Royo-Ibanez Luis
Quand j’ai été appelé au régiment – classe du « biberon » – et que je suis parti à la guerre, le fait d’être allé à l’école m’a été utile. Parce que je savais lire et écrire, on m’a tout de suite nommé caporal
« Mobilisé en avril 1937, j’ai commencé la guerre avec l’offensive de Balaguer, qui a été un échec parce qu’on n’avait pas de moyens et qu’il est clair qu’on ne pouvait se battre avec un balai contre un canon. Malheureusement, ça a toujours été comme ça dans le camp républicain. Dans de nombreuses batailles, on a combattu en jetant des pierres et des grenades.
« J’ai participé à toute la bataille de l’Èbre et au remplacement des internationaux [brigades internationales] à Tortosa, quand on les a retirés. J’ai vu beaucoup de morts, beaucoup de blessés graves, quelques-uns sans jambes ou sans bras. C’était très dur de ne pouvoir rien faire pour eux…
« Le front a été enfoncé en décembre [1938], après Noël ; et, de Tortosa, on est partis vers l’Ampurdán. Là, on a commencé la retraite, à pied. On est passés par Berga, Olot, Figueres, et on est arrivés à la frontière de Prats-de-Mollo le dimanche 12 février 1939, vers cinq heures de l’après-midi. On était cinq amis de la même division, avec des mules et un cheval. Il faisait encore jour. L’aviation franquiste bombardait près de Ripoll, à quelque trois kilomètres.
« Avant de franchir la frontière, on nous a tous désarmés. J’avais un « naranjero » [fusil-mitrailleur] ; plutôt que le donner, j’ai préféré le briser et jeter les morceaux dans le fossé. Ensuite, on a passé la frontière avec le général Hernández à notre tête, son état-major et un groupe de musiciens. On était une soixantaine de militaires. On est entrés, en formation, avec les musiciens jouant l’Himno de Riego [hymne de la République espagnole]. J’avais 18 ans. […] »