Les combattants espagnols dans la Résistance
Comment échapper à son destin ?
Passées les premières stupeurs et déceptions d’un « accueil » plutôt hostile et douteux, l’immense majorité des républicains espagnols s’organisent et recréent leurs partis et syndicats. Ils regardent atterrés le fascisme monté en Europe et se doutent qu’ils ne sont pas à l’abri de ce qui se prépare. Traités comme ennemis et parias par le régime pétainiste, ils s’engagent massivement dans la lutte armée contre l’occupant nazi. C’est une question de survie pour beaucoup d’entre eux.
Après la capitulation de l’État français le 22 juin 1940, les Espagnols participeront, naturellement, aux premiers mouvements de résistance. C’est dans cette résistance que vont avoir lieu les premiers contacts vrais avec les Français qui partagent les mêmes conditions de lutte. L’expérience de la guerre civile leur donne une certaine organisation, une endurance, une combativité qui forcent l’admiration des Français et c’est sur eux que ces derniers vont compter pour les actions armées. Beaucoup tiennent un rôle militaire primordial. Ils se préoccupent également d’organiser des maquis en Espagne même, dans le but de bloquer Franco, s’il lui venait des velléités d’aider les forces de l’Axe, mais aussi pour préparer leur retour à une Espagne républicaine.
Prendre le maquis est non seulement un acte de conviction mais aussi un acte de survie, les Espagnols sont pourchassés et assassinés par la milice française et par l’occupant nazi, de la Gestapo à la Wehrmacht, notamment les dirigeants des partis et syndicats de gauche, les élus de la République. La menace se fait pressante, en 1942 Berlin demande à Vichy de lui livrer les réfugiés espagnols et les antifascistes italiens, ce qui est encore une raison supplémentaire pour entrer en clandestinité.
Les maquis investis par les combattants espagnols
Ils
s’intègrent à l’AS (Armée secrète), à l’ORA (Organisation de Résistance dans l’Armée) et relèvent des mouvements
« Combat », « Libération », « Franc-tireur » qui vont se regrouper dans les MUR (Mouvements Unis de Résistance) ou encore au sein des FTP-MOI (Francs tireurs partisans de la main-d’œuvre immigrée) d’obédience communiste comme Celestino Alfonso figure sur la fameuse « Affiche
Rouge » aux côtés de Manouchian et Luis Fernandez qui commande la fameuse 35e brigade FTP-MOI, près de Toulouse, composé surtout de juifs, d’anciens d’Espagne, d’Italiens. Redoutable groupe composée de jeunes gens étrangers téméraires, et désireux d’anéantir le fascisme.
– Certains maquis, se composent exclusivement de combattants espagnols. Ils sont dans les premiers à s’organiser et à passer à l’action, tel le réseau Ponzán à Toulouse, sous l’impulsion de Francisco Ponzán, plus connu sous le nom de François Vidal. Militant de la CNT. À partir de mai 1939, Vidal organise un réseau de passeurs d’hommes dans les Pyrénées pour faire sortir d’Espagne les militants en danger. Dès le début de la guerre, le groupe se met au service de la résistance et travaille activement avec l’Intelligence Service anglais et le Bureau central de renseignement et d’action (BCRA) de De Gaulle, mais aussi avec le réseau Sabot et le groupe Combat. Ce réseau permet l’évasion de 1 500 personnes dont plus de 700 aviateurs alliés et le passage de nombreux documents (sans compter tout ce qui sert la lutte antifranquiste). Le réseau couvre une zone qui va de Bruxelles à Lisbonne. Fait prisonnier en 1944 par la police française, Francisco Ponzán Vidal est livré aux Allemands et exécuté de manière à la veille de la libération.
– Ou encore le groupe de Ramon Villa Capdevilla, Caraquemada ou El Jabali. Militant de la CNT. Début 1939, il se réfugie en France, où il est interné au camp d’Argelès-sur-Mer. Il s’en échappe en 1940. Deux ans plus tard, il est de nouveau arrêté et interné dans la citadelle de Perpignan. Libéré, il met son expérience de spécialiste des explosifs au service de la Résistance, comme le 11 juin 1944, près de Périgueux où, avec deux cents maquisards, il s’empare d’un train blindé allemand. Il participe également, au sein du Batallón Libertad (composé en grande partie d’anarchistes espagnols) à la libération de Royan et de l’estuaire de la Gironde. Il est plus connu sous le surnom de « commandant Raymond ». Il commande deux cents résistants espagnols. Ce sont eux qui anéantissent la garnison Das Reich qui a massacré les habitants d’Oradour. Ramón Vila Capdevila meurt en 1963, lors d’une fusillade avec des franquistes, alors qu’il était un des meilleurs passeurs d’hommes de la CNT, membres des groupes d’action qui n’ont cessé de harceler le régime franquiste depuis 1945.
– Le groupe d’Arrau Saint Lary mené par José Cortés, comprend 60 hommes environ et s’unit aux FTP (Franc Tireurs Partisans). Ils s’organisent en unité de guérilla, héritée directement de l’armée républicaine comme la 9e brigade issue du 14e corps de guérilleros de l’armée républicaine, commandée par Ricardo Gonzalvo. Ces hommes comptent à leur actif de nombreux et importants actes de résistance.
– Voici une liste de maquis où la présence espagnole fut suffisamment importante voire majoritaire: le maquis de Dordogne, de la Montagne Noire, de Querigut (dans l’Aude), les maquis de l’Aveyron, du Pic Violent, de Savoie, les maquis du Lot, de Loches, de Belves, de l’Isère, de la Gouzette (Saint Girons), de Privas, les maquis du Cantal et de Corrèze, de Maleterne, de Bagnères, des Landes, du Rouergue, le Mont Mouchet, du Limousin, le maquis Bidon 5 et le maquis du Vercors et n’oublions pas le maquis du COFRA, du Barrage de l’Aigle, et Foix ; Les guérilleros de la 10e brigade, 2e Bataillon du maquis du « Col de Marie Blanque » Vallée d’Aspe, encerclement de Bedous. De nombreux antifascistes espagnols se trouvent aussi dans la résistance en Bretagne, en Gironde, dans le Massif central… Ils participèrent à la libération d’au moins 27 villes françaises (dont Annecy, Paris, Cahors, Foi, Bordeaux, Strasbourg, Périgueux, Royan, Toulouse…). Le bataillon Alsace Lorraine, commandée par le Colonel Berger (André Malraux) va être composé de beaucoup de combattants espagnols et d’anciens des brigades internationales : « Les 1 500 combattants volontaires, indisciplinés et équipés de vieilles Traction avant Citroën, de gazogènes et de GMC brinquebalants, vont faire souffler un vent d’Espagne sur cette brigade qui s’intègre dans la 1re Armée du général de Lattre de Tassigny qui la surnommera « la Brigade des trois cents pouilleux ». D’autres l’appelleront aussi « La Brigade très chrétienne du colonel Berger » en raison du grand nombre de prêtres, pasteurs et autres théologiens qui la composaient » .
– Le maquis du plateau des Glières en Haute Savoie (premier territoire français à se libérer le 19/08/1944)) où Les Républicains espagnols arrivent en 1940. Deux compagnies de travailleurs espagnols (515 et 517 CTE) affectés aux travaux des routes et assèchement des terrains, vont petit à petit s’égayer dans la nature. Ils vont aller clandestinement s’installer, avec des conditions très rudes, dans les chalets de montagne, pour échapper à la déportation en Allemagne. Ces hommes aguerris vont mettre leur connaissance de la Résistance au service de l’armée de l’ombre, sous la direction de Miguel Vera. Ils vont conquérir les cœurs et l’amitié de leurs compagnons, jusqu’aux chefs du 27e BCA qui leur accorderont une entière confiance. Ces « Diables d’Espagnols » vont avoir une place incontournable et prendre part aux combats les plus rudes. Leur implication sera importante, puisque Tom Morel le commandant du maquis du plateau décidera au 30 janvier 1944 de, monter avec 120 hommes, sur le plateau pour y réceptionner les parachutages d’armes de Londres. 56 de ces maquisards seront des Républicains espagnols.
À l’heure des comptes, les trahisons
Le 7 novembre 1942 à Toulouse sous la direction du PCE se crée l’UNE (Unión Nacional Española) pour prétend unir et diriger les maquisards espagnols, avec comme objectif, l’intervention contre le régime franquiste.
En contre pouvoir, le 9 septembre 1944, se crée l’ADE (Alianza democrática española), qui rassemble toutes les tendances politiques de l’exil, excepté les communistes, dont elle dénonce les exactions au sein de l’UNE. L’ADE conteste l’exclusivité de l’UNE et ses méthodes de disparitions et assassinats de maquisards espagnols d’autres tendances politiques (socialistes, anarchistes, POUM…).
À propos de la 35ème Brigade FTP-MOI, leurs actions étaient si intrépides et incontrôlables que le PCF les désavoua, leur préférant une histoire de la résistance plus… française.
Le colonel FFI Serge Ravanel, affirme que « la participation des Espagnols à la résistance fut considérable. Ils sont la part la plus importante de la résistance dans les Pyrénées orientales ». Pourtant il n’hésite pas à cautionner le transfert à l’UNE ou le désarmement d’unité de résistants espagnols comme les 350 hommes du commandant Santos du bataillon Libertad, qui refusent de rejoindre cette organisation, où ils risquent leur vie, par les pratiques courantes pour ceux qui contestent la ligne du PCE. En effet, ce groupe de résistants avertis a préféré sortir de l’UNE et intégrer les Forces françaises de l’intérieur (FFI).
Il faut souligner aussi le travail essentiel fait dans ce sens par José German Gonzalez, militant anarchiste de la région de Tarragone, commandant du maquis du Barrage de l’Aigle qui organisa, à travers les Groupes de travailleurs étrangers (GTE), l’entrée des cénétistes directement dans la résistance française
Monsieur Bénezech, membre du comité de la résistance, déclarera en reconnaissance aux résistants espagnols : « Combattants héroïques de la liberté, qui, partout, firent preuve du plus grand courage et payèrent un lourd tribu à la libération de notre pays » mais aucun responsable français ne tentera de leur apporter une aide pour libérer leur pays.