Hernandez Daniel
« Mon père était pêcheur, mais, comme il y avait peu de travail, il était parti comme mécanicien sur un cargo. En 1930, comme les choses conti- nuaient à être difficiles, toute la famille avait émigré à Alger ; on s’était installés dans le quartier de la Marine, où on a vécu dans de grandes difficultés et une grande misère. Un an plus tard, on s’installait à Oran, où travaillait un frère de mon père, également pêcheur.
On était arrivés là-bas sans rien et on essayait de gagner notre vie en pêchant clandestinement. On n’a reçu aucune aide. Ni les Espagnols, ni les Français d’origine espagnole ne voulaient entendre parler de nous…
« Mon père était un de ces pêcheurs andalous qui croyaient en la Vierge du Carmel et qui ne coupaient jamais le pain sans l’avoir d’abord signé d’une croix ; mais, en même temps, il avait des idées républicaines et suivait de près les informations sur la guerre civile. C’était un homme qui savait lire, et comme il y en avait peu qui lisaient, il en réunissait quelques-uns devant la porte de la maison, et, à la lumière d’une bougie ou d’un quinquet, autour d’une cruche de vin et d’un peu de poisson salé, il leur lisait le journal en racontant et commentant ce qui se passait dans le monde.
« À Oran, où le maire était curé et pétainiste – et appuyé par de nombreux fascistes –, débarquaient beaucoup de réfugiés qui venaient d’Almería, Alicante ou Valence, la plupart sur des voiliers ou des barques de pêcheurs. Ils étaient tous considérés comme des « rouges », et on en a emmenés beaucoup vers des camps de concentration situés dans le sud de l’Algérie. Nous, on savait qu’ils étaient maltraités dans ces camps.
« Comme les ports étaient réquisitionnés à cause de la guerre, mon père et moi devions aller pêcher à 20 km d’Oran. C’est justement sur la plage où on allait pêcher qu’on s’est retrouvés face au débarquement américain. »