparation des autorités françaises et la dureté de la promiscuité de cette foule sans abri, sans sanitaire sans rien que les couvertures qu’ils ont apportées.
Mais nous pouvons aussi apprécier la dignité de ces réfugiés qui avancent la tête haute, et leur complicité avec le photographe…

LE SANG N’EST PAS EAU Les photos de Pierre Gonnord

L’Espagne restera sous la terreur franquiste pendant 36 ans avec l’assentiment de la communauté internationale. Le peuple espagnol endurera la dictature 36 ans. Pour les réfugiés, ce sera 36 années d’Exil. Les jeunes qui passèrent la frontière à 20 ans ne purent la franchirent dans l’autre sens qu’à l’approche de leurs 60 ans. Mais ce fut un peuple, toutes générations confondues qui passa cette frontière. Beaucoup d’entre eux s’engagèrent dans la résistance en France, dans les Forces Françaises Libres poursuivant le combat antifasciste commencé pour eux le 19 juillet 1936. Après 1945, les personnes les plus âgées moururent sans revoir leur pays ni leurs familles. Ceux qui avaient 20 ans fondèrent des familles mais aussi reconstituèrent leurs organisations pour poursuivre le combat et la solidarité avec leurs camarades d’Espagne, « de l’intérieur » disaient-ils. De la multitude photographiée par Philippe Gaussot, Pierre Gonnord s’intéresse à chacun et chacune qui était encore en vie en 2019 donnant une chair consistante à l’anonymat de la foule. Il interroge aussi leurs enfants, aujourd’hui déjà bien âgés, qui charrient et transmettent l’histoire de leurs parents et de la génération qui les a accompagnés, tel un halo qui éclaire leur propre chemin.

Les portraits de Pierre Gonnord veillent avec affection sur ces exilés qui tentent d’échapper aux griffes du franquisme et reconstruire leur vie sur une autre terre. Chacun des regards qui courent autour du grand bassin semble leur dire : « Vous avez réussi. Vous n’avez pas été vaincus, l’histoire vous honore et rappelle votre engagement ! »

Cette exposition dure jusqu’au 22 mai 2022 et nous organisons deux séries d’animation autour de ces photos. Vous y êtes les bienvenus. (voir programme)

 

 

Notes
[1] ancienne piscine art-déco, transformée en lieu d’exposition et de résistance antifasciste

Documents joints

EXILÉS, des résistants de la Retirada à aujourd’hui

Mars 2022 nous invite au voyage chez nos amis liégeois.

Deux expositions complémentaires s’y installent pendant trois mois.

EXILÉS, des résistants de la Retirada à aujourd’hui

Chemins de l’exil. Philippe Gaussot.
L’exode de 500.000 Espagnols passant les Pyrénées en Février 1939, plus connu aujourd’hui sous le nom de « retirada », a été très documenté principalement par des photographes tels que Robert Capa ou Agusti Centelles ainsi que par de nombreux autres restés anonymes.
Le témoignage photographique de Philippe Gaussot, resté inédit jusqu’en 2019, porte un regard non seulement sur ce passage de la frontière mais aussi sur les conditions dramatiques de « l’accueil », quelque peu effacé, à même le sable des plages du Roussillon. Enfin ses pas, d’humanitaire, dirait-on aujourd’hui, l’ont mené à recueillir les regards et les visages des enfants basques et catalans accueillis, en l’occurrence par l’action du Comité National Catholique.

La sangre no es agua. Le sang n’est pas de l’eau. Pierre Gonnord.
Le reportage photographique de Pierre Gonnord a été effectué en 2019. Pierre Gonnord s’est intéressé à ce qu’étaient devenus ces défenseurs de la Liberté, pour celles et ceux encore en vie mais aussi à leurs enfants.
Comment chez ces exilés, l’histoire familiale a charrié leur mémoire mêlée à la grande Histoire, qu’ont-ils fait de leurs expériences et quelle a été leur transmission ? Pierre Gonnord apporte une réponse.

Parce qu’il existe cette unité de temps, mais pas seulement, l’association 24 Aout 1944, une des porteuses de la mémoire des Républicains espagnols a voulu rassembler ces deux expositions. Celle de Philippe Gaussot nous ramène plus de 80 ans en arrière, celle de Pierre Gonnord nous laisse les traces, aujourd’hui, des derniers survivants et de celles et ceux qui ne sont plus.

Les territoires de la mémoire (asbl) de Liège,
l’association 24 août 1944 de Paris,
le Ministerio de la Presidencia,
Relaciones con las Cortes y Memoria Democrática espagnol, le Collectif Krasnyi
et MNEMA asbl
ont le plaisir de vous inviter au vernissage de l’exposition :

 

EXILÉS, résistants de la Retirada à aujourd’hui (1936-2022)
Le vendredi 4 mars 2022 à 20h
À La Cité Miroir,
Place Xavier Neujean 22 – 4000 Liège Belgique

INSCRIPTION INDISPENSABLE avant le mardi 1er mars 2022
24aout1944@gmail.com ou au 0033 6 51 72 86 18 ou 0033 6 23 53 21 56
RESERVATION@CITEMIROIR.BE OU PAR TÉLÉPHONE AU 0032 4 230 70 50

Cette exposition sera sur place du 5 mars au 21 mai, avec plusieurs propositions d’animation (expositions, projections, débats, visites accompagnées…) consultez le programme sur : EXILES.TERRITOIRES-MEMOIRE.BE
– Une histoire encore si peu connue en Belgique et qui, pourtant, est très proche de nous.
– Ces expositions amènent le spectateur à réfléchir sur les exils aujourd’hui.
– Visite animée sur la guerre d’Espagne adaptée à chaque public à partir de 15 ans à la demande

POUR ALLER PLUS LOIN
– Rencontre – animation avec l’association « 24 août 1944 » possible, sur réservation, aux dates suivantes, heures à déterminer:
– 31 mars, 01 avril, 02 avril 2022
– 20, 21, 22, 23 avril 2022

– Des activités seront organisées autour de ces deux expositions.
Pour en savoir plus, prenez-contact avec le service projets des Territoires de la Mémoire: projets@territoires-memoire.be – 032 4 232 70 02.

RÉSERVATIONS :
reservation@citemiroir.be
032 4 230 70 50

DU 5 MARS AU 22 MAI


Lun. – ven. 9h à 18h I sam. – dim. 10h à 18h


GRATUIT (Hors guidance)


À partir de 15 ans

Marzo de 2022 nos invita a viajar con nuestros amigos de Lieja
Dos exposiciones complementarias se presentan durante tres meses.

EXILIADOS, resistentes desde la Retirada hasta hoy

Caminos del exilio. Philippe Gaussot
El éxodo de 500.000 españoles que cruzan los Pirineos en febrero de 1939, más conocida hoy con el nombre de « Retirada », ha sido documentado principalmente por fotógrafos como Robert Capa o Agustín Centelles, así como por tantos otros que permanecieron anónimos.
El testimonio fotográfico de Philippe Gaussot, que permanece inédito hasta 2019, muestra, no solamente el paso de la frontera sino también las condiciones dramáticas del «recibimiento », un poco olvidadas, en la arena de las playas del Rosellón. Sus pasos de humanitario, como se diría hoy, lo han llevado a retratar las miradas y los rostros de los niños vascos y catalanes acogidos, gracias a la acción del Comité Nacional Católico.

La sangre no es agua. Le sang n’est pas de l’eau. Pierre Gonnord.
El reportaje fotográfico de Pierre Gonnord ha sido realizado en 2019. Pierre Gonnord se ha interesado por lo que les había ocurrido a los defensores de la Libertad, a los y a las que aún estaban vivos, pero también a sus hijos.
Entre estos exiliados, ¿cómo ha mantenido la historia familiar su memoria, mezclada a la gran Historia? ¿Qué han hecho de sus experiencias? y ¿cuál ha sido su transmisión? Pierre Gonnord nos da una respuesta.

Porque existe esta unidad de tiempo, pero no únicamente, la Asociación 24 Août 1944, una de las que conservan la memoria de los Republicanos españoles, ha querido reunir estas dos exposiciones. La de Philippe Gaussot nos hace regresar más de 80 años hacia atrás, y la de Pierre Gonnord nos deja hoy las huellas de los últimos supervivientes, y de aquellos y de aquellas que ya no están.

Les Territoires de la Mémoire (asbl) de Liège,
La Association 24 août 1944 de Paris,
el Ministerio de la Presidencia,
Relaciones con las Cortes y Memoria Democrática espagnol,
El Colectivo Krasnyi y MNEMA (asbl)

Tienen el placer de invitarlo a la inauguración de la exposición:

EXILIADOS, resistentes desde la Retirada hasta hoy (1936-2022)

El viernes 4 de marzo de 2022 a las 8 de la tarde
En La Cité Miroir
Place Xavier Neujean 22- 4000 Lieja, Bélgica

INSCRIPCIÓN INDISPENSABLE antes del martes 1 de marzo de 2022
24aout1944@gmail.com o a los teléfonos: 0033 6 51 72 86 18/ 0033 6 23 53 21 56
RESERVATION@CITEMIROIR.BE o al teléfono: 0032 4 230 70 50

La exposición tendrá lugar del 5 de marzo hasta el 21 de mayo, con varias propuestas (exposiciones, proyecciones, debates, visitas guiadas….)
Consulten el programa en : EXILES.TERRITOIRES-MEMOIRE.BE

– Una historia todavía poco conocida en Bélgica y que sin embargo es muy cercana a nosotros.
– Estas exposiciones hacen reflexionar al público sobre los exilios actuales.
– Visita guiada sobre la Guerra de España adaptada a cada público a partir de 15 años a la carta.

PARA IR MÁS LEJOS

– Encuentros y animaciones posibles con la Asociación 24 août 1944, bajo reserva, en las siguientes fechas, horas a determinar:
– 31 de marzo, 01 de abril, 02 de abril de 2022
– 20, 21, 22 y 23 de abril de 2022
– Se organizarán actividades acerca de las exposiciones
– Para informarse, pónganse en contacto con el servicio de proyectos de Territoires de la Mémoire: projets@territoires-memoire.be – 032 4 232 70 02

RESERVAS:
reservation@citemiroir.be
032 4 230 70 50

DEL 5 DE MARZO AL 22 DE MAYO


Lunes a viernes : de 9h a 18h
Sábado y domingo : de 10h a 18h


GRATUITO (excepto visitas guiadas)


A partir de 15 años

Documents joints

Les lycéens de Lens et Casas Viejas à Paris

Bonjour à tous,
Il y a quelques mois, je partageais, avec vous et avec fierté, le travail de mes élèves sur la Retirada et la vie dans les camps, avec un focus sur Josep Bartoli.
Ils avaient fini la séquence en imaginant un cahier écrit par le dessinateur sur le camp d’Argelès.
Cette semaine (du 8 au13 novembre 2021), continuant sur ma lancée, nous avons accueilli un groupe d’élèves espagnols du lycée de Casas Viejas et nous avons pu rencontrer et admirer à Paris, l’oeuvre de Juan Chica-Ventura sur la Nueve à Paris.
Je le remercie vivement et je partage avec vous ces moments qui me font aimer mon métier.
Isa Francisco

« De la frontière au camp d’Argelès » Le succès à Argelès

Foule et succès ce vendredi 21 février au Mémorial du camp d’Argelès. Le public est venu nombreux pour accueillir cette exposition de photos inédites.

Ces 24 clichés sont essentiellement axés sur l’exil et l’occupation des tristes camps sur la plage que furent Argelès, Saint Cyprien et bien d’autres.

L’humanité se retrouve dans ces photos, avec émotion et force. Tous les sentiments humains de fraternité transpirent comme des déclics, au-delà de ces images.

24 photos pour décliner ce fut la retirada, elles font partie d’une collection plus importante, qui nous fait parcourir les chemins escarpés des Pyrénées ou entrer dans une classe d’élèves studieux et appliqués .

L’intervention de l’ami Helios fut très remarquée! (voir document)

Expo: De la frontière au camp d’Argelès; Un itinéraire humanitaire
Du 18 février au 16 mai. Mémorial du camp d’Argelès.

Hommage à la mémoire de tous les Espagnols morts pour la Liberté !

L’UTOPIE EN EXIL 1939-2019 Hommage à la mémoire de tous les Espagnols morts pour la Liberté !

Les 9 et 10 février 2019, l’association 24 août 1944, avec le soutien de la Mairie de Paris, des associations MHRE 89 et AFMD75 a ouvert son programme des 80 ans de l’exil politique espagnol par cet hommage.

Tout a commencé au matin du samedi 9, par un rassemblement à la porte du cimetière du Père Lachaise, rue des Rondeaux, et un cortège qui n’en finissait pas jusqu’au monument de la Federación Española de Deportados e Internados Políticos, FEDIP (érigé en mai 1969). Il y avait plus de 200 personnes pour non seulement honorer mais rappeler ce que fut le combat et l’idéal de liberté défendu par ces hommes et ces femmes, au mieux contraints à l’exil au pire décimés par une mort violente. Ils furent les premiers à se soulever, seuls dans la tourmente, contre le fascisme montant. Ils luttèrent presque à main nues contre une armée bien équipée et soutenue par les puissances totalitaires européennes. Malgré cela, les défenseurs de la république espagnole n’ont pas reculé et l’écho de leurs convictions, leur acharnement à défendre la liberté résonne encore aujourd’hui comme un chant d’espoir et de résistance. La preuve en est le grand succès de notre manifestation. Dès 10h 30, une foule impressionnante s’amassait à la porte du cimetière. Pour la première fois, le gouvernement espagnol était représenté par une délégation composée de :

    • Cristina Latorre Sancho. Sous-Secrétaire du Ministère de la Justice et Présidente de la Commission interministérielle pour la Commémoration du 80e anniversaire de l’exil républicain espagnol.
    • Fernando Martínez López. Directeur général pour la Mémoire historique au Ministère de la justice et Vice-président de la Commission interministérielle pour la Commémoration du 80e anniversaire de l’exil républicain espagnol.
    • Luis Fernando Rodríguez Guerrero. Département de la Communication au Ministère de la Justice.

Anne Hidalgo, maire de Paris, Catherine Vieu-Charier, élue chargée de la mémoire combattante à la ville de Paris les guidaient au travers de l’histoire populaire du lieu, blottie le long des allées, jusqu’au monument de la FEDIP. Après avoir entendu le chant A las barricadas, qui illustre le combat du peuple espagnol contre un coup d’état militaire, Frédérique Calandra, maire du 20e arrondissement a ouvert la cérémonie souhaitant la bienvenue à tout le monde sur son territoire, et rappelant les idéaux et le parcours des Espagnols, leur volonté d’instaurer un monde meilleur, mais aussi la présence depuis des décennies de la CNT au 33 rue des Vignoles dans le 20e et sa volonté de garder toujours cet aiguillon dans son arrondissement. Puis l’association 24 août 1944 a expliqué ce qu’elle concevait comme travail de mémoire, et l’importance de comprendre ce passé qui parle d’avenirClaude García, fils d’Antonio García Alonso, N° 4665, premier espagnol affecté au service anthropométrique du camp de Mauthausen, a pris la parole pour expliquer qui était son père, un antifasciste parmi les autres. Mais pour la première fois depuis 80 ans, le public et les élus ont entendu parler de l’existence de ce photographe, qui a accompli des actes de résistance dans le camp tout naturellement comme beaucoup de ses compagnons et dont le nom jusqu’ici était aux oubliettes de l’histoire pour ne pas nuire à la « fabrique de héros ». Ivan Larroy, secrétaire de l’association Mémoire, Histoire des Républicains Espagnols de l’Yonne (MHRE89) nous a expliqué que la ville Auxerre a été libérée le même jour que la Nueve est entrée dans Paris, le 24 août 1944. Et que parmi les résistants les plus combattifs des maquis de l’Yonne figuraient de nombreux Espagnols de l’exil. Ils avaient beaucoup sacrifié pour le combat pour la Liberté et leurs années de jeunesse s’étaient écoulées les armes à la main ou dans des camps… Cette intervention illustra magistralement le thème de la journée : Hommage à TOUS les Espagnols morts pour la liberté. Tout à coup s’éleva dans le silence la chanson de Mauthausen créée en 1965 pour le XXème anniversaire de la libération du camp. Elle est tirée d’un 45T édité par la FEDIP pour ce XXe anniversaire en mai 1965. Ce 45T comprend 4 chansons, dédiées à toutes les victimes de la déportation. Elles évoquent la tragédie des déportés espagnols, leur résistance dans le camp et leur espoir de retrouver leur pays bien-aimé dans cette liberté à laquelle ils ont tout sacrifié. Ces 4 chansons ont été écrites et composées par Ricardo Garriga (n° 5972), et chantées par Juan Vilato (n° 3829) : Canción del prisionero, composée et chantée à Mauthausen le 19 juillet 1943. Juan sin tierra, composée et chantée au camp et dédiée par la suite au peuple espagnol Retornarem, créée à Mauthausen le 5 mai 1945, jour de la libération du camp par les troupes alliées. Chantée en français et en catalan. Elle dit l’espérance du retour. Puis ce fut le discours de Fernando Martinez, au titre du gouvernement espagnol qui a affirmé sa volonté d’exhumer la mémoire des victimes du franquisme et notamment pour les fosses communes, la révision des procès franquistes et d’aider tant que faire se peut les initiatives de par le monde qui permettront de mettre cette mémoire en lumière, d’apprendre aux jeunes élèves ce que fut la véritable histoire de l’Espagne et ce conflit déchirant pour défendre la Liberté et la démocratie. Enfin, Anne Hidalgo, maire de Paris a pris la parole pour rappeler ce que fut l’exil de sa famille à l’intérieur de l’Espagne, exil qui conte l’histoire de beaucoup d’autres familles. ; son attachement à ses origines et surtout aux idées défendues par les républicains espagnols. En remerciant les représentants espagnols elle a affirmé sa volonté de continuer en ce sens déjà par la création au 33 rue des Vignoles du centre mémoriel du mouvement libertaire français et espagnol en exil. Chaque prise de parole a été écoutée dans un silence rempli d’attention. beaucoup d’émotion et d’interventions très fortes et toutes tournée vers l’avenir, en mémoire du combat de ces Espagnols antifascistes. Cette cérémonie s’est terminée sur Le Cant dels ocells, devenu symbole de paix et de liberté, une protestation contre la dictature en Espagne. Orchestré et joué par Pau Casals qui a dit : « Quand j’étais en exil, après la guerre civile, j’ai souvent fini mes concerts et festivals avec une vieille chanson populaire catalane qui est réellement une chanson de Noël. Elle s’appelle El Cant dels ocells, «Le Chant des Oiseaux ». Depuis lors, la mélodie est devenue la chanson des réfugiés espagnols, pleins de nostalgie » — Pau Casal. Il n’a jamais joué dans un pays en guerre.

 

Puis nous avons investi le 33 rue des Vignoles, accueillis par l’association Les Pas Sages. Les lieux ont grouillé de monde durant 2 jours, non seulement dans la salle de conférence /projection/spectacle où il fallait jouer des coudes pour entrer mais aussi dans la salle de Flamenco en France où trônait une exposition extraordinaire de photos inédites de la Retirada, que chacun venait admirer au bas mot 4 à 5 fois……… Les représentants du gouvernement espagnol sont venus au 33 rue des Vignoles dans le 20e arrondissement, curieux de voir ce lieu de l’exil libertaire espagnol. Intéressés par notre programme et nos projets, ils sont restés avec nous jusqu’à la fin du programme ce samedi 9 février. Un vrai festival de livres, de photos, de théâtre, de projection, de guitare et d’émotion. Voici le programme auquel vous avez assisté ou que vous allez regretter d’avoir manqué : L’exposition de photos inédites de Philippe Gaussot sur la Retirada et les camps français : PHILIPPE GAUSSOT (1911-1977): Né en 1911 à Belfort. Curieux de nature et aimant se mettre bénévolement au service des autres, il tient un rôle important à la Jeunesse Étudiante Chrétienne (JEC) et fréquente beaucoup d’autres mouvements de jeunesse (socialistes, scouts, auberges de jeunesse). Il « vit intensément » l’avènement du Front Populaire. Au Comité National Catholique d’accueil aux Basques (créé à Bordeaux en 1937, sous le patronage de l’évêque de Dax et des archevêques de Bordeaux et de Paris), Philippe s’occupe d’abord des enfants basques, puis catalans, et enfin de tous les réfugiés. Le comité est renommé par la suite Comité national catholique d’accueil aux réfugiés d’Espagne ou Centre National Catholique de Secours à l’Espagne (établi à Perpignan). Délégué de ce centre, Philippe Gaussot est aidé par une douzaine de Catalans et de Basques. Il passe souvent la frontière pour ravitailler les réfugiés républicains en lait, riz, couvertures et autres, jusqu’à l’arrivée des troupes franquistes à la frontière, en février 1939. Il rentre alors en France. « Notre dernier voyage s’est fait à Puigcerda, où j’ai conduit le camion de sept tonnes sous la surveillance de deux miliciens à travers les rues minées. » Par la suite, Philippe et le comité ravitaillent différents camps de réfugiés en France : Argelès, Le Barcarès, Saint-Cyprien, le Vernet-d’Ariège et Gurs. Il s’occupe aussi de centres de regroupement familial près de Bordeaux et de Dax. Il n’aura de cesse de prendre des photos. Les négatifs de ces clichés ont été retrouvés à son décès par son fils Jean-Philippe Gaussot. Celui-ci s’est mis en relation avec Felip Solé, et, comme nous sommes très liés à Felip, voilà comment une partie de ces photos inédites, et jamais imprimées sur papier, sont aujourd’hui sous nos regards stupéfaits. Merci Jean-Philippe ; merci Felip ; et merci aussi à Stéphane, de la CNT RP, le magicien qui a su rendre une vie d’émotion à ces clichés. Théâtre de la Balancelle VOYAGE EN GUERRE D’ESPAGNE Mise en œuvre : Monique Surel-Tupin,assistée de Françoise Knobel. Avec : Laura Diez del Corral, Sergio Guedes, Stéphane Pioffet et Nicolas Sers. Voyage en Guerre d’Espagne ne tente pas de retracer l’histoire de cette guerre, mais met l’accent sur des moments choisis : la terreur franquiste, la résistance de Unamuno, la lutte de Durruti, les Brigades internationales, l’assassinat de Lorca. Des chansons accompagnent ces évocations pour tenter de recréer ces grands moments d’espoir et de combat. Le spectacle se termine sur une note optimiste avec l’entrée des républicains espagnols de la Nueve à Paris, au moment de la Libération.

Nous avons eu deux représentions : une, samedi 9 et une autre dimanche 10 février. Cette dernière a été filmée par nos soins et c’est aussi la dernière de cette pièce…

Projection : « LE CAMP D’ARGELES, LEVEZ LE POING CAMARADES », un documentaire fiction de Felip Solé: Février 1939, près de 500 000 réfugiés traversent la frontière ; c’est la Retirada. Destination : les camps sur la plage… Ce documentaire-fiction relate la vie quotidienne et tragique des réfugiés, jusqu’en septembre 1941, date de la fermeture du camp, après la grande grève des femmes d’Argelès. Leçon de courage et de solidarité. FELIP SOLÉ Né en 1948 à Lleida, en Catalogne espagnole, Felip Solé a réalisé plus de trois cents documentaires. Réfugié politique, il s’installe en France en 1974 et commence à travailler dans l’audiovisuel. À partir de 1978, il réalise plusieurs documentaires, écrit des articles dans la presse spécialisée et donne des cours de réalisation en France et en Espagne. En 1991, il est engagé par Televisió de Catalunya où il réalise plusieurs séries documentaires, notamment Le syndrome d’une guerre ou la lutte des maquisards à la frontière franco-espagnole, en trois chapitres ; Zone Rouge ou la guerre et la révolution espagnoles en Catalogne, Pays valencien et aux Îles Baléares, en onze chapitres. Avec Exils, il met en scène l’exil des Catalans à travers le monde jusqu’à nos jours, en une série de six heures. Le Trésor du septième camion raconte comment les trésors d’art espagnols et catalans, ainsi que l’or des républicains, ont été soustraits aux franquistes. Livre: FEMMES EN EXIL , Réfugiées espagnoles en France 1939/1942 de Maëlle Maugendre Rendre visibles les femmes espagnoles réfugiées en France de 1939 à 1942. Une narration au féminin de l’exode sur le sol français de ces femmes restées dans l’ombre de leurs compagnons. Prises en charge par l’administration française, elles sont tributaires d’images sociales stéréotypées qui les cantonnent à des pratiques de vie et des comportements de victimes. Au delà de ces stéréotypes, les femmes espagnoles réfugiées se positionnent en résistance, et expérimentent des registres d’actions variés qui leur permettent de prendre conscience de leur « puissance d’agir ». Ce faisant, elles façonnent, en situation d’exil, des identités individuelles et collectives originales et résolument politiques. MAËLLE MAUGENDRE : 2013. Doctorat d’histoire : Les réfugiées espagnoles en France (1939-1942) : des femmes entre assujettissements et résistances. Mention Très honorable avec félicitations du jury. Chargée de mission du Laboratoire itinérant de recherches sur les migrations et les luttes sociales. Réalisation d’une exposition sonore, Nous sommes tous des enfants de migrants, autour de l’enfance en migration en Ardèche, de 1936 à nos jours.

MUSIQUE ET EMOTION :

GUITARE avec Juan Francisco Ortiz : Ce programme musical, pensé pour les célébrations du 80e anniversaire de la Retirada, raconte le cheminement de son père et de ses compagnons, et rend hommage à des personnalités telles que Federico García Lorca, Miguel Hernández et Antonio Machado… JUAN FRANCISCO ORTIZ Fils de Francisco Ortiz Torres, déporté pendant quatre ans dans le camp de Mauthausen (matricule 4245), il a mis sa guitare au service de la mémoire historique. Dans ses concerts l’accompagne le drapeau républicain, fabriqué en 1942 dans le camp de Mauthausen, et signé de tous les compagnons du commando de libération du camp, témoins des souffrances endurées…

 

Projection du dimanche 10 février 2019

NO PASARAN, album souvenir (70 mn) d’Henri-François Imbert Enfant, le cinéaste avait trouvé chez ses grands-parents une série incomplète de cartes postales photographiées dans le village de sa famille, à la fin de la Guerre d’Espagne en 1939. Vingt ans plus tard, il part à la recherche des cartes manquantes… HENRI-FRANÇOIS IMBERT : Henri-François Imbert est né en 1967 à Narbonne. Il a commencé à faire des films super 8 à l’âge de 20 ans. Tout au long de ces deux jours, le 33 n’a pas désempli il y avait en permanence 100 à 150 personnes à tourner dans l’endroit ce qui nous permet d’estimer à plus de 500 personnes passées ce week-end parmi nous, pour apprendre en dehors des récits familiaux ce que fut cet exil et les traces indélébiles qu’il a creusé dans nos esprits et sur les chemins de l’espoir. Pour visionner toute la cérémonie: https://www.youtube.com/watch?v=K9mB45esjDU

Hommage au Père Lachaise le 9 février 2019
Hommage au Père Lachaise le 9 février 2019
Le Monument de la FEDIP paré
Le Monument de la FEDIP paré
Intervention association 24 août 1944 le 9 Fév 2019
Intervention association 24 août 1944 le 9 Fév 2019
Intervention de Claude Garcia
Intervention de Claude Garcia
Intervention de Fernando Martinez directeur de la mémoire du Gouv. espagnol
Intervention de Fernando Martinez directeur de la mémoire du Gouv. espagnol
Juan Chica Ventura au nom d'Elsa Osaba (Querella Argentina)
Juan Chica Ventura au nom d’Elsa Osaba (Querella Argentina)
AIntervention d'Anne Hidalgo, maire de Paris
AIntervention d’Anne Hidalgo, maire de Paris
Au 33, exposition des photos inédites de Philippe Gaussot
Au 33, exposition des photos inédites de Philippe Gaussot
Au 33, exposition des photos stylisées de Victor Simal
Au 33, exposition des photos stylisées de Victor Simal
Au 33, la table de livres et DVD
Au 33, la table de livres et DVD
Pour présenter l'ami Victor
Pour présenter l’ami Victor
Le Théâtre: Voyage en Guerre d'Espagne de Monique Surel
Le Théâtre: Voyage en Guerre d’Espagne de Monique Surel
La retirada vue par Victor Simal
La retirada vue par Victor Simal
Juan Francisco Ortiz et le drapeau de son père
Juan Francisco Ortiz et le drapeau de son père
Moment d'émotion concert de guitare de JF. Ortiz
Moment d’émotion concert de guitare de JF. Ortiz

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L’UTOPIE EN EXIL : 1939-2019, les 80 ans de l’exil espagnol

1939-2019, les 80 ans de l’exil espagnol

La guerre civile espagnole a laissé dans la mémoire collective et les mémoires individuelles des traces indélébiles. Traces d’espoir, traces de honte, traces de sang et traces d’émotion. Cette guerre civile, c’est une guerre révolutionnaire avant tout pour la liberté et la solidarité. C’est une guerre d’idéal pour lequel s’engagent des hommes et des femmes du monde entier.

L’année 2019 sera nécessairement l’année, de l’évocation de La Retirada, l’exode des 500 000 républicains espagnols qui, après 32 mois de combat, seuls contre les militaires factieux dirigés par Franco, aidés par les régimes fascistes européen, furent accueillis – trop souvent dans des conditions indignes – par la France frileuse de 1939. Ni victimes ni martyrs, ils étaient emplis d’espoir et de convictions, épris de liberté et de justice sociale. Ils menèrent leur combat pour leurs idées jusqu’au bout de leur existence, dans la Seconde Guerre mondiale mais aussi jusqu’à la disparition du dictateur espagnol, Franco. « Peut-être, après tout, n’avons-nous jamais appris à faire la guerre. De plus, nous étions à court d’armement. Mais il ne faut pas juger les Espagnols trop durement. C’est fini : un jour ou l’autre, Barcelone tombera. Pour les stratèges, pour les politiques, pour les historiens, tout est clair : nous avons perdu la guerre. Mais humainement, je n’en suis pas si sûr…Peut-être l’avons-nous gagnée . » Antonio Machado, janvier 1939. L’association 24 août 1944 et la mairie de Paris, vous invite tout au long de l’année 2019 à découvrir pourquoi et comment des Espagnols de toutes conditions, sont arrivés en exil il y a 80 ans. Pourquoi et comment ils ont pris part aux luttes contre le fascisme et pour la liberté là où ils se trouvaient. Pourquoi et comment ils ont continué, seuls, à lutter contre la dictature franquiste qui sévissait en Espagne. Notre premier événement: les 9 et 10 Février 2019 Nous voulons cette année expliquer pourquoi ces Espagnols étaient là et surtout ce que représentait leur combat politique pour l’avènement d’une société plus juste, plus solidaire. Les traces qu’ils ont laissées sont si profondes dans la pensée des peuples qu’aujourd’hui encore beaucoup se réclament de leur idéal. Le 9 Février : un Hommage aux républicains morts pour la liberté, le 9 février à partir de 11h00, devant le monument de la FEDIP dédié à ces Espagnols antifascistes au cimetière du Père Lachaise. Métro Gambetta Rendez-vous est donné à l’entrée du cimetière du Père Lachaise, rue des Rondeaux, (métro Gambetta) à 10h30. Pour ensuite aller en cortège vers le monument. La Mairie de Paris, Le gouvernement espagnol, Les amis de Fondation pour la Déportation (AFMD75) et l’association Mémoire Histoire des républicains espagnols (MHRE89 ) s’associent à cet hommage. Et l’association Les Pas-Sages du 33 rue des Vignoles organise avec toutes ses composantes, les 9 et 10 février, deux après-midi festifs avec exposition de photos de inédites sur la Retirada et les camps en France de Philippe Gaussot.http://www.gaussot.eu/textes/biographie_phg.html Et les photos artistiques de Victor Simal. théâtre, présentation d’ouvrage, projection et débat récital de guitare au 33 rue des Vignoles, 75020 Paris, siège historique de la CNT espagnole en exil et futur centre mémoriel du mouvement libertaire espagnol et français. (voir programme) Nous comptons sur votre présence. À très bientôt pour ces moments d’émotion et de mémoire.

Hommage aux Espagnols morts pour la Liberté
Hommage aux Espagnols morts pour la Liberté
Invitation à imprimer
Invitation à imprimer
Programme du 9 février au cimetière du Père Lachaise
Programme du 9 février au cimetière du Père Lachaise

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Odyssée pour la Liberté

odyssee1.jpg Marie-Claude Rafaneau-Boj : originaire du Sud-Ouest, titulaire d’un DEA en Histoire contemporaine, a baigné depuis son plus jeune âge dans la culture hispanique. Odyssée pour la Liberté est la première étude complète sur le drame des Républicains espagnols.

Du 17-18 juillet 1936 au 1er avril 1939, une guerre civile particulièrement violente ensanglante l’Espagne. Les militaires félons, puissamment aidés par Salazar mais surtout par Hitler et par Mussolini, triomphent. Après 36 mois d’une lutte acharnée mais inégale, la République est vaincue. Mais la guerre qui se termine, ne se limite pas à l’affrontement entre deux fractions idéologiquement antagonistes, elle a servi aussi les intérêts de l’Axe Rome-Berlin qui a utilisé l’Espagne comme terrain expérimental, une sorte de répétition générale, grandeur nature, avant le déclenchement du second conflit mondial !
Le 26 janvier 1939, la chute de Barcelone sonne le glas de la république espagnole. Le flot de réfugiés qui depuis des jours cherche refuge en France, s’amplifie soudain mais se heurte toujours à une frontière hermétiquement close. Face au drame qui se déroule au sud des Pyrénées, le gouvernement français reste impassible. Pourtant, trois jours plus tard, sous la pression de cette foule éreintée, famélique, désespérée, prête à tout pour se mettre à l’abri de la fureur vengeresse des troupes franquistes, des postes frontières sont enfin ouverts. Commence alors un autre drame. Pour l’heure, seuls les blessés, les femmes, les enfants et les vieillards sont acceptés. Les premiers pour être soignés, les autres pour être temporairement accueillis. Les ordres sont sans appel, Albert Sarraut, ministre de l’Intérieur, a donné le ton. Début février, tous les fronts de résistance sont tombés. Rien ne peut désormais retenir l’avance inexorable des nationalistes qui approchent de la frontière. C’est la débâcle. Le gouvernement français, contraint d’ouvrir plus largement la frontière, laisse pénétrer sur son territoire l’armée vaincue. Depuis le 27 janvier, quelques 500 000 personnes ont passé la frontière. C’est l’un des exils les plus importants des temps modernes. Malgré les déclarations officielles qui assurent que tout est prêt pour les recevoir, tout fait défaut. Seules efficiences, l’ordre et la sécurité pour lesquels rien n’a été négligé. L’accueil n’a rien de fraternel. Les réfugiés, véritables parias, sont traités en ennemis. Toute la zone frontalière, déclarée zone militaire est sous contrôle. Pour un certain nombre de réfugiés, la terre d’asile sera leur linceul. Pour les autres va commencer la vie concentrationnaire, celle des camps, de la haine et de la souffrance qui laissera à jamais des traces indélébiles. Des camps immondes, cerclés de barbelés et gardés par la troupe coloniale en arme, où dans l’indifférence quasi générale, vont croupir, en attendant que des mesures soient prises à leur encontre, ces premières victimes du fascisme, les vaincus de la guerre d’Espagne.
Lorsqu’une ré émigration s’avère impossible, la déception de cet « accueil » incite parfois au retour. C’est le cas pour près des trois-quarts d’entre eux. Ceux qui restent s’organisent et recréent leurs partis et leurs syndicats. Derrière leurs barbelés, ils regardent atterrés le fascisme monter en Europe et se doutent qu’ils ne sont pas à l’abri de ce qui se prépare. À l’approche de la guerre, le gouvernement français quant à lui modifie son comportement et s’intéresse de plus près à cette manne que représentent les réfugiés. Ceux toujours internés vont ainsi quitter les camps pour rejoindre les rangs de la légion ou ceux des compagnies de travailleurs étrangers (CTE) créées à leur intention.
Quelques mois plus tard, l’occupation de la France par leurs ennemis héréditaires et l’installation d’un gouvernement collaborationniste vont les maintenir au combat. Ils sont ainsi parmi les premiers à s’organiser pour poursuivre la lutte contre le fascisme. Ils participent ainsi, comme un fait normal, aux premiers mouvements. C’est dans cette résistance que vont avoir lieu les premiers vrais contacts avec les Français qui partagent les mêmes conditions de lutte. L’expérience de la guerre civile leur donne une certaine organisation, une endurance, une combativité, une expérience militaire qui forcent l’admiration des Français et c’est sur eux qu’ils vont compter pour les actions armées. Beaucoup vont avoir un rôle militaire important. Ils se préoccupent également d’organiser des maquis en Espagne y compris, dans le but de bloquer Franco, s’il lui venait des velléités d’aider les forces de l’Axe. Mais ils sont aussi livrés aux Allemands, requis pour le STO, déportés,… Triste privilège, ce sont les premiers déportés de France vers Mauthausen. Plus de 8 000, hommes et femmes, d’entre eux connaitront ainsi les camps de concentration nazis, nombreux n’en reviendront pas.
Après neuf années de lutte contre le fascisme et un lourd tribut payé pour libérer la France, ils vont de nouveau être trahis par leurs amis d’hier. Malgré les promesses, la guerre de libération s’arrête aux Pyrénées. Le dictateur Franco, épargné, maintiendra l’Espagne sous une chape de plomb et, après quelques 40 années d’une dictature sanglante, mourra dans son lit.
Odyssée pour la liberté nous relate cette épopée : les espoirs révolutionnaires déçus, l’internement dans les camps, la captivité, une autre guerre et l’ultime trahison des démocraties qui mettra un terme final à tout espoir de retour dans une Espagne libérée à son tour du joug fasciste
Tous ces épisodes encore trop méconnus sont développés par Marie-Claude Rafaneau-Boj dans son ouvrage qui est une réédition de celui paru aux éditions Denoël en 1993 [[Traduit et publié en Espagne sous le titre Los campos de concentración de los refugiados españoles en Francia, Ediciones Omega, Barcelona, 1995]] qui était alors une des premières lumières à éclairer l’histoire de ce peuple de l’exil au chant de Liberté.

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L’exode républicain espagnol de 1939 dans la presse française.

(photo de l’article : l’Illustration du 18 février 1939, photos de Jean Clair-Guyot)


Dès le début du conflit en juillet 1936, l’enjeu d’un affrontement politique de la presse

Le déclenchement de la guerre civile, consécutivement à l’échec du coup d’état dans une bonne moitié de l’Espagne, est sans doute l’événement qui dans la France d’avant guerre suscite les réactions les plus passionnées, qui atteignent vite la violence verbale, écrite et physique. Violence verbale de par les invectives, violence écrite de par certains articles publiés dans une presse xénophobe à l’encontre de la République espagnole ; violences physiques lorsque, à la sortie des meetings tenus en faveur de l’un ou l’autre camp, salle Bullier ou salle Wagram, s’affrontent les partisans des deux bords. La presse se fera le vecteur de ces polémiques enflammées, dont l’élément déclencheur fut la réunion à Paris, le 21 juillet 1936, d’un conseil des ministres restreint chargé de se prononcer sur la demande d’aide en matériel faite par le président du conseil espagnol José Giral auprès de Léon Blum. Chacun sait que dans un premier temps la réponse de Léon Blum fut favorable à cette demande et que des hommes comme Jean Zay, André Malraux luttèrent dans ce sens. À la suite d’indiscrétions, commises volontairement par l’ambassadeur d’Espagne Juan Francisco Cárdenas y Rodriguez de Rivas [[ambassadeur à Paris du 14 juin 1934 à juillet 1936]] et le chargé d’affaires militaires espagnol, le commandant Barroso, tous deux favorables aux Rebelles et présents lors de la réunion, le journal L’Écho de Paris, sous la plume d’Henri de Kérillis, divulgua cet accord et cria au scandale, en titrant, le 24 juillet, « Il faut empêcher le gouvernement de ravitailler les communistes espagnols » (voir Doc N°1 ). François Mauriac lui-même, qui pourtant deviendra à partir du 15 août [[prise de Badajoz par les Rebelles]] un opposant résolu au franquisme, participera à cette campagne de presse contre le gouvernement et publiera dans Le Figaro du 25 juillet un article, l’Internationale de la Haine, dans lequel il fustige « le partisan Blum » pour son attitude interventionniste. « S’il était prouvé que nos maîtres collaborent activement au massacre dans la Péninsule, alors nous saurions que la France est gouvernée non par des hommes d’État, mais par des chefs de bande soumis aux ordres de ce qu’il faut bien appeler : l’Internationale de la haine. » François Mauriac, extrait Le Figaro 25 juillet 1926.

C’est encore dans l’Écho de Paris que le 26 août, est publiée une diatribe contre les républicains, de la part du Général de Castelnau qui se termine par cette phrase: « Ce n’est plus le Frente popular qui gouverne, c’est le Frente crapular ». Les principales autres publications d’extrême droite –Candide, Je suis partout, Gringoire, le Matin, Le Jour-, auront le même contenu et utiliseront le même registre.
De leur côté, les organes de presse de la gauche française –Le Populaire, L’Humanité, Ce Soir, Regards, L’Oeuvre, Vendredi, Commune, Europe– défendront la cause républicaine, (voir document N°2), et en premier lieu ces toutes premières mesures interventionnistes, prises avant le revirement français de la Non intervention. Il n’est pas exagéré de dire que pendant le conflit espagnol s’installe en France un climat de guerre civile intellectuelle larvée, d’autant plus présent qu’au-delà de l’Espagne c’est l’avenir de l’Europe qui se jouait à Madrid, Barcelone ou Valence. Tel media français célébrait le courage des héros de l’Alcazar, tel autre vantait les mérites des combattants de la liberté, démunis et abandonnés par les puissances européennes. La désinformation et la propagande atteignirent leur paroxysme le 3 mai 1937 dans Le Figaro sous le titre : « Une enquête à Guernica des journalistes étrangers révèle que la ville n’a pas été bombardée…Les maisons avaient été arrosées d’essence et incendiées par les Gouvernementaux » (voir doc N°3).
Près de trois ans plus tard, lorsque l’armée républicaine, vaincue en Catalogne, se replie en terre française, c’est le même clivage que l’on retrouve dans les périodiques vis-à-vis des réfugiés espagnols. Avec une virulente réaction de rejet de la part des adversaires de ces réfugiés.

La presse et l’exode républicain.

Après la prise de Barcelone par les Rebelles, le 27 janvier 1939, commence la Retirada. L’arrivée massive sur le sol français des Républicains vaincus fait la une de la presse, et y restera pendant deux mois, jusqu’à ce que cette même presse braque le projecteur sur l’invasion de la Bohême et de la Moravie par les troupes allemandes. Le débat opposera ceux qui considèrent qu’il faut accueillir dignement les combattants de la liberté et de l’antifascisme, et qui dénoncent les conditions mêmes de l’accueil des réfugiés, et ceux qui s’opposent à cet afflux massif d’étrangers sur le sol français, et souhaitent les renvoyer dans l’Espagne franquiste parce qu’ils sont dangereux et qu’ils obèrent les finances de la France.

La presse favorable en campagne pour aider les exilés

Les organes de presse favorables aux réfugiés demandent dès fin janvier que tout soit fait par les autorités gouvernementales, départementales et communales, pour qu’ils soient accueillis dignement. Aux motivations strictement politiques et idéologiques, liées à la défense de la république et au combat antifasciste des républicains espagnols, s’ajoutent des arguments d’ordre éthique, moral, philosophique et humanitaire, en rapport avec la tradition de la France, terre d’asile. Le Populaire, organe du parti SFIO, consacre sa première une sur le sujet le 29 janvier : « La France, suprême espoir des femmes et enfants espagnols qui fuient la mitraille des Barbares », et accompagne ce titre d’une photo d’enfants apeurés sous les bombardements, en évoquant « les scènes déchirantes qui se déroulent à la frontière franco-espagnole » (voir Doc N°4). Le 30, le journal titre en gros caractères « Des dizaines de milliers de femmes, d’enfants se réfugient en France ». Les titres des jours suivants, illustrés par des scènes de désespoir de personnes obligées de quitter leur terre natale, sont tout aussi parlants : « Une vision dantesque : l’Espagne martyre sur le chemin de l’exil » (31 janvier), « La population martyre de la Catalogne » (1 février), « Le lamentable exode des Espagnols continue » (8 février). L’œuvre, quotidien de sensibilité socialiste, évoque pour sa part, dès le 28 janvier, le projet de mise en place, pour l’accueil des réfugiés de « camps d’hébergement ». L’œuvre est ainsi le seul organe de presse qui parle des camps avant le 30 janvier, date à laquelle est prise la décision de créer celui d’Argelès, et qui emploie le mot hébergement, qui deviendra la formulation officielle plus tard. Le 1 février le journal lance une souscription « Au secours des enfants espagnols ». L’Humanité pour sa part invite chaque jour la population des Pyrénées Orientales à créer des comités d’accueil et à aider ceux qu’elle nomme « les victimes du fascisme », qui doivent trouver en France soins et asile (voir Doc N°5). Enfin, Ce Soir, quotidien communiste qui comptait parmi ses collaborateurs nombre d’Intellectuels prestigieux, comme Aragon Andrée Viollis, Paul Nizan ou Louis Parrot, adopte par rapport aux conditions d’accueil des réfugiés, une position très critique. Louis Parrot y dénonce, le 27 janvier, l’envoi par le gouvernement de tirailleurs sénégalais et de gardes mobiles à la frontière française, et titre le 30 : « On ne peut maîtriser son indignation devant l’insuffisance de la réception officielle ». On le voit, en ce début d’exode, les termes sont parfois mesurés dans le camp pro-républicain, et l’art de la litote est parfois bien manié. Le même jour, naissent deux rubriques : « Sauvez les enfants d’Espagne » et « Un jour du monde » (voir Doc N°6) où Aragon défend la cause républicaine. L’originalité de Ce Soir, par rapport aux autres quotidiens favorables à la République, réside dans la part importante qu’il consacre aux documents photographiques. Chaque jour, une page entière est réservée aux photos de l’exode. Le 30 janvier, un document montrant des réfugiés amputés et claudicants est sous-titré : « Quel document plus terrible que celui-ci ? Certains osent parler de la fuite des soldats républicains vers notre frontière. Ceux qui quittent le sol de leur patrie, les voilà : jambes coupées, corps rongés par la maladie, déchirés par les blessures. Faut-il qu’ils restent encore sous la mitraille pour avoir droit au nom de héros » ? Il s’agit là, de la part du journaliste de Ce Soir, d’une réfutation des propos et des allégations de l’extrême droite, qui, nous le verrons, présentait l’armée républicaine comme une bande de fuyards, à l’instar de son chef de gouvernement accusé de s’être réfugié en France. Le ton et le vocabulaire employés par Ce Soir le différencient d’autres publications favorables aux réfugiés, et visent à provoquer chez le lecteur non seulement l’indignation mais aussi la compassion. Il est question à de nombreuses reprises, dans les commentaires de photos toujours saisissantes, des « pauvres gens », des « malheureux », de « l’immense cortège de la douleur », dépeint avec ses balluchons et ses hardes. Une façon d’ajouter au facteur politique, du droit et de la raison dans la lutte, un facteur humain

La presse hostile fustige les hordes de déguenillés, envahisseurs rouge.

La réaction de la presse d’extrême droite par rapport à cette arrivée massive de réfugiés sur le sol français est bien sûr tout autre. Elle est avant tout mue par des considérations d’ordre idéologique, exprimées parfois sous couvert de bien du pays, du triple point de vue politique social et économique. Avant d’étudier ces réactions, il convient de souligner l’importance que détient dans les années 30-40 la presse d’extrême droite. Nous avons vu quel rôle elle avait pu jouer par rapport au problème de la non intervention. Elle tentera à nouveau de conditionner une partie de l’opinion publique française, dans une perspective xénophobe et exclusive, et dans un langage et sous une forme qui aujourd’hui tomberaient sous le coup de la loi, fustigeant avec une outrance et une vulgarité jamais égalées, les réfugiés républicains. Cette presse salue l’avance des troupes nationalistes et stigmatise l’attitude de l’armée républicaine. Elle est violemment hostile à l’arrivée et à l’accueil des réfugiés sur le sol français, et essaie de provoquer la peur et la panique dans l’opinion. S’exprimant sur un ton alarmiste, elle fustige les républicains, présentés tous comme des hommes dangereux, qualifiés d’anarchistes et /ou de voyous. Le Matin, le 29 janvier, parle d’ « invasion », et le lendemain d’ « une masse de fugitifs »(voir doc N°7/1 & 7/2). Il s’agit là d’un discours de propagande qui rejoint celle dont l’extrême droite faisait preuve, depuis 1936, dans le domaine de la politique intérieure française. Le 12 février, le journal titre : « La présence sur notre sol des réfugiés et des fuyards pose un problème grave qu’il faudra résoudre sans tarder ». Le 23, il est question de « l’indésirable invasion des miliciens espagnols », présentés le 25 comme « hôtes dangereux ». Tous ces titres sont illustrés par des photos de cohortes de républicains à la frontière du Perthus, destinées à faire naître chez le lecteur un sentiment d’épouvante. Le ton est encore plus virulent dans Le Jour, que dirige Léon Bailby. Il y est question le 6 février des « débris de l’armée rouge », et dans le numéro du 22 les Pyrénées Orientales sont assimilées à un dépotoir. Un autre périodique, l’Époque, dirigé par Henri de Kérillis, -celui-là même qui tenait les rênes de l’Écho de Paris en 1936- n’est guère en reste ni dans le dénigrement des réfugiés, ni dans le ton employé. Le vocabulaire utilisé dans les titres, « Épaves humaines » (le 27 janvier), « Dangereux envahissements », « flot de fuyards » (le 30), « grande invasion » (le 3 février) « cortège lamentable » (le 7), participe d’une vision apocalyptique qui vise à produire un effet de terreur en envisageant une atteinte à l’ordre public. L’horreur, la haine et la vulgarité atteignent leur paroxysme dans les deux hebdomadaires profascistes que sont Gringoire et Je suis partout. Dans Gringoire du 9 février, Henri Béraud (voir Doc N°8), dans un article particulièrement odieux et xénophobe, intitulé « Donnez-leur tout de même à boire » parle de « débris du frente popular », des « torrents de laideur ». Il s’en prend aux « grandes gueules anarcho-marxistes », aux « bêtes carnassières de l’Internationale », à « la tourbe étrangère », à « la lie des bas-fonds et des bagnes ». C’est avec la même grossièreté qu’il traite les dirigeants républicains de « salauds ». Candide utilise le même registre, dans des articles haineux, qui voisinent avec des fiches anthropomorphiques consacrées à Georges Mendel, Pierre Cot ou Jules Moch, dont la teneur est facilement devinable. Le 8 février, les Républicains sont présentés comme de vils envahisseurs : « la lie, toute la pègre de Barcelone, tous les assassins, les tchéquistes, les bourreaux, les déterreurs de carmélites, tous les Thénardier de l’émeute, font irruption sur le sol français ». Dans le même numéro, un autre titre, de la même veine, s’en prend au ministre de l’Intérieur : « La lie de l’anarchie mondiale est en France grâce à M. Albert Sarrault ». Les réfugiés sont accusés de dévaster les campagnes du Roussillon, d’obérer les finances de la France, et de faire planer sur elle des menaces d’épidémie. Ces thèmes, en particulier celui du coût pour le contribuable français, seront repris par certains députés conservateurs français lors du débat à la Chambre des Députés, le 19 mars, à propos du vote sur l’augmentation du budget destiné à accueillir les Réfugiés espagnols. C’est encore Candide qui, le 16 février, apostrophe le gouvernement en lui demandant : « L’armée du crime est en France. Qu’allez-vous en faire »?

L’affrontement polémique sur les camps dans la presse.

Ces premières polémiques sur l’arrivée massive des réfugiés vont croître en intensité lors de la création des camps d’internement. Avec un élément supplémentaire : la dénonciation par la presse de gauche des conditions de vie dans ces camps. Le premier camp, celui d’Argelès, est créé le 30 janvier 1939. Le Populaire mentionne pour la première fois son existence le 6 février, par une présentation, sans jugement de valeur : « Le camp de concentration d’Argelès pourra recevoir 100 000 hommes environ ». Le lendemain, il signale l’installation d’un deuxième camp, celui de Barcarès, et souligne l’acuité du problème de l’accueil des réfugiés devant le nombre croissant de personnes (150 000) qui ont déjà passé la frontière. En ce début d’exode, le quotidien met l’accent sur le dénuement matériel et moral des réfugiés, victimes des troupes franquistes et italiennes, qu’il appelle « les sauvages de l’air ». Il ne braque pas encore le projecteur sur les conditions de vie dans les camps. Le ton et le contenu changent le 9 février. Dans un article intitulé « À la frontière espagnole », Jean Maurice Hermann, qui sera le journaliste chargé plus particulièrement de couvrir cette rubrique, condamne le manque d’organisation et de diligence de la part du gouvernement français dans les conditions d’accueil des réfugiés : « Il nous faut hélas faire entendre une voix discordante dans le choeur béat des admirateurs officiels. Je suis allé ce matin à Argelès sur mer. Sur la plage, à perte de vue, grouille une foule immense, parquée entre des fils de fer barbelés. Un sur 1000 des hommes qui sont là a pu trouver un abri pour la nuit. La plupart de ceux que j’interroge n’ont pas mangé depuis deux jours. Il faut d’urgence loger ces malheureux, les réunir en baraquements. Si l’on veut éviter des incidents, il faut permettre à ces hommes de vivre ». Cette première critique de la dureté des conditions de vie dans les camps et cette demande d’aménagement de l’espace, par la construction de baraques en dur, Jean Maurice Hermann la reprendra dans de nombreux autres articles. Le 12, sous le titre « Avec les réfugiés espagnols et les combattants de la liberté », il dénonce le surpeuplement : « Combien sont-ils à Saint Cyprien, à Argelès, au Boulou, à Prats de Mollo, à la Tour de Carol ? Nul ne le sait. On continue à manger peu, très peu : un quart de boule de pain par jour c’est bien maigre. À la Tour de Carol, neuf enterrements ont eu lieu en un seul jour ». Il dénonce par ailleurs la propagande franquiste qui s’exerce dans les camps, où se rendent des agents recruteurs, aidés et encouragés par les autorités, pour faire revenir les réfugiés dans l’ Espagne de Franco. Une délégation de parlementaires socialistes, conduite par André Letroquer, est envoyée dans les camps pour enquêter sur les conditions de vie. Le résultat laisse apparaître de terribles manquements à l’hygiène et des conditions désastreuses de réclusion. Le 13 février, JM Hermann dans Le Populaire, sous la rubrique « Au milieu des réfugiés espagnols », en regard d’une photo représentant les tentes d’Argelès, parle de « spectacle lamentable et émouvant », dénonce le surpeuplement, l’absence d’abris, la licence totale laissée aux agents recruteurs franquistes et « le triste travail de la police française » Le 14, sous la même rubrique, il titre sur « Le bagne d’Argelès », qu’il faut vider d’urgence : « Attendra-t-on que les pleurésies, les congestions pulmonaires aient assassiné 10 000 ou 20 000 soldats de la liberté, épargnés par les bombes italiennes et les obus allemands pour prendre enfin les décisions indispensables ? » L’éditorialiste demande que soient utilisés les camps militaires existants, tels ceux du Larzac et de la Valbonne. Le 15, il est fait une large place à la conférence de presse tenue par les parlementaires de retour à Paris. JM Hermann, évoquant la misère morale des internés, demande la création d’un service de regroupement et de recherche des familles. Le 16, le quotidien fait état de la rencontre entre la délégation et le Président du Conseil Daladier et publie une photo du camp d’Argelès avec comme légende ; « Gardes mobiles et spahis marocains gardent le sinistre camp d’Argelès ». Parallèlement, par l’intermédiaire du secours socialiste, une action concrète, organisée par le journal le 19 février, se traduit par le lancement d’une souscription et des appels pour recueillir vêtements et vivres. Une rubrique Le courrier des réfugiés voit le jour le 21, destinée à regrouper des familles. Elle sera moins efficace que prévu, puisque la vente du Populaire sera interdite à partir du 23 février dans les camps d’Argelès et de St Cyprien, ce qui provoquera l’indignation de JM Hermann : « Les autorités françaises n’autorisent que la presse de droite, celle qui couvre d’injures les Républicains espagnols ». C’est de fait toute la politique d’accueil des réfugiés suivie par le gouvernement qui est mise en cause par les socialistes. Léon Blum, dans un éditorial du 17 février, ayant pour titre « Nos hôtes espagnols » écrit à ce sujet : « Quelle idée le gouvernement, et en particulier les départements de la Guerre et de l’Intérieur, se font-ils des Espagnols entassés dans les camps d’Argelès et de St Cyprien ? Pour qui les prennent-ils »? Désireux d’éviter tout amalgame, le chef de la SFIO poursuit : « Admettons qu’il se soit glissé, dans la masse, des éléments « indésirables ». Qu’on les trie et qu’on les extirpe. Mais les autres, les civils et surtout les soldats, de quel droit les traite-t-on comme des prisonniers » ? (Voir doc N°9). Pendant le mois de mars, la guerre d’Espagne reste l’un des thèmes prioritaires du Populaire, mais les camps ne constituent plus les gros titres de la première page, qui sont dorénavant consacrés à la reconnaissance de Franco par l’Angleterre et la France, ainsi qu’à la nomination de Pétain comme ambassadeur à Burgos.
L’autre organe de presse qui braque le projecteur sur le scandale des camps de concentration est L’Humanité, l’organe du Parti communiste. À partir du 9 février, le journal, qui lance une souscription en faveur des réfugiés, souligne le dénuement des conditions de vie des internés, la carence des services médicaux et des médicaments, et met en cause le gouvernement français. Le 15, Argelès est dépeint comme « un véritable pénitencier où couve un foyer d’épidémies ». Jusqu’à cette date, le problème n’est jamais traité en première page, mais en page 4. Un changement s’opère le 16 février à la suite de la visite dans les camps d’une délégation de parlementaires communistes (voir Doc N° 10). Le quotidien, faisant allusion cette fois non seulement aux camps d’Argelès et de St Cyprien, mais aussi à ceux d’Arles sur Tech et d’Amélie les Bains, titre à la une : « Il faut en finir avec le scandale odieux des camps de concentration », et réclame des soins aux blessés et aux malades, ainsi que des vivres et des abris pour les soldats. L’article est relayé en page intérieure par la publication de la lettre que Raymond Guyot, député de la Seine et membre de la délégation communiste, et elle a été envoyée à tous ses collègues. Sous le titre « Ce que j’ai vu à St Cyprien », le parlementaire y dénonce les conditions d’hygiène et de détention qui règnent dans le camp, stigmatise les sévices que font subir aux détenus les tirailleurs sénégalais, et conclut : « Ce que j’ai vu est contraire au respect de la personne humaine et ne peut que semer au cœur de ces hommes et de ces femmes la haine envers la France ». Le 17, François Billoux, député de Marseille, parle de « calvaire », et fait état de la lettre envoyée par la délégation parlementaire au président Daladier, dans laquelle les députés communistes dénoncent « les humiliations, les brutalités et les vols dont ont été victimes dans les camps les soldats et les réfugiés ». L’organe du parti communiste en profite pour relier cette question à la politique intérieure française, et, de manière polémique et pour sûr excessive, accuse M Bonnet, ministre des Affaires étrangères de vouloir « par ce moyen faciliter la besogne du fascisme international en France ». La dénonciation des conditions d’internement ne cesse durant tout le mois de février. La suppression des camps est demandée le 18 : « supprimer les camps d’Argelès et de Saint Cyprien, c’est sauver des vies espagnoles et l’honneur de la France. ». Le 21, plusieurs décès sont signalés. Le thème se raréfie en mars. Le journal consacre alors ses pages à la « trahison » de Casado et de Miaja contre Negrin et le gouvernement républicain, et à la défense d’André Marty, attaqué au parlement pour son comportement au sein des Brigades Internationales. La question des réfugiés réapparaîtra cependant le 15 mars, dans le compte rendu du débat sur l’Espagne qui se déroule à la Chambre, où Raymond Guyot s’élève contre les scandales des camps de concentration et réclame la stricte application du droit d’asile. Ce Soir, pour sa part, publie son premier article sur les camps le 12 février. Son envoyé spécial, Stéphane Manier, titre : « À Argelès sur mer, ce n’est plus la mitraille qui tue, c’est la faim, la fièvre, le froid ». Le 13, c’est la situation à St Cyprien qui fait l’objet d’un article d’un autre envoyé spécial, Ribecourt. Le 14, à propos de l’isolement des Espagnols, il fait allusion aux « scènes révoltantes d’Argelès, où la population du sud-ouest, dont on craint la pitié, est écartée, par la force militaire, des lieux de souffrance du peuple espagnol ». Dans le même numéro, il est question de « l’enfer des camps de concentration d’Argelès et de St «Cyprien» et une page entière est consacrée à des documents photographiques. Le 15, Ce Soir fait état de 25 morts à St Cyprien et de 10 morts par nuit à Argelès. Le 16 du surpeuplement d’Argelès, où se trouvent 78000 hommes pour 1500 abris.
La presse française de gauche ne cesse donc tout au long du mois de février, d’attirer l’attention de l’opinion et des autorités sur les camps, de manière de plus en plus soutenue à partir du 9, au fur à mesure que se découvre, et se dégrade, la situation matérielle et morale des réfugiés. Ce sont seulement les éléments extérieurs -reconnaissance par les démocraties du gouvernement de Burgos, dernières opérations militaires de la guerre civile, invasion de la Bohême et de la Moravie par les troupes allemandes- qui feront passer au second plan dans les journaux la réalité des camps. Mais périodiquement, sans faire l’objet de gros titres ni de la Une, cette situation sera évoquée.

La presse d’extrême droite confirme son allégeance aux dictatures.

Tout autre est la vision de la presse d’extrême droite (voir Doc N° 11). Examinons comment Le Matin, L’Époque, Le Jour, Candide, Je suis partout, Gringoire– réagissent par rapport à l’internement des Espagnols.
Sur un ton que nous avons déjà évoqué, où se mêlent invective, insulte abjecte et xénophobie, la principale demande est le renvoi des réfugiés dans leur pays. Il n’est jamais fait mention des conditions de vie dans les camps. C’est sous un angle méprisant et hostile que le thème est abordé. Le 7 février, Le Matin signale l’acheminement des miliciens désarmés vers des camps de concentration. Le 18, il présente les Internés comme des « Indésirables » astreints à des travaux d’utilité publique, et souligne que des peines sévères sanctionneront toute atteinte à la discipline de ce que le journaliste appelle pudiquement « centre de rassemblement ». La seule référence concrète est celle du camp de Mende, en Lozère. À aucun moment il n’est question d’Argelès, de St Cyprien ou de Barcarès. Le parti choisi est celui de la banalisation, et de la lutte contre l’invasion étrangère, qui constitue le gros titre de la une. L’Époque, pour sa part signale le 6 février, l’envoi des républicains désarmés dans des camps. Le 8, Louis Gabriel Robinet, l’envoyé spécial du journal à Argelès, présente les républicains comme des pillards. Le 12, sous le titre alarmiste « L’inquiétude vient des camps de concentration », il dénonce les menaces d’épidémie, et prête aux internés l’intention de se révolter. Je suis partout va plus loin le 3 février et parle du « fallacieux prétexte des camps de concentration », demandant l’évacuation des réfugiés du sol français. Le Jour va dans le même sens le 18 février. Candide, pour sa part, le 8 février, présente les miliciens comme des profiteurs « bien portants et armés », et recourt à la moquerie, au cynisme et à la dérision : « Ils ne se soucient pas d’affronter l’armée de Franco, et préfèrent la vie dans un camp de concentration français. On les reçoit, on les héberge tant bien que mal, à Argelès, au Boulou, à Fort les Bains. On leur donne à manger ». Dans la même veine, l’hebdomadaire titre le 1er mars « À l’ombre des héros en fuite ». Mais l’organe de presse qui va le plus loin dans l’injure et l’appel à la haine est Gringoire. Le 16 février, cet hebdomadaire évoque « les miliciens mal surveillés dans des camps de concentration fictifs ». Mélangeant exode et internement, montant en épingle des faits isolés, et pratiquant l’amalgame, il présente les réfugiés comme des pillards qui dévastent les campagnes roussillonnaises, et traite les internés de « lie » et de « pègre rouge ». Le 1er mars c’est le terme « racaille meurtrière » qui apparaît, dans un article qui se termine par cette phrase : « il faut nous débarrasser de tout cela ». C’est la même litanie qui sera reprise le 16 mars sous le titre « L’invasion des marxistes espagnols coûte à l’état plus de 200 millions par mois ». Ces exemples suffisent à caractériser l’état d’esprit qui anime la presse d’extrême droite, qui, sur un ton outrancier et injurieux, ne voit dans les républicains que des pillards, des égorgeurs, des bandits et des fauteurs de troubles. Le discours est basé sur la désinformation, pour activer une propagande destinée à faire naître dans l’opinion des réactions de peur et de rejet.
Il est à noter que cette stigmatisation des républicains n’est pas l’apanage exclusif des périodiques d’extrême droite. On peut lire dans un journal comme Le Petit Parisien, considéré comme un journal d’information, un article, en date du 14 janvier, particulièrement xénophobe. L’auteur, Marcel Régnier, s’inquiète de « l’invasion massive de notre sol » et demande le renvoi des Espagnols dans leur pays : « une besogne d’épuration s’impose », suggérant même que ceux qui ne seraient pas repris par Franco, ceux qu’il appelle « les délinquants de droit commun », soient déportés au bagne de Guyane. Un autre chroniqueur, Georges Arquié, écrit le 25 : « À la faveur de l’exode, toute la lie des prisons catalanes est entrée en France ».Cela dit, d’autres articles plus mesurés sont publiés dans le Petit Parisien, qui distinguent certains auteurs d’exactions de « la grande masse de ceux qui n’ont pas cessé d’être pour la plupart, dans la défaite et le malheur, des gens conscients de leurs devoirs » (26 février). Preuve s’il en était de l’embarras et de l’hésitation d’un secteur de l’opinion, fluctuant, face à un problème qui devient chaque jour plus crucial, et dont personne -sauf l’extrême droite évidemment- n’envisage la solution.
Quant à L’Indépendant, principal quotidien des Pyrénées orientales, force est de constater qu’il rejoignit souvent, sur le fond et sur la forme, les positions extrêmes xénophobes. Privilégiant le thème de l’exode dans ses une, il présente très négativement l’arrivée des Espagnols, titrant le 27 janvier : « Des misérables réfugiés aux ministres en fuite et aux déserteurs couverts de bijoux, pendant que l’armée désemparée bat en retraite ». Le 28, Théo Duret évoque « la vague des réfugiés qui vient battre dangereusement la frontière », et s’inquiète d’un possible déferlement sur la France d’une masse humaine incontrôlable. Le 30, la création du camp d’Argelès lui semble « particulièrement opportune », pour des hommes qu’il considère indociles, et leur exode en France lui apparaît agréable. Le 31 les réfugiés sont assimilés à des allumeurs d’incendies, des pilleurs de fermes et des miliciens déserteurs. Durant tout le mois, il n’est question que des incidents et des exactions provoqués ici ou là. Le 9, le quotidien évoque le camp de la Mauresque à Port Vendres, et parle « d’un bien-être apprécié ». Le 24, il est fait état du bilan satisfaisant dressé par une délégation de parlementaires radicaux-socialistes après sa visite des camps. (Voir Doc N°12)

La position de l’autre grand quotidien des Pyrénées orientales, La Dépêche du Midi, fut, elle, ambiguë ou pour le moins évolutive. La Dépêche fait certes, le 29 janvier, preuve de compassion, évoquant « les innocentes victimes de la guerre civile », mais très tôt approuve la création des camps, réfutant d’avance les protestations qui pourraient s’élever : « Demain nous entendrons peut-être des protestations et sans doute jusqu’à la tribune de la chambre. Elles seront sans fondement. Qu’on vienne plutôt se rendre compte de la situation réelle au sein des populations du Roussillon, qui ont été et demeurent fort compatissantes à la situation des réfugiés, mais n’admettront jamais certains abus ». L’existence des camps est donc justifiée par souci de maintien de l’ordre public, et par souci des nécessités d’ordre sanitaire. Par ailleurs La Dépêche entretient avec Albert Sarrault, ministre de l’Intérieur, des liens étroits. Elle rapporte donc le 2 février les propos rassurants du ministre sur l’organisation des futurs camps: « Il ne s’agira jamais d’un internement de prisonniers. Les Espagnols n’y seront soumis à aucun régime vexatoire ». Dès lors, ce sont les réfugiés eux-mêmes, et non leurs conditions d’internement, qui seront stigmatisés. Le 10, Lucien Castan titre « Graves incidents dans les camps de St Cyprien et d’Argelès », et signale des affrontements entre les gardes mobiles et des miliciens des Brigades, mécontents du sort qui leur est réservé par les autorités françaises. L’auteur prétend que les réfugiés sont bien traités. Le 16 février, les critiques émises par les socialistes et les communistes sont réfutées, et la presse de gauche est accusée de faire preuve de mauvaise foi : « Certains journaux ont poursuivi une campagne de dénigrement systématique politiquement intéressée. Je n’ai vu au camp d’Argelès ni « buveur d’urine », ni « mangeur de roseaux ».

Conclusion : La presse comme miroir des enjeux politiques à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

Ainsi donc l’accueil des républicains espagnols suscita une immense fracture au sein de l’opinion publique française. Le conflit espagnol sur le point de s’achever, alimenta une controverse comparable en intensité à celle qui avait divisé l’opinion en 1936, et de fait avait ébranlé le Front Populaire. L’Histoire aura retenu que l’accueil des combattants de la liberté ne fut pas digne de celui qu’ils méritaient. L’ironie tragique du sort voulut qu’une partie de ces réfugiés, qui avaient quitté leur terre natale pour un exil incertain, et qui avaient subi les attaques de beaucoup d’organes de presse, s’engageront au sein de compagnies de travailleurs prestataires de services de l’armée française, pour participer à un autre combat, qui conduira 7500 d’entre eux, à partir du 6 août 1940, au camp d’extermination de Mauthausen. Près de 5000 y périront.

Pas d'armes pour l'espagne
Pas d’armes pour l’espagne
Aide à l'Espagne républicaine
Aide à l’Espagne républicaine
Une enquête à Guernica
Une enquête à Guernica
La France suprême espoir / La chose Impossible Léon Blum
La France suprême espoir / La chose Impossible Léon Blum
Situations intolérables
Situations intolérables
Un jour du Monde
Un jour du Monde
Frontière française fermée à l'invasion; des réfugiés espagnols
Frontière française fermée à l’invasion; des réfugiés espagnols
Les nationalistes poursuivent leur marche en avant
Les nationalistes poursuivent leur marche en avant
Donnez leur tout de même à boire
Donnez leur tout de même à boire
Non et Non de Léon Blum
Non et Non de Léon Blum
En finir avec le scandale des camps de concentration
En finir avec le scandale des camps de concentration
À la gloire de l'espagne de Franco
À la gloire de l’espagne de Franco
Indésirables dans la presse régionale
Indésirables dans la presse régionale

Les combattants espagnols dans la Résistance

Comment échapper à son destin ?

Passées les premières stupeurs et déceptions d’un « accueil » plutôt hostile et douteux, l’immense majorité des républicains espagnols s’organisent et recréent leurs partis et syndicats. Ils regardent atterrés le fascisme monté en Europe et se doutent qu’ils ne sont pas à l’abri de ce qui se prépare. Traités comme ennemis et parias par le régime pétainiste, ils s’engagent massivement dans la lutte armée contre l’occupant nazi. C’est une question de survie pour beaucoup d’entre eux.
Après la capitulation de l’État français le 22 juin 1940, les Espagnols participeront, naturellement, aux premiers mouvements de résistance. C’est dans cette résistance que vont avoir lieu les premiers contacts vrais avec les Français qui partagent les mêmes conditions de lutte. L’expérience de la guerre civile leur donne une certaine organisation, une endurance, une combativité qui forcent l’admiration des Français et c’est sur eux que ces derniers vont compter pour les actions armées. Beaucoup tiennent un rôle militaire primordial. Ils se préoccupent également d’organiser des maquis en Espagne même, dans le but de bloquer Franco, s’il lui venait des velléités d’aider les forces de l’Axe, mais aussi pour préparer leur retour à une Espagne républicaine.
Prendre le maquis est non seulement un acte de conviction mais aussi un acte de survie, les Espagnols sont pourchassés et assassinés par la milice française et par l’occupant nazi, de la Gestapo à la Wehrmacht, notamment les dirigeants des partis et syndicats de gauche, les élus de la République. La menace se fait pressante, en 1942 Berlin demande à Vichy de lui livrer les réfugiés espagnols et les antifascistes italiens, ce qui est encore une raison supplémentaire pour entrer en clandestinité.

Les maquis investis par les combattants espagnols

Ils 
s’intègrent à l’AS (Armée secrète), à l’ORA (Organisation de Résistance dans l’Armée) et relèvent des mouvements
« Combat », « Libération », « Franc-tireur » qui vont se regrouper dans les MUR (Mouvements Unis de Résistance) ou encore au sein des FTP-MOI (Francs tireurs partisans de la main-d’œuvre immigrée) d’obédience communiste comme Celestino Alfonso figure sur la fameuse « Affiche 
Rouge » aux côtés de Manouchian et Luis Fernandez qui commande la fameuse 35e brigade FTP-MOI, près de Toulouse, composé surtout de juifs, d’anciens d’Espagne, d’Italiens. Redoutable groupe composée de jeunes gens étrangers téméraires, et désireux d’anéantir le fascisme.
– Certains maquis, se composent exclusivement de combattants espagnols. Ils sont dans les premiers à s’organiser et à passer à l’action, tel le réseau Ponzán à Toulouse, sous l’impulsion de Francisco Ponzán, plus connu sous le nom de François Vidal. Militant de la CNT. À partir de mai 1939, Vidal organise un réseau de passeurs d’hommes dans les Pyrénées pour faire sortir d’Espagne les militants en danger. Dès le début de la guerre, le groupe se met au service de la résistance et travaille activement avec l’Intelligence Service anglais et le Bureau central de renseignement et d’action (BCRA) de De Gaulle, mais aussi avec le réseau Sabot et le groupe Combat. Ce réseau permet l’évasion de 1 500 personnes dont plus de 700 aviateurs alliés et le passage de nombreux documents (sans compter tout ce qui sert la lutte antifranquiste). Le réseau couvre une zone qui va de Bruxelles à Lisbonne. Fait prisonnier en 1944 par la police française, Francisco Ponzán Vidal est livré aux Allemands et exécuté de manière à la veille de la libération.
– Ou encore le groupe de Ramon Villa Capdevilla, Caraquemada ou El Jabali. Militant de la CNT. Début 1939, il se réfugie en France, où il est interné au camp d’Argelès-sur-Mer. Il s’en échappe en 1940. Deux ans plus tard, il est de nouveau arrêté et interné dans la citadelle de Perpignan. Libéré, il met son expérience de spécialiste des explosifs au service de la Résistance, comme le 11 juin 1944, près de Périgueux où, avec deux cents maquisards, il s’empare d’un train blindé allemand. Il participe également, au sein du Batallón Libertad (composé en grande partie d’anarchistes espagnols) à la libération de Royan et de l’estuaire de la Gironde. Il est plus connu sous le surnom de « commandant Raymond ». Il commande deux cents résistants espagnols. Ce sont eux qui anéantissent la garnison Das Reich qui a massacré les habitants d’Oradour. Ramón Vila Capdevila meurt en 1963, lors d’une fusillade avec des franquistes, alors qu’il était un des meilleurs passeurs d’hommes de la CNT, membres des groupes d’action qui n’ont cessé de harceler le régime franquiste depuis 1945.
– Le groupe d’Arrau Saint Lary mené par José Cortés, comprend 60 hommes environ et s’unit aux FTP (Franc Tireurs Partisans). Ils s’organisent en unité de guérilla, héritée directement de l’armée républicaine comme la 9e brigade issue du 14e corps de guérilleros de l’armée républicaine, commandée par Ricardo Gonzalvo. Ces hommes comptent à leur actif de nombreux et importants actes de résistance.

– Voici une liste de maquis où la présence espagnole fut suffisamment importante voire majoritaire: le maquis de Dordogne, de la Montagne Noire, de Querigut (dans l’Aude), les maquis de l’Aveyron, du Pic Violent, de Savoie, les maquis du Lot, de Loches, de Belves, de l’Isère, de la Gouzette (Saint Girons), de Privas, les maquis du Cantal et de Corrèze, de Maleterne, de Bagnères, des Landes, du Rouergue, le Mont Mouchet, du Limousin, le maquis Bidon 5 et le maquis du Vercors et n’oublions pas le maquis du COFRA, du Barrage de l’Aigle, et Foix ; Les guérilleros de la 10e brigade, 2e Bataillon du maquis du « Col de Marie Blanque » Vallée d’Aspe, encerclement de Bedous. De nombreux antifascistes espagnols se trouvent aussi dans la résistance en Bretagne, en Gironde, dans le Massif central… Ils participèrent à la libération d’au moins 27 villes françaises (dont Annecy, Paris, Cahors, Foi, Bordeaux, Strasbourg, Périgueux, Royan, Toulouse…). Le bataillon Alsace Lorraine, commandée par le Colonel Berger (André Malraux) va être composé de beaucoup de combattants espagnols et d’anciens des brigades internationales : « Les 1 500 combattants volontaires, indisciplinés et équipés de vieilles Traction avant Citroën, de gazogènes et de GMC brinquebalants, vont faire souffler un vent d’Espagne sur cette brigade qui s’intègre dans la 1re Armée du général de Lattre de Tassigny qui la surnommera « la Brigade des trois cents pouilleux ». D’autres l’appelleront aussi « La Brigade très chrétienne du colonel Berger » en raison du grand nombre de prêtres, pasteurs et autres théologiens qui la composaient » .
– Le maquis du plateau des Glières en Haute Savoie (premier territoire français à se libérer le 19/08/1944)) où Les Républicains espagnols arrivent en 1940. Deux compagnies de travailleurs espagnols (515 et 517 CTE) affectés aux travaux des routes et assèchement des terrains, vont petit à petit s’égayer dans la nature. Ils vont aller clandestinement s’installer, avec des conditions très rudes, dans les chalets de montagne, pour échapper à la déportation en Allemagne. Ces hommes aguerris vont mettre leur connaissance de la Résistance au service de l’armée de l’ombre, sous la direction de Miguel Vera. Ils vont conquérir les cœurs et l’amitié de leurs compagnons, jusqu’aux chefs du 27e BCA qui leur accorderont une entière confiance. Ces « Diables d’Espagnols » vont avoir une place incontournable et prendre part aux combats les plus rudes. Leur implication sera importante, puisque Tom Morel le commandant du maquis du plateau décidera au 30 janvier 1944 de, monter avec 120 hommes, sur le plateau pour y réceptionner les parachutages d’armes de Londres. 56 de ces maquisards seront des Républicains espagnols.

À l’heure des comptes, les trahisons

Le 7 novembre 1942 à Toulouse sous la direction du PCE se crée l’UNE (Unión Nacional Española) pour prétend unir et diriger les maquisards espagnols, avec comme objectif, l’intervention contre le régime franquiste.

En contre pouvoir, le 9 septembre 1944, se crée l’ADE (Alianza democrática española), qui rassemble toutes les tendances politiques de l’exil, excepté les communistes, dont elle dénonce les exactions au sein de l’UNE. L’ADE conteste l’exclusivité de l’UNE et ses méthodes de disparitions et assassinats de maquisards espagnols d’autres tendances politiques (socialistes, anarchistes, POUM…).
À propos de la 35ème Brigade FTP-MOI, leurs actions étaient si intrépides et incontrôlables que le PCF les désavoua, leur préférant une histoire de la résistance plus… française.

Le colonel FFI Serge Ravanel, affirme que « la participation des Espagnols à la résistance fut considérable. Ils sont la part la plus importante de la résistance dans les Pyrénées orientales ». Pourtant il n’hésite pas à cautionner le transfert à l’UNE ou le désarmement d’unité de résistants espagnols comme les 350 hommes du commandant Santos du bataillon Libertad, qui refusent de rejoindre cette organisation, où ils risquent leur vie, par les pratiques courantes pour ceux qui contestent la ligne du PCE. En effet, ce groupe de résistants avertis a préféré sortir de l’UNE et intégrer les Forces françaises de l’intérieur (FFI).
Il faut souligner aussi le travail essentiel fait dans ce sens par José German Gonzalez, militant anarchiste de la région de Tarragone, commandant du maquis du Barrage de l’Aigle qui organisa, à travers les Groupes de travailleurs étrangers (GTE), l’entrée des cénétistes directement dans la résistance française
Monsieur Bénezech, membre du comité de la résistance, déclarera en reconnaissance aux résistants espagnols : « Combattants héroïques de la liberté, qui, partout, firent preuve du plus grand courage et payèrent un lourd tribu à la libération de notre pays » mais aucun responsable français ne tentera de leur apporter une aide pour libérer leur pays.

Les frères Roig au maquis international de Levroux, Indre
Les frères Roig au maquis international de Levroux, Indre
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Quitter les camps

Pour quitter l’enfer des camps, les internés ont quatre options : – le rapatriement, la préférée des autorités françaises, – la re-émigration vers un autre pays, – l’engagement militaire d’abord la légion puis, avec l’approche de la guerre, dans d’autres types d’engagement qui leur seront proposés, – l’embauche à partir d’avril, pour être employé soit par des particuliers, soit en qualité de prestataires.

Rapatriements

Le 15 février 1939, les retours spontanés ne dépassant guère 50 000, la pression s’accentue dans les camps et les centres d’hébergement. Pour faire du chiffre, les moyens les plus abjects sont utilisés. Si les rapatriements forcés sont proscrits, certains n’hésitent pas à recourir à la duperie, en omettant de préciser par exemple vers quelle partie de l’Espagne s’effectue le retour, ou en exerçant un chantage odieux, en particulier sur les civils, dans le cadre d’un rapprochement familial, pour lequel la condition première est soit de signer un engagement formel de regagner l’Espagne, soit de faire croire que le reste de la famille est déjà rentré.
Si, au début de l’été, prés de la moitié des réfugiés (250 000) sont retournés en Espagne en raison des pressions exercées et de la frontière plus largement ouverte, ces effectifs restent bien en deçà de ceux escomptés par la présidence du conseil qui veut réduire à 50 ou 60 000 hommes maximum et une infime minorité de femmes et d’enfants, la possibilité de rester sur le territoire.
À cela, plusieurs raisons, les informations qui, malgré la surveillance, traversent les barbelés, et qui contredisent les déclarations mille fois répétées sur la clémence du Caudillo. Les internés ont ainsi eu connaissance de la loi du 9 février 1939 dite de «responsabilités politiques» promulguée par Franco qui permet de poursuivre ceux qui depuis octobre 1934 ont participé à la vie politique républicaine ou qui, depuis février 1936, se sont «opposés au mouvement national (…) par des actes concrets ou une passivité grave».
Mais l’information filtre aussi par des moyens détournés. Le premier d’entre eux, est l’information implicite fournie par la presse autorisée dans les camps qui signale que des rapatriés tentent de repasser la frontière. Plus tard, ce sont les messages codés, envoyés par les proches demeurés en Espagne, qui apportent des précisions malgré la censure exercée. Ainsi, lorsqu’en juillet 1939, Franco, après la restitution de l’or déposé à la banque de France à Mont de Marsan, se déclare prêt à recevoir 50 000 miliciens à raison de 2500 par jour, cette proposition demeure sans effet. Ceux qui pensaient ne rien redouter, sont déjà rentrés. Les pressions (interrogatoire individuel pour convaincre ou donner un « motif valable »), comme les menaces (expulsion en cas de refus du travail proposé) demeurent sans effet, d‘autant qu’à la même date, des tracts alertant les réfugiés sur les risques encourus lors d’un retour en Espagne, notamment sur les pelotons d’exécution, les camps de concentration et les tortures, circulent dans les camps. Par ailleurs, l’approche de la guerre, modifie la volonté du gouvernement qui ne souhaite à présent que le départ massif des seuls réfugiés «non susceptibles d’apporter à l’économie française le concours d’un travail utile», vis-à-vis desquels une pression constante pour obtenir leur retour massif doit être maintenue. Les récalcitrants doivent être conduits, les hommes au Barcarés où l’autorité militaire décidera de leur sort, et les femmes à Rieucros. Dès le mois de décembre 1939, des pressions sont exercées sur les femmes pour quitter les centres d’hébergement ou regagner l’Espagne. Toutefois, compte tenu de la pénurie de main d’œuvre, le temps n’est plus au rapatriement mais à la mise au travail. En mai 1940, toute personne âgée de 14 à 70 ans, excepté ceux dangereux pour l’ordre public, jugée apte à un travail manuel doit être autorisée à demeurer en France.

Évacuation vers un autre pays

La France sert aussi de lieu de transit vers d’autres destinations. Cette nouvelle émigration qui touche moins de 20 000 personnes, dont plus de 15 000 en Amérique latine, va concerner en priorité les réfugiés du secteur tertiaire et les militants d’organisations politiques, en particulier ceux d’obédience communiste, en raison de leurs liens avec les responsables du SERE comme avec les représentants et du Mexique, Lázaro Cardenas (document : Programa Cardenas), Narciso Bassols et du Chili Pablo Neruda, qui exerça une sélection drastique.
Pour organiser ces évacuations et sélectionner les candidats au départ, deux organismes sont tour à tour créés. Le SERE (servicio de evacuación de los republicanos españoles), qui, en mars 1939, devient le Servicio de emigración, et La JARE (junta de auxilio a los republicanos españoles), créée en juillet 1939 pour contre balancer les actions du SERE, qui restera seule après le pacte germano-soviètique et la dissolution du SERE accusé d’être contrôlé par les communistes. Peu de pays offrent l’asile et le plus souvent avec parcimonie. L’URSS, en accepte moins d’un millier (si l’on excepte les enfants et les militaires qui se trouvaient sur place au moment de la chute de la république), pratiquement que des communistes particulièrement sélectionnés. La Grande Bretagne, comme les Etats Unis et la plupart des pays d’Amérique latine, impose également des quotas très stricts. Seul le Mexique de Lazaro Cardenas, dès février 1939, offre une large hospitalité. Entre 1939 et 1940, ils seront ainsi environ 7 500 réfugiés dont une majorité d’intellectuels et d’employés du secteur tertiaire.
Viennent enfin le Chili et la République dominicaine qui en acceptent respectivement environ 2300 et 3100 en 1939, et l’Argentine, le Venezuela, la Colombie et Cuba environ 2000.

Mise au travail. Une main-d’œuvre à bon marché


Si dans un premier temps, le gouvernement français ne souhaitait qu’un rapatriement rapide et massif des réfugiés, dés le printemps, il envisage leur utilisation dans l’économie du pays.
Après avoir lancé une étude au niveau du département pour recenser les gros travaux qui pourraient leur être confiés, sans concurrencer la main d’œuvre locale, et déterminer les modes d’organisation, le 12 avril 1939 ( lire texte décret 12 avril 1939 en PJ ), un décret-loi assujettis, dès le temps de paix, les étrangers âgés de 20 à 48 ans, considérés réfugiés ou sans nationalité, à des prestations d’une durée égale à celle du service imposé aux Français. Des décrets ultérieurs (27 mai 1939 et 13 janvier 1940) fixent les conditions de ces prestations : les compagnies de travailleurs étrangers (CTE) ou unités de prestataires étrangers, composées de 250 hommes chacune, placées sous commandement d’un capitaine français à qui est adjoint un capitaine espagnol pour transmettre les ordres, sont créées. Le ministère du travail, aidé du général Ménard, est chargé de répertorier et de classer les hommes valides, celui de l’intérieur, par l’intermédiaire des services de police, de procéder à l’identification des indésirables. À la même date, le ministère de Travail propose aux directeurs des offices départementaux de recruter la main d’œuvre pour les exploitations agricoles dans les camps plutôt qu’à l’étranger comme traditionnellement. Cette possibilité, fort prisée de nombreux propriétaires du Midi qui viennent recruter directement dans les camps, va occasionner une nouvelle épreuve pour les internés. Vers 10h, le camp se transforme en véritable «marché aux esclaves». À l’image d’une foire au bétail, ceux qui sont jugés aptes au travail, sont exposés sur la place centrale du camp où les futurs patrons viennent les sélectionner. Au cours de l’été 1939, l’application du décret du 12 avril 1939 est généralisé à tous les hommes valides encore internés, excepté ceux jugés «indésirables». Ceux non encore enrôlés doivent être requis pour les travaux agricoles, en qualité de prestataires et non de travailleurs libres. En octobre, il est précisé qu’à défaut, ils seront «refoulés, sous escorte, à la frontière espagnole». Ces nouveaux prestataires sont placés sous la surveillance des services locaux de police ou de gendarmerie. L’enrôlement des prestataires initialement basé sur le volontariat devient obligatoire. Dès le 4 septembre (lire la politique d’Édouard Daladier et Albert Sarraut), les CTE sont réorganisées. Augmentées de 40 nouvelles compagnies formées de prestataires non volontaires, le nombre de CTE s’élève à 180 à la fin de l’année. En février 1940, Albert Sarraut se déclare satisfait de l’efficacité de l’application du décret sur l’astreinte aux prestations, reste celui des civils toujours en suspens. L’incorporation dans les CTE qui devait permettre aux familles de se regrouper ne règle rien en raison tant des conditions de logement que des indemnités perçues qui ne permettent pas d’assurer la subsistance de la famille comme la loi les y oblige. Les femmes dont les maris sont internés doivent trouver un emploi. Les mères doivent s’organiser pour la garde de leurs enfants ou les envoyer dans des colonies organisées par la commission internationale d’aide aux enfants réfugiés. Celles qui refusent, sont mises en demeure de regagner l’Espagne.

L’engagement

L’ultime moyen de quitter les camps est celui de tout temps qui consiste à s’engager dans la légion étrangère. Le chantage exercé à la frontière se poursuit dans les camps. Le 8 février 1939, A. Sarraut demande que, par voie d’affiches ou par entretiens individuels ou collectifs, il soit proposé à ces «étrangers dépourvus de situation stable en France» de s’engager dans la légion étrangère. Peu enclin à rejoindre cette arme, les réfugiés vont être plus favorables aux autres types d’engagement proposés à l’approche de la guerre. En effet, pour les ex-miliciens ni recrutés pour travailler à l’extérieur des camps, ni incorporés dans les CTE, la seule voie pour sortir des camps va être l’engagement dans la légion pour une durée de 5 ans ou les régiments de marche des volontaires étrangers (RMVE) pour la durée de la guerre. En général, la deuxième possibilité a leur préférence. Au total, 6000 à 7000 contracteront un engagement. Progressivement les camps vont ainsi se vider. Les effectifs de 173 000 à la mi-juin 1939, seraient de 35 000 fin décembre. Les camps algériens n’en renfermeraient qu’un millier à peine.

Documents joints

 

L’univers concentrationnaire

Surveiller et punir. Pour la moindre broutille, brutalités et punitions sont fréquentes.
Avant l’ouverture de locaux disciplinaires dont tous les camps sont dotés à partir de mai, existent des prisons ouvertes. Malgré des variantes, le principe est le même. Il s’agit de deux enclos, l’un où l’on marche, «l’hippodromo», l’autre où l’on se tient debout, éventuellement attaché à un poteau, le «cuadrilatero», dans lequel le puni peut rester plusieurs jours. Les rations alimentaires déjà insuffisantes sont réduites de moitié ou supprimées. Le prisonnier est exposé à la vue de tous et, dans certains cas, obligé de rester nu. Pour servir d’exemple, la punition est parfois annoncée par haut-parleurs afin d’être entendue de tous.

Les «fortes têtes», les individus «douteux» ou les récidivistes doivent être éloignés dans les camps spécifiques prévus à cet effet.

La correspondance des réfugiés est soumise à la censure par les services des postes (ou de la police en cas de refus) et de l’intendance du camp. Les journaux autorisés, sont limités à la presse de droite. Il est interdit, sauf autorisation expresse, d’entrer ou de s’approcher des camps pour établir un contact avec les réfugiés, d’autant plus de leur remettre quoique ce soit sans contrôle des autorités. Les corvées à l’extérieur des camps se font étroitement encadrées.

Les camps répressifs

Les réfugiés considérés suspects ou dangereux pour l’ordre public, sont dirigés vers les camps disciplinaires. Parmi eux, les individus soupçonnés d’activisme politique depuis 1931 en France comme en Espagne.

Les premiers «condamnés» sont dirigés vers le château de Fort Collioure. Ils sont enfermés dans le prestigieux et imposant château royal, transformé en prison, qui peut contenir 350 à 400 hommes. Les conditions de détention y sont terribles. Tous les hommes traités comme des criminels par des officiers qui détiennent un pouvoir illimité, effectuent quotidiennement un travail de forçat. Régulièrement frappés et insultés, la hantise reste la punition car outre le cachot commun à tous les camps, Fort Collioure dispose d’une «section spéciale» où les prisonniers seraient soumis à des actes de torture.

En raison des conditions de vie et des repas insuffisants, leur état physique est toujours déficient.

En mai 1939, ces conditions dénoncées par l’humanité et la ligue des droits de l’homme provoquent un tel scandale que le 3 juillet, ce pénitencier est officiellement fermé. Même si, passée cette date, de nouveaux réfugiés y seront encore envoyés par mesure disciplinaire ou parce que suspects.

L’ensemble des autres prisons ou camps disciplinaires est sur le même mode. Que ce soit la prison de Perpignan, le camp de Rieucros ou celui du Vernet d’Ariège, qui restera le plus dur des camps de métropole, partout règnent arbitraire et brutalités. Au faîte de cette triste hiérarchie, les camps d’Afrique du Nord, dont la situation empire singulièrement sous Vichy. Transformés alors en véritables bagnes implantés en plein désert, ils seront un moyen de se débarrasser des étrangers soupçonnés de subversion. Les terribles conditions aggravées par le sadisme des responsables provoqueront un taux de mortalité impressionnant.

La vie dans les camps

Malgré l’aide précieuse apportée par les comités de soutien, en particulier les quakers particulièrement actifs, la plupart des internés qui ont tout perdu sur le chemin de l’exil, manquent de tout.

Très rapidement, ce besoin va conduire aux pires trafics. Au troc initialement improvisé, se substituent bientôt l’immonde marché noir. La corruption et la cupidité n’épargnent personne.

Des internés qui, malgré les nombreuses fouilles, sont parvenus à dissimuler et à introduire dans les camps une quantité incroyable d’objets dont des objets précieux et de l’argent, alimentent le marché qui va encore prendre de l’extension avec l’arrivée des colis et des premiers mandats.

Dans les camps «ordinaires», comme à Argelés, malgré les interdits, une sorte de marché aux puces, le «barrio chino», en référence au quartier populaire de Barcelone, lieu de tous les excès, s’installe.

Mais au milieu du sordide, émerge aussi, une vie de village avec ses artisans, tel le barbier, officiant à l’air libre, ses lieux de rencontre, d’études, de débats, ses quartiers, sa Rambla,…. créant un autre aspect à la fois cocasse et convivial.

Isolement – Effervescence culturelle

Passés les premiers jours dominés par la hantise des besoins quotidiens, les réfugiés qui comprennent que leur séjour dans les camps ne sera pas temporaire, commencent à s’organiser.

Deux objectifs vont devenir prioritaires :
– Sortir de l’isolement et retrouver la famille dont la trace a été perdue au moment de l’exode, ou lors des séparations organisées à la frontière ou dans les camps.
– Retrouver la dignité d’être humain afin de ne pas sombrer dans la dépression voire la folie qui a déjà frappé nombre d’entre eux.

Avec l’aide d’organismes de solidarité et de journaux, des avis de recherche sont publiés, relayés bientôt, par des journaux édités par les réfugiés eux-mêmes.
Dans les camps, des groupes de discussion s’organisent. Une activité culturelle et sportive se développe. D’abord informelles, ces activités vont vite se structurer et rythmer la vie des internés, qui comprennent que la survie passe par l’entretien à la fois du corps et de l’esprit. ( Voir les dessins dessins de Giné en PJ )

Les autorités des camps, d’abord réticentes, finissent par tolérer, parfois même faciliter cette effervescence culturelle qui tient lieu de soupape de sécurité. Des fêtes ouvertes à la population sont même organisées, comme à Gurs le 14 juillet 1939.
Poursuivant le travail d’éducation et d’enseignement commencé en Espagne, des ateliers touchant tous les domaines sont organisés. Ils donnent lieu à des représentations théâtrales et à des expositions. Chacun met ses compétences et son expérience au service de la communauté. Des cours de tout niveau, qui vont de l’alphabétisation aux cours de perfectionnement et à l’apprentissage des langues mais aussi aux leçons d’hygiène et d’éducation sexuelle, se succèdent à un rythme impressionnant et attirent des centaines d’élèves. Les veillés sont consacrées à la lecture, aux conférences-débats, au chant.

En support à ces activités, une presse artisanale, illustrée par des dessins effectués à la plume ou aux crayons de couleur, et reproduite manuellement à quelques exemplaires, voit le jour.

En étroite liaison avec ces activités, le militantisme refait son apparition. Malgré la répression qui peut se traduire par un transfert dans un camp disciplinaire, une vie politique clandestine s’organise. Dans ce domaine, les militants communistes qui occupent souvent des responsabilités dans les différents services délégués aux internés, qui leur permettent de déjouer plus facilement la surveillance des gardiens, sont les plus actifs. Selon les archives du PSUC, 75% des publications communistes sont parvenues ainsi dans les camps et les centres d’hébergement.

Mais cette vie politique est aussi source de lutte entre réfugiés. Les conflits politiques emportés dans l’exil sont encore plus exacerbés. Particulièrement vifs entre communistes et anarchistes, ces affrontements connaissent un regain d’intensité après la signature du pacte germano-soviétique, et donnent parfois lieu à de violentes altercations.

Autoportrait de Giné
Autoportrait de Giné
portrait de Ramon Giné
portrait de Ramon Giné
Infirmier à Sepfond par Giné
Infirmier à Sepfond par Giné
population des principaux camps
population des principaux camps

Des camps placés sous l’autorité militaire française

Excepté les camps de Rieucros (Lozère) et du Vernet d’Ariège qui, par leur spécificité de camps disciplinaires, relèvent du ministère de l’intérieur, dés leur ouverture l’ensemble des camps est placé sous l’autorité militaire.[[En novembre 1940, l’ensemble des camps passera sous l’autorité du ministère de l’intérieur.]]

Le général Ménard, commandant la 17ème région (Toulouse), est nommé responsable. La garde est assurée par des militaires, en particulier G.R.M. (Garde Républicaine Mobile), spahis et tirailleurs sénégalais. L’administration (entretien et ravitaillement) et la surveillance hors du périmètre concentrationnaire dépendent de l’autorité des préfets départementaux. Leur conception et leur aménagement sont confiés aux Ponts et Chaussés, [soit dans un premier temps la pose de barbelés puisque la première préoccupation est de créer des enceintes infranchissables, reléguant au second plan la construction des baraquements].

Au début, un seul camp est prévu. Argelès-sur-Mer (P. O.) créé officiellement le 1er février 1939 pour y interner les combattants, mais également utilisé pour les civils en attente d’évacuation. Le lendemain de sa création, A. Sarraut déclare que tout est prêt pour recevoir 150 000 hommes.

De fait, la seule disposition réelle est la discipline militaire particulièrement sévère, pour le reste, règne la même incurie que celle observée à la frontière. Argelès, premier camp français par sa création et la densité de sa population (180 0000 personnes jusqu’au 10 février), est également un «centre d’accueil» pour grands blessés. Pour les recevoir, 5 grandes tentes ne contiennent même pas le minimum pour soigner des blessés légers, peu de médicaments, pour les bandages le personnel (1 médecin et 5 infirmiers) utilise les morceaux encore propres de ceux qui ont servi.
Le reste du camp n’est qu’une immense plage divisée en rectangles d’un hectare chacun, entourés de barbelés.
Sur cette plage dénudée, balayée par la tramontane, aucun abri sinon des trous creusés dans le sable, recouverts de branchages, de joncs, de couvertures, de tôles ou tout autre matériel emporté dans l’exil et récupéré pour servir de toit. Des cahutes que les réfugiés, toujours empreints de cet humour dont ils ne se départissent jamais, appellent «hôtel de Mil una Noches», «Gran hôtel de Catalunya»,… Outre la promiscuité, aucun endroit n’est prévu pour les défécations.

Très vite, ce manque d’hygiène provoque d’inévitables épidémies aggravées par la pollution de l’eau dont la nappe phréatique à seulement 4m sous la plage est rapidement contaminée par l’infiltration des eaux usées.

Le service d’intendance est également déficient. Deux jours après leur arrivée, le premier repas, succinct, donne lieu à une nouvelle humiliation. Juché en haut d’un camion, un gendarme lance à la volée une boule de pain à cette foule affamée. [[Jean-Marie Herrmann, journaliste au Midi socialiste et au Populaire, rapporte que les GRM chassent à coup de crosse des soldats qui se précipitent sur le camion apportant le pain. Mistral, cité par D.W. Pike, [Vae Victis, los republicanos españoles refugiados en Francia 1939-1944, Colombes, Ed. Ruedo Ibérico, 1969], et Mackenzie Porter de l’Evening Standard, affirment quant à eux, que souvent le pain est jeté dans le sable.]] La faim se rencontre dans tous les camps. Tous les internés se souviennent de ce pain souvent aux trois-quarts moisi et de ces soupes consistant en un bol d’eau chaude dans laquelle comme le rappelle LLuis Montagut, « les plus chanceux trouveront quelques pois chiches désespérément seuls ». [[Lluis Montagut, J’étais deuxième classe dans l’armée républicaine espagnole, Paris, François Maspero, col Actes et mémoire du peuple, 1976, p 108.]]

Pour décongestionner Argelès et les camps de collectage transformés en camps d’internement, qui commencent à saturer, le 9 février, d’autres camps sont ouverts. Saint Cyprien, une autre plage près d’Argelès, aussi dénudée que la précédente où s’entassent bientôt près de 100 000 réfugiés. Dans le Vallespir, 3 camps prévus pour 4 000 personnes chacun, qui auront une durée éphémère : les camps de collectage du Boulou, d’Arles-sur-Tech et de Prats-de-Mollo transformés en camps d’internement, et Amélie-Les-Bains. En Cerdagne, deux autres camps destinés à recevoir 25 000 personnes à La Tour-de-Carol et dans le château de Mont-Louis qui va accueillir essentiellement des militaires classés « dangereux » comme ceux de la 26e division (ex colonne Durruti) et des internés du camp de collectage de Bourg-Madame, transformé en camp d’internement, qui commence à saturer. Ces trois derniers camps évacués peu après en raison du froid. Tous connaissent le même dénuement et le même surpeuplement.

Bacarés, Vernet-les-Bains, Rivesaltes…

Vers la mi-février, alors que débutent les premières réalisations, s’ouvre le camp de Bacarés, réservé aux réfugiés en instance de rapatriement. Aménagé en utilisant les internés comme main d’œuvre, il dispose d’un relatif confort avec des baraquements, toutefois à même le sable, des latrines, des cuisines et de l’électricité. Pour alléger ces camps toujours surpeuplés ou compenser ceux évacués, d’autres camps sont ouverts. La volonté du général Ménard est à la fois de les désenclaver géographiquement et de leur donner une spécificité.
Deux seuls sont situés dans les Pyrénées Orientales : Vernet-les-Bains et Rivesaltes, ce dernier plus particulièrement réservé aux Catalans. Les autres sont en dehors de ce département : Agde (Hérault), également pour les Catalans ; Bram (Aude), plutôt destiné aux personnes âgées ; Septfonds (Tarn-et-Garonne), où sont dirigés, en priorité, les ouvriers spécialisés. Pourtant, malgré quelques aménagements, la situation de dénuement déjà observée est loin d’être réglée. Ouverts dans l’urgence et toujours surpeuplés, les constructions de baraquements sont systématiquement repoussées pour donner priorité à une enceinte infranchissable.

Au printemps 1939 (avril), ouvre le camp de Gurs, dans les Basses-Pyrénées, qui va abriter essentiellement des Basques, des aviateurs et des Brigadistes (la majorité). Les conditions y sont légèrement meilleures. Considéré comme camp «modèle», il est à ce titre largement ouvert aux visites officielles. En revanche, conçu pour un hébergement temporaire, il va vite se dégrader, d’autant qu’il continuera à fonctionner pendant toute la durée de la guerre et à la libération.

Des camps plus répressifs sont également ouverts : Rieucros où dès le 18 février 1939 doivent être dirigées les femmes politiquement suspectes ou dangereuses ; Le Vernet d’Ariège, ( lire l’article Camp du Vernet d’Ariège M. Roquejoffre en PJ ) ouvert en mars, dans lequel est internée, dès son ouverture, la quasi-totalité des anarchistes de la 26e division Durruti ; Fort Collioure (P. O.), «premier cachot de l’exil», dont les premières victimes sont les évacués des camps voisins du Roussillon qui y sont conduits menottes aux poignets comme des malfaiteurs.

Relizane, Morand, Suzzoni,…

En Afrique du nord, d’autres camps, destinés à y interner la dernière vague de réfugiés de la zone sud-est de l’Espagne, de l’ordre de 10 à 12 000 personnes, qui est parvenue à quitter l’Espagne avant l’arrivée des Italiens et des franquistes, sont également ouverts (lire l’article « Les camps d’Afrique du nord » ). En fonction du lieu où les bateaux accostent, l’accueil est variable. C’est en Algérie, où les autorités tentent par tous les moyens d’éviter le débarquement, que les conditions sont les plus éprouvantes. Après des mises en quarantaine variables, les civils sont provisoirement abrités dans des centres d’accueil improvisés (ancienne prison civile d’Oran, anciens docks et marabouts installés sur le port à Ravin blanc réservé aux hommes) ou évacués vers des centres d’hébergement plus éloignés, le plus souvent dans la région d’Orléansville. Les plus importants : Carnot plutôt réservé aux regroupements familiaux dont les conditions sont légèrement meilleures, et Beni Hindel (Molière) destinés aux femmes et aux enfants. L’improvisation constatée quelques mois plus tôt en métropole se vérifie. En règle générale, les conditions de vie et d’hygiène sont déplorables, mais les situations les plus dramatiques restent celles des camps d’internement. Parmi ces camps, Cherchell [[Situé à 60 km à l’ouest d’Alger, Cherchell, destiné à recevoir des hommes de catégorie socio-professionnelle plus élevée (238 à l’automne) y vivront dans de meilleures conditions que les autres miliciens. Sur ce sujet, voir : – Anne Charaudeau, L’exil républicain espagnol : les camps de réfugiés politiques en Afrique du Nord, in Italiens et Espagnols en France 1938-1946, colloque international, Paris, CNRS, 28-29 novembre 1991, sous la direction de Pierre Milza et Denis Peschanski. – Andrée Bachoud, Bernard Sicot (coord.), Sables d’exil : Les républicains espagnols dans les camps d’internement au Maghreb 1939-1945, ouvrage collectif in Exils et migrations ibériques au XXe siècle n° 3 nouvelle série (BDIC/CERMI/CRIIA), Perpignan, éd. Mare Nostrum, 2009.]] où sont dirigés en priorité les intellectuels et les francs-maçons, et à l’écart des villes, ceux réservés aux miliciens : Relizane (ancienne caserne dans la région de Mostaganem) et au sud d’Alger (Blida) le camp Morand le plus important, près de Boghari qui abrite quelques 3 000 internés au début de l’été 1939, et le camp Suzzoni à Boghar. À l’origine, ces deux derniers camps, souvent regroupés sous le même nom de « camp de Boghar », ne sont pas à proprement parler des camps répressifs mais le régime est tellement austère que les conditions y sont pires que partout ailleurs.

Dés leur ouverture, en mai 1939, un rapport du CICIAER (Comité International de Coordination et d’Information pour l’Aide à l’Espagne Républicaine) mentionne : « ils manquent de tout… Avec la chaleur, cela nous permet d’affirmer que pas un homme ne pourra résister dans ces conditions. Ils sont voués au désespoir, à la maladie et à la mort ».[[Rapport du docteur Weissman-Netter in Deux missions internationales visitent les camps de réfugiés espagnols (mai 1939), Paris, CICIAER, 1939.]]

Avec l’approche de la guerre et l’organisation des premières compagnies de travailleurs étrangers (CTE) [[En avril 1940, ils seront environ 2 500 incorporés pour toute l’Afrique du nord.]], leur situation va encore se dégrader. Le camp de Boghar qui s’ouvre aux punis de métropole et aux suspects de subversion ou considérés dangereux, devient un camp disciplinaire. Les miliciens incorporés dans les CTE, envoyés le plus souvent dans le désert pour l’extraction du charbon dans les mines de Kenadza ou la construction du « transsaharien » (voie ferrée qui à partir de Colomb-Béchar devait relier l’Algérie au Niger), voient leur condition passer de difficile à terrible : travail harassant, variations thermiques, sirocco, animaux venimeux (scorpions, serpents, araignées,…). Sous le gouvernement de Vichy, les CTE transformées en GTE (groupement de travailleurs étrangers), seront cette fois de véritables bagnes conçus dans une logique d’exclusion. Commencera alors une nouvelle génération de camps (Bou-Arfa, Oued-Akrouch, Berrouhaghia, Colomb-Béchar, Djelfa, Hadjerat M’Guil,…et les terribles prisons de maison carrée à Alger et le fort Caffarelli) où les conditions seront cette fois criminelles.

Les centres d’hébergement

_Pour recevoir les civils, les centres d’hébergement, dont les capacités d’accueil varient en fonction des propositions d’hébergement, se multiplient à l’intérieur du pays. L’accueil et les conditions de vie y sont variables. En mars 1939, 170 000 civils ont été évacués dans 69 départements. La moyenne des effectifs accueillis est de 2 500 à 3 000 par département. Dans un premier temps, malgré de réelles mobilisations pour leur venir en aide, ces conditions restent souvent difficiles, en raison de l’entassement, tout âge et sexe confondus, dans des abris de fortune. D’autres difficultés sont liées aux déménagements, tant intempestifs que fréquents, dont la destination jamais connue, provoque l’angoisse d’être renvoyés en Espagne contre leur gré, comme aux mesures sanitaires prises, pour protéger la population locale. Que ce soient les vaccinations généralisées ou la mise en quarantaine de certains centres, ces dispositions sont généralement vécues comme autant de brimades, voire des marques de mépris et de défiance. Toutefois, passés les premiers mois parfois difficiles, on peut estimer que généralement la plupart des civils bénéficient d’une certaine bienveillance et sont relativement libres de leurs mouvements, surtout si on compare leur situation à celle des internés dans les camps, enfermés et constamment sous étroite surveillance.

Le taux de mortalité est effrayant

Dans les premières semaines qui suivent l’entrée en France, le taux de mortalité est effrayant. Si les premiers meurent le plus souvent d’épuisement ou succombent à leurs blessures, dans les camps, la première cause de décès est due aux épidémies qui se propageant rapidement.
Outre la dysenterie et la pneumonie qui sévissent dans tous les camps, d’autres maladies font des ravages : la typhoïde, la tuberculose, les troubles mentaux et névrotiques. Le tout aggravé par la gale, les poux dont sont couverts les réfugiés et l’avitaminose qui provoque de nombreux cas de scorbut.
Et, plus particulièrement dans les camps sur la plage, la conjonctivite ou autres maladies dues au sable. Parmi ces dernières, «l’arenitis», cette maladie qualifiée ainsi par les internés, pour désigner à la fois la souffrance physique et psychologique, liée à l’obsession de ce sable qui s’infiltre partout et de l’ennui infini dans cet univers sablonneux.

En mars, une recrudescence du mauvais temps aggrave la situation déjà précaire des internés. Certains camps inondés doivent être évacués au plus vite. Dans de nombreux camps, le sol n’est plus qu’un immense cloaque. À Arles sur Tech, le général Ménard déclare « être écœuré devant le spectacle de cette armée croupissant dans la boue sous les rafales». Face aux accusations dont il est l’objet, le gouvernement est contraint de prendre des mesures.

Au printemps, tant bien que mal, chacun a au moins un toit pour s’abriter même si les conditions y demeurent spartiates. L’ordinaire ainsi que les soins aux malades et aux blessés se sont sensiblement améliorés. La vie dans les camps s’organise. Mais, de ces premiers mois d’exil, les réfugiés garderont à jamais un sentiment de dégradation. Le souvenir, comme le rappelle LLuis Montagut, d’une «destruction méthodique de toutes les valeurs morales, faisant de la personne (…) une bête affamée, sale, obsédée par ses besoins les plus élémentaires».

camps du sud de la France
camps du sud de la France
parquage des hommes à Prats de Mollo
parquage des hommes à Prats de Mollo
Principaux camps en France
Principaux camps en France

Documents joints

 

Le 27 janvier 1939, La France entrouvre sa frontière

Le 27 janvier 1939, La France entrouvre sa frontière pour laisser passer les femmes, les enfants et les blessés, pendant que les derniers combattants continuent la lutte jusqu’au début du mois de février, où sonne l’heure de La Retirada.

De longues files de civils et de militaires patientent aux différents points frontaliers de passage (Port-Bou/Cerbère ; Le Perthus ; Prats de Mollo, Puigcerda/Bourg-Madame et même par voie de mer.) C’est un exil sans précédent dans l’histoire, l’un des plus grands des temps modernes : plus d’un demi-million de personnes, abandonnant les ruines de leur République, viennent chercher refuge en France. De longues files de pauvres gens s’étirent sur les chemins des Pyrénées. Bombardées par l’aviation franquiste, elles quittent les routes pour passer par la montagne en plein hiver. Beaucoup n’ont aux pieds que des espadrilles et aucun équipement d’hiver.

Dès leur arrivée, les familles sont séparées. Pour les hommes, on ouvre des camps disciplinaires tels Le Vernet d’Ariège, Bram, Collioure et des camps de fortune sont installés à la hâte sur les plages du Roussillon, à Argelès, Le Barcarès et à Saint-Cyprien notamment, où des rangées de barbelés séparent les hommes des femmes, les familles se trouvent ainsi écartelées et cela crée de vrais drames. Ce ne sont d’ailleurs que des emplacements ; les camps de concentration seront construits au fur et à mesure par les républicains eux-mêmes. Ces camps sont entourés de barbelés, la surveillance est assurée par des tirailleurs sénégalais et des gardes mobiles.
Devant l’arrivée de près d’un demi-million de personnes, les autorités françaises choisissent de concentrer les réfugiés près de la frontière pour éviter qu’ils ne se dispersent et pouvoir ainsi les contrôler.

Toutefois les femmes sont acheminées avec les enfants dans toute la France (excepté la région parisienne) mais loin des frontières avec l’Espagne. En mars 1939, 77 départements accueillent quelques 170000 réfugiés.
Le nombre de réfugiés par département varie entre quelques centaines et plus de 4000. Mais en moyenne ils sont de 2500 à 3500 dans L’Aveyron, le Calvados, le Cher, l’Eure et Loir, la Dordogne, le Finistère, le Loir et Cher, le Loiret, le Pas-de-Calais, la Saône et Loire, La Seine inférieure, le Vaucluse, la Bretagne…[[Los Olvidados de Vilanova, Ruedo Iberico, Paris 1969]].

Les autorités parent au plus pressé et parfois les installations d’accueil sont rudimentaires. Tous les locaux disponibles sont utilisés (écoles, colonies de vacances, casernes, prisons, centre de santé sanatorium mais aussi écuries, granges, usines désaffectées).

Des épidémies se déclarent notamment dans les centres d’Orléans, Blois et dans l’Eure et Loir : Rougeole, coqueluche, oreillons… des cordons sanitaires sont instaurés qui consignent les réfugiés à leur campement. Les membres d’organisations telles que la Croix Rouge, la Cimade, les Quakers s’affairent au chevet des malades.
Dans les mouvements et déplacements auxquels les réfugiés sont contraints des enfants perdent leur famille. Et les mères les cherchent désespérément
Dans l’Eure et Loir Magdalena F est séparée de ses 3 enfants, à Châteaudun Sara B cherche son bébé de 2 ans, à Buzançais 8 femmes ont perdu la trace de leurs enfants, à Chartres Delphina B ne sait pas où se trouve sa fillette de 10 ans. Des trains entiers sont réacheminés vers l’Espagne avec à bord des femmes, des enfants, des blessés. Ils seront emprisonnés par Franco malgré les promesses.
Beaucoup d’enfants vont rester seuls et sans nouvelle pendant plus d’un an, la déclaration de la guerre va encore accentuer cette panique.

Espagne et autres Pays.

Trois possibilités s’offrent aux réfugiés : l’installation en France, le retour en Espagne par choix ou par force, et l’accueil dans d’autres pays. Au fil des semaines et des mois, ce sont des convois entiers de femmes, d’enfants et de blessés, pour lesquels le gouvernement français espère la clémence du régime franquiste, qui reprennent également le chemin de l’Espagne.[[L’exil des républicains espagnols en France,p.73, Geneviève Armand-Dreyfus, éditions Albin Michel, Paris, 1999.]] Afin d’inciter le maximum d’arrivants à repartir chez eux, le gouvernement diffuse dans les camps l’appel franquiste qui leur promet la clémence à leur retour. Les autorités françaises mettent en place d’importants convois et, entre le 1er et le 19 février, 50 000 Espagnols rentrent en Espagne [[Voir le récit de José Sangenis dans Mémoires espagnoles, p 234, de V. Olivares Salou, Editions Tirésias, Paris 2008.]] . L’accueil dans les autres pays relève de la solidarité internationale, mais a un impact peu significatif. Il est mis en place par quelques démocraties européennes comme le Danemark, la Belgique, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne, mais surtout par les pays d’Amérique latine, rappelant le lien linguistique et culturel entre ces peuples et les Espagnols. 40 000 républicains partent pour le continent sud-américain (Argentine, Venezuela…) dont 15 000 à 20 000 pour le Mexique (pays engagé aux côtés de la République espagnole dès les premiers jours d’avril 1931). Le Sinaia fut le premier bateau à partir en mai 1939 du port de Sète, avec à son bord des réfugiés espagnols, en direction de l’Amérique latine. L’URSS, pourtant alliée officielle de la République espagnole, va longuement hésiter avant d’accueillir uniquement 4 000 réfugiés (surtout des dirigeants du PCE et leur famille ; des enfants (5000), dont beaucoup ne rentreront plus en Espagne dont Gonzalez Joachim (parti à 5 ans et qui ne retrouva ses parents qu’à l’âge de 45 ans), et auxquels le gouvernement espagnol a proposé en 2009 la nationalité espagnole et une [[Odyssée pour la liberté, p.167-169, Marie Claude Rafaneau-Boj, Denoël 1993]] .

Composition des exilés

Les exilés représentent l’ensemble de la société espagnole, cependant les combattants de l’armée républicaine, d’origine populaire (paysans et ouvriers), sont les plus nombreux. Les femmes, les enfants et les vieillards sont en quantité moindre. Les statistiques de l’exode comptabilisent la présence en France de 68 035 enfants, 63 543 femmes, 9029 personnes âgées, 11 476 combattants isolés, 180 000 combattants dans les camps et enfin 10 000 dans les hôpitaux, soit 201 476 soldats.
Dès l’entrée en France, les réfugiés sont soumis à une fouille minutieuse et sont obligés de se délester de tout ce qu’ils possèdent : armes, munitions, meubles, bétail (plus de 1 500 brebis, 600 vaches…) et véhicules. [[Les camps sur la plage, un exil espagnol, Geneviève Armand-Dreyfus, Émile Témime, éditions Autrement, Paris 1995.]]

 

Sur 160 000 hommes recensés, on dénombre :

45 918 ouvriers agricoles 529 techniciens de l’agriculture 110 aviculteurs
797 vachers 3721 boulangers 917 bouchers
99 fabricants de conserves 189 distillateurs 2688 marins
1031 pêcheurs 278 ingénieurs 46 architectes
8690 maçons 924 tailleurs de pierre 195 typographes
6938 manœuvres 5110 mécaniciens divers 2611 tourneurs/ajusteur
824 scieurs 364 soudeurs 920 forgeurs
2721 mineurs 5922 ouvriers du bois 3783 métallurgistes
395 ouvriers de l’aviation 293 ouvriers de construction navale 413 ouvriers chemin de fer
2562 techniciens divers 714 ouvriers industrie automobile 186 armuriers
565 ouvriers produits chimiques 2809 électriciens 400 spécialistes TSF
6524 chauffeurs 3034 cheminots 705 ouvriers cuirs et peaux
3311 ouvriers du textile 63 ouvriers de la soie 235 chapeliers et bonnetiers
928 tailleurs 1568 cordonniers 533 médecins
268 pharmaciens 503 infirmiers 135 dentistes
41 opticiens 2440 ouvriers du livre 2063 enseignants
170 journalistes 208 intellectuels divers 6325 employés commerce
3616 fonctionnaires publics 1832 officiers de l’armée 310 officiers de marine

Files vers la frontiere française
Files vers la frontiere française

Le 26 janvier, la frontière est fermée

Le 26 janvier, alors que Barcelone tombe, une réunion interministérielle décide de maintenir la frontière fermée par des barrages infranchissables.

Deux jours après, face à l’afflux de réfugiés à tous les postes frontières, la frontière est ouverte aux civils et aux blessés. Ce n’est que le 5 ou 6 février, suivant les postes frontières, alors que toutes les capitales catalanes sont tombées aux mains des nationalistes, que l’autorisation d’entrer est enfin donnée aux militaires. Ils devront se présenter en ordre et sans arme.

Les routes vers la France sont de plus en plus encombrées de tout un matériel hétéroclite, d’objets emportés à la hâte, d’animaux, de voitures, de charrettes, d’armes que les fugitifs tentent de mettre à l’abri en France pour éviter que les nationalistes ne s’en emparent. La peur d’être rejoints par l’armée nationaliste provoque de plus en plus de panique dans cette foule qui arrivée à la frontière attend d’être admise dans le pays d’accueil.

Ce long flot va se déverser jusqu’au 12 février, date à laquelle les nationalistes atteignent la frontière. Ils seront quelques 250 000 militaires, 10 000 blessés et 230 000 civils dont 60 000 hommes.

Le passage de cette frontière tant espérée, devient le signe tangible de la défaite. Car c’est un peuple vaincu qui est accueilli. Traité comme des ennemis, ils vont être désarmés, fouillés, séparés. L’attitude générale n’est pour eux que mépris et provocation. (lire l’article : Les Blocages sociaux de l’intégration)
La seule présence de la troupe coloniale chargée du maintien de l’ordre, qui leur rappelle les troupes maures de Franco, utilisées dans les actions punitives et de répression, est déjà très mal vécue. Les humiliations sont courantes. Leurs effets ou biens personnels sont inspectés parfois confisqués, vidés à même le sol. Face à cette brutalité, les scènes conflictuelles ne sont pas rares. Ceux qui résistent, sont refoulés.
Par cette attitude le gouvernement veut inciter le plus grand nombre à retourner en Espagne. D’ailleurs, la question leur est posée. Ceux qui acceptent de repartir ou de s’engager dans la légion, sont immédiatement séparés des autres et reçoivent les premiers soins.

Pour les autres commence, une nouvelle attente. Gardés par des Sénégalais en arme, ils vont rester parqués aux abords de la frontière, sans soin, sans abri, exposés aux intempéries. Pour certains d’entre eux, la première nuit en terre d’asile sera leur linceul. Pour les autres, après un séjour variable, les civils et les blessés sont évacués vers des centres d’hébergements ou des hôpitaux dispersés dans presque tous les départements sauf la Seine ; les miliciens dirigés, sous escorte et à pied vers les camps de concentration installés en toute hâte, au nord des Pyrénées et le long de la côte du Languedoc-Roussillon.

Le plus grand exode de la guerre civile espagnole

La plupart des réfugiés qui au début de l’année 1939, trouvent refuge en France, vont avoir en effet, pour comble de malchance, de tomber sous le coup de nouvelles lois dont celle du 12 novembre 1938 qui prévoit l’internement, dans des «centres spéciaux» où ils feront l’objet d’une surveillance permanente, des étrangers jugés dangereux pour l’ordre public et qui ne peuvent profiter de cette liberté encore trop grande donnée par l’assignation à résidence prévu par le décret du 2 mai. ….(lire l’article La politique d’Albert Sarrault/Edouard Daladier et texte du décret du 2 mai 1938)

Lorsque contraint et forcé, le gouvernement français ouvre la frontière, il n’envisage à aucun moment d’offrir une hospitalité large et durable. D’emblée, priorité est donnée au retour de ces hôtes encombrants. Que ce soit pour garantir la paix sociale et limiter les dépenses publiques qui seront estimées à 7 millions de Fr/jour, ou pour entretenir des relations de bon voisinage avec Franco et s’assurer de sa neutralité en cas de conflit mondial, il est hors de question pour le gouvernement de maintenir sur son territoire les 500 000 réfugiés qui, entre le 28 janvier et le 12 février, vont chercher refuge en France. Seule l’approche de la guerre et la pénurie de main d’œuvre, l’incitera à changer de stratégie. Pour l’heure, à la veille de l’entrée en France du plus grand exode jamais enregistré, le temps n’est pas à son utilisation potentielle mais comment s’en débarrasser. (lire l’article les accord honteux Bérard/Jordana et le texte de ces accords)

ACCUEIL

La frontière
Le 26 janvier, alors que Barcelone tombe, une réunion interministérielle décide de maintenir la frontière fermée par des barrages infranchissables. Deux jours après, face à l’afflux de réfugiés à tous les postes frontières, la frontière est ouverte aux civils et aux blessés. Ce n’est que le 5 ou 6 février, suivant les postes frontières, alors que toutes les capitales catalanes sont tombées aux mains des nationalistes, que l’autorisation d’entrer est enfin donnée aux militaires. Ils devront se présenter en ordre et sans arme.

Les routes vers la France sont de plus en plus encombrées de tout un matériel hétéroclite, d’objets emportés à la hâte, d’animaux, de voitures, de charrettes, d’armes que les fugitifs tentent de mettre à l’abri en France pour éviter que les nationalistes ne s’en emparent. La peur d’être rejoints par l’armée nationaliste provoque de plus en plus de panique dans cette foule qui arrivée à la frontière attend d’être admise dans le pays d’accueil.

Ce long flot va se déverser jusqu’au 12 février, date à laquelle les nationalistes atteignent la frontière. Ils seront quelques 250 000 militaires, 10 000 blessés et 230 000 civils dont 60 000 hommes.

Le passage de cette frontière tant espérée, devient le signe tangible de la défaite. Car c’est un peuple vaincu qui est accueilli. Traité comme des ennemis, ils vont être désarmés, fouillés, séparés. L’attitude générale n’est pour eux que mépris et provocation. (lire l’article : Les Blocages sociaux de l’intégration)

La seule présence de la troupe coloniale chargée du maintien de l’ordre, qui leur rappelle les troupes maures de Franco, utilisées dans les actions punitives et de répression, est déjà très mal vécue. Les humiliations sont courantes. Leurs effets ou biens personnels sont inspectés parfois confisqués, vidés à même le sol. Face à cette brutalité, les scènes conflictuelles ne sont pas rares. Ceux qui résistent, sont refoulés.
Par cette attitude le gouvernement veut inciter le plus grand nombre à retourner en Espagne. D’ailleurs, la question leur est posée. Ceux qui acceptent de repartir ou de s’engager dans la légion, sont immédiatement séparés des autres et reçoivent les premiers soins.

Pour les autres commence, une nouvelle attente. Gardés par des Sénégalais en arme, ils vont rester parqués aux abords de la frontière, sans soin, sans abri, exposés aux intempéries. Pour certains d’entre eux, la première nuit en terre d’asile sera leur linceul. Pour les autres, après un séjour variable, les civils et les blessés sont évacués vers des centres d’hébergements ou des hôpitaux dispersés dans presque tous les départements sauf la Seine ; les miliciens dirigés, sous escorte et à pied vers les camps de concentration installés en toute hâte, au nord des Pyrénées et le long de la côte du Languedoc-Roussillon.

La France divisée : ambivalence des sentiments vis-à-vis des réfugiés
Si depuis leur entrée en France, les réfugiés ne connaissent que l’humiliation d’être traités comme des criminels sous une constante surveillance militaire, il serait faux de dire qu’il n’y eu que des marques d’hostilité.

Dans toute la France, des secours s’organisent et des gestes de solidarité existent.
Par contre, depuis le début février, Raoul Didkowski, préfet des Pyrénées Orientales (P.O.), a pris des dispositions contre les Français qui pourraient aider les réfugiés : quêtes, meeting, manifestations sont interdits. Toute personne qui héberge un réfugié sans le déclarer est passible de 1 mois à 1 an de prison ferme et de 50 à 1000 F d’amende. Il devient impossible de louer une salle de réunion.