Pujol Fermín
« Je suis né à Barcelone. Mon père tenait un commerce de vêtements à Sabadell.
Quand la guerre civile éclata, je décidai de partir au front. Je m’engageai dans l’armée républicaine, dans la colonne Durruti et ensuite à la 26e division. J’ai été nommé chef de brigade politique.J’ai fait toute la guerre avec les anarchistes. Avec eux, j’ai défendu Barcelone et j’ai défendu Madrid. Quand on a tué Durruti, j’étais là, comme combattant. J’ai été blessé à Monte Negrillo [ouest de Madrid], en 1937 ; j’avais alors vingt ans. J’ai combattu jusqu’au dernier instant, jusqu’à ce qu’on commence la retraite.
Le 17 février 1939, arrivant au Perthus, on a traversé la frontière française. Tous ceux de la division Durruti sont entrés, ensemble. On était les derniers à passer la frontière. Les gendarmes qui nous accueillaient nous ont désarmés, fouillés, nous prenant tout ce que nous portions – vestes, bagues, montres –, et nous ont mis dans des camps de concentration à l’air libre, sur la plage, sans baraques ni sanitaires, à même le sable, entourés de barbelés.
Après six mois d’enfermement, on en avait tellement marre qu’un jour on a décidé de tout risquer et de s’évader.
On s’est retrouvés un peu plus tard à Saint-Étienne, à travailler dans les mines de charbon aux côtés de nombreux Espagnols qui avaient été écrivains, médecins, chirurgiens, professeurs : de tout. Plus tard notre seule possibilité a été de s’engager pour faire la guerre avec les Français ; sinon, on nous renvoyait en Espagne. J’ai réuni quelques compagnons et peu après, on a pu embarquer à destination de Casablanca. Là-bas, on n’a pas pu échapper aux autorités françaises qui nous ont obligés à nous engager dans la Légion, d’où nous avons déserté, en juin 1943, pour nous enrôler dans la France Libre de De Gaulle. Avec ces troupes, on a combattu au Soudan, en Syrie, au Liban et, surtout, à la bataille de Bir Hakeim, en Libye, dans la 3e brigade mixte de la Légion étrangère, où se trouvaient beaucoup d’Espagnols.
En Algérie, on a appris la formation d’un corps franc d’Afrique, commandé par Joseph Putz, un colonel des forces de la résistance espagnole, ex combattant des Brigades internationales. La majorité des Espagnols a déserté pour partir avec lui. Le corps franc était un bataillon irrégulier de 3 000 hommes, presque tous espagnols, qui n’allait pas tarder à affronter l’Afrikakorps de Rommel, en Tunisie.
Quand Leclerc est arrivée, nous nous sommes enrôlés dans ses troupes, d’abord à Sabratha, puis à Temara, où a commencé la mise sur pied de la deuxième division blindée, formée surtout d’Arabes et d’Espagnols, en plus de quelques Français. Les Espagnols venaient du corps franc, de la Légion (déserteurs) et des camps de concentration du nord de l’Afrique.
On a fait beaucoup de prisonniers. D’abord, on les remettait aux Américains ; mais ensuite on les leur vendait contre des armes.
Après avoir libéré la Normandie, on est arrivés jusqu’à Paris, jusqu’à l’Hôtel de Ville même. Ça a été très simple, comme une fête. Les gens nous acclamaient tout le long du chemin, couraient à nos côtés, pleuraient, applaudissaient, saluaient, chantaient ! L’enthousiasme était incroyable. Peu après nôtre l’arrivée à l’Hôtel de Ville, les cloches de Paris ont commencé à sonner.
Après d’autres affrontements, on a réussi à libérer Strasbourg. C’était une chose très importante pour nous tous, parce que là s’accomplissait le serment de Koufra qu’avait fait le général Leclerc. Nous sommes arrivés au Nid d’Aigle de Hitler, peu avant la fin de la guerre.
On nous avait dit qu’une fois cette guerre terminée on entrerait en Espagne pour y finir la guerre…On n’a pas voulu nous aider.
J’ai été démobilisé au mois de juillet 1945. Avant, on m’avait proposé d’aller en Indochine, mais j’ai répondu que les Chinois ne m’avaient rien fait. J’ai préféré rester à Paris.