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Auteur/autrice : 24 aout 1944

Association Historico-Culturelle C. La Nueve

Ce groupe de reconstitution historique espagnol a pour objet d’entretenir le souvenir des républicains espagnols qui combattirent dans les rangs de la 2ème Division Blindée des Forces Françaises Libres.

Les membres de l’actuelle Asociación Histórico-Cultural C. La Nueve (A.H.C.C. La Nueve), aspirent à faire connaître les aspects de la vie des soldats espagnols de l’exil qui combattirent dans les Forces Françaises Libres, et à entretenir le souvenir des républicains espagnols qui combattirent dans la Seconde Guerre Mondiale.
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Visiter le site de l’ A.H.C.C. La Nueve

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Chroniques de résistance. Tony Hymas

L’idée de résistance est une donnée puissante de l’histoire de l’humanité. La musique aussi. La trajectoire musicale de Tony Hymas, riche en couleurs et en rencontres révèle au premier plan une forme d’histoire populaire dont la musique serait le récit dynamique. Le pianiste britannique a partagé des histoires avec des Indiens d’Amérique ou mis en musique la Commune de Paris. Tony Hymas est avant tout un créateur soucieux de la qualité du monde. Chroniques de résistance est une aventure musicale issue de multiples rencontres.
Une histoire dédiée aux résistants du passé du présent et du futur, qui prend racine en 1940 et, à partir d’événements choisis, cherche, non à être exhaustive, mais à en saisir la puissance tragique ou poétique, la détermination, et les incidences sur notre monde actuel. Musique, textes et chansons se mêlent pour nous raconter par la poésie de René Char, celle de Robert Desnos ou d’Armand Gatti, par les paroles de Sylvain Girault ou Serge Utgé-Royo, les intentions de John Holloway, Barney Bush ou David Miller, autant d’épisodes souvent oubliés ou écartés du grand roman national : la présence des étrangers dans les maquis ou les armées de la France Libre, grands oubliés de la victoire à laquelle ils ont pourtant tant contribué et parmi eux, cette présence capitale de milliers d’Espagnols qui continuaient une guerre contre le fascisme, commencée plus tôt chez eux, tel Francisco Vidal Ponzán et son extraordinaire réseau ou encore ces autres Espagnols de la Nueve qui entrèrent dans Paris le 24 août 1944, le maquis limousin de ce résistant hors normes que fut Georges Guingouin, l’action déterminante des femmes Marianne Cohn, Germaine Tillon, Suzet Chevet, Olga Bancic, la Libération contrariée et ce qu’il nous reste à parcourir. Tony Hymas a réuni pour ces Chroniques de résistance un orchestre, un « band », ou une bande pour être au plus près de ce compagnonnage composé de musiciens, acteurs, chanteurs. Nous vous en présentons 2 extraits : Souvenir de ponzan Souvenir de Ponzan, dit François Vidal (Tony Hymas – Serge Utgé-Royo / édit. musicales nato) La Nueve Citation : Raymond Dronne – Fermin Pujol (Tony Hymas / édit. musicales nato)


int-resistance.jpg Soit le trio Journal Intime avec le saxophoniste basse Fred Gastard, le tromboniste Matthias Mahler et le trompettiste Sylvain Bardiau, le saxophoniste baryton François Corneloup, le batteur Peter Hennig, la chanteuse Elsa Birgé, la slammeuse Desdamona et les acteurs Nathalie Richard et Frédéric Pierrot. Les illustrateurs Jeanne Puchol, Sylvie Fontaine, Vincent Bailly, Vaccaro, Daniel Cacouault, Stéphane Levallois ont rejoint l’ensemble pour prolonger la rencontre dans le livret de 148 pages. Éditions musicales nato, sortie le 18 août 2014.

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Documents joints

 

German Arrue « On est arrivé par la Porte d’Italie »

On est arrivés sans grands problèmes jusqu’aux environs de Paris. Pendant qu’on affrontait les Allemands, dans les alentours, Leclerc est arrivé en demandant à joindre Dronne. Je suis allé le chercher et, une fois arrivé, le général lui a dit qu’il devait filer avec la compagnie vers Paris; il fallait arriver cette même nuit. Je n’avais jamais été à Paris.

On a atteint rapidement l’Hôtel de Ville et on s’est installés autour, face aux quais de la Seine et à tous les endroits stratégiques. Tout de suite, les maquisards de la Résistance sont arrivés; ils montaient avec nous, dans nos voitures, et nous dirigeaient là où se trouvaient les Allemands.


(- Interview réalisée par Evelyn Mesquida -)

Le jour suivant, tôt, on a nettoyé toute la zone, libéré la rue des Archives, où se trouvaient encore des forces allemandes, et on s’est dirigés ensuite vers la place de la République où se trouvait une caserne encore occupée par une grande quantité d’Allemands. Après des affrontements durs, on est repartis avec plus de 300 prisonniers.

Là, on a dû être très fermes, parce que beaucoup de civils qui les insultaient voulaient aussi leur prendre leurs bottes et leurs vêtements. On ne les a pas laissé faire: ça ne nous plaisait pas, ça n’était pas digne. Après toute la misère qu’on avait subie pour arriver jusque-là, et une fois que tous ces gens étaient libres, ils n’avaient pas à prendre les bottes des prisonniers. Nous, sur le front, oui: on leur enlevait montres, bagues, stylos à plume et des choses comme ça, avant de les refiler aux Américains, qui étaient très contents et nous donnaient beaucoup de choses en échange, parce qu’ils pouvaient dire qu’ils avaient fait eux- mêmes des prisonniers…
Un jour, contre une montre prise à un Allemand, les Américains m’ont donné un pistolet: un colt. À Paris, on donnait tous nos prisonniers aux maquisards et aux résistants. Ils les emmenaient…

German Arrue  » J’étais sur le Teruel « 

 » Nos blindés avaient reçu les noms des principales batailles de la guerre civile, comme Guernica, Guadalajara, Ebro, Madrid. Le mien était le Teruel. Nous y étions cinq.

Chaque Espagnol avait aussi un drapeau républicain espagnol. Il était en toile. Je crois que c’est Granell qui les avait obtenus. Il nous en avait déjà donné un autre pour combattre en Tunisie. Les uns le portaient au bras, les autres à l’épaule. D’autres le portaient sous la forme de petits insignes : en Angleterre, on nous prenait pour des aviateurs.

Quand un compagnon tombait, si on le pouvait, il était enterré avec son drapeau républicain. »


(Interview réalisée par Evelyn Mesquida )

(Periodistas-es.com) Un nuage espagnol libéra Paris … Mémoires ibériques de Utgé-Royo

Par Julio Feo Zarandieta

Ce dimanche 22 juin, dans la salle du théâtre ‘L’Européen » à Paris, un concert de l’auteur-compositeur-interprète Serge Utgé-Royo a marqué le lancement d’une série d’initiatives estivales organisées par l’association « 24 août 1944 », qui commémore cette année le 70ème anniversaire de la libération de Paris par les républicains espagnols de la Nueve, la célèbre division du général Leclerc.

Fils de républicains espagnols, son père était anarchiste catalan et sa mère socialiste castillane, exilés au moment de la Retirada, Serge Utgé-Royo a présenté pour l’occasion son dernier disque « Mémoires ibériques, chanter pour les miens », qui inclut une chanson hommage aux républicains espagnols qui combattirent dans la Nueve.

« Un nuage espagnol » est le titre poétique de cette chanson écrite par Utgé-Royo, sur la musique de son complice et pianiste Léo Nissim, en mémoire à la Nueve : « Entre deuil espagnol, et Allemagne en guerre, nous remontons vers le Nord au milieu de l’horreur … Un jour on saura crier dans le silence, qu’un nuage espagnol libéra Paris … » dit ce chant républicain aux couleurs du drapeau anarchiste noir et rouge.

« Mémoires ibériques … chanter pour les miens » est un ensemble de 23 chansons écrites par Serge Utgé-Royo, comme « Amis dessous la cendre », Carte de visite », ou « Quand la vie brûle, la mort a goût de miel », et d’autres chansons populaires et sociales qu’il interprète avec des arrangements musicaux originaux, parmi lesquelles : « Andaluces de Jaén », « La Estaca » ou « Grándola Vila Morena », « Te recuerdo Amanda », ou encore « El ejército del Ebro » … »

Serge Utgé-Royo a revisité dans son abondante discographie, l’œuvre poétique et musicale de Léo Ferré, mais également dans son CD : « Contrechants … de ma mémoire », un ensemble de chansons révolutionnaires et populaires d’hier et d’aujourd’hui, de Boris Vian à Victor Jara, Violeta Parra, Raimon, Luis LLach, José Alfonso, Pete Seeger … , du « Temps des cerises » à « La Butte rouge », « A las barricadas » ou « Bella ciao » et « Adio Lugano bella »…

Avec sa voix chaude et ses arrangements musicaux qui vont du jazz aux rythmes latinos, avec Léo Nissim au piano et Jean My Truong à la batterie, le ton très personnel de Utgé-Royo nous sert un savoureux banquet de mémoire de la chanson populaire internationale que nous devons saluer ; ce sont des chansons de lutte, de combat, d’amour et de solidarité, thèmes qui continuent d’être d’une actualité brûlante.

L’association « 24 août 1944 » organise pendant les mois d’août et septembre, une série d’actes commémoratifs de la participation des républicains espagnols à la libération de Paris. Quatre colloques auront lieu le 22 août dans les locaux parisiens de la Bourse du Travail, ayant pour thèmes : la révolution sociale en Espagne, l’exil des républicains et le combat des Espagnols dans la Résistance et dans la libération de Paris. Parmi les intervenants : l’historienne française Geneviève Dreyfus-Armand, l’écrivain français Frank Mintz, la journaliste et écrivaine espagnole Evelyn Mesquida, auteure du livre « La Nueve, 24 août 1944 ».

Le 23 août, le poète et dramaturge français Armand Gatti présentera au théâtre « La Parole errante » de Montreuil en banlieue parisienne, son œuvre « La Nueve, mise en scène ». Le dimanche 24 août à 14h00, une manifestation partira de la Porte d’Italie pour se rendre au pont Henri IV près de l’Hôtel de ville de Paris, suivant ainsi le parcours que firent les hommes de la Nueve ce même jour de 1944, libérant Paris de l’occupation nazie.

Le 5 septembre le cinéma « La Clef » projettera trois films emblématiques pour illustrer cet anniversaire : »Sous le signe libertaire » de Les, cinéaste de 1936, « Contes de l’exil ordinaire » de René Grando, et « La Nueve ou les oubliés de la victoire » du cinéaste argentin Alberto Marquardt.

German Arrue « Dans la 9ème compagnie, nous nous commandions nous-mêmes »

Dans de la Nueve, les anarchistes sont nombreux. Comme tous les républicains vaincus, ils concevaient ce combat comme la continuité de celui entamé en Espagne et espéraient – comme on leur avait promis – qu’il se poursuivrait, avec l’aide des alliés, contre la dictature de Franco.

Au combat, comme l’évoque German Arrue, «  ils se commandaient eux-mêmes « . « Ancien » de Teruel, il rejoint la 2è DB, participe à la Libération de Paris avec la Nueve, et avec eux, escorta le général de Gaulle le 26 août sur les Champs-Élysées.

« On nous avait mis là parce que je crois qu’ils avaient plus confiance en nous, comme troupe de choc, qu’en d’autres… Il fallait voir comme les gens criaient et applaudissaient! Au début du défilé, on a vu une grande banderole républicaine espagnole, longue de 20 ou 30 mètres, portée par un important groupe d’Espagnols qui n’arrêtaient pas de nous acclamer. Peu après, quelqu’un leur a fait retirer cette banderole.« 


( Interview réalisée par Evelyn Mesquida )

Lire le portrait de German Arrue

Muchas gracias

Nous savons tout, ou presque, sur la Libération de Paris, et c’est une bonne chose d’apprendre aux générations nouvelles, qu’avant de devenir des pépés rabâcheurs, les anciens combattants furent aussi des jeunes de leur âge, capables, le cas échéant, de mourir pour la liberté, à 20 ans, sinon avant. Mais il est une justice à rendre, puisque personne n’en a parlé, et que nous ne saurions négliger, nous, dont la métropole, Toulouse, fut, voilà une quinzaine de siècles, du temps des Wisigoths, la première capitale de l’Espagne.

Il convient donc de savoir que la fameuse division blindée du général Leclerc, la « Deuxième» qui devait devenir la première, celle qui, voilà quarante ans, fit son entrée dans Paris en colère, comprenait plus de trois mille Espagnols, soit le cinquième de ses effectifs. Ces anciens guérilleros d’une guerre civile, prélude à la mondiale, si mal accueillis chez nous dans les camps de concentration infâmes, s’étaient, après notre défaite, engagés ans la Légion étrangère ou enfuis en Angleterre. Certains d’ailleurs avaient déjà combattu en Tripolitaine contre le célèbre « Afrika Corps » du général Rommel. Et ces antimilitaristes, car pour la plupart anarchistes, étaient de l’avis unanime de leurs chefs, de magnifiques soldats. Répartis sur l’ensemble de la « IIe D.B. », ils constituaient la majorité du Régiment d’infanterie du Tchad, ainsi que de la neuvième compagnie de chars du troisième bataillon.

Ce denier était commandé par le colonel Putz, un vétéran des « Brigades internationales», qui, devant Teruel imprenable, avait évoqué, six ans auparavant : Ce coup-ci, c’est Verdun… Et il y revint pour se faire tuer, près de trente ans après. Le capitaine Raymond Dronne, un hispanisant, avait accepté la neuvième compagnie, dont aucun officier ne voulait, pour son caractère particulier. On y comptait, en effet, début août 1944, cent quarante-quatre Espagnols très exactement. Il en restera seize, guère plus de dix pour cent, dix mois plus tard, à la fin de la guerre. Or ce sont ces guérilleros qui sont entrés les premier dans Paris.

Les images de la Libération de la capitale, ou sa reconstitution, ne montrent guère qu’un char, baptisé « Romilly», celui qui fut, ces jours-ci, de toutes les cérémonies. Robert Aron, qui écrivit l’histoire de ces évènements, ne cite que lui, tandis que son collègue Adrien Dansette en ajoute deux autres, « Montmirail » et « Champaubert ». Ces historiens ne veulent voir que des chars français, conduits, à la rigueur, par des éléments marocains. Or, s’il s’agissait de blindés bien à nous, ils portaient des noms de combat espagnols, choisis par leurs équipages d’outre Pyrénées. Le capitaine Raymond Dronne, envoyé en avant-garde par le général Leclerc, témoigne d’ailleurs sans la moindre équivoque: Des half-tracks, portant des noms espagnols et conduits par des Espagnols de la neuvième compagnie, furent les premiers à entrer dans Paris.
Cette unité, composée de cent vingt hommes, avec vingt-deux blindés, était commandée par le lieutenant Elias, assisté du lieutenant Amado Granell et du sergent Campos, qui rêvait de partir ensuite animer la guérilla contre Franco. Elle déboucha place d’Italie, à 20h20. Le capitaine Dronne y prit part en personne, à la tête de la colonne, laquelle se présenta devant l’Hôtel-de-Ville, à 21h33, très exactement. Les premiers chars sur la place, atteste le lieutenant Granell, s’appelaient « Guadalajara », « Teruel », «Madrid » et « Ebro ».

Raymond Dronne pénétra seul à l’intérieur de l’Hôtel-de-Ville, où il fut reçu par une délégation du Comité national de la Résistance, à savoir : Georges Bidault, son président, assisté de Daniel Mayer, Joseph Laniel, Georges Marrane et Léo Hamon. Pendant ce temps, un tireur isolé semait la panique sur la place, où les blindés prenaient aussitôt position, en prévision d’une attaque. Sorti saluer leurs équipages, Léo Hamon confire à son tour : Ils ne parlaient pas très bien le français. C’était des républicains espagnols, engagés dans la division Leclerc.

Le sergent-chef Jesus Abenza, qui se trouvait aux premières loges, jure même que Leclerc en personne avait promis aux Espagnols qu’ils seraient placés en tête de colonne et conduiraient l’armée de Libération.
Il rapporte également que, sur le trajet de la Porte d’Italie à l’Hôtel-de-Ville, plusieurs chars arboraient le fanion de la République espagnole, et qu’on les acclamait comme tels. Ce même sergent-chef installa, sur la place, le premier canon, baptisé « El Abuelo », le grand-père. Ces témoignages vécus se retrouvent, si je ne m’abuse, dans le bouleversant ouvrage de Federica Montseny, la leader anarchiste, ancien ministre de la République : « Passion et mort des Espagnols en France ». Et nous citerons encore le tankiste V. Etchegaray, qui précise en substance : Les forces françaises de l’intérieur nous saluèrent à notre arrivée en anglais. Et nous étions déjà place de l’Hôtel-de-Ville, quand nous vîmes apparaître deux chars français. Les F.F.I. de la capitale étaient sous les ordres d’Henri Rol-Tanguy, le dernier chef du bataillon « Commune de Paris », vétéran des « Brigades internationales ».

Après avoir procédé au « nettoyage » de Paris, la neuvième compagnie du capitaine Dronne alignait, le 26 aout, ses chars devant l’Arc-de-Triomphe. Elle formait la garde d’honneur du Soldat Inconnu pour l’arrivée du général de Gaulle. Une immense banderole aux couleurs de la République espagnole barrait les Champs-Elysées. Entre-temps, plus de quatre mille réfugiés espagnols participaient au soulèvement de la capitale et l’un de leurs chefs, José Baron, s’était fait tuer place de la Concorde.
Cette émulation dans la course à la liberté, dont la Libération da Paris fut le symbole, ne change certes pas le sens de l’Histoire. Aussi, puisqu’il faut rendre à César ce qui lui revient. nous devons-nous de dire « muchas gracias » – merci beaucoup – à ces cousins de sang qui, vaincus à Madrid, où nous étions absents, firent un si long et douloureux parcours pour rentrer en vainqueurs dans Paris.
Mais la course à la liberté n’est-elle pas le rêve éternel de Don Quichotte?

René MAURIES

Muchas gracias. La dépêche du midi 27/08/1984
Muchas gracias. La dépêche du midi 27/08/1984

Manuel Lozano. L’un des premiers à entrer dans la capitale occupée

Manuel, républicain espagnol et anarcho-syndicaliste, raconte comment, en compagnie de nombre de ses compatriotes, il fut l’un des premiers soldats de la deuxième division blindée à entrer dans la capitale occupée, le soir du 24 aout 1944.

C’est au cinquième étage d`un vieil immeuble du dix-neuvième arrondissement qu’habite Manuel Lozano, un de ces immeubles trapus et centenaires comme on en trouve encore dans certains quartiers de Paris.
La ressemblance entre le maitre des lieux et le héros de Cervantes, l’immortel Chevalier à la triste figure est frappante : même sècheresse de corps, même souveraine hauteur un peu courbée ; même idéalisme aussi, intransigeant et utopique.
Sur les murs, constellés d’innombrables petits dessins abstraits, s’égrènent les souvenirs, témoignages d’un passé peu commun : photos bien sûr, mais aussi décorations militaires et citations diverses. L’une d’elles attire plus particulièrement l’attention, qui attribue au soldat Manuel Lozano la croix de guerre. Elle est signée du général Leclerc.

Manuel se souvient. II y a quarante et un ans, le 24 aout 1944, un détachement de la deuxième division blindée, commandé par le capitaine Dronne, roulait silencieusement vers Paris. Manuel était en tête du convoi, juste devant la jeep du capitaine. Vers 20h45, la Porte d’Italie est franchie. Le véhicule à bord duquel prennent place Manuel et quatre de ses compatriotes est le premier des forces alliées à pénétrer dans la capitale occupée.

La terreur franquiste

Juillet 1936: les armées espagnoles d’Afrique, bientôt placées sous le commandement du général Franco, se soulèvent contre le gouvernement légal de la République. En ce mois de juillet torride, Manuel travaille dans les vastes vignobles autour de Jerez de la Frontera, sa ville natale, située à l’extrême sud-ouest de l’Andalousie. À 19 ans, il est déjà membre, depuis 1932, d`un syndicat d’ouvriers viticoles et milite dans les rangs des jeunesses libertaires. Aussi, lorsque Jerez, dès le début des hostilités, tombe sous la coupe des rebelles, c’est tout naturellement qu’il s’enfuit pour rejoindre les bataillons de l’armée républicaine.

Les vicissitudes de la guerre vont alors le conduire sur de multiples fronts, de Malaga à Murcia, en passant par Grenade, Marbella, Almeria et Alicante. En mars 1939, c’est la débâcle des républicains. Le 28 mars Manuel embarque donc à bord de la « Joven Maria », et le 1er avril, la silhouette tranquille du port d’Oran, territoire français à l’époque, se profile enfin à l’horizon.

Il raconte : « Le port était encombré d’un tas de bateaux, chargés de réfugiés, comme nous. Les autorités leur interdisaient de débarquer et ne les ravitaillaient même pas. Les maladies étaient nombreuses. » Manuel et ses compagnons parviennent cependant à quitter leur bateau. Mais le lendemain même, alors qu’il se promène dans les rues animées d’Oran, Manuel est arrêté par la police et immédiatement placé dans un camp réservé aux réfugiés espagnols clandestins. « Les conditions de vie étaient épouvantables », précise-t-il d’une voix pleine d’émotion. On n’imagine pas que Manuel a vécu là une expérience unique. À partir de 1939, ce sont des centaines de milliers de réfugiés espagnols fuyant la terreur franquiste que les autorités françaises parquent systématiquement dans ce qu’il n’est pas possible d’appeler autrement que des camps de concentration.
La libération survient en novembre 1942. avec le débarquement des Anglo-Américains en Afrique du Nord. Les Corps Francs d’Afrique sont alors créés, dont tous les membres sont des volontaires antifascistes venus de divers horizons : Italiens, Allemands, Espagnols… Manuel est parmi eux.

Toutes les familles politiques

Commence alors la longue et difficile campagne d’Afrique à laquelle les Corps Francs participent, intégrés à la 2ème D.B. Dans la division de Leclerc. Manuel fait partie de la neuvième compagnie du troisième régiment de marche du Tchad, surnommée la Nueve parce qu’elle est presque exclusivement constituée d’Espagnols. « Une compagnie qui faisait peur à tout le monde », tient-il à préciser. On retrouve là toutes les familles politiques de ce vaste front républicain qui, trois ans durant, a désespérément combattu la rébellion franquiste : républicains modérés, socialistes, communistes, et bien sûr, anarchistes, les plus nombreux.
Au mois de mai 1944, c’est l’embarquement pour l’Angleterre, en vue de vaste offensive alliée qui, à cette date n’est pas encore prévue pour le 6 juin. Manuel pose le pied pour la première fois sur le territoire français le 4 aout l944. En compagnie de toutes les troupes de la 2ème D.B.
L’accueil de la population est ambigu. C’est du moins, l’impression ressentie par Manuel : « Les bravos, l’accueil chaleureux et enthousiaste, la liesse, c’était dans les grandes villes. Pas à la campagne.»

Du 4 au 19 aout, la division livre sa bataille de Normandie : Alençon est libéré, puis, après sept jours de violents affrontements, Ecouché. Le 19 août, éclate l’insurrection parisienne. Le 22, le général Leclerc reçoit du général Bradley, son supérieur hiérarchique, l’autorisation de marcher sur Paris. Mais les Allemands résistent. Les accrochages sont fréquents, à Longjumeau, Antony, Fresnes. Ils retardent l’avance du convoi. Le 24, les combats se poursuivent.
Le capitaine Dronne parvient cependant à dégager sa compagnie et constatant que devant lui la route est libre, il décide de foncer vers la capitale dont il franchit les limites vers 20 h 45.
Les Espagnols représentaient presque les trois quart des effectifs de ce détachement qui fut le premier à entrer dans Paris. Les autres troupes de la 2ème D.B. ne pénétreront dans la capitale que le lendemain 25 août.
Pour Manuel, le hasard a bien fait les choses en plaçant des Espagnols à l’avant-garde des combats : « Parmi les soldats, et en dehors des officiers français qui avaient fait la campagne d’Afrique, seuls les Espagnols connaissaient bien la guerre. »

Est-ce fortuit ou volontaire, l’histoire ne garde rien, ou presque, du rôle prédominant que jouèrent les Espagnols durant ces heures décisives. Parmi les ouvrages les plus connus, citons celui de Dominique Lapierre et Larry Collins[[Paris brûle-t-il ?, de Dominique Lapierre et Larry Collins, Robert Laffont. 1964]], et celui d’Henri Michel [[ La Libération de Paris, de Henri Michel, éditions Complexe, 1980]]. Ni l’un ni l’autre ne font la moindre allusion à une quelconque présence espagnole dans le détachement de Dronne. Admettons cependant que les auteurs de ces deux ouvrages aient pu être induits en erreur par des sources communes, fausses ou incomplètes.
Le premier grand ouvrage écrit sur la libération de Paris est celui d’Adrien Dansette [[Histoire de la libération de Paris, de Adrien Dansette, fayard, 1946]], publié en 1946. Dansette ne signale aucune présence espagnole aux côtés du capitaine Dronne. Mieux encore, devant les nombreux rapports faisant état de la présence active d’Espagnols à l’avant-garde des combats, il prétendra qu’il s’agissait de Marocains !

Après la France, l’Espagne

Ainsi s’est progressivement constitué l’image des « Français libérés eux-mêmes ». Image inaugurée par de Gaulle dans son célèbre discours du 25 août à l`Hôtel de ville, relayé par des générations d’écrivains et d’historiens, puis finalement assimilé par la communauté nationale.
C’est ce consensus national implicite autour d’une rassurante simplification historique qu’est venu ébranler, il y a quelques semaines, le film de Mosco. Des « terroristes » à la retraite, dont l’intérêt réside en bonne partie dans le rappel des combats historiques que les travailleurs immigrés menèrent en France contre l’occupant nazi.

Mais l’odyssée de la 2ème D.B. ne s’arrête pas à Paris. Après les violents combats du 25 août, puis le célèbre défilé du 26 aux Champs-Elysées, auquel Manuel a participé aux tous premiers rangs (voir notre photo), ce sera la libération de Strasbourg le 23 septembre, le passage au camp de Dachau récemment libéré par les Américains, puis l’ultime étape, Berchtesgaden, le nid de l’aigle.

Pour les Espagnols cependant, La mission de la 2ème D.B. n`est pas finie. Manuel raconte: « Nous nous étions engagés dans la division Leclerc car nous pensions qu’après la France, nous irions libérer l’Espagne. Dans ma compagnie, la Nueve, tout le monde était prêt à déserter avec tout le matériel. Campos, le chef de la 3ème section, prit contact avec les guérilleros espagnols de l’Union Nationale, qui combattaient dans les Pyrénées. Mais l’Union Nationale était noyautée par les communistes, et nous avons du renoncer »
Mais si cela n’avait pas été le cas, si les communistes n’avaient pas été prédominants dans l’Union Nationale?
« Alors nous aurions embarqué la compagnie, et non seulement la compagnie, mais tous les autres bataillons où il y avait des Espagnols. Nous avions tout étudié. Avec les camions chargés de matériel, d’essence, nous serions allés jusqu’à Barcelone. Alors, qui sait si l’histoire de l’Espagne n’aurait pas été changée… »

Laurent GIMENEZ


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Portrait de Manuel Lozano

 

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Témoignage Chrétien No 2146 du 26 août au 11 septembre 1985
Témoignage Chrétien No 2146 du 26 août au 11 septembre 1985

Angel Cariño-Lopez

Né le 16 Mars 1914 à La Piedra, en Galice, Cariño, membre de la C.N.T, exerçait le métier de marin pêcheur.

Fin 1937, il fut mobilisé dans l’armée franquiste qui avait soumis la Galice dès 1936. Après un entraînement rapide il partit pour Burgos avant d ‘être envoyé au combat sur le front de Tolède. Avec un grand nombre de ses camarades il ne tarde pas à déserter le camp franquiste pour rejoindre les rangs républicains.

À la fin de la guerre, en 1939, avec quelques compagnons il a quitté l’Espagne à bord d’une chaloupe. À la rame, depuis le port d’Alicante, ils atteignirent les côtes de l’Algérie française, à Beni-Saf.

Les autorités françaises les accueillent comme des indésirables : Avec ses amis, il fut envoyé au camp de travailleurs étrangers de Morand à Boghari bien connu pour ses méthodes disciplinaires très dures. Il s’évada du camps avec quatre de ses camarades d’infortune.

Repris à Colomb-Bechar, il fut contraint de s’engager dans la Légion. Mais il ne tarda à déserter  la Légion pour rejoindre les Corps Francs d’Afrique (où il fut blessé dans la campagne de Tunis) et plus tard la Deuxième Division Blindée du général Leclerc, où il fut incorporé au sein de « la Nueve », comme canonnier sur le half-Track « Guernica ». Son canon, bien connu des troupes nazis, portait le nom de « Mar y Luz » (Mer y Lumière…) .

Avec ses compagnons de « la Nueve », il à participé à la Libération de Paris et à terminé la guerre avec le grade de Caporal-Chef.

Pour ses faits d’armes il a reçu une citation à l’ordre du régiment, une autre, à l’ordre de l’armée et la Croix de Guerre avec palme du Général de Gaulle le 26 Septembre 1944 à Nancy.

Démobilisé le 25-07-1945, il s’installa en France, d’abord dans l’Indre puis, jusqu’à sa mort, dans l’Essonne. Il n’est jamais retourné en Espagne.

Il aimait particulièrement la Bretagne, où il retrouvait les paysages de sa Galice natal.

La Nueve. 24 Août 1944. Par Evelyn Mesquida

La Nueve, ou neuvième compagnie, c’est le titre de ce livre qui vient d’être réédité et le nom de l’une des unités qui composaient la fameuse 2e Division blindée qui s’est illustrée sur le sol africain et européen en 1944-1945 pour repousser jusque dans leur dernier retranchement, le nid d’aigle de Berchtesgaden, les troupes hitlériennes. Elle était majoritairement composée de républicains espagnols, réfugiés en France après la victoire de Franco. C’est l’histoire de ces oubliés de l’« histoire officielle » que raconte la journaliste Evelyn Mesquida.

Il s’agit pour l’auteure de sortir de l’oubli les combattants d’une compagnie emblématique et, au-delà, tous les Espagnols qui ont participé à la Seconde guerre mondiale aux côtés des troupes alliées, et d’autre part de rappeler que le 24 août 1944, date de l’entrée des troupes alliées dans la capitale, les Espagnols étaient au premier rang.

Sur les 160 hommes de la Nueve, 146 d’entre eux étaient Espagnols ou d’origine hispanique. Il y avait aussi des Espagnols dans d’autres unités mais la Nueve était la plus homogène. Evelyn Mesquida rappelle d’ailleurs que la 2e Division blindée était composée de soldats de plus de vingt nationalités différentes. Les Espagnols étaient les plus nombreux : le livre s’ouvre sur l’exode vers la France de plus de 500 000 d’entre eux après la victoire franquiste en février 1939, dont quelque 250 000 hommes. La plupart reprendront les armes contre le nazisme après de terribles séjours dans les camps d’internement du sud de la France ou d’Afrique du Nord. Comme le rappelle Jorge Semprun dans la préface du livre, les Espagnols qui se joignirent aux combats n’étaient pas « une poignée » mais des dizaines de milliers.
Dans la première partie du livre, on suit pas à pas, des côtes de l’Afrique équatoriale à l’ultime repère de Berchtesgaden, en passant par la Tunisie et la France, la geste des troupes du général Leclerc. Au passage, Evelyn Mesquida rappelle aussi comment les combattants africains furent écartés des rangs lorsque la 2e DB fut constituée en août 1943, malgré les protestations de Leclerc. A eux non plus, la geste nationale de la reconquête n’a pas rendu justice.
Le 24 août 1944, le premier officier de la fameuse 2è DB à entrer dans l’Hôtel de ville de Paris, déjà occupé par le Comité national de la résistance, était un Espagnol, Amado Granell, lieutenant de la Nueve. Et les premiers véhicules à entrer sur la place de l’Hôtel de Ville n’étaient pas – contrairement à ce que retiendra l’histoire officielle – les chars Romilly, Champaubert et Montmirail dont les noms fleurent bon la France profonde mais des half-tracks, des véhicules blindés plus légers et munis de mitrailleuses, pilotés par des Espagnols de la Nueve et nommés Guadalajara, Teruel ou encore Guernica.
Dans une seconde partie, les survivants de la Nueve se racontent à l’auteur. Elle donne chair au récit, rappelant que l’épopée militaire, ce sont les hommes qui la fabriquent avec leur sang et le sang a beaucoup coulé dans cette compagnie qui était la troupe de choc de la 2e DB. L’enfance en Espagne, les trois guerres –la guerre d’Espagne, la guerre de Tunisie contre les troupes du général allemand Rommel et la libération de la France, les acteurs égrainent leurs souvenirs. « La majorité des hommes qui composaient la Nueve avaient moins de vingt ans lorsqu’ils prirent les armes, en 1936, pour défendre la République espagnole : les survivants ne les déposeraient que huit ans plus tard ». Ils devraient déposer des armes qu’ils avaient pensé pouvoir utiliser pour combattre la dictature franquiste en Espagne. Mais après la guerre, chasser Franco était d’autant moins une priorité que dans le monde bipolaire qui émergeait une Espagne verrouillée était un moindre mal.

Tous les témoignages se terminent sur un sentiment de « travail » non achevé. L’un des acteurs raconte : « je me souviens qu’un médecin américain m’avait demandé, un jour, pourquoi nous, les Espagnols, on luttait avec les Français, après les coups de pieds qu’ils nous avaient donnés. J’ai répondu qu’on luttait contre Hitler, qu’on savait que les Français profitaient de cette lutte, mais qu’ils nous avaient donné la possibilité de faire la guerre contre les nazis ». Certains sont morts sans jamais être retournés en Espagne.

Tous ces hommes ont fait leur vie en France. Après la guerre ils ont dû apprendre la langue, apprendre un métier, chercher un travail. La plupart ont rejoint la foule des héros anonymes même si certains ont été l’objet d’hommages publics, tant en France qu’en Espagne. Publics mais tardifs, dans les deux pays. Si tous les soldats de la Nueve ont été décorés de la médaille militaire, tous n’ont pas eu la Légion d’honneur ; un « oubli » que l’auteur s’emploie à réparer. « J’ai demandé la Légion d’honneur pour ceux que j’ai rencontrés qui ne l’avaient pas eu. Deux l’ont eu et trois sont morts sans l’avoir », raconte Evelyn Mesquida, et ce alors que leurs faits d’armes, au regard de ceux accomplis par d’autres combattants, leur auraient largement valu cette reconnaissance.
Comme l’explique Jorge Semprun dans sa préface, l’histoire n’a retenu que ce qui pouvait servir à la construction d’une geste nationale et nationaliste et les étrangers n’y avaient pas leur place. Cette « francisation » de la Libération fut selon lui « une opération politique consciente et volontaire de la part des autorités gaullistes et, dans le même temps, des dirigeants du Parti communiste français ». L’épopée gaulliste et l’épopée communiste de la Libération ne pouvaient être que nationales. « La participation armée des Espagnols a été récupérée par les gaullistes ».

Pour ce qui est de la participation des Espagnols à la Résistance, c’est l’objet du prochain livre d’Evelyn Mesquida.

La Nueve 24 août 1944 : ces républicains espagnols qui ont libéré Paris,
– Evelyn Mesquida, traduction de Serge Utgé Royo,
– éd. Le Cherche-midi, Paris, 2014.

Solana Faustino

« Je suis né à Santander, dans une famille nombreuse de sept enfants.
Une enfance difficile : on avait à peine de quoi vivre. J’ai dû me mettre à travailler très jeune. Depuis tout petit, j’avais décidé d’apprendre le métier de barbier. J’ai été élevé près de groupes anarchistes qui m’ont beaucoup aidé.
Quand la République est arrivée, ça a été le jour le plus heureux de ma vie. Une des premières choses qu’on ait faite, ça a été d’aller à la prison pour libérer les prisonniers. J’avais seize ans.
En 1936 – j’avais déjà vingt-et-un ans –, j’ai dû me rendre à Pampelune  et j’y étais quand la guerre a éclaté. J’ai ensuite demandé à aller au front en tant que barbier et je suis parti avec les anarchistes. Peu après, j’ai été blessé à la jambe et on m’a transporté à l’hôpital. Le médecin qui me soignait voulait me couper la jambe. J’ai refusé. Il a insisté en me disant que la balle était dedans. J’ai rétorqué que la balle était sortie. Comme il insistait, j’ai sorti mon pistolet, je l’ai visé et l’ai assuré de nouveau que la balle était sortie… On ne m’a pas coupé la jambe.

Arrivés en France, on nous a mis dans des camps de concentration d’Argelès-sur-Mer et Gurs. Avant, on nous avait demandé : « République ou Franco ? » On est tous allés du côté républicain. Après, je me suis engagé dans la Légion et on m’a envoyé en Afrique du Nord. Avec la Légion, je me suis engagé dans les corps francs d’Afrique et j’ai fait la campagne de Tunisie contre les Allemands ; une guerre dure. J’y suis resté deux ans jusqu’à ce que je déserte pour rejoindre Leclerc. J’ai déserté en emportant une gourde et un fusil.
Quand Leclerc est arrivé et il a demandé des volontaires, la grande majorité des Espagnols ont déserté, et on est parti avec lui. On est resté quelque temps en Afrique, pour se préparer. La Nueve est devenue une compagnie de choc.

Quand ils nous ont enfin fait embarquer, on savait qu’on n’allait pas tarder à affronter de nouveau les Allemands. On attendait ça parce qu’on avait maintenant en mains un puissant matériel ; et surtout parce qu’on pensait que, dès qu’on en aurait fini avec eux, on irait de nouveau faire la guerre en Espagne.
En Espagne, on avait eu l’occasion de bien connaître les Allemands. En Afrique et en France, on a eu l’occasion de mieux les connaître… Les affrontements étaient très durs. Un jour que j’étais avec mon meilleur ami près d’un des half-tracks, un obus lui a coupé la tête qui a sauté en l’air et m’est retombée sur la poitrine…
De nombreux officiers avaient peur des Espagnols, parce qu’ils disaient qu’on n’obéissait pas. En vérité, c’est qu’on n’obéissait pas « comme ça ».La traversée depuis l’Afrique vers l’Angleterre a été dure : j’ai eu un terrible mal de mer….. Un peu plus tard on a quitté l’Angleterre pour la France sur un Liberty ship qui bougeait tellement qu’on croyait qu’il allait se retourner. On a passé encore un mauvais moment…

On a débarqué à Sainte-Mère-l’Église. La lutte a réellement commencé à Écouché ; des combats violents. Quand on est au combat, il n’y a pas moyen de voir un obstacle sans mettre la tête en avant en restant très attentif à tout. C’est comme ça qu’on a affronté les Allemands et libéré quelques villes, jusqu’à arriver à Paris. Arriver dans la capitale française a été pour nous une grande joie.
On a continué ensuite la lutte en Alsace. On a traversé le Rhin et on est arrivé à Berchtesgaden. Je n’ai pas pu monter jusqu’au nid d’aigle de Hitler parce que j’ai été blessé avant d’arriver au village. Mais j’étais déjà satisfait d’être arrivé jusque là.

En revenant, on était obsédés par le retour en Espagne. J’ai appris qu’on préparait une action pour aller lutter contre Franco. Quelques-uns d’entre nous commençaient à cacher des bidons de gazole ; on les économisait à partir des voitures qu’on conduisait, pour organiser le voyage. Je voulais y aller mais les choses n’étaient pas claires. J’ai décidé de ne pas y participer…

En visite à Elbeuf, en Normandie, il y rencontre sa future épouse et s’installe avec elle dans cette ville. Pour ses voisins, il restera « l’ami anarchiste ».

Ces années là on ne peut pas les oublier. C’était une époque très importante. Je crois qu’on a été la dernière génération à lutter pour des idéaux. On avait l’espoir de voir un monde meilleur.

Granell Amado

Mise au point d’après les recherches de Carmen Blanc et de Diego Gaspar Celaya 

Le soldat qui a « libéré » Paris ; Comment une telle personnalisation a pu être écrite, là où justement il s’agit d’hommes solidaires agissant avec un esprit d’équipe qui leur sauva la vie à plusieurs reprises. 

Dans l’enthousiasme de voir venir enfin la fin du cauchemar, le journal Libération, a des envolées lyriques bien compréhensibles après tant d’années d’obscurité ! Le lendemain, ce journal en date du 25 août 1944, publie en première page la seule photographie connue de cet instant. La photo montre le premier soldat « français » arrivé à Paris, posant avec Marcel Flouret, Préfet de la Seine, près d’une fenêtre, à l’intérieur de la mairie. Ce soldat était le lieutenant Amado Granell, et il apparaissait à la une du journal, sous le titre « Ils sont arrivés ».

Et d’après le récit des témoins de l’époque (ceux du Capitaine Dronne, ceux des soldats de la colonne et de la Nueve, donc) : La colonne toute entière est l’avant-garde qui parvient à l’Hôtel de Ville de Paris le 24 août vers 21h20 (heure allemande), la jeep du capitaine en tête. Le capitaine Dronne gravit le premier les marches de l’édifice qui le mènent aux responsables du conseil National de la résistance, parce qu’il est l’officier responsable du détachement !

L’étude de la presse parue le même jour a permis de retrouver un récit plus explicite de cet événement, passé sous silence car invalidant l’affirmation qui peu à peu s’installe comme vérité historique : « que Amado Grannell est le premier officier « français » à gravir les marches de l’Hôtel de ville ».

L’arrivée de Dronne en premier est attestée par au moins deux journaux, l’article le plus explicite étant celui du journal Front National édition de Paris, 5 heures du matin : « Capitaine Dronne … Soldat Pirlian … premiers à arriver à l’Hôtel de Ville ». Le journal L’Aube rapporte : « Le capitaine Dionne (sic) a fait son entrée à 21h28. C’est le premier officier français entré à l’Hôtel de Ville. Georges Bidault l’accueille dans des termes émouvants. » Ceci confirme la version donnée par Dronne dans ses mémoires. Une explication plus simple de la présence de Granell sur ce cliché est que celui-ci ait été pris après que Dronne ait confié le commandement de la colonne à Granell pour aller à la Préfecture de Police.

Amado Granell, dans lequel Dronne a toute confiance (ils sont liés par des mois de combat au coude à coude), prend le commandement des troupes stationnées en hérisson devant l’Hôtel de ville quand le capitaine doit aller rejoindre la préfecture. En l’absence du capitaine, il sera l’interlocuteur du conseil de la résistance.

Le 26 août 1944, après avoir rendu hommage aux troupes du général Leclerc installées en face de l’Arc de Triomphe, le général de Gaulle commença à pied, entouré de ses hommes, le défilé de la victoire sur les Champs-Élysées. Devant eux, au centre de l’avenue, le lieutenant Amado Granell ouvrait le défilé, à bord d’une grosse cylindrée – prise à un général allemand – qui arborait deux drapeaux, celui à la croix de Lorraine de la France libre, et le drapeau républicain espagnol.

 

Qui est le Lieutenant Amado Granell :

Né en 1898 à Burriana, petite ville de la province de Castellón et mobilisé au début de la guerre civile, il eut comme première affectation le bataillon Levante, à Valence. Nommé capitaine au début de novembre 1936, il fut affecté au bataillon « de Hierro » (« de Fer »), unité de choc qui deviendra plus tard le régiment motorisé de mitrailleuses. En décembre 1938, avec le grade de commandant, il reçut le commandement de la 49e brigade mixte, formée par quatre bataillons, et, peu après, il prit le commandement de la 49e division de l’armée populaire de la République, avec laquelle il participa à l’offensive réalisée dans le secteur de Fuenteovejuna.

Granell s’éloigna du front quand il apprit que la flotte républicaine venait de quitter Carthagène en direction de l’Afrique du Nord. Le 28 mars 1939, trois jours avant la fin de la guerre, il embarqua sur le Stanbrook, dernier navire à quitter le port d’Alicante, à destination d’Oran.

Amado Granell passa par un camp de concentration français avant d’entrer dans les Corps Francs d’Afrique, en décembre 1942, après le débarquement allié. Invité à intégrer une unité américaine, Granell préféra les corps francs commandés par le général de Monsabert. Avec eux, il se battit, durant la guerre de Tunisie, contre les troupes de Rommel, et y gagna ses galons de lieutenant. C’est là qu’il connut plusieurs des futurs compagnons de la Nueve et, surtout, le commandant Putz ; ils intégrèrent ensemble la 2e division blindée du général Leclerc.

Nommé adjoint du capitaine Dronne, Granell fut indiscutablement un des meilleurs officiers de la Nueve et de la 2e division, comme l’attestent les nombreuses médailles et citations obtenues, et parmi elles la Croix de guerre avec palmes et la Légion d’honneur. Le décret qui lui accorde cette nomination explicite clairement quelques-unes de ses qualités :

« (…) D’un courage proche de la témérité, toujours en tête de ses hommes, avec un mépris total du danger. Il s’est illustré tout au long de la campagne, depuis le débarquement jusqu’à Strasbourg, d’Écouché à Paris, Andelot, Remoncourt, Châtel-sur-Moselle, Vaxancourt, Vacqueville, s’est imposé à l’ennemi, obtenant victoire sur victoire ».

En novembre 1944, malade et abattu par la disparition de la majorité de ses hommes et compagnons et extrêmement déçu devant les arguties politiques qui écartaient de la bataille le général Leclerc et ses troupes pour réinstaller l’ancien ordre militaire français, il décida de cesser le combat et accepta d’être hospitalisé. Avant de s’en aller, il voulut arriver jusqu’au Rhin, où il se lava le visage et les mains. Il voulut finir sa guerre de cette manière. Le jour où Granell abandonna la compagnie, le 28 novembre 1944, Dronne écrivit dans son journal : « Avec Granell s’en va une partie de l’âme de la Nueve. »

Croix de guerre avec palme et cinq citations, officier de la Légion d’honneur, Amado Granell, retourne vivre en Espagne dans la clandestinité. Il est mort dans un accident de voiture en 1972. Il est enterré dans le cimetière de Sueca, dans la province de Valence. La pierre tombale, où figurent les lettres LH (Légion d’honneur) et une feuille de palme, a été offerte par le gouvernement de la République française.

 

 

Témoignage du général Roquejeoffre

En 1993, quittant le service actif[[Fils de médecin, il entre à l’école militaire de Saint-Cyr en 1952. Il sert ensuite dans le génie parachutiste en Algérie. Il a été chef de corps du 17è Régiment du génie parachutiste à Montauban (Tarn-et-Garonne) de 1978 à 1980. Il a participé à plusieurs missions militaires à l’étranger : Liban, Tchad, Cambodge…]], je me retire à Pamiers (Ariège).

A l’époque, je ne connaissais aucun des faits d’armes de la Nueve, ni même ce nom. Voila comment, par épisodes successifs, j’ai découvert l’épopée de cette Compagnie.

Très intéressé par l’histoire locale, je complète mes connaissances sur les événements qui se sont déroulés en Ariège, de 1939 à 1944. Je savais qu’à proximité de Pamiers existait, au Vernet-dAriège, un camp d’internement où avaient été enfermés des républicains espagnols lors de la Retirada de février 1939. Je me documente sur le sort de ces internés, dont le nombre avait atteint 15000 à l’été 1939, pour décroitre a 200 en septembre de la même année. Que sont devenus les autres? Autour de 60 sont décédés pendant le terrible hiver 1939, d’autres ont rejoint l’Espagne ou le Mexique, certains se sont engagés dans la Légion étrangère, mais la plupart se sont enrôlés dans les compagnies de travailleurs étrangers (CTE), affectées dans les montagnes ariégeoises à des travaux forestiers.
Ces Espagnols constituèrent le noyau initial des maquis de guérilleros.
Les guérilleros ne m’étaient pas inconnus. Ils avaient participé aux combats de la libération de l’Ariège en 1944, qui se termina par la bataille de Castelnau Durban et la reddition de 1500 Allemands à 500 guérilleros et FTP (francs-tireurs et partisans). Je prends contact avec José Alonso, dit « commandant Robert », chef état-major de la 3e brigade de guérilleros, qui me renseigne longuement sur l’engagement de ses hommes dans la lutte contre les Allemands et la milice, de 1942 à 1944.
Or, en octobre 2002, dans le cadre de cérémonies marquant en France le 60e anniversaire des événements de 1942, une plaque est apposée au col de Py, là où fut créée en Ariège la 3e brigade de guérilleros. Le commandant Robert rappelant ce fait, le préfet me demande, en tant que membre du haut Conseil de la mémoire combattante, de développer plus largement l’engagement des Espagnols dans la libération de la France. Un livre attire mon attention: L’Exil des républicains espagnols en France, de Geneviève Dreyfus-Armand. Dans cet ouvrage, je trouve mentionnée l’existence de la Nueve. J’apprends que les premiers véhicules blindés qui sont entrés dans Paris, dans la nuit du 24 aout 1944, et ont atteint l’Hôtel de Ville sont ceux de cette Compagnie. Et tous les équipages de ces half-tracks sont espagnols.
C’est ainsi qu’à travers les internés du camp du Vernet, les bucherons des CTE, les guérilleros de la 3e brigade, je découvre cette Nueve. J’ignorais totalement le rôle qu’avaient joué les Espagnols de cette compagnie dans la libération de Paris. Je décide donc d’approfondir leur histoire.

Je réunis une documentation, parmi laquelle les extraits de Carnets de route d’un croisé de la France libre et La Libération de Paris, par Raymond Dronne, un article de El Pais de décembre 1981, un numéro spécial de Tiempo de Historia, et surtout un long article: « La Nueve, los Españoles que liberaron París », paru dans Tiempo en 1998, signé d’Evelyn Mesquida. C’est la première fois que je voyais le nom de cette journaliste.
Ces lectures me font mieux connaitre les soldats de la Nueve. Ces Espagnols avaient combattu pendant trois ans pour rétablir la République dans leur pays.
Présents en Afrique du Nord, ils avaient repris les armes aux cotés des Français. Ils n’étaient pas obligés de le faire, mais ils avaient la volonté de continuer la lutte contre le nazisme. C’étaient des fantassins entrainés, aguerris par leur participation à la guerre d’Espagne. Pas faciles à commander, mais, dès qu’ils avaient confiance en leur chef, ils obéissaient sans hésitation. Ils me rappellent les légionnaires que j’ai connus dans ma carrière. Des hommes comme eux, on les prend sans hésiter comme soldats.
Parmi toute cette documentation, je ne trouve sur ce sujet aucun texte d’un auteur militaire. C’est pourquoi, en 2004, pour le 60e anniversaire de la libération de Paris, je décide d’écrire un article pour sortir de l’oubli le combat de ces frères d’armes. Il parait en août dans un hebdomadaire [[Le Nouvel Observateur, 19-26 août 2004]].

Parmi le courrier que je reçois à la suite de cet article, il y a une lettre d’Evelyn Mesquida, correspondante a Paris du magazine Tiempo, dont voici des extraits: « Depuis quelque temps, je travaille sur […] la Nueve. J’ai lu avec plaisir l’article que vous avez écrit dans Le Nouvel Observateur du mois d’août dernier. C’était la première fois que j’entendais un militaire français parler si simplement et si clairement du rôle joué par ces républicains espagnols, et je voudrais vous remercier. » Elle termine en souhaitant me rencontrer. Nous nous sommes vus à Paris en janvier 2005.

Cette première rencontre est le début de nombreux contacts, de conversations téléphoniques, de séjours dans l’Ariège pendant lesquels je découvre la personnalité très attachante d’Evelyn, qui devient une amie.
Journaliste et écrivaine, elle a été correspondante à Paris pendant trente ans (1977-2007) du groupe espagnol de presse Zeta, rédactrice dans plusieurs de ses magazines et, notamment, dans l’hebdomadaire Tiempo. En 1992 et 1993, elle fut présidente de l’Association de la presse étrangère a Paris.
Depuis plus de dix ans, elle fait des recherches sur l’histoire de la Nueve. Elle est devenue historienne en compulsant de multiples archives, aussi bien en France qu’en Espagne, en lisant de nombreux ouvrages, dont certains abordaient des sujets plus globaux, nécessaires pour bien comprendre cette période où furent impliqués les républicains espagnols. Elle a appliqué sa formation de journaliste à la quête minutieuse des événements qu’ont vécus les hommes de la Nueve, de la guerre d’Espagne à la prise du repaire d’Hitler à Berchtesgaden, en passant par la libération de Paris. Elle s’est attachée à recueillir les souvenirs des acteurs ou de leurs descendants et à garder le contact avec les survivants.

C’est tout ce travail qu’Evelyn Mesquida a regroupé dans son livre La Nueve. Elle y raconte l’épopée de cette Compagnie, tout en faisant ressortir la personnalité de deux hommes qui ont joué un rôle majeur dans cette histoire: le commandant joseph Putz, ancien Volontaire en 1914-1918, ancien des Brigades internationales, ancien des corps francs d’Afrique, nommé chef du 3e bataillon du RMT; une figure passionnante, qui incarne à lui seul la légende de la Nueve; le capitaine Raymond Dronne, qui avait rejoint Leclerc à Douala et participa aux combats du Fezzan, de Lybie et de Tunisie. C’est à lui que le général Leclerc confia les Espagnols pour constituer sa 9e Compagnie, car « il avait senti que ces hommes ne pouvaient être commandés que par quelqu’un qui avait l’aura d’être un Français libre des premiers temps [[* Carnets de route d’un croisé de la France libre, Raymond Dronne, Editions France-Empire, Paris, 1984]]». La 9e Compagnie devint alors la « Nueve », et ces Espagnols appelèrent le capitaine Dronne « El capitan ».

La seconde partie de l’ouvrage est plus originale :
Evelyn Mesquida laisse la parole à une dizaine de soldats pour qu’ils racontent ce quils ont vécu, chacun suivant son expérience, et en toute liberté. Ces témoignages sont passionnants parce qu’exprimés très simplement par des hommes de troupe. En 2011, ils ne sont plus que deux survivants: Rafael Gomez, conducteur du half-track Guenica, et Luis Royo Ibanez, conducteur du half-track Madrid.

Il faut remercier Evelyn Mesquida d’avoir fait traduire son livre dans notre langue. Ainsi, il fera connaitre aux Français les faits d’armes de ces soldats espagnols qui ont participé, « par le sang versé », à la libération de la France et au rétablissement de la paix en Europe.
Leurs actions glorieuses rejoignent celles d’autres Espagnols exilés en France: guérilleros du Sud-Ouest, passeurs des Pyrénées, résistants de la MOI (main-d’œuvre immigrée) et des différents réseaux, maquisards des Glières et du Vercors, légionnaires de la 13 DBLE à Narvik et à Bir Hakeim et des régiments de volontaires étrangers en 1940, soldats des bataillons « Guernica» et « Libertad» dans la poche de Royan en 1944, membres des CTE de la ligne Maginot, déportés et morts a Mauthausen parce que républicains espagnols.

Il ne faut surtout pas les oublier, car eux aussi, par leur engagement, leurs blessures au combat, le sacrifice de leur vie, ont participé, bien qu’étrangers, à cette victoire contre les nazis. Leur histoire, sous forme de recueil de témoignages, reste à écrire. Par respect pour ces hommes et ces femmes, venus d’Espagne, elle doit l’être. Nous avons le devoir aujourd’hui de transmettre aux jeunes générations ce que furent leur vie, leur action, leur mort. Leur apprendre qu’ils défendaient des valeurs universelles sans lesquelles nous ne pourrions pas maintenant vivre en paix. Et, surtout, leur dire qu’eux, les jeunes, à leur tour, doivent lutter pour que ces événements de 1939-1945 ne recommencent pas.
Evelyn Mesquida est toute désignée pour écrire cette suite à La Nueve.

Général Michel ROQUEJEOFFRE

Putz Joseph

Le commandant Joseph Putz était considéré comme l’une des figures les plus significatives de la Deuxième Division Blindée. Héros français remarqué de la guerre de 1914-1918, combattant, héros de la guerre civile espagnole et héros, aussi, de la campagne de Tunisie, il était l’officier le plus admiré et respecté par la majorité des Espagnols. Dans tous les combats, et surtout les plus durs, Putz était toujours près d’eux, en première ligne.

La trajectoire de Joseph Putz, « el comandante », correspondait assez peu à celle des militaires traditionnels de l’époque. Combattant volontaire de la Première guerre, Putz fit toute la campagne et revint des diverses batailles avec le grade de lieutenant, chargé de médailles, et blessé de guerre après avoir été gazé, dans le secteur de Vacqueville, en Lorraine. il revint des tranchées aussi avec un profond sentiment antimilitariste, ce qui ne l’empêcha pas de continuer dans l’armée comme officier de réserve. En 1934, il fut nommé de capitaine. En octobre 1937, l’armée française le punit par une mesure disciplinaire pour s’être enrôlé dans les rangs des Brigades internationales. En Espagne, il participa aux combats au sein de la XIVe brigade internationale. Nommé colonel, Joseph Putz combattit en tant que brigadiste sur le front républicain, sous les ordres du fameux général Walter, qui devait en faire, plus tard, son lieutenant. De Lopera (Andalousie) à Morata, Jarama, Madrid ou Guadalajara, blessé plusieurs fois, toujours à la tête de ses hommes dans les combats, Putz obtint l’estime, l’admiration et l’adhésion sans faille de ses soldats.

Sollicité en dernière instance par le gouvernement basque pour la défense de Bilbao, face à la pression des troupes nationalistes du général Mola, Josep Putz se retrouva – en tant que commandant de brigade, de division et de corps d’armée républicaine – à la division Eusko Deya. Sa valeureuse action au cours de la défense de Bilbao, saluée par l’Anglais George Steer, dans son livre L’arbre de Guernika, passionna également l’écrivain américain Ernest Hemingway, qui, d’après le capitaine Dronne, s’inspira de ce singulier combattant pour camper le personnage de « Pour qui sonne le glas ? ».

De retour en France, en 1938, et réintégré dans l’armée, le capitaine Putz fut mobilisé en septembre 1939, au moment de la déclaration de guerre à l’Allemagne. Installé en Afrique du Nord, après la signature de l’armistice, avec le statut de capitaine de réserve, et employé dans l’administration, Joseph Putz travailla comme chef de groupe des travaux du chemin de fer transsaharien Méditerranée-Niger, tout près des républicains espagnols, à Colomb-Béchar.
Suspect à cause de cette relation, on l’obligea à démissionner de sa charge, sous la menace d’une arrestation. Putz décida de se retirer discrètement dans le sud marocain, où il organisa sa participation secrète à la résistance, comptant sur les nombreux Espagnols réfugiés dans la région, et avec lesquels il maintenait des relations.

Après le débarquement allié, en novembre 1942, le capitaine Putz contribua à la création du 3e bataillon des Corps Francs d’Afrique. Nommé chef de bataillon par le général Leclerc, à la création de la 2e DB, Putz attira facilement dans son unité une grande majorité des réfugiés espagnols. Cette présence fut déterminante pour que la force militaire ainsi formée par ces hommes soit connue sous le nom de « bataillon hispanique », et que, de toutes les compagnies, la Nueve, presque entièrement constituée d’Espagnols, reçoive le titre d’« unité espagnole ».

C’est à Temara que l’ancien combattant des terres républicaines espagnoles autorisa les half-tracks de la Nueve à arborer les noms des grandes batailles de la guerre civile – Guadalajara, Brunete, Teruel, Madrid, Ebro, Santander, Belchite…

Croix de guerre en 1914-1918 avec cinq citations, Croix de guerre en 1939-1945 avec cinq citations, officier de la Légion d’honneur et compagnon de la Libération, Joseph Putz est mort à Grussenheim, pendant la bataille Alsace, le 28 janvier 1945.

Pujol Fermín

« Je suis né à Barcelone. Mon père tenait un commerce de vêtements à Sabadell.
Quand la guerre civile éclata, je décidai de partir au front. Je m’engageai dans l’armée républicaine, dans la colonne Durruti et ensuite à la 26e division. J’ai été nommé chef de brigade politique.J’ai fait toute la guerre avec les anarchistes. Avec eux, j’ai défendu Barcelone et j’ai défendu Madrid. Quand on a tué Durruti, j’étais là, comme combattant. J’ai été blessé à Monte Negrillo [ouest de Madrid], en 1937 ; j’avais alors vingt ans. J’ai combattu jusqu’au dernier instant, jusqu’à ce qu’on commence la retraite.
Le 17 février 1939, arrivant au Perthus, on a traversé la frontière française. Tous ceux de la division Durruti sont entrés, ensemble. On était les derniers à passer la frontière. Les gendarmes qui nous accueillaient nous ont désarmés, fouillés, nous prenant tout ce que nous portions – vestes, bagues, montres –, et nous ont mis dans des camps de concentration à l’air libre, sur la plage, sans baraques ni sanitaires, à même le sable, entourés de barbelés.
Après six mois d’enfermement, on en avait tellement marre qu’un jour on a décidé de tout risquer et de s’évader.
On s’est retrouvés un peu plus tard à Saint-Étienne, à travailler dans les mines de charbon aux côtés de nombreux Espagnols qui avaient été écrivains, médecins, chirurgiens, professeurs : de tout. Plus tard notre seule possibilité a été de s’engager pour faire la guerre avec les Français ; sinon, on nous renvoyait en Espagne. J’ai réuni quelques compagnons et peu après, on a pu embarquer à destination de Casablanca. Là-bas, on n’a pas pu échapper aux autorités françaises qui nous ont obligés à nous engager dans la Légion, d’où nous avons déserté, en juin 1943, pour nous enrôler dans la France Libre de De Gaulle. Avec ces troupes, on a combattu au Soudan, en Syrie, au Liban et, surtout, à la bataille de Bir Hakeim, en Libye, dans la 3e brigade mixte de la Légion étrangère, où se trouvaient beaucoup d’Espagnols.
En Algérie, on a appris la formation d’un corps franc d’Afrique, commandé par  Joseph Putz, un colonel des forces de la résistance espagnole, ex combattant des Brigades internationales. La majorité des Espagnols a déserté pour partir avec lui. Le corps franc était un bataillon irrégulier de 3 000 hommes, presque tous espagnols, qui n’allait pas tarder à affronter l’Afrikakorps de Rommel, en Tunisie.
Quand Leclerc est arrivée, nous nous sommes enrôlés dans ses troupes, d’abord à Sabratha, puis à Temara, où a commencé la mise sur pied de la deuxième division blindée, formée surtout d’Arabes et d’Espagnols, en plus de quelques Français. Les Espagnols venaient du corps franc, de la Légion (déserteurs) et des camps de concentration du nord de l’Afrique.
On a fait beaucoup de prisonniers. D’abord, on les remettait aux Américains ; mais ensuite on les leur vendait contre des armes.
Après avoir libéré la Normandie, on est arrivés jusqu’à Paris, jusqu’à l’Hôtel de Ville même. Ça a été très simple, comme une fête. Les gens nous acclamaient tout le long du chemin, couraient à nos côtés, pleuraient, applaudissaient, saluaient, chantaient ! L’enthousiasme était incroyable. Peu après nôtre l’arrivée à l’Hôtel de Ville, les cloches de Paris ont commencé à sonner.
Après d’autres affrontements, on a réussi à libérer Strasbourg. C’était une chose très importante pour nous tous, parce que là s’accomplissait le serment de Koufra qu’avait fait le général Leclerc. Nous sommes arrivés au Nid d’Aigle de Hitler, peu avant la fin de la guerre.
On nous avait dit qu’une fois cette guerre terminée on entrerait en Espagne pour y finir la guerre…On n’a pas voulu nous aider.
J’ai été démobilisé au mois de juillet 1945. Avant, on m’avait proposé d’aller en Indochine, mais j’ai répondu que les Chinois ne m’avaient rien fait. J’ai préféré rester à Paris.

Dronne Raymond

Raymond Dronne fut l’un des premiers hommes à se mettre à la disposition de Leclerc quand celui-ci arriva à Douala. Le jeune fonctionnaire avait 32 ans, il était roux, avec une barbe en forme de collier et il parlait avec un fort accent de la Sarthe. Son air truculent et bon enfant cachait une solide formation de droit, sciences politiques, journalisme et d’école coloniale. Apparemment rejeté par le ministère des Affaires étrangères – où il espérait obtenir un poste diplomatique – pour ses manières frustes et provinciales, Dronne obtint un poste d’administrateur au Cameroun. Mobilisé en 1939, avec le grade de lieutenant, il fut incorporé dans les forces de police du Cameroun.

C’est à ce poste que lui parvint la nouvelle de la défaite française devant les Allemands et de la signature de l’armistice. En même temps lui arriva aussi l’appel à la résistance lancé par de Gaulle. Dronne n’hésita pas : il s’organisa immédiatement pour participer à la lutte et gagner la capitale Yaoundé aux forces de la France libre.

Quand Leclerc se présenta, au nom de de Gaulle, à Douala, Dronne se mit sous ses ordres, sans hésitation. Leclerc dira plus tard qu’avec cette adhésion la France libre avait obtenu un de ses meilleurs éléments. Sa grande expérience de la région serait très utile pour le nouvel arrivant. Entre les deux hommes, rapidement, une grande confiance s’installa.

Dronne combattit au côté de Leclerc au Gabon, et, plus tard, devenu capitaine, il participa aux opérations de Fezzan, en Libye, puis en Tunisie, où il fut gravement blessé à Ksar Ghilane, mitraillé par un avion. Après plusieurs mois d’hospitalisation en Égypte, il sortit, début août 1943, pour aller s’engager dans les troupes de Leclerc, stationnées à Sabratha, où les autorités d’Alger avaient relégué les forces de la France libre. Les hommes campaient au milieu des ruines romaines, recevant chaque jour de nouvelles recrues, dont beaucoup étaient espagnoles. Avec ces hommes, Leclerc formait l’embryon de ce qui allait devenir la 2e division blindée.

Dronne intégra le régiment de marche du Tchad et, peu après, fut nommé capitaine de la Nueve. En lui remettant le commandement, Leclerc le lui annonça, expliquant qu’il s’agissait d’une compagnie de volontaires espagnols qui faisaient peur à tout le monde : « Ce sont de beaux soldats, vous vous en arrangerez… » Leclerc avait compris que ces hommes accepteraient d’être commandés seulement par un officier de la France libre ; surtout s’ils savaient que c’était un soldat qui avait été gravement blessé au combat. Les Espagnols le mirent à l’épreuve, mais ils ne tardèrent pas à l’accepter.

Depuis lors, tous le connurent comme « el Capitán ».

Libération de Paris. 70 ans après, quel souvenir ?

C’est ce que souhaitait savoir l’Association en interrogeant quelques parisiens :

« Cette année ont commémore les 70 ans de la Libération de Paris, le 25 août prochain. »

  1. Que savez-vous de cette Libération ?
  2. Savez vous qui sont les premiers soldats qui sont arrivés dans la capitale ?
  3. Pensez-vous qu’ils ont droit à une reconnaissance ?

La journée du 24 Août 1944 racontée par le Capitaine Dronne

_ Le capitaine Dronne des Forces Françaises Libres, fut le premier officier français à entrer dans Paris encore occupé par les Allemands, a la tête de la 9è compagnie du IIIe régiment de marche du Tchad, composé de volontaires étrangers, surtout espagnols qui s’étaient engagés en Afrique du Nord, et qui furent d’extraordinaires combattants. C’est le récit de leur ruée vers Paris que fait ici l’ancien capitaine de cette unité, devenu depuis député de la Sarthe
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La ruée vers Paris

La libération de Paris ! Quinze années sont déjà passées. Les souvenirs sont devenus lointains. Les heures qu’on croyait inoubliables s’oublient, comme le reste. Pourtant, en fouillant dans les vieux tiroirs de la mémoire, les souvenirs reviennent. L’un appelle l’autre, puis ils jaillissent, se bousculant. Certains détails apparaissent, avec une netteté singulière. Et je puis reclasser et ordonner ces souvenirs sur quelques points de repère : les brèves notes de mon très réglementaire journal de marche.

Nous avancions, aveugles, muets et sourds

Je me souviens tout particulièrement de la nuit du 23 au 24 août. Nous avions quitté le matin du 23 la région d’Ecouché. En un jour, en une étape, la division avait bondi de la Normandie au delà de Chartres ; le soir, elle avançait vers les lisières de Paris en prenant ses dispositions de combat. L’orage et la pluie, une pluie diluvienne, s’abattirent sur nous dans la nuit, pendant des heures et des heures. Nous ne voyions rien, nous avions peine à distinguer les routes et les chemins. Le silence radio, qui nous était imposé pour ne pas trahir notre avance, nous empêchait de tenir nos liaisons. Impossible d’ouvrir et de lire les cartes. Nous avancions, aveugles, muets et sourds. Je me suis arrêté au milieu de la nuit, dans une chaume détrempée. Nous étions quelque part du coté de Limours, nous ne savions exactement où. Je n’avais jamais vu une telle pagaille. Des véhicules de toutes les unités s’étaient égarés et avaient suivi des colonnes qui n’étaient point les leurs Je passai le reste de la nuit a trier et à regrouper les miens.

Accrochage et kermesse dans la banlieue parisienne

À l’aube du 24, la compagnie était rassemblée au complet, à la seule exception d’un half-track qui avait perdu une chenille. Les pleins d’essence étaient faits, les armes nettoyées et fin prêtes. Un beau soleil d’été séchait nos vêtements. Le sous-groupement Putz, dont je fais partie, démarre au petit matin. Nous traversons Arpajon et Monthléry, à Longjumeau, la colonne se heurte, vers huit heures, aux premières résistances allemandes. Je reçois la mission de manœuvrer par la droite de notre axe et de nettoyer le village de Boulainvilliers. Avec une section de chars du 501 et la section de half-tracks du sous-lieutenant Elias, nous menons l’opération entre dix et onze heures. Nous avons quelques brefs accrochages avec des éléments d’infanterie allemands qui ne tiennent pas longtemps. L’opération se solde avec un seul blessé, mais très gravement atteint, le pauvre Vega fera des mois et des mois d’hôpital. Les deux autres sections de la « neuf », aux ordres du lieutenant Granell [[Amado Granell (1898-1972) Valencien, ancien du Tercio (légion étrangère espagnole) où il s’était engagé, mineur sans le consentement de ses parents et en sorti Sergent en 1922. Il s’installe à Alicante avec un magasin de cycle à louer et participe au mouvement syndical ouvrier avec ferveur. il prend une part active à la guerre civile dans le bataillon Levante, puis De Hierro où il est nommé capitaine. Il est commandant en décembre 1938 de la 49e brigade mixte. Le 28 mars 1939, il s’embarque sur le Stanbrook, dernier navire marchand anglais à quitter le port d’Alicante avant l’arrivée des nationaux de Franco. Il rejoint Oran avec juste son fusil mitrailleur. Il est mis comme beaucoup dans un camp disciplinaire (camp de concentration français) puis en décembre 1942, il intègre les Corps Francs d’Afrique, après le débarquement allié en Méditerranée. Durant la campagne de Tunisie, il rencontre le commandant Putz qui lui offrira l’occasion de passer dans la 2e DB sous le commandement du général Leclerc. Il est nommé adjoint du capitaine Dronne et est indiscutablement un des meilleurs officiers de la Nueve. Il s’illustre à : Écouché, Paris où il se trouve dans la colonne qui entre dans la ville en avant garde de la 2e DB, le 24 août 1944. Décoré de la légion d’honneur par le Général Leclerc, ce dernier prononcera ces mots en guise de félicitations : « S’il est vrai que Napoléon a créé la Légion d’honneur pour récompenser les braves, personne ne la mérite plus que vous. »
Il poursuit le combat : Andelot, Remoncourt, Châtel-sur-Moselle, Vaxancourt, Vacqueville, Strasbourg… Il s’illustre avec son unité à Badenvilliers où ils délogent l’ennemi très supérieur en nombre. Mais déçu des intrigues politiciennes pour ramener l’ordre militaire traditionnel et écarter les vrais combattants, très affecté de la perte des compagnons de route, il décide de cesser son combat en parvenant sur les rives du Rhin. Le 28 novembre 1944 Dronne dira : « Avec Granell s’en va une partie de l’âme de la Nueve. » ]], procèdent au nettoyage à l’entrée de Longjumeau. Les Allemands s’accrochent. Il faut les tuer dans leurs trous. Granell ramasse une quarantaine de prisonniers, qui donnent des renseignements intéressants. Les Allemands, une fois captures, sont étrangement bavards.

Vers midi, je regroupe toute la 9e compagnie devant Antony où des résistances se révèlent. La section du sous-lieutenant Montoya [[Vicente Montoya, ancien officier carabinier de l’armée républicaine. Il eut des petits conflit avec ses hommes mais son attitude courageuse et responsable au combat renforça la confiance et le respect de son équipe. Croix de guerre avec étoile d’argent pour son courage lors de la campagne de Normandie. Sous-lieutenant dans la Nueve, il fut un des rares à suivre le Général Leclerc en Indochine. (La Nueve, 24 août 1944, E. Mesquida)]] est lancée en pointe ; Montoya est légèrement blessé par éclats d’obus.

Je lance la section Campos sur la droite, avec mission de nettoyage. Elle enlève une batterie de quatre mitrailleuses lourdes de 200 mm et plusieurs emplacements de mitrailleuses légères. Elle tue pas mal d’Allemands dans leurs trous et en capture vingt-cinq. Nous avons un tué, un engagé tout récent d’origine arménienne, Ernest Hernozian, qui s’est révélé un combattant dune audace extraordinaire.
La section du lieutenant Elias procède au nettoyage le long de l’axe, entre Montoya et Campos. Nous vivons une étrange journée, une journée a la fois de combats et de kermesse. Les combats consistent en réalité en une série de petits accrochages successifs, parfois violents, mais de courte durée. Il ne s’agit pas d’une vraie bataille, comme celle de Normandie ou comme celles que nous mènerons plus tard en Lorraine et en Alsace.

Une foule dense d’hommes, d’enfants, de vieillards, de femmes surtout, se précipite sur nos voitures, les entoure, gave les équipages de bouteilles, de victuailles, les embrasse, chante, danse. Soudain un obus éclate, une rafale fait courber les têtes. La foule s’écarte, fuit, se terre, rentre chez elle. L’accrochage est a peine terminé qu’elle revient.

Vers seize heures, je reçois du commandant Putz[[Putz, Joseph (1895-1945). Officier supérieur au renom de légende, Compagnon de la Libération. Il s’engage à 17 ans dans l’armée. et s’illustre au cours de la Première Guerre mondiale. En 1936, il s’enrôle dans les rangs de l’armée de la République espagnole, il se distingue à Bilbao où il sera nommé commandant de corps d’armée des Républicains. En 1940, à l’armistice, il s’enfuit dans le sud marocain pour participer à la résistance, où il met sur pied le bataillon des Corps Francs d’Afrique qui s’illustre à Bizerte. Nommé colonel, Putz va jouer un rôle de premier plan dans le recrutement des Espagnols dans l’armée Leclerc. Héros de la Première Guerre mondiale, ancien des Brigades internationales et issu des rangs de commandement de l’armée républicaine espagnole, il jouit d’une très grande popularité auprès des combattants espagnols de la 2e DB. Il aurait inspiré Hemingway pour son livre Pour qui sonne le glas. Il intègre les Corps Francs d’Afrique et plus tard le 3e Bataillon de Marche du Tchad de la 2e DB, appelé aussi « le bataillon espagnol », qui comprenait les 9e, 10e et 11e compagnies. Il est tué à Grussenheim, pendant la bataille d’Alsace, en janvier 1945.]] la mission de déborder les résistances ennemies par la droite. Je récupère les sections Elias et Campos, je laisse la section Montoya, qui est clouée au sol en Pointe, sur l’axe principal.

Nous progressons sans grandes difficultés. Nous passons à Wissous et au large de la prison de Fresnes, devant laquelle le sous-lieutenant Warabiot est stoppé.

J’ai le sentiment que la route de Paris est grande ouverte et qu’il n’y a qu’à foncer. Nous recevons bien quelques rafales et quelques obus. Mais les coups sont rares et imprécis.

À ce moment, je reçois par radio l’ordre de mon sous-groupement de me rabattre sur l’axe, à 600 mètres au sud du Carrefour de la Croix-de-Berny, qui est solidement tenu par les Allemands. Cet ordre est stupide. Pourquoi se rabattre sur un axe déjà encombré ? À la rigueur, je pourrais valablement me rabattre au-delà de la Croix-de-Berny, pour prendre la résistance a revers. L’ordre est répété ; je formule mes objections. L’ordre est maintenu, impératif.

L’imprévu : la rencontre avec le général Leclerc

À regret, mécontent, en colère, je me rabats sur l’axe à l’endroit prescrit. Je tombe pile sur le général Leclerc. Il est exactement 19 h 30. Le général tape nerveusement de la canne. C’est un signe qui ne trompe pas : le général n’est pas satisfait. Je n’ai pas noté aussitôt les termes exacts de notre brève conversation. Mais j’en ai gardé le sens.
Leclerc m’apostropha : « Dronne, qu’est-ce que vous faites là ?  » Et il me reprocha de m’être rabattu sur l’axe.

Je lui répondis que j’exécutais un ordre, que je l’exécutais la mort dans l’âme, mais que je l’exécutais quand même. Je précisais que j’avais le sentiment que le chemin de Paris était ouvert et qu’on pouvait y entrer le soir même, à condition de ne pas se laisser hypnotiser par les nœuds de résistance qu’on pouvait rencontrer.

Après une réflexion sur l’inopportunité qu’il y a à exécuter les ordres idiots, le général Leclerc me dit : « Allez, filez sur Paris, passez n’importe où, mais entrez à Paris ce soir, il le faut pour le moral de la population et de la résistance ». Je pris immédiatement les éléments de ma compagnie que j’avais sous la main : les sections Elias et Campos, la section de commandement et l’élément de dépannage. Le général Leclerc me fit donner en renfort une section de chars du 501 réduite a trois chars (elle venait d’en perdre deux) et une section du génie qui se trouvaient a proximité. La section du génie était commandée par l’adjudant-chef Cancel et la section de chars – avec les chars « Montmirail », « Champaubert » et « Romilly »- par un garçon de grande classe, « père blanc dans le civil », le lieutenant Michard, qui devait être tué quelques mois plus tard en Alsace.

À toute vitesse

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La colonne, improvisée rapidement démarre alors qu’il n’est pas 20 heures. Nous contournons la prison de Fresnes, devant laquelle mon camarade Dupont va être mortellement blessé. Officier d’active d’une grande valeur technique, d’une valeur morale plus grande encore, possédant des dons extraordinaires de rayonnement et d’ascendant, le capitaine Dupont était un des espoirs de l’armée française.

À toute vitesse, passant là où nous trouvons le vide, nous traversons L’Hay-les-Roses, Arcueil, Cachan, Le Kremlin-Bicêtre, Bagneux. Partout la population se précipite sur notre route et nous fait un accueil enthousiaste. Pour nous autres, Français Libres, que la France officielle de Vichy avait condamnés, cette réception du peuple de Paris était à la fois notre récompense et notre justification. Nous ne voulions pas le montrer, mais nous étions émus jusqu’aux larmes.

Nous avions emmené avec nous un volontaire, un habitant d’Antony, M. Chevallier, qui connaissait bien les labyrinthes compliqués que constituent les rues de la banlieue de Paris. Il fut un guide précieux. De gros arbres avaient été abattus en travers de certaines rues. Les gens, par dizaines, par centaines, s’accrochaient aux troncs et aux branches, déplaçaient les arbres et nous ouvraient la route. À 20 h, 45, nous arrivions à la Porte d’Italie.

« Les français: ce sont les français ! »

La foule nous considéra avec étonnement. Quelques cris fusèrent « Les Allemands, les blindés allemands ! » La foule, inquiète, reflua et commença à se disperser et a fuir. Puis d’autres cris se firent entendre « Les Américains, ce sont les Américain ! » La foule suspendit sa retraite et, prudemment, commença à s’avancer pour voir de plus près ces véhicules et ces uniformes étranges quelle ne connaissait pas.

Ma jeep était passée en tête de colonne. Le chauffeur portait un casque américain. J’avais mis mon képi noir de la « Coloniale », vieux képi d’Alexandrie à la visière cassée, bien fatigué de tant de voyages. Est-ce la vue de ce képi qui nous fit reconnaitre ? Tout d’un coup la foule hurla « Les Français, ce sont les Français » Elle se précipita sur nous, nous entoura, nous pressa ; une Alsacienne dans son magnifique costume régional,[[ il s’agit de Jeanne Borchert]], sauta sur ma jeep et s’assit d’autorité sur le capot. Elle cassa la glace du pare-brise replié. Le pauvre pare-brise devait être réduit en miettes le lendemain sur la place de l’Hôtel de Ville par la foule qui grimpait partout pour apercevoir le général de Gaulle.
Nous eûmes grand-peine à nous tirer des bras de tous ces braves gens. Il ne fallait pas nous laisser attarder. Où aller ? Pas d’hésitation : au Cœur de Paris, à l’Hôtel de Ville, symbole des libertés parisiennes, de façon, dès ce soir, à bien « marquer le coup ». Un nouveau guide [[Il s’agit de Lorenian Dikran, Arménien de Paris et commerçant crémier-fromager, dans le 13e arrondissement. Enfourchant une motocyclette et précédant crânement la colonne commandée par le capitaine Dronne, il guida ce dernier de la Porte d’Italie à la Place de l’Hôtel de Ville, en contournant les chicanes et les résistances allemandes. (anciens-combattants-armeniens.org)]], a motocyclette, nous y mena par l’avenue d’Italie, la rue de la Vistule, la rue Baudricourt, la rue Nationale, la rue Esquirol, le boulevard de l’Hôpital, le pont d’Austerlitz, le quai de la Rapée, le quai Henri IV, le quai des Célestins, le quai de l’Hôtel de Ville. J’ai noté l’heure. Il était exactement 21 heures 22 – à l’heure allemande – lorsque nous débouchâmes sur la place de l’Hôtel de Ville. Le jour se mourait.

Toutes les cloches de Paris se mirent à sonner

Ce fut la frénésie. Nous avions traversé la moitié de Paris. Un Paris de révolution et de barricades, dans un enthousiasme indescriptible, sans apercevoir un Allemand. D’ailleurs, notre mission n’était pas de les apercevoir, elle était au contraire de les éviter, d’apporter le réconfort de notre présence symbolique, annonciatrice de la grande offensive du lendemain. À notre passage, la « Marseillaise » jaillissait, une « Marseillaise » formidable. Nous avions l’impression quelle couvrait la ville. Tout d’un coup, les cloches de Paris se mirent a sonner. Toutes les cloches de Paris, les unes après les autres, puis toutes ensemble. J’entends encore leur musique toutes les fois que j’y pense.

Jamais soldats ne furent tant fêtés et tant embrassés.

Je donnai mes ordres, rapidement, avec peine, dans cette foule délirante. Il fallait garder la tête froide et prendre les dispositions en cas d’une riposte éventuelle.
J’ai rarement dans ma vie été aussi heureux. Rarement aussi j’ai éprouvé autant d’appréhension, « Il est si facile, me disais-je, sinon de détruire Paris, du moins d’y causer de graves dommages jusqu’à demain. Il suffirait de lancer sur des ilots successifs quelques obus au phosphore, de couper l’eau et d’interdire avec quelques rafales l’intervention des sauveteurs. Demain, Paris pouvait être en flammes. »

Georges Bidault me reçoit à l’hôtel de ville

Je montai à l’Hôtel de Ville. Dans le grand salon du premier étage, tout illuminé, fenêtres ouvertes sur la place, un petit homme très ému m’ouvrit les bras. Il s’appelait Georges Bidault[[Bidault Georges (1899-1983).
Né le 5 octobre 1899 à Moulins (Allier), il milite à l’Association catholique de la jeunesse française (ACJF). Avec Francisque Gay il fonde le périodique démocrate-chrétien L’Aube dont il est éditorialiste et dénonce les ligues d’extrême-droite, les dictatures et l’antisémitisme. Prisonnier, libéré en juillet 1941, il rejoint la zone sud et le mouvement Combat. Il succède en 1943 à Jean Moulin à la tête du Conseil national de la résistance, et accueille, à ce titre, à Paris le 25 août 1944 de Gaulle dont il devient le ministre des Affaires étrangères. L’un des fondateurs du MRP, il en est président en 1949. Député de la Loire, il est plusieurs fois ministre des Affaires étrangères et président du Conseil (46 et 50). Partisan du maintien de l’empire colonial dans le cadre de l’Union française, il soutient de Gaulle dès le 13 mai 1958 et rompt avec le MRP. Après le discours sur l’autodétermination de l’Algérie, il succède en 1962 à Salan à la tête de l’OAS. Son immunité parlementaire levée, il s’exile en 1962, jusqu’à son amnistie en 1968. Il fonde le mouvement Justice et Liberté qu’il quitte en 1972, en raison de sa majorité néo-fasciste. Il meurt le 27 janvier 1983.]]. Il y avait là tout l’état-major de la résistance intérieure parisienne. Tout de suite, d’emblée, instinctivement, les hommes de l’action clandestine en France et les soldats en uniforme venus de l’extérieur se sentaient d’accord sur un grand idéal commun. Ils n’avaient pas besoin de parler pour se comprendre. Soudain, dans ce grand salon bondé de lumières, de gens et d’enthousiasme, des balles sifflèrent. De loin, une mitrailleuse allemande tirait ses rafales à travers les fenêtres grandes ouvertes. Un lustre vola en éclats. On chercha à éteindre les lumières mais on ne trouva pas les interrupteurs. Ces rafales furent bénéfiques. Elles freinèrent les manifestations d’enthousiasme et rappelèrent tout le monde à la réalité des choses : les Allemands étaient encore là.
Je descendis sur la place pour préciser les ordres. Chars et half-tracks furent disposés en hérisson autour de l’Hôtel de Ville, en surveillance des points d’attaque possible.

À la préfecture de police

Un agent de police vint me trouver et me demanda d’aller avec lui à la préfecture de police. Je passai le commandement à Granell. Outre Granell, il y avait là le sergent-chef Bernal[[Martín Bernal, Aragonais de Saragosse, un colosse tranquille, ancien toréador sous le nom de : Larita Segundo, évadé des prisons franquistes après la guerre civile, il traverse à pied l’Espagne et passe la frontière en septembre 1939, par les Pyrénées. Il s’engage dans l’armée française, et à la fin de la drôle de guerre, il rejoint les troupes de Leclerc. Sergent-chef, par son courage il s’impose rapidement dans La Nueve. Décoré de la Croix de Guerre avec étoile d’argent pour avoir affronter un ennemi supérieur en nombre en faisant de nombreuse victimes dans leur rangs et en sauvant un compagnon blessé.]], l’adjudant-chef Neyret, l’adjudant-chef Caron, le sous-lieutenant Elias.

Bernal, un géant, aujourd’hui installé dans la région parisienne, avait été torero en Espagne. Il avait fière allure. Il exerçait un très grand ascendant sur ses hommes, qui avaient entière confiance en lui. Il avait l’art de se faire obéir sans avoir l’air de commander. Neyret, vieux sous-officier de la Coloniale, était tout le contraire de Bernal. Il représentait le règlement, mais un règlement humainement interprété. Par sa science et par sa conscience, Neyret avait gagné l’estime et la sympathie de gens qui n’étaient pas toujours faciles.

L’adjudant-chef des chars Caron et le sous-lieutenant Elias devaient être blessés, le premier mortellement, l’autre grièvement le lendemain matin 25 août, lors de l’opération de dégagement du central téléphonique Archives, Caron était imprudemment assis sur la tourelle de son char, pour mieux surveiller la rue. Elias, élève à l’École Coloniale, nous avait rejoint à travers l’Espagne en Afrique du Nord. Il venait d’être blessé et évacué quand, le 25 août, à midi, sa mère et sa sœur arrivèrent à la place de l’Hôtel-de-Ville et demandèrent à le voir.

Dans la nuit, je partis vers la préfecture de police avec le gardien de la paix et mon fidèle Pirlian. Pirlian, Arménien d’origine s’était engagé en Afrique du Nord. Il était – il est encore – tout petit. Il doit être maintenant tailleur du côté de Nice. Il était brave dans tous les sens du terme, aussi bien dans le sens « héroïque » que dans le sens que donnent à ce mot les Marseillais. Je le vois encore quelques mois plus tard, à plat ventre dans le purin, derrière un tas de fumier lorrain posé en bordure de rue, en train d’essayer de lancer, avec un bazooka dont la pile avait manifestement des ratés, une fusée contre un char allemand qui tournait lentement au coin de la rue. Pirlian était bien embêté. Moi aussi…

Un garçon de bains qui a fait son chemin

Le gardien de la paix nous emmena prudemment, par un itinéraire détourné à la préfecture de police. Il y avait beaucoup de monde, des gardiens en uniforme, des civils, un très jeune général dans un bel uniforme kaki tout neuf, et le préfet de police de la libération, M.Luizet. La police avait pris l’initiative et la tête de la résistance parisienne. Elle redoutait, à juste titre, une dernière réaction de représailles de la part de l’occupant allemand. Le jeune général, aimable, sympathique et dynamique, un peu timide, s’appelait Delmas, il est aujourd’hui plus connu sous le nom de Chaban-Delmas[[Jacques Delmas, dit Chaban-Delmas (1915-2000), Aspirant puis sous-lieutenant pendant la drôle de guerre au 75e Bataillon alpin de forteresse.

Il refuse la défaite et tente de partir en Angleterre en août 1940. N’étant pas parvenu à quitter la France, il entre, à Paris fin décembre 1940, dans le réseau de renseignements Hector, organisation de résistance du Nord de la France. Il est spécialisé dans le renseignement sur l’industrie et en particulier sur la mise à la disposition des Allemands de l’industrie française. Il entre en juin 1941 au Ministère de la Production industrielle.

À la fin 1942, il entre directement en contact avec les représentants de Londres et se livre à un travail de renseignement dans les services du Ministère de l’Industrie.

Il poursuit son activité de renseignement avec l’Organisation civile et militaire (OCM) qui a succédé à Hector en fusionnant avec d’autres organismes résistants.

En octobre 1943, il devient « Chaban » et entre à la Délégation militaire du Comité français de la Libération nationale (CFLN) comme adjoint au délégué militaire national, le commandant Louis Mangin.

En mai 1944, il est nommé délégué militaire national chargé de transmettre les ordres du Haut-commandement interallié (général Koenig) à la Résistance intérieure et de veiller à leur application. Promu général de brigade par décision du Gouvernement d’Alger le 15 juin 1944 (le plus jeune général que la France ait connu depuis le Premier Empire), il quitte Paris pour Londres le 25 juillet 1944 afin de rendre compte au Commandement allié des possibilités militaires de la Résistance.

Avec Alexandre Parodi, délégué général, il s’oppose à la stratégie insurrectionnelle du COMAC (Comité d’Action du Conseil national de la Résistance). Il demande instamment que le plan d’opérations qui prévoyait la chute de Paris soit modifié de manière à éviter à la capitale destructions et massacres inutiles.

Il repart de Londres le 13 août 1944 nanti des ordres du général Koenig. Amené au Mans par les Américains le 14 août, il arrive à Paris le 16 à bicyclette. Il accueille le général Leclerc à Arpajon le 24 août 1944 et entre avec lui dans Paris.
Après la libération de la capitale, Chaban sert au cabinet du ministre de la Guerre comme chef de la Mission de liaison et d’inspection mobile d’organisation de l’Armée. Pendant sa carrière politique, il est élu député-maire de Bordeaux de 1947 à 1995, il présida l’Assemblée nationale à trois reprises, de 1958 à 1969, de 1978 à 1981 et de 1986 à 1988 et exerça les fonctions de Premier ministre de 1969 à 1972 sous la présidence de Georges Pompidou. ordredelaliberation.fr]].

Bien entendu, la réception fut des plus cordiales et des plus enthousiastes. J’annonçai l’arrivée du gros de la division pour le lendemain matin. Manifestement, les responsables de la préfecture de police éprouvaient les mêmes appréhensions que moi.
Je crois que c’est M. Luizet qui me demanda ce que je voulais. Devant tous ces gens propres et bien habillés, je me sentis soudain un complexe. Je me rendis compte que j’étais dégoûtant et que je détonnais. Je portais sur moi une étonnante couche de crasse, un composé de sueur, de poussière, de boue, de gaz-oil, de vapeurs d’essence. Je réclamai un bain qu’un jeune attaché du préfet de police me prépara aussitôt. Lavé, vêtu de linge et d’une combinaison propres, je me sentis un autre homme.

Le garçon de bains improvisé s’appelait Félix Gaillard[[Félix Gaillard, (1919-1970) homme politique français. Inspecteur des finances en 1943, il participe activement à la Résistance en France à partir de 1943. Il est adjoint en 1944 d’Alexandre Parodi, délégué du GPRF (Gouvernement Provisoire de la République Française) en France.
Il est élu député du Parti radical-socialiste de la Charente, sur la liste Rassemblement des gauches républicaines, et conserve ce mandat jusqu’à sa mort.]].

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