Miguel et Pedro Solé Pladellorens alias Francisco et Juan Castells
L’exil en France,
Après presque trois années de lutte acharnée contre le fascisme européen, le peuple espagnol réunit sous la bannière de la République se voit contraint à un exil massif, le plus grand de l’histoire du XXe siècle. Plus de 500 000 personnes passent la frontière du 2 février au 12 février 1939. Dès leur arrivée, les familles sont séparées. Les autorités ouvrent des camps de concentration sur les plages, à Argelès, au Barcarès et à Saint-Cyprien, notamment ou encore les camps disciplinaire du Vernet d’Ariège, Gurs, Brams, la forteresse de Collioure… mais aussi en Afrique du Nord, Tunisie : El Guettat, Gafsa, Gafsa Gare et Algérie : Relizane, Bou-Arfa, camp Morand, Setat, Oued-Akrouch, Tandara, Ain-el-Ourak, Meridja, Djelfa, les mines de Kenadza, ou la terrible prison de Caffarelli, Hadjerat M’Guil, dans le Sud algérien, où étaient envoyés les détenus qui se rebellaient. Parmi ces exilés se trouvaient les frères Solé Pladellorens Miguel et Pedro, c’est à dire respectivement mon père et mon oncle. Mon Oncle était contremaitre dans une manufacture de tissage de Manresa (Province de Barcelone) tandis que mon père, son cadet de six ans était « tejedor » C’est à dire tisserand dans la même manufacture (Manufacturas Isidro Carne à Castellgali-Manresa). Mon père était très engagé puisqu’il était syndiqué à l’UGT depuis le 7 février 1932 , et appartenait au PSUC depuis juillet 1936. Quand la guerre a éclaté, il n’a pas hésité, pas plus que mon oncle Pedro d’ailleurs, et il s’est retrouvé à la Companía del Batallon de Ametralladoras N°11 , comme delegado político de la 4e companía (doc 0) [[Feuille 3 du document 2, qu’une attestation du 12 janvier 1938, faite à Sariñena, place Miguel Solé au sein du PSUC(Parti Socialiste Unifié Catalan assimilé au Parti Communiste) et au syndicat UGT (de tendance socialiste)]]. Mon oncle fut officier dans l’armée républicaine.
Je me souviens que mon père m’a toujours dit :
« Nous ne voulions pas passer la frontière en laissant un seul civil derrière nous., nous avons fini par la franchir, les franquistes sur les talons mais avec nos armes à la main. Nous sommes passés à Prats de Mollo, juste avant le 12 février 1939. C’est là que nous avons été désarmés même dépouillés je pourrais dire. » Mon père a été d’abord à Saint Cyprien, sur le sable, tandis que mon oncle se trouvait au Barcarès, deux camps sur la plage dans les Pyrénées Orientales. Le Barcarès totalise 10922 hommes au 1er mars 1939 (archives départementales des PO), alors qu’aucune installation en dur n’y figure, excepté des tentes de fortunes et des trous dans le sable. « Pour survivre, nous nous entraidions. On se regroupait souvent par localités et/ou affinités politiques. Mais dès que le camp d’Agde a ouvert, j’y ai été transféré au camp n°1 pavillon B1. On l’appelait le camp des Catalans car nous y étions une grosse majorité pour ne pas dire les 99 % des occupants. Il y a eu une grève de la nourriture dans ce camp, nous voulions protester contre les immondices qu’on nous servait. Ça a marché mais tout de suite après le camp a fermé et nous devions retournés à notre point de départ. C’est à ce moment là, qu’une lettre a été adressée Commissaire Spécial du camps de concentration de Barcarès pour me réclamer. C’est ton oncle Pedro et un cousin Ignacio GOMIS qui du Barcarès avaient appris, je ne sais comment que j’étais à Agde et demandaient le regroupement comme nous y étions autorisés. Alors au lieu de retourner seul à Saint Cyprien, enfin quand je dis seul c’est sans famille, car des amis il y en avait beaucoup, je suis parti pour le Barcarès. Je te laisse imaginé l’émotion et la fête des retrouvailles avec ton oncle Pedro et le cousin. (Doc 1) Nous étions logés dans l’Ilôt G -baraque n°3. Les choses allaient un peu mieux pour nous car nous étions réunis et au sec, enfin ! »
Mais l’étau se resserre autour d’eux, la guerre mondiale menace sérieusement et les Espagnols savent d’instinct qu’ils ne seront pas épargnés.
Dans les camps, les gendarmes français circulent, et les incitent à s’engager dans la Légion étrangère. Le souci des autorités est ici avant tout de désengorger les camps. Plus de soixante dix mille Espagnols s’engagent en 1939 entre la légion et les CTE. « En 1941, nous avons été prévenus de la « descente » des forces de l’ordre pour arrêter et livrer des Espagnols soit aux autorités allemandes soit directement à Franco. C’est là que nous avons décidé avec ton oncle Pedro et quelques copains sûrs de foutre le camp. Nous savions que nous risquions gros. Nos activités respectives dans l’armée républicaine espagnole devaient avoir laissé des traces et les franquistes ne manqueraient pas de nous le faire payer pour peu que nous tombions entre leurs mains. Moi, j’étais commissaire politique et Pedro officier. Et vois-tu Serge, nous avons bien fait de penser ainsi car bien plus tard j’ai appris que nous étions tous les deux « fichés » comme éléments dangereux, communistes et condamnés à mort par contumace. J’ai appris tout ça quand j’ai fait une demande de pension militaire auprès du gouvernement espagnol en 1990. Je n’ai jamais obtenu de pension mais le 7 janvier 1991, j’ai reçu en réponse une lettre du ministère de la culture et des archives historiques accompagnée de tout un dossier me concernant classé top secret par l’État franquiste qui prouve que j’étais connu et recherché par les services secrets franquistes et condamné à mort. Je t’avoue que tant d’années après ces guerres cela fait froid dans le dos. » (Doc 2)
La Légion étrangère et les Forces Françaises Libres,
Une fois dehors du Barcarès, une seule alternative leur reste c’est l’engagement dans la légion, voilà donc les deux frères se présentant au quartier général de la Légion étrangère pour s’y enrôler. Mon père décrit cet épisode de façon assez amusante : « Nous sommes tombés sur un officier qui nous a détaillés des pieds à la tête, un très long moment puis il a déclaré d’un air goguenard: — Et, bien sûr vous n’êtes pas en cavale, vous vous engagez par pur esprit militaire? » Ce à quoi nous avons fait semblant de ne rien comprendre. Et nous voilà embarqués pour la Légion destination Sidi Bel Abbes. » Mais parvenus en Algérie, le régime était rude pour les « rouge » espagnols, ils étaient affectés aux tâches les plus exposées, les plus pénibles et sujets aux brimades incessantes des officiers.
Désertions
« Nous en bavions et nous savions bien que nous n’étions pas du bon côté, les troupes de la Légion Etrangère obéissaient au gouvernement collaborateur de Pétain et cela ne nous convenait pas. Tant et si bien, que lorsque nous avons appris que les Forces Françaises Libres avançaient inexorablement et se trouvaient en Afrique tout près de leur cantonnement, nous avons décidé de les rejoindre. Nous avions fixé la date de notre désertion au 25 juillet 1943, mais la veille de partir des légionnaires qui avaient décidé de faire comme nous avaient été repris et nous avons été contraints d’assister à leur exécution. Ils ont été fusillés devant tout le cantonnement. Cela nous a beaucoup secoué et surtout notre impuissance à leur venir en aide. Mais nous avons malgré tout maintenu notre départ. Hors de question de rester plus longtemps chez ceux que nous considérions comme nos ennemis. Et puis nous avons pensé que plus nous attendrions et plus ce serait difficile, car la surveillance allait s’accentuer. À peu de temps de là, alors que nous remontions vers les forces française libres, un peu à l’aveuglette, nous sommes tombés sur une petite escouade dans un grand camion militaire. Quel ne fut pas notre bonheur de les entendre parler espagnol. C’est comme ça que nous avons été recrutés par l’adjudant-chef Miguel Campos qui fut le plus grand rabatteur de légionnaires espagnols en rupture d’armée, au profit de l’armée Leclerc. C’est à ce moment-là, pour entrer dans l’armée Leclerc que nous avons changer de nom. Nous sommes devenus les frères Castells, moi je suis Francisco Castells et Pedro devient Juan Castells. Evadés le 25 juillet 1943 de la légion étrangère, engagés le 26 juillet 1943 dans les FFL, nous allons dès sa création être versés dans le 3eme Régiment de Marche du Tchad, 9eme cie. Nous y avons retrouvé nos plus chers amis, les deux Pujols, (enfin Nadal Artigas) Fermín (José) et Constantino. Depuis notre chère Catalogne, Barcelone où ensemble nous avons fait nos premiers pas dans l’engagement politique et notre baptême de guerre dans les milices populaires pour défendre de la République, même si eux étaient dans la colonne Durruti, nos pas traçaient les mêmes sentiers de justice et de fraternité. Ce fut pour nous une grande joie d’être réunis mais hélas, ça n’allait pas durer … »
La 2ème DB, créée en août 1943.
C’ est une unité moderne équipée de matériel américain, et représente un mélange de combattants venus d’horizons les plus divers : des soldats de l’Armée d’Afrique, des troupes coloniales d’Afrique noire, des citoyens français mobilisés en Afrique du Nord, des prisonniers de 1940 évadés ayant traversé l’Espagne… Tous ont en commun la volonté de libérer la France de l’occupant. Le général Leclerc, commandant la division, avait clairement affirmé son souci de réunir ceux qui voulaient continuer le combat, quelles que soient leurs origines et leurs opinions politiques. Des antifascistes espagnols ne pouvaient donc que trouver leur place au sein de la 2ème DB. C’est parmi ces combattants que la 9ème Compagnie du RMT (Régiment de Marche du Tchad) va trouver ses effectifs. On trouve des Espagnols dans d’autres unités de la 2e DB et d’autres formations militaires comme la 1re armée [[nom donné aux unités militaires placées sous les ordres du général de Lattre de Tassigny et assignées à la libération du territoire français]]. Mais, c’est dans la 9ème compagnie qu’ils sont majoritaires. Mon père était très fier du matériel dont ils disposaient pour enfin pour lutter contre les nazis, qu’il détestait pour les avoir vu à l’œuvre en Espagne. Et pour lui appartenir à cette troupe d’Espagnols de la guerre civile c’était très important. Avec son frère, ils firent partis de l’équipage de l’Half-track « Les Pingouins« , n° 410642 de la première section de la NUEVE. Ce véhicule devait s’appeler Buenaventura Durruti mais devant le refus des autorités militaires de donner des noms de personnages politiques, l’équipage espagnol laissa le peu de Français du groupe choisir le nom ; ces derniers par dérisions proposèrent « Les Pingouins » (doc3) mot péjoratif pour désigner les Espagnols. Tous acquiescèrent, ravis du retournement du nom.
Hiver 1943-1944, La Nueve,
La 9ème compagnie du RMT s’entraîne en Afrique du Nord (en Algérie, puis au Maroc). Elle y reçoit son matériel. Les hommes de la 9ème compagnie, n’oubliant pas leurs origines, appellent vite leur unité « la Nueve », qui veut tout simplement dire neuf en espagnol. C’est au capitaine Raymond Dronne qu’échoit le commandement de la 9ème compagnie, car il parle couramment espagnol. Cela lui sera très utile, car, à la Nueve, on ne parle que castillan. Cette compagnie est, incontestablement, une unité particulière, qui ne ressemble à aucune unité classique de l’armée régulière. La plupart de ces Espagnols sont anarchistes ou socialistes ou communistes ou simplement républicains. Dronne trouve les Espagnols « à la fois difficiles et faciles à commander ». Ils restent sur leurs gardes jusqu’à ce que leur officier ait fait ses preuves. Mais, une fois qu’ils accordent leur confiance, celle-ci est « totale et complète ». Ils veulent absolument connaître les raisons des tâches qu’on leur demande d’accomplir. Mais, quand on les leur a expliquées et qu’ils les approuvent, ils les exécutent avec une résolution inébranlable. Mon père m’a rapporté les sentiments du capitaine Dronne sur sa troupe si particulière « Ils n’avaient pas l’esprit militaire, écrit Dronne. Ils étaient presque tous antimilitaristes, mais c’étaient de magnifiques soldats, vaillants et expérimentés. S’ils avaient embrassé spontanément et volontairement notre cause, c’était parce que c’était la cause de la liberté. Oui, en vérité, c’étaient des champions de la liberté.» Lorsque le IIIe RMT campe en Angleterre, la 9ème compagnie s’installe à Pocklington (Yorkshire) et s’y entraîne. La campagne de France est proche.
La Nueve au combat.
L’histoire des combats de la 9ème Compagnie se confond avec celle du Régiment de Marche du Tchad et de la 2ème DB, dont elle ouvre bien souvent le chemin. « Nous avons embarqué le 31 juillet 1944 à Southampton sur le Liberty Ship « Edward S. Sill », nous étions impatients de partir pour la France, car nous savions que c’était là que tout se jouerait, et nous fermions notre boucle revenir là où nous étions partis près de trois années plutôt. Nous débarquons le 4 août 1944 au lieu dit « La Madeleine ». Là nous avons constaté que les troupes américaines n’avaient pas pu beaucoup progressé, ils avaient eu énormément de pertes, de jeunes hommes, des gamins, gisaient sur le sol et les cimetières militaires de fortune jonchaient la route des Alliés. Des croix plantées dans la terre, c’était très impressionnant. » . La 2ème DB s’ organise en groupements tactiques, prenant chacun la première lettre du nom de son chef : GTV (du Colonel Warabiot ; le V est plus simple à utiliser que le W). C’est dans ce dernier groupement qu’est intégrée la 9ème compagnie. Sur l’Half-track « Les Pingouins » mon père alias Francisco est le serveur de la mitrailleuse avec laquelle il va faire des ravages chez l’ennemi qui lui valurent, le 3 janvier 1945, une citation à l’ordre du régiment avec la croix de guerre avec étoile de bronze pour sa conduite héroïque comme tireur d’élite, notamment durant la bataille de Strasbourg (doc 4). De ça mon père ne se vantait jamais, je l’ai su qu’en découvrant ses états de service et citations. C’est comme ça aussi que j’ai appris que mon oncle était devenu Sergent-chef et avait reçu une citation à l’ordre du corps d’armée Croix de guerre avec étoile de Vermeil pour avoir le 16 août 1944 lors de la bataille d’Écouché, abattu à la mitraillette un officier allemand et assuré le repli de son groupe et une autre citation à l’ordre de la brigade pour avoir, le 16 septembre 1944, arrêté une vague d’attaques allemandes lors de la bataille de Châtel sur Moselle, avec croix de guerre et étoile de bronze (doc 5). Tous deux furent autorisés le 16 août 1945 à porter en toutes circonstances l’insigne américain de la « Presidential Unit Citation ». (Doc 6) La 2ème DB encercle les Allemands de Normandie en prenant Rennes, Château-Gontier, Le Mans, Alençon. Le GTV est en réserve. Le 12 août, le GTV passe en tête. Il prend Sées dans l’Orne, puis fonce sur Ecouché (61).
La bataille d’Ecouché.
La 9ème compagnie et la 1ère compagnie du 501ème Régiment de Chars de Combat (RCC) sont engagées. « C’est mon plus terrible souvenir. Après une progression par les petits chemins, ponctuée de quelques engagements, au soir du 12 août nous surprenons une colonne motorisée allemande et nous la détruisons. Le lendemain, 13 août, la 9ème compagnie arrive à Ecouché. Nous nous sommes battus comme des lions. Harcelés sans répit par les Allemands, il fallait tenir jusqu’à les réduire ou que les nôtres arrivent. Ce fut interminable, pourtant nous nous sommes maintenus, mieux nous avons surpris une autre colonne ennemie et l’avons détruite. On s’est battus contre des SS. La position d’Ecouché était une pointe avancée dans le dispositif allemand, il fallait qu’elle tombe coûte que coûte. Nous avons tenu la position pendant une semaine, jusqu’au 18 août. Les combats furent violents, et la compagnie enregistra beaucoup de pertes : sept tués et dix blessés. Hélas, parmi les morts, il y avait Constantino Pujol, il est mort dans les bras de son grand ami, ton oncle Pedro (Juan Castells). (doc 7 et 8) L’ennemi a subi des pertes plus lourdes encore : quatre cents véhicules détruits. Ses pertes sont nombreuses, il est vaincu à Ecouché. Mais nous, au lieu de nous réjouir, nous pleurons notre frère d’arme Constantino et nous nous inquiétons pour son frère Fermín qui est également blessé à la tête et se trouve à l’hôpital. » La Nueve quitte Ecouché le 23 août. Elle combat au Sud de Paris toute la journée du 24, et est stoppée devant Fresnes.
La libération de Paris.
Le 24 août: Paris est insurgé depuis le 19, il faut entrer dans la capitale pour prêter main forte à la résistance intérieure et surtout en signe d’encouragement. Leclerc expédie Dronne à son secours avec sa Nueve, ils ont ce privilège d’être les éclaireurs de la 2e DB. Mon père et mon oncle, Francisco et Juan, sont glorieusement de la partie. En début de soirée, ce détachement de la 2ème DB passe par le Kremlin-Bicêtre, et parvient à l’Hôtel de Ville, sans coup tiré, guidé par un Arménien de Paris Lorénian Dikran. Les Parisiens heureux de les accueillir sont surpris de leur sabir, ils attendaient des Français ou pour le moins des Américains et les voilà face à des Espagnols, ceux-là même qui avaient été si mal reçus en février 1939. Mais l’heure est à l’allégresse, et la troupe se rend ensuite à la Préfecture de Police dans la joie générale. Après quatre ans d’occupation, Paris va être libérée. Mais, les Allemands résistent et n’acceptent pas la défaite. Von Choltitz qui a reçu l’ordre de faire sauter Paris, refusera l’ultimatum. Le lendemain, 25 août, Leclerc et la 2e DB entrent dans Paris par la Porte d’Orléans. Les combats de rues ont lieu, quartier par quartier, contre miliciens et Allemands notamment rue des Archives dans le 4e arrondissement, pour le central téléphonique que les Allemands menacent de détruire. La Nueve s’en empare, ce dernier a été miné par les Allemands. Ce sont eux qui devront alors le déminer. Les combats font rage également place de la République, devant la caserne de la République, [[Caserne appelée depuis 1947, Jean Vérine du nom de son chef d’escadron chef de la caserne, résistant de la première heure engagé dans le Réseau Saint Jacques, arrêté le 10 octobre 1941, interné et torturé à Fresnes et fusillé le 20 octobre 1943 à Cologne]]. tandis-que l’assaut est donné à 14 h 00 contre l’Hôtel Meurice dans la rue de Rivoli, quartier Général du Gross-Paris où se trouve gouverneur militaire allemand de Paris, Von Choltitz. Des combats ont lieu, également, au jardin du Luxembourg et aux Invalides, pour réduire les dernières poches de résistance allemandes. Les Espagnols ne sont pas en reste dans cette lutte. Les forces armées sont renforcées par des résistants de toutes nationalités dont des Espagnols. Un groupe, mené par Julio Hernandez, pénètre même dans l’ambassade espagnole pour y hisser le drapeau républicain ! Le 26 août, c’est le défilé de la Victoire de l’Arc de Triomphe à Notre-Dame. La Nueve assure la protection immédiate du général De Gaulle et du Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF). « Nous étions superbes sur nos véhicules, fiers et heureux d’être à l’honneur, il aurait fallu que tu vois ça. Sur toutes les couvertures de magasines, notamment américains, on voit très distinctement nos Half-track dont Les Pingouins, Nous formions une superbe haie d’honneur aux officiels dont le général de Gaulle. (Doc 9) je me souviens d’une grande banderole en espagnole qui nous saluait puis au cours du défilé elle a disparu. Sous cette banderole il y avait Victoria Kent, [[Directrice des prisons sous la République espagnole, puis au service de l’enfance, elle s’est occupée notamment du expatriation des enfants espagnols vers la France. Réclamée par le gouvernement de Franco à Pétain, elle dû sa vie sauve au courage et à la protection de l’ambassadeur du Mexique qui la cacha durant toute la durée de l’occupation en France.]] qui venait de passer toute la guerre cachée dans un appartement du 16e arrondissement sous la protection de l’ambassade du Mexique et de son représentant, Gilberto Bosques. Et ensuite ce fut le repos bien mérité, du 1er au 8 septembre, nous avons campé au Bois de Boulogne avec toute la compagnie, nous étions les rois, visiteurs et visiteuses venaient nous apporter toutes sortes de présents et de « réconforts », d’ailleurs nous avons eu l’honneur de la visite de Victoria. Comme depuis le débarquement nous avions perdu du monde, de nombreux engagés ont été incorporés, pour combler les pertes. Ils se fondront rapidement dans le groupe. »
La guerre continue,
Le 8 septembre 1944, la compagnie quitte le Bois de Boulogne à 6 heures 45 et suit sa route sans difficultés : Porte de Passy pour atteindre Villeneuve-L’archevêque. La division repart au combat : Dompaire, Chatel sur Moselle, Nancy, Strasbourg… « Nous avons eu encore beaucoup d’affrontements et de pertes, la campagne d’Alsace fut très rude, les Allemands ne décrochaient pas, le froid était mordant. D’ailleurs c’est à Châtel sur Moselle que ton oncle s’est illustré encore: Pour s’être emparé de la mitrailleuse du groupe et d’avoir sous un feu nourri réussi à arrêter nette une vague d’attaque allemande.»
Fin de la Seconde Guerre mondiale,
La Nueve franchit le Rhin le 27 avril 1945 pour atteindre le nid d’Aigle d’Hitler à Berchtesgaden. C’est là que le surprend la fin de la Seconde Guerre mondiale. (Doc 9bis)
Démobilisation et ennuis
Avant d’être démobilisés, les survivants de la Nueve sont cantonnés à Voulx (Yonne). Elle a l’honneur de défiler au complet sur les Champs-Élysées le 18 juin 1945. « L’épopée de la Nueve prend fin en juillet 1945, à Voulx, lorsqu’elle est officiellement dissoute et que nous sommes démobilisés. C’est à ce moment là que le capitaine Dehen (qui a pris le commandement de la Nueve depuis avril 1945, date à laquelle le capitaine Raymond Dronne a été nommé commandant et appelé à d’autres fonctions) nous établit, pour Pedro et moi, des documents contresignés par le chef du corps d’armée, le lieutenant colonel Barboteu commandant le IIIe /RMT. (Doc 10 et 11) Il s’agit d’un état signalétique de nos services qui confirme notre changement de nom pour les nécessités de la guerre, nos campagnes : campagne de Tunisie, campagne de France et campagne d’Allemagne. Il y souligne aussi notre comportement courageux et irréprochable. Ce document doit nous permettre de retrouver notre véritable identité. Pour Pedro hélas, nous n’en saurons rien puisqu’il meurt tragiquement quelques mois plus tard mais moi, je devrais attendre jusqu’en 1972 pour que Solé Pladellorens soit reconnu enfin comme mon véritable nom. » (Doc 12)
Désertion et condamnation
Comble de l’absurdité de la machine aveugle, juridique et militaire: parti de la Légion étrangère, Miguel est rattrapé par les rouages d’une administration qui l’emprisonne et le mène au tribunal militaire pour « Désertion à l’intérieur en temps de guerre ». « C’est proprement incroyable mais un mandat d’arrêt contre moi court depuis le 28 février 1945. (doc 13) Il émane du tribunal militaire d’Oran. il sera exécuté en le 26 septembre 1946, date à laquelle je suis arrêté à mon domicile de Saint Denis et conduit à la prison de la Prévôté de la place de Paris.(doc 14 et 15) Il faudra l’intervention du directeur de la Maison des Anciens de la 2e DB auprès du président du tribunal, rappelant mes états de services dans l’armée Leclerc et demandant la bienveillance du tribunal envers mon inculpation pour désertion.(doc 16) pour que je sois relaxé définitivement en octobre 1946. (doc 17 doc 18), abasourdi encore de cette mésaventure qui n’aura pas touché que moi car nous étions nombreux dans ce cas, les Espagnols inculpés et décorés à la fois. »
Miguel Sole Pladellorens alias Francisco Cartells et son frère Pedro Sole Pladellorens alias Juan Cartells figurent parmi les survivants de la Nueve.
Pedro est né à Bruch (près de Terrasa province de Barcelone) le 13 mai 1911 décédé près de Rouen le 10 janvier 1946 (cimetière de Rouen Mont-Gargan, tombe 131 carré I2, bande n°5) Miguel est né à Bruch le 18 avril 1917, décédé à St-Denis le 11 mai 2000, Avant il a dû gagner sa vie et faire vivre sa famille. Il a exercé plusieurs métiers: – Du 19 novembre 1945 au 31 mars 1958, chef d’équipe puis contremaître à l’atelier de tissage chez Getting-Jonas-Titan à Epinay S/Seine. – Du 1er avril 1958 au 15 juillet 1960, Frigoriste chez « FRIGIDAIRE -Général Motors France » Sté S.O.V.E.M Paris. – De septembre 1960 à juin 1975, spécialiste de mise en service d’appareils frigorifique et gros éléctro-ménager, chez les Ets MOATTI Paris.
Documents joints