L’utopie en exil : une belle réussite !
Le 5 novembre nous avons inauguré à l’Institut Cervantès de Paris, notre exposition artistique : Quand l’art devient histoire !
Plus de 115 oeuvres exposées pour dire combien la Révolution espagnole et l’exil qui s’ensuivit ont marqué les esprits de toutes les générations, de manière intemporelle et indélébile.
Notre propos était de démontrer combien cet épisode sans équivalent dans l’histoire sociale populaire de l’Espagne, d’Europe et même du monde a imprégné, impressionné et impressionne toujours les créateurs et artistes de tout art. À travers des peintures, des sculptures, des dessins, des planches originales de bandes dessinées, des objets rendus vivants et libres par des mains de prisonniers et de prisonnières, 33 artistes nous ont invités à découvrir leur univers pour nous conter, à leur façon, la révolution espagnole, le bouleversement social qu’elle a générée, la guerre contre le fascisme européen, l’exil et la résistance à toute dictature. Ce 5 novembre, nous étions nombreux dans ce lieux inhabituel pour nous, qu’est l’institut Cervantès. Plus de 250 personnes sont venues admirer ce foisonnement de couleurs, de matière, et d’expression. Parmi cette foule, il y avait ceux qui enfants ou jeunes adolescents avaient passé la frontière des Pyrénées en février 1939. Heureux de pouvoir amener leur art au coeur même de l’Espagne, pouvoir s’exprimer à travers lui et dire enfin aux présents et à tous ceux qui l’entendront : « Nous rentrons chez nous! Mais nous ne venons pas seuls, nous apportons, pour vous raconter notre histoire jusqu’ici étouffée, notre art, nos créations qui parleront pour nous. Et mieux qu’un discours, elles seront l’expression de notre Liberté conquise au prix de celle de nos parents. Elles diront à toutes et tous enfin, combien ils ont résisté et comment leur idéal leur a survécu. » C’est ce que nous a dit avec tant de douceur José Torres (sculpteur, 94 ans, 14 ans quand il fait connaissance avec le sable des plages du Roussillon); Leonor Fabra, (86 ans, elle en a 6 quand elle passe la frontière avec ses parents) fille du sergent Fabra qui à Valence a empêché les militaires de sa caserne de se soulever. Ce fut aussi le message que Joan Jordà, 90 ans, (10 ans quand il se retrouve en camp d’internement, sa famille est éparpillée dans d’autres camps) nous a adressé de Toulouse, trop fatigué pour se déplacer, il a tenu participer par ses oeuvres à cette exposition, et à saluer l’ensemble des artistes et les membres de notre association. Toutes et tous, des plus âgés aux plus jeunes, ces artistes ont volontairement exposé dans cet espace, qui appartient au gouvernement espagnol, comme une victoire sur le silence et le mépris. L’utopie qui dès 1936 a guidé les actes de leurs ainés vers la construction d’une société plus juste, plus partageuse, cet idéal qui ne les a jamais abandonné tout au long de leur existence, ils ont souhaité les exposer ouvertement, sans censure ni retenue. Face aux représentants de ce gouvernement espagnol qui est le premier depuis 80 ans à s’intéresser à la mémoire de l’exil républicain: Socorro Prous Zaragoza, Directora División Coordinación Administrativa y Relaciones Institucionales.DG para la Memoria Histórica; Lorenzo Escuredo Castellanos, Vocal Asesor del Gabinete Técnico de la Subsecretaría, Ministerio de Justicia; et au directeur des lieux Sr Domingo García Cañedo, nous avons pu exprimer d’une part nos remerciements pour leur accueil et pour avoir faciliter la tenue de notre exposition et d’autre part nous avons exprimé nos inquiétudes quant à la politique mémorielle en Espagne où l’impunité des bourreaux reste entière et où les opposant au franquisme sont empêchés de porter plainte contre les auteurs des violences qu’ils ont subi. Tout comme Charo Arroyo, de la CGT memoria libertaria, à laquelle nous avions donné la parole le 24 août dernier et qui avait exprimé toute les craintes des acteurs de la mémoire historique en Espagne en disant ceci: « Elles (les puissance alliées) ont tourné le dos au projet des Républicains espagnols déterminés à poursuivre le combat et chasser Franco du pouvoir. Cette trahison nous a conduit à la situation qui existe aujourd’hui en Espagne. Après 40 ans de démocratie, ceux qui se sont battus pour la liberté et la démocratie restent sans reconnaissance, les fosses communes ne sont pas exhumées, les tortionnaires ne sont pas jugés et les victimes demandent toujours réparation. La loi de mémoire historique actuelle ne peut satisfaire ceux qui ont subi la répression en raison de leur appartenance à un syndicat, à un parti ou parce qu’ils demandaient simplement des droits. C’est une loi qui n’a pas servi à grand-chose et les gouvernements, même socialistes, n’ont pas accordé jusqu’à aujourd’hui l’attention nécessaire aux victimes du franquisme. » Elsa Osaba, à laquelle nous avons également donné la parole ce 5 novembre a déclaré: « je vis avec allégresse et une profonde émotion de pouvoir, participer à une exposition artistique à Paris, surtout qu’il s’agit d’une exposition à la mémoire de l’exil le plus dramatique de l’histoire de l’Espagne. (…) elle a fait le parallèle avec les réfugiés d’aujourd’hui: « Avec la crise en Syrie, la population courant affolée… ma mère revivait une grande douleur endormie mais pas oubliée et elle s’écria: Mais est-ce que les gouvernants n’ont rien appris de nous? Est-ce que nos souffrances n’ont servi à rien? En cette année, féconde en événements pour marquer les 80 ans de l’exil je remercie le gouvernement d’Espagne de ses efforts pour rendre hommage. Mais j’ai relevé à plusieurs reprises des erreurs: quand la Ministre de la justice a déclaré le 24 août que les hommes de la Nueve auraient approuvé la constitution de 1978 en Espagne, NON! Ces républicains luttèrent, moururent, s’exilèrent pour la meilleurs constitution qui soit : celle de 1931. Cette constitution de 78 qui reconnait la monarchie fut juste considérée comme un moindre mal. (…) De même, nous considérons comme une honte d’être contraints, de porter plainte par le truchement de l’Argentine contre les bourreaux franquistes. Enfin, nous réclamons la reconnaissance juridique de l’exil et de la déportation, afin que les membres des familles puissent procéder à l’exhumation de leurs parents, tombés en terre étrangère et les ramener dans leur village parmi les leurs, comme cela fut possible pour les morts de la division Azul [[division constituée par Franco pour apporter de l’aide à Hitler notamment durant la campagne en URSS.]] Elsa Osaba termina son intervention sur les paroles de Max Aub, [[1903-1972, Max Aub Mohrenwitz est un auteur, dramaturge et critique littéraire espagnol né Français. Né à Paris, sa famille juive dut s’exiler en Espagne où il se lia aux artistes espagnols dans les années vingt (Lorca, Picasso, Dali…). Nommé attaché culturel à Paris par la République, il est l’instigateur du Guernica de Picasso, et, cosigne le scénario de Sierra de Teruel, réalisé par Malraux au moment de la guerre d’Espagne. Réfugié comme beaucoup de Républicains en France, il est déporté par le gouvernement de Vichy dans le Sud de la France puis en Algérie. Il parviendra à rejoindre les exilés espagnols au Mexique en 1942]].: « Ceux que tu vois défaits, battus, furieux, abattus, mal rasés, non lavés, sales, fatigués, hargneux, dégoûtés, détruits, sont néanmoins, ne l’oublie pas, fils, ne l’oublie pas, quoi qu’il arrive, ce sont les meilleurs d’Espagne, les seuls qui se sont élevés sans rien, avec leurs mains, contre le fascisme, contre les militaires, contre les puissants, contre l’injustice, chacun à sa façon, sans se soucier de leur confort, de leur famille et de leur argent….Ce sont les meilleurs d’Espagne. Ne l’oublie jamais, fiston, ne l’oublie jamais! » Comme elle nous terminerons sur ces mots. PS: Cette exposition a reçu la visite de plusieurs groupes notamment des élèves d’un lycée de Chartres. C’est une des raisons d’existence de notre association d’occuper un rôle de passeur de mémoire. Nous pouvons considérer que nous sommes sur le chemin tracé par notre association.